REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 6]
JUGEMENT N°24/03330 du 04 Septembre 2024
Numéro de recours: N° RG 21/01411 - N° Portalis DBW3-W-B7F-Y2AI
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [P] [J]
née le 07 Novembre 1982 à [Localité 17] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 4]
représentée par Me Antoine DONSIMONI, avocat au barreau de MARSEILLE
c/ DEFENDERESSE
S.A.S.U. [13]
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me François-Xavier DE ANGELIS, avocat au barreau de MARSEILLE
Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 7]
dispensée de comparaître
DÉBATS : À l'audience publique du 05 Juin 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente
Assesseurs : LEVY Philippe
TRAN VAN Hung
L’agent du grefe lors des débats : KALIMA Rasmia
L’agent du greffe lors du délibéré : MULLERI Cindy
À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Septembre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 29 novembre 2018, Madame [P] [J], salariée de la société [13] en qualité d'agent de service de propreté, a été victime d'un accident du travail décrit dans la déclaration effectuée par l'employeur comme suit : “ La salariée en tant rattaché une douleur à l'épaule au simple fait de passer le balai ”.
Le certificat médical initial établi le même jour par le Docteur [G] [V] mentionne une " névralgie cervico-brachiale gauche hyperalgique suite à un mouvement ".
Cet accident du travail a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire centrale d'assurance maladie (ci-après CPCAM) des Bouches-du-Rhône qui a déclaré l'état de Madame [P] [J] consolidé le 13 septembre 2021, lui attribuant un taux d'incapacité permanente partielle de 6 %.
Par courrier recommandé avec accusé de réception expédié le 27 mai 2021, Madame [P] [J] a, par l'intermédiaire de son conseil, saisi le tribunal judiciaire de Marseille, spécialement désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire, aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société [13], dans la survenance de l'accident du travail du 29 novembre 2018.
En suite d'une mise en état et d'une ordonnance de clôture rendue avec effet différé au 14 mai 2024, l'affaire a été retenue à l'audience de plaidoirie du 5 juin 2024.
Madame [P] [J], représentée par son conseil qui reprend oralement ses dernières conclusions, demande au tribunal de :
dire et juger qu'elle a été victime d'une faute inexcusable ou intentionnelle;condamner la société [13] à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de provision sur les préjudices personnels subis, en statuant ce que de droit sur la garantie des conséquences financières de la faute intentionnelle ou inexcusable ;désigner tel expert avec mission habituelle en la matière ;condamner la société [13] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que, s'agissant de la contestation du caractère professionnel de l'accident soulevée par l'employeur, la matérialité et les circonstances de l'accident sont établies par les pièces produites aux débats.
S'agissant de la demande de reconnaissance de faute inexcusable, elle indique que le jour de l'accident, elle a ressenti une douleur intense en réalisant une prestation de nettoyage des sols. Elle précise avoir été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 31 août 2018 au 5 octobre 2018 inclus, puis du 9 octobre 2018 au vendredi 9 novembre 2018, et avoir repris son travail le lundi 12 novembre 2018. Elle affirme qu'à son retour, l'employeur n'a pas organisé de visite médicale de reprise alors même qu'elle lui avait transmis deux courriers de deux médecins différents préconisant la nécessité de la faire examiner par le médecin du travail dans le but d'un éventuel aménagement de son poste. Elle en conclut que la négligence de l'employeur a entrainé son accident du travail et qu'il avait nécessairement conscience du risque auquel elle était exposée.
La société [13], représentée à l'audience par son conseil, soutient oralement ses écritures et demande au tribunal de :
À titre principal :
lui déclarer inopposable la décision de la CPAM de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu le 29 novembre 2018,En conséquence :
débouter Madame [J] de ses demandes ;En tout état de cause :
constater que Madame [J] ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable dans la survenance de l'accident intervenu le 29 novembre 2018;En conséquence :
débouter Madame [J] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable ;la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;débouter la CPAM de sa demande d'action récursoire à son encontre ;condamner Madame [J] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;À titre subsidiaire :
prendre acte de ce qu'elle formule toutes protestations et réserves sur la demande d'expertise médicale formulée par Madame [J] ;ordonner une mission d'expertise conforme à la spécificité de la faute inexcusable en tenant compte des réserves exposées au motif des présentes écritures ;débouter Madame [J] de ses demandes indemnitaires ;dire n'y avoir lieu à indemnité de procédure au profit de Madame [J].
Au soutien de ses prétentions, la société [13] conteste le caractère professionnel de l'accident au motif que la preuve de la caractérisation d'un événement soudain n'est pas rapportée. Elle fait par ailleurs valoir que les circonstances de l'accident ne sont pas établies. Elle ajoute qu'aucune preuve n'est rapportée consacrant le lien de causalité entre le défaut de visite médicale de reprise et la réalisation de l'accident. Elle affirme enfin que l'employeur ne peut avoir eu connaissance d'un quelconque danger concernant la réalisation d'une tâche habituelle au motif que la tâche réalisée par Madame [P] [J] lors de l'accident ne présente aucun risque particulier pour la santé des salariés. Elle soutient que la salariée avait déjà bénéficié d'arrêts de travail en relation avec la même pathologie, sans que le caractère professionnel ne soit soulevé. Elle considère enfin que Madame [P] [J] est victime, selon ses termes, d'une " condition médicale " qui n'est pas en relation avec son activité professionnelle de sorte qu'il ne peut être caractérisé un manquement à son obligation de sécurité.
La CPCAM des Bouches du Rhône, dispensée de comparaître, indique aux termes de ses écritures régulièrement communiquées aux parties avant l'audience que, s'agissant de la demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge par la caisse formulée par l'employeur, la seule conséquence est l'absence de toute faute inexcusable de celui-ci. Elle s'en rapporte à l'appréciation du tribunal quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et demande que la société [13] soit expressément condamnée à lui rembourser la totalité des sommes dont elle serait tenue d'assurer par avance le paiement, si la faute inexcusable était reconnue.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et leurs moyens.
L'affaire est mise en délibéré au 4 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande en inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle
L'employeur sollicite du tribunal qu'il lui déclare inopposable la décision prose par l'organisme sociale de prise en charge de l'accident survenu le 29 novembre 2018 au titre de la législation professionnelle.
Hors le cas d'une décision passée en force de chose jugée entre la caisse et l'employeur ayant décidé que l'accident de travail ou la maladie n'avait pas de caractère professionnel, faisant obstacle à ce que l'organisme de sécurité sociale recouvre à l'encontre de ce dernier le montant de la majoration de rente et indemnités allouées à la victime en raison de la faute inexcusable de celui-ci, l'employeur n'est pas recevable à contester à la faveur de cette instance et en défense à l'action récursoire de la caisse, l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par conséquent, cette demande sera rejetée comme étant irrecevable.
Sur le caractère professionnel de l'accident et les circonstances
Il ressort des articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que pour engager la responsabilité de l'employeur, la faute inexcusable doit être la cause nécessaire de la maladie professionnelle dont est atteint le salarié ou de l'accident dont il a été la victime.
Il résulte par ailleurs du principe de l'indépendance des rapports entre la victime, la caisse et l'employeur, que ce dernier reste fondé, nonobstant la reconnaissance faite par la caisse qui concerne les rapports caisse-salarié, à contester le caractère professionnel de l'accident ou de la pathologie dont a été victime son salarié en défense à l'action en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur engagée par ce dernier à son égard.
La société [13] conteste dans les motifs de ses écritures le caractère professionnel de l'accident en cause au motif pris de l'absence de preuve de la matérialité de l'accident allégué eu égard en particulier au caractère indéterminé des circonstances de survenue dudit accident et à l'absence de témoin.
L'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, qu'elle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Il ressort de la jurisprudence applicable que constitue un accident du travail un évènement ou une série d'évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle, étant rappelé qu'il appartient au salarié d'établir la matérialité de l'évènement allégué. La preuve de la matérialité ne peut résulter que d'un ensemble de présomptions sérieuses, graves et concordantes. Les seules déclarations du salarié sur l'accident qu'il a subi sont, en principe, insuffisantes pour établir le caractère professionnel de l'accident.
***
En l'espèce, la déclaration d'accident du travail régularisée par l'employeur le 3 décembre 2018 fait état d'un accident survenu le 29 novembre 2018 à 18h30 dans les circonstances suivantes :
" Nature de l'accident : la salariée en tant rattaché une douleur à l'épaule au simple fait de passer le balai ;
Siège des lésions : épaule gauche ;
Nature des lésions : douleur ".
Cette déclaration précise que l'accident a été connu par les préposés le 29 novembre 2018 à 19h00, soit une demi-heure après la survenance du fait accidentel.
Aucun témoin n'est indiqué sur la déclaration d'accident du travail.
Il y a toutefois lieu de relever que l'absence de témoin ne fait pas en soi échec à la reconnaissance d'un accident du travail dès lors que la preuve de cet accident est suffisamment rapportée par d'autres éléments.
L'employeur a émis les réserves suivantes : " En l'absence de fait accidentel soudain et traumatique nous émettons des réserves et sollicitons l'avis du médecin conseil ".
Le certificat médical initial a été dressé le jour de l'accident par le Docteur [G] [V] qui a constaté une " névralgie cervico-brachiale gauche hyperalgique suite à un mouvement ". Ces lésions correspondent à celles décrites dans la déclaration d'accident du travail et sont compatibles avec celles subies à la suite des tâches habituelles de la salariée consistant en la réalisation d'une prestation d'entretien et de nettoyage des sols.
Les déclarations de l'employeur relatives aux circonstances de l'accident du travail du 29 novembre 2018 correspondent aux déclarations faites par Madame [P] [J].
En effet, le questionnaire assuré précise les causes et circonstances de l'accident comme suit : " (…) je fais le box numéro 10 j'ai tout en nettoyage pour la fermeture et au moment où je passe le balai avec la serpillère à la moitié du nettoyage du sol, mon bras gauche reste bloqué avec le cou avec une douleur à mourir qui me font hurler (…)par suite l'agent du service qui travaille avec moi est intervenu, l'infirmière [D] accompagnée du reste du service " infirmière aide-soignante " qui m'ont fait les premiers soins, qui par la suite ont fait intervenir la cadre de garde avec un interne de garde après m'avoir examiné a fait intervenir les pompiers (…) ".
Madame [P] [J] produit également une attestation d'intervention du bataillon des marins-pompiers de [Localité 17] en date du 25 janvier 2019, laquelle précise : " (…) le bataillon de marins pompiers a été alerté le 29 novembre 2018, à 18H13, [Adresse 9], [Adresse 16], [Localité 3] pour :
" SECOURS A PERSONNE BLESSEE SUR SON LIEU DE TRAVAIL "
La victime assistée, madame [P] [J], âgée de 36 ans, a été transportée à l'hôpital de [18] ".
Il résulte de ces éléments que les déclarations de l'assurée sur la survenue d'une névralgie cervico-brachiale gauche au temps et au lieu du travail sont corroborées par les mentions apportées par l'employeur lui-même sur ladite déclaration et l'établissement le même jour d'un certificat médical initial constatant des lésions compatibles avec le fait accidentel.
Les circonstances de l'accident sont donc parfaitement déterminées et le caractère professionnel de l'accident est établi.
Dans ces conditions, il sera considéré que Madame [P] [J] rapporte la preuve d'un évènement soudain dont il est résulté une lésion corporelle dont elle a été victime le 29 novembre 2018.
Sur la faute inexcusable de l'employeur
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation légale de sécurité et de protection de la santé, notamment en ce qui concerne tant les accidents du travail que les maladies professionnelles
L'employeur a, en particulier, l'obligation de veiller à l'adaptation de ces mesures de sécurité pour tenir compte des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Il doit éviter les risques et évaluer ceux qui ne peuvent pas l'être, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants. Les articles R. 4121-1 et R. 4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452 1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident du salarié. Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.
Il incombe au demandeur de rapporter la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, étant rappelé que la simple exposition au risque ne suffit pas à caractériser la faute inexcusable de l'employeur et qu'aucune faute ne peut être établie lorsque l'employeur a pris toutes les mesures en son pouvoir pour éviter l'apparition de la lésion compte tenu de la conscience du danger qu'il pouvait avoir.
Enfin, la conscience du danger exigée de l'employeur est analysée in abstracto et ne vise pas une connaissance effective de celui-ci. En d'autres termes, il suffit de constater que l'auteur " ne pouvait ignorer " celui-ci ou " ne pouvait pas ne pas [en] avoir conscience " ou encore qu'il aurait dû en avoir conscience. La conscience du danger s'apprécie au moment ou pendant la période de l'exposition au risque.
Sur la conscience du danger
Conformément à l'article R. 4624-31 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
1° Après un congé de maternité ;
2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.
Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.
L'article R. 4624-32 du même code dans sa rédaction applicable au présent litige précise par ailleurs que l'examen de reprise a pour objet :
1° De vérifier si le poste de travail que doit reprendre le travailleur ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé ;
2° D'examiner les propositions d'aménagement ou d'adaptation du poste repris par le travailleur ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises le cas échéant par le médecin du travail lors de la visite de pré reprise ;
3° De préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du travailleur ;
4° D'émettre, le cas échéant, un avis d'inaptitude.
***
Madame [P] [J] estime que l'employeur avait conscience du danger en ne procédant pas à l'organisation d'une visite médicale de reprise alors qu'elle lui avait transmis lors de sa reprise deux courriers de deux médecins ayant conclu à la nécessité de la faire examiner par le médecin du travail.
Au soutien de ses prétentions, elle produit un arrêt de travail initial en date du 31 août 2018 ainsi qu'un arrêt de travail initial en date du 9 octobre 2018 faisant état d'une " névralgie cervico-brachiale ".
Elle produit par ailleurs un courrier du Docteur [C] [S], chirurgien orthopédique, daté du 5 octobre 2018 à l'attention du médecin du travail précisant: " (…) J'ai vu Mme [J] pour des névralgies cervico-brachiales. Elle va nettement mieux, et doit pouvoir reprendre le travail. Il serait souhaitable qu'elle ait un poste aménagé l'exemptant de port de charges lourdes, et de travaux répétés bras élevés au-dessus de 90°. Merci de ce que vous ferez pour elle ".
Elle verse également aux débats un courrier du Docteur [R] [U], neurochirurgien, en date du 5 novembre 2018, à l'attention du docteur [G] [V], lequel indique : " (…) Je revois ce jour Madame [P] [J], née le 07/11/1982 ASH. Elle va beaucoup mieux. Elle a été biopsiée au niveau d'une tuméfaction des parties molles cervicales rétro-articulaires. Elle va beaucoup mieux et ne présente plus de douleur cervico-brachiale à droite. Le scanner est plutôt très rassurant par rapport aux données de l'IRM. Elle peut donc reprendre son activité professionnelle. Bien sûr, il existe une contre-indication au port de charges lourdes et il faut qu'elle épargne son rachis cervical au maximum. Je lui conseille éventuellement de faire le point avec la médecine du travail ".
Elle produit enfin un courrier daté du 12 décembre 2018, soit après la survenue de l'accident, à l'attention de son employeur, lequel précise : " (…) Comme vous ne l'ignorez pas, j'ai été en arrêt maladie à compter du 31 août 2018 jusqu'au 10 septembre 2018, prolongée jusqu'au 5 octobre 2018, puis en arrêt à partir du 9 octobre 2018 jusqu'au 20 octobre 2018, prolongée jusqu'au 9 novembre 2018.
A cette date, j'ai repris sans que vous ne procédiez, contrairement à vos obligations, à une convocation à la visite de reprise, et ce alors que je portais à votre connaissance les certificats du Docteur [R] [U] en date du 5 novembre 2018, du Docteur [S] du 5 octobre 2018, faisant état de difficultés quant au port de charges lourdes et de certaines postures, ce qui à l'évidence, aurait du entrainer de la part du médecin du travail des réserves dans le cadre d'un nécessaire aménagement de poste (…) ".
En l'espèce, lors de son accident, Madame [P] [J] occupait les fonctions d'agent de service de propreté au sein de l'[Adresse 16]. Ses fonctions comprenaient notamment la réalisation de prestations d'entretien courant manuel telles que dépoussiérage, lavage, séchage et désinfection sur tous types de sols et de mobilier.
Madame [P] [J] s'est vu prescrire un arrêt de travail pour maladie non professionnelle à compter du 31 août 2018 jusqu'au 10 septembre 2018, prolongé jusqu'au 5 octobre 2018 pour une " névralgie cervico-brachiale ", soit une absence de trente-six jours.
Madame [P] [J] a repris son poste le 8 octobre 2018 et s'est vu à nouveau prescrire un arrêt de travail à compter du 9 octobre 2018 jusqu'au 20 octobre 2018, prolongé jusqu'au 9 novembre 2018.
Le lundi 12 novembre 2018, Madame [P] [J] a repris son poste jusqu'au 29 novembre 2018, jour de l'accident.
Compte-tenu des arrêts de travail de la salariée et des deux courriers des Docteurs [S] et [U] dont la société ne conteste pas ne pas en avoir eu connaissance, il apparaît que la société [13] était informée de l'état de santé de la salariée.
Les caractéristiques du poste de la salariée étaient connues comme étant des missions en lien avec le port de charges lourdes et des postures et mouvements répétés.
La société [13] n'apporte aucun élément contredisant les dires de Madame [P] [J] selon lesquels aucune visite de reprise à son retour n'a été organisée.
Au contraire, elle confirme que Madame [P] [J] n'a pas bénéficié de cette visite conformément aux dispositions légales, mais soutient qu'elle ne démontre pas en quoi cette absence de visite médicale de reprise a pu avoir un impact sur l'accident du travail dont s'agit.
En toute hypothèse, s'agissant de la conscience du risque de la société [13], force est de constater qu'elle n'a pas hésité à faire reprendre le travail à sa salariée sans visite de reprise alors qu'elle soutient par ailleurs que " Madame [J] avait déjà bénéficié d'arrêts de travail en relation avec la même pathologie ", ce qui devait nécessairement conduire l'employeur, d'une part, à organiser la visite de reprise et, d'autre part, à s'assurer, par l'intermédiaire du médecin du travail et de lui seul, de la compatibilité de l'état de Madame [P] [J] avec la reprise de son poste.
Il est donc suffisamment établi que la société [13] avait conscience, ou aurait dû avoir conscience, du risque auquel était exposé Madame [P] [J].
Sur le lien de causalité entre le manquement et le dommage
L'employeur estime qu'il n'est pas établi de lien entre l'absence de visite médicale de reprise et la survenue de l'accident du travail.
Or, la visite médicale était précisément de nature à mettre en évidence une possible contre-indication à la reprise du travail et/ou la nécessité de l'aménagement du poste et, en tout état de cause, un possible risque lié à l'état physique de la salariée.
Il convient par ailleurs de relever l'existence d'une similitude de lésions entre celles qui ont justifié les arrêts maladie et celles qui ont résulté de l'accident du travail soit des névralgies cervico-brachiales.
Dès lors, l'ensemble de ces éléments suffit à retenir l'existence d'un lien de causalité entre l'absence de visite médicale de reprise et l'accident du travail, étant rappelé qu'il n'est pas exigé que le manquement de l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident mais qu'il suffit que la faute soit une cause nécessaire du dommage.
Sur l'absence de mesures prises par l'employeur
Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 du code du travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L. 4121-2 du même code précise que l'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
***
Madame [P] [J] soutient qu'en l'absence d'organisation de visite médicale de reprise, il n'a pas été possible de s'assurer qu'elle était médicalement apte à son poste, de la sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre et le cas échéant de lui proposer des aménagements du poste ou une affectation sur d'autres postes.
En l'espèce, la société [13] ne produit strictement aucune pièce.
Il résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail susvisé que l'employeur, tenu d'une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.
Il s'ensuit que la société [13] ne peut laisser une salariée reprendre son travail après une période d'absence d'au moins trente jours pour cause de maladie non professionnelle sans la faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi ou la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la société [13] n'a pas pris les mesures adéquates pour préserver la santé de Madame [P] [J] et la faute inexcusable de la société [13] sera retenue.
Sur les conséquences de la faute inexcusable
Sur la demande d'expertise
Conformément à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident ou la maladie est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
Aux termes de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, " indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ".
Selon la décision du Conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime peut demander à celui-ci réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
En outre, par quatre arrêts rendus le 4 avril 2012, la Cour de cassation a précisé l'étendue de la réparation des préjudices due à la victime d'un accident du travail en cas de faute inexcusable de son employeur.
Il en résultait que la victime ne pouvait pas prétendre à la réparation des chefs de préjudices suivants déjà couverts :
Le déficit fonctionnel permanent (couvert par L. 431-1, L. 434-1 et L. 452-2) ;Les pertes de gains professionnels actuelles et futures (couvertes par les articles L. 431 1 et suivants, et L. 434-2 et suivants) ;L'incidence professionnelle indemnisée de façon forfaitaire par l'allocation d'un capital ou d'une rente d'accident du travail (L. 431-1 et L. 434-1) et par sa majoration (L. 452-2) ;L'assistance d'une tierce personne après consolidation (couverte par l'article L. 434 2 alinéa 3) ;Les frais médicaux et assimilés, normalement pris en charge au titre des prestations légales.
En revanche, la victime peut notamment prétendre à l'indemnisation, outre celle des chefs de préjudice expressément visés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :
Du déficit fonctionnel temporaire, non couvert par les indemnités journalières qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire ;Des dépenses liées à la réduction de l'autonomie, y compris les frais de logement ou de véhicule adapté, et le coût de l'assistance d'une tierce personne avant consolidation ;Du préjudice sexuel, indépendamment du préjudice d'agrément.
Jusqu'en 2023, la Cour de cassation jugeait en effet de manière constante que la rente prévue par le code de la sécurité sociale versée aux victimes de maladie professionnelle ou d'accident du travail en cas de faute inexcusable de l'employeur, indemnisait tout à la fois la perte de gain professionnel, l'incapacité professionnelle et le déficit fonctionnel permanent (le handicap dont vont souffrir les victimes dans le déroulement de leur vie quotidienne). Pour obtenir de façon distincte une réparation de leurs souffrances physiques et morales, ces victimes devaient rapporter la preuve que leur préjudice n'était pas déjà indemnisé au titre de ce déficit fonctionnel permanent.
Par deux arrêts du 20 janvier 2023, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a opéré un revirement de jurisprudence en décidant non seulement que les souffrances physiques et morales endurées après consolidation pourront dorénavant faire l'objet d'une réparation complémentaire, mais également que la rente versée par la caisse de sécurité sociale aux victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle n'indemnise pas leur déficit fonctionnel permanent.
Dès lors que le déficit fonctionnel permanent n'est plus susceptible d'être couvert en tout ou partie par la rente ou le capital et donc par le livre IV du code de sécurité sociale, il peut faire l'objet d'une indemnisation, compte-tenu de la réserve d'interprétation posée par le conseil constitutionnel et rappelée ci-dessus, selon les conditions de droit commun.
Par conséquent, le taux d'incapacité permanente partielle sert pour la majoration de la rente en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et le déficit fonctionnel permanent ainsi que le taux retenu pour l'évaluer relèvent désormais de l'application du droit commun, étant rappelé que ce poste de préjudice répare les incidences du dommage qui touchent exclusivement la sphère personnelle de la victime.
Ainsi, il sera ordonné l'évaluation et l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent de Madame [P] [J].
L'évaluation des préjudices nécessitant dans le cas d'espèce une expertise médicale, elle sera ordonnée en application de l'article R. 142-16 du code de la sécurité sociale, selon les modalités précisées dans le dispositif du présent jugement.
Il convient de rappeler, s'agissant du préjudice d'agrément, que l'expert pourra caractériser l'impossibilité de pratiquer de manière régulière une activité sportive ou de loisir du fait de l'accident du travail, et il appartiendra le cas échéant à Madame [P] [J] de rapporter la preuve de la pratique régulière de cette activité avant la survenance de son accident.
La CPCAM des Bouches-du-Rhône fera l'avance des frais d'expertise en application des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Sur la demande de provision
Madame [P] [J] formule une demande provisionnelle à hauteur de 10.000 euros mais ne verse aux débats aucune pièce consécutive à l'accident du travail dont elle a été victime.
Il y a toutefois lieu de relever qu'elle n'a été consolidée que le 13 septembre 2021 soit près de trois ans après l'accident du travail.
Ces éléments justifient d'allouer à Madame [P] [J] une provision d'un montant de 4.000 euros dont la CPCAM des Bouches-du-Rhône assurera l'avance en application de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale.
Sur l'action récursoire de la CPCAM des Bouches-du-Rhône
En application des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.
En l'espèce, la CPCAM des Bouches-du-Rhône est donc fondée à recouvrer à l'encontre de la société [13] le montant de la provision ci-dessus accordée, des indemnisations complémentaires qui seront éventuellement accordées postérieurement, et du coût de l'expertise.
Sur les demandes accessoires
L'équité commande de condamner la société [13] à verser à Madame [P] [J] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
S'agissant des décisions rendues en matière de sécurité sociale, l'exécution provisoire est facultative, en application de l'article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.
Compte-tenu de la nature et de l'ancienneté des faits, le tribunal ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.
La société [13], qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
DIT que l'accident du travail dont a été victime Madame [P] [J] le 29 novembre 2018 est dû à la faute inexcusable de la société [13] ;
Avant-dire droit sur la liquidation des préjudices subis par Madame [P] [J] :
ORDONNE une expertise judiciaire aux frais avancés de la CPCAM des Bouches-du-Rhône et commet pour y procéder le Docteur [F] [T] ([Adresse 11] - [Localité 12] - Tél : [XXXXXXXX01] - Fax : [XXXXXXXX02] - Mèl : [Courriel 15]), Expert judiciaire, inscrit sur la liste établie près la cour d'appel d'Aix-en-Provence et qui pourra s'adjoindre tout sapiteur de son choix avec mission de :
Convoquer les parties et recueillir leurs observations ;
Se faire communiquer par les parties tous documents médicaux relatifs aux lésions subies, en particulier le certificat médical initial ;
Fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime et sa situation familiale, son niveau d'études ou de formation, sa situation professionnelle antérieure et postérieure à l'accident ;
Procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé de Madame [P] [J] en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par elle en décrivant un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles ;
Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec les lésions occasionnées par l'accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles ; si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux ;
Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation), du fait des lésions, de leur traitement, de leur évolution et des séquelles ; les évaluer selon l'échelle de sept degrés ;
Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique temporaire (avant consolidation), le décrire précisément et l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés ;
Décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire avant consolidation est alléguée, indiquer si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire en décrivant avec précision les besoins (nature de l'aide apportée, niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne ou hebdomadaire) ;
Lorsque la nécessité de dépenses liées à la réduction de l'autonomie (frais d'aménagement du logement, frais de véhicule adaptés, aide technique, par exemple) sont alléguées, indiquer dans quelle mesure elles sont susceptibles d'accroître l'autonomie de la victime ;Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent :Dans l'affirmative chiffrer, par référence au " Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun " le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l'accident ou la maladie, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation ; le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation ;Dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation;Dire si des douleurs permanentes existent et comment elles ont été prises en compte dans le taux retenu ;Décrire les conséquences de ces altérations permanentes et de ces douleurs sur la qualité de vie de la victime ;Lorsque la nécessité de dépenses liées à la réduction de l'autonomie (frais d'aménagement du logement, frais de véhicule adaptés, aide technique, par exemple) sont alléguées, indiquer dans quelle mesure elles sont susceptibles d'accroître l'autonomie de la victime ;
Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique permanent ; le décrire précisément et l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit ;
Lorsque la victime allègue un préjudice d'agrément, à savoir l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques sportives ou de loisir, ou une limitation de la pratique de ces activités, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;
Dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l'acte sexuel proprement dit (difficultés, perte de libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;
Lorsque la victime allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances et les analyser, étant rappelé que pour obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, la victime devra rapporter la preuve que de telles possibilités préexistaient ;
Lorsque la victime allègue une impossibilité de réaliser un projet de vie familiale " normale " en raison de la gravité du handicap permanent dont elle reste atteinte après sa consolidation, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;
Établir un récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission;
RAPPELLE que la consolidation de l'état de santé de Madame [P] [J] a été fixée par la CPCAM des Bouches-du-Rhône au 13 septembre 2021 et qu'il n'appartient pas à l'expert de se prononcer sur ce point ;
DIT que la CPCAM des Bouches-du-Rhône devra faire l'avance des frais d'expertise ;
DIT que l'expert pourra s'entourer de tous renseignements utiles auprès notamment de tout établissement hospitalier où la victime a été traitée sans que le secret médical ne puisse lui être opposé ;
DIT que l'expert rédigera, au terme de ses opérations, un pré-rapport qu'il communiquera aux parties en les invitant à présenter leurs observations dans un délai maximum d'un mois ;
DIT qu'après avoir répondu de façon appropriée aux éventuelles observations formulées dans le délai imparti ci-dessus, l'expert devra déposer au greffe du pôle social du tribunal judiciaire un rapport définitif en double exemplaire dans le délai de huit mois à compter de sa saisine ;
DIT que l'expert en adressera directement copie aux parties ou à leurs conseils;
FIXE à la somme de 4.000 euros la provision qui sera versée à Madame [P] [J] par la CPCAM des Bouches-du-Rhône ;
DIT que la CPCAM des Bouches-du-Rhône versera directement à Madame [P] [J] les sommes dues au titre de l'indemnisation complémentaire;
DIT que la CPCAM des Bouches-du-Rhône pourra recouvrer le montant des indemnisations à venir ainsi que du coût de l'expertise auprès de la société [13] et CONDAMNE cette dernière à ce titre ;
CONDAMNE la société [13] à verser à Madame [P] [J] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;
CONDAMNE la société [13] aux dépens de l'instance;
DIT que tout appel de la présente doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois suivant la réception de sa notification.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE