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02/09/2024 | FRANCE | N°18/00663

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, Ctx protection sociale, 02 septembre 2024, 18/00663


TRIBUNAL JUDICIAIRE

de MEAUX

Pôle Social


Date : 02 septembre 2024

Affaire :N° RG 18/00663 - N° Portalis DB2Y-W-B7C-CBKEK

N° de minute : 24/00515





RECOURS N° :
Le



Notification :

Le

A
1 CCC à Me ABDOU
1 CCC à Me BAUDIN-VERVAECKE

JUGEMENT RENDU LE DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE


PARTIES EN CAUSE


DEMANDEUR

Monsieur [A] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Nathalie BAUDIN-VERVAECKE de la SELARL BAUDIN VERVAECKE, avocats

au barreau de MEAUX,

DEFENDERESSES

Société [7]
[Adresse 5]
[Localité 2]

représentée par Maître ABDOU ASSOCIE CABINET, avocat au barreau de Lyon , substitué par Maître Solène BERTA...

TRIBUNAL JUDICIAIRE

de MEAUX

Pôle Social

Date : 02 septembre 2024

Affaire :N° RG 18/00663 - N° Portalis DB2Y-W-B7C-CBKEK

N° de minute : 24/00515

RECOURS N° :
Le

Notification :

Le

A
1 CCC à Me ABDOU
1 CCC à Me BAUDIN-VERVAECKE

JUGEMENT RENDU LE DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDEUR

Monsieur [A] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Nathalie BAUDIN-VERVAECKE de la SELARL BAUDIN VERVAECKE, avocats au barreau de MEAUX,

DEFENDERESSES

Société [7]
[Adresse 5]
[Localité 2]

représentée par Maître ABDOU ASSOCIE CABINET, avocat au barreau de Lyon , substitué par Maître Solène BERTAULT ,avocat au barreau de MEAUX

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE ET MARNE
[Localité 4]

représentée par Madame [G] [D] agent audiencier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DE L’AUDIENCE

Présidente : Madame Murielle PITON, Juge

Assesseur : Madame Cristina CARRONDO,
Assesseur : Monsieur Didier AOUIZERATE,
Greffier : Madame Emilie NO-NEY lors des débats et Madame Diara DIEME ,adjointe Administrative faisant fonction Greffier lors du délibéré.

DÉBATS

A l'audience publique du 10 juin 2024.

=====================
EXPOSE DU LITIGE

Le 16 septembre 2016, Monsieur [A] [I], exerçant la fonction de facteur au sein de la société [7], a été victime d'un accident déclaré comme suit : " activité de la victime lors de l'accident : distribution / nature de l'accident : accident de la circulation. En circulant dans la rue [Adresse 6] en scooter, Monsieur [I] [A] a glissé sur des gravillons. / siège des lésions : mains et poignets (droit). / nature des lésions : fracture."

Le certificat médical initial établi le même jour mentionne une " fracture extrémité inférieur radius poignet droit ".

Le caractère professionnel de cet accident a été reconnu par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne (ci-après la Caisse) le 28 septembre 2016.

Par courrier du 14 mai 2018, Monsieur [I] a saisi la Caisse d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. En l'absence de conciliation entre les parties, la Caisse a notifié à Monsieur [I], par courrier du 26 septembre 2018, les voies de recours dont il disposait.

Par courrier reçu le 22 octobre 2018, Monsieur [I] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de l'accident du travail du 16 septembre 2016. En application des lois n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et n° 2019-222 du 23 mars 2019, le contentieux relevant initialement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux a été transféré au tribunal de grande instance de Meaux, devenu le 1er janvier 2020 tribunal judiciaire de Meaux, spécialement désigné aux termes de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 12 octobre 2020.

Dans ses conclusions, déposées le 24 juillet 2020, la Caisse :

- s'en remet à la sagesse du tribunal s'agissant de la reconnaissance de la faute inexcusable, de la fixation des éventuels préjudices extra-patrimoniaux et de la majoration de la rente ;
- demande au tribunal de débouter Monsieur [I] de sa demande d'expertise concernant le poste de préjudice relatif à la fixation d'un taux d'incapacité, mette les frais d'expertise à la charge définitive de l'employeur ou son mandataire, condamne [7] ou son mandataire à lui rembourser le montant des sommes dont elle est condamnée à faire l'avance en application des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Par jugement rendu le 23 novembre 2020, le tribunal a notamment :

- Déclaré Monsieur [I] recevable en son action ;
- Dit que l'accident du travail dont Monsieur [I] a été victime le 16 septembre 2016 est dû à une faute inexcusable de la société [7], son employeur ;
- Ordonné la majoration au montant maximum de la rente versée en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;
- Dit que la majoration de la rente servie en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité attribué ;
- Avant-dire droit, sur la liquidation des préjudices subis par Monsieur [I] ordonné une expertise judiciaire et désigné Monsieur [C] [B] pour y procéder ;
- Dit que la Caisse fera l'avance de la consignation et des frais d'expertise ;
- Dit que la Caisse versera directement à Monsieur [I] les sommes dues au titre de la majoration de la rente et de l'indemnisation complémentaire ;
- Dit que la Caisse pourra recouvrer le montant des indemnisations à venir, provision et majoration accordées à Monsieur [I] à l'encontre de la société [7] et condamné cette dernière à ce titre, ainsi qu'au remboursement du coût de l'expertise ;
- Condamné la société [7] à verser à Monsieur [I] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de changement d'expert rendue le 27 septembre 2021, Monsieur [N] [H] a été désigné pour remplacer Monsieur [B], empêché. Par ordonnance de changement d'expert rendue le 28 octobre 2021, Monsieur [J] [F] a été désigné pour remplacer Monsieur [H], empêché.

L'expert a déposé le 16 août 2022 son rapport du 19 juillet 2022 et retient une date de consolidation au 9 octobre 2017.

L'affaire a été rappelée à l'audience du 7 novembre 2022 et renvoyée à celle du 11 avril 2023.

Par jugement avant-dire droit rendu le 15 mai 2023, le tribunal a notamment:

- Ordonné un complément d'expertise ;
- Désigné pour y procéder Monsieur [J] [F], avec pour mission de chiffrer le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation ;

- Dit que la Caisse fera l'avance des frais d'expertise ;
- Condamné la société [7] au remboursement du coût du complément d'expertise ;
- Sursis à statuer sur l'ensemble des demandes indemnitaires ;
- Réservé les dépens.

L'expert a déposé le 18 janvier 2024 son rapport du 29 décembre 2023.

Dans ses dernières conclusions, visées à l'audience du 10 juin 2024, Monsieur [I] demande au tribunal :

- d'ordonner la réparation de ses préjudices issus de son accident de travail du 16 septembre 2016 comme suit :
o 2 036,25 euros d'aide par tierce personne ;
o 1 232,50 euros de déficit fonctionnel temporaire ;
o 16 280 euros de déficit fonctionnel permanent ;
o 30 000 euros de perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle ;
o 6 000 euros de souffrances endurées ;
o 4 000 euros de préjudice esthétique temporaire ;
o 2 000 euros de préjudice esthétique permanent ;
o 5 000 euros de préjudice d'agrément ;
o 6 000 euros de préjudice sexuel ;

- d'ordonner l'exécution provisoire ;

- de condamner la société [7] aux dépens et à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- d'ordonner l'opposabilité du jugement à la Caisse.

Dans ses dernières conclusions, visées à l'audience du 10 juin 2024, la société [7] conclut à ce que :

- les préjudices de Monsieur [I] soient limités aux sommes suivantes:

o 4 497,95 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
o 4 000 euros au titre des souffrances endurées ;
o 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
o 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

- le tribunal déboute Monsieur [I] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément, à titre subsidiaire de limiter la somme à 1 000 euros ;

- le tribunal déboute Monsieur [I] de ses demandes d'indemnisation au titre du préjudice sexuel et de la perte de chance de promotion professionnelle.

La Caisse n'a pas déposé de conclusions écrites à la suite des deux rapports d'expertise judiciaire, dans ses conclusions orales à l'audience du 10 juin 2024, elle a sollicité le rejet des demandes relatives au préjudice d'agrément et à la perte de promotion, a demandé à ce que les autres demandes soient ramenées à de plus justes proportions et a précisé qu'elle bénéficie d'une action récursoire.

L'affaire a été mise en délibéré au 23 septembre 2024 et avancé au é septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'indemnisation complémentaire de Monsieur [I]

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale : " Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. (…) ".

Selon la décision du Conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime peut demander à celui-ci réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

En outre, par quatre arrêts rendus le 4 avril 2012, la Cour de cassation a précisé l'étendue de la réparation des préjudices due à la victime d'un accident du travail en cas de faute inexcusable de son employeur.

Il en résulte que la victime ne peut pas prétendre à la réparation des chefs de préjudices suivants déjà couverts :

- le déficit fonctionnel permanent (couvert par les articles L. 431-1, L. 434-1 et L. 452-2),
- les pertes de gains professionnels actuelles et futures (couvertes par les articles L. 431 1 et suivants, L. 434-2 et suivants),
- l'incidence professionnelle indemnisée de façon forfaitaire par l'allocation d'un capital ou d'une rente d'accident du travail (L. 431-1 et L. 434-1) et par sa majoration (L. 452-2),
- l'assistance d'une tierce personne après consolidation (couverte par l'article L. 434 2 alinéa 3),
- les frais médicaux et assimilés, normalement pris en charge au titre des prestations légales.

En revanche, la victime peut notamment prétendre à l'indemnisation, outre celle des chefs de préjudice expressément visés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, :

- du déficit fonctionnel temporaire, non couvert par les indemnités journalières qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire,
- des dépenses liées à la réduction de l'autonomie, y compris les frais de logement ou de véhicule adapté, et le coût de l'assistance d'une tierce personne avant consolidation,
- du préjudice sexuel, indépendamment du préjudice d'agrément.

Par deux arrêts en date du 20 janvier 2023, rendus en Assemblée Plénière, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence et juge désormais que la rente accident du travail ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

Dès lors, ce revirement de jurisprudence a pour conséquence une modification du périmètre d'indemnisation de la faute inexcusable de l'employeur, sous réserve de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel rappelée plus haut. En conséquence, dans la mesure où le déficit fonctionnel permanent n'est plus susceptible d'être couvert par la rente et donc par le livre IV du code de la sécurité sociale, il pourra faire l'objet d'une indemnisation, selon les conditions du droit commun.

- Sur les chefs de préjudice visés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale

" sur les souffrances physiques et morales endurées

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés que doit endurer la victime par suite de l'atteinte à son intégrité physique, dans la seule mesure où elles ne sont pas réparées après consolidation par la rente majorée.

L'accident du travail dont Monsieur [I] a été victime le 16 septembre 2016 a été à l'origine de souffrances évaluées par l'expert à 3 sur une échelle allant jusqu'à 7.

Monsieur [I] sollicite la somme de 6 000 euros et la société [7] estime que le montant devra être limité à 4 000 euros.

Sur ce,

Les souffrances endurées ont été établies par l'expert qui a notamment tenu compte des lésions initiales, de l'ostéosynthèse, des hospitalisations et anesthésies, des immobilisations ainsi que des complications.

Eu égard notamment à la cotation retenue par l'expert, il y a lieu d'allouer à Monsieur [I] la somme de 6 000 euros.

" sur le préjudice esthétique

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer l'altération de l'apparence physique de la victime avant et après la consolidation. Le préjudice esthétique temporaire est en effet un préjudice distinct du préjudice esthétique permanent et doit être évalué en considération de son existence avant consolidation de l'état de la victime.

L'expert a retenu un préjudice esthétique temporaire évalué à 2 sur une échelle allant jusqu'à 7 ainsi qu'un préjudice esthétique permanent évalué à 1 sur une échelle allant jusqu'à 7.

Monsieur [I] sollicite respectivement la somme de 4 000 euros et de 2 000 euros et la société [7] estime que le montant devra être limité respectivement à 1 000 euros et 500 euros.

Sur ce,

Suite à sa fracture du poignet droit occasionnée par son accident de travail, Monsieur [I] a porté différentes attelles et présente des cicatrices du fait des interventions chirurgicales subies.

Eu égard notamment aux cotations retenues par l'expert et à la nature du préjudice subi, il y a lieu d'allouer à Monsieur [I] la somme de 3 000 euros pour son préjudice esthétique temporaire et la somme de 1 000 euros pour son préjudice esthétique permanent.

" sur le préjudice d'agrément

Ce poste de préjudice tend à indemniser l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs qu'elle pratiquait antérieurement au dommage. Ce poste de préjudice inclut également la limitation de la pratique antérieure [Cass. Civ 2 - 29 mars 2018 - n°17-14.499].

La prise en compte d'un préjudice d'agrément n'exige pas la démonstration d'une pratique en club, une pratique individuelle suffisant à partir du moment où elle est prouvée.

L'expert judiciaire a retenu une impossibilité à la poursuite de l'activité break dance et une impossibilité pour la musculation nécessitant l'utilisation de la main droite dominante avec port de charges ou mouvements répétitifs avec poignet en flexion-extension.

Monsieur [I] fait valoir qu'il n'a plus d'activité sportive, se prévalant avoir antérieurement exercé du break dance et de la musculation, et demande la somme de 5 000 euros. La société [7] sollicite le rejet de cette demande dès lors que la pratique antérieure des activités précitées n'est pas démontrée, à titre subsidiaire la limitation du montant accordé à 1 000 euros. La Caisse a également demandé le rejet de ce poste de préjudice.

Sur ce,

En l'absence de tout élément de preuve de la pratique antérieure des activités de break dance et de musculation, la réalité du préjudice allégué n'est pas établie. La demande d'indemnisation formée de ce chef sera par conséquent rejetée.

- Sur les chefs de préjudice non visés à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale

" sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire jusqu'à sa consolidation. Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime. Elle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime durant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique).

L'expert judiciaire a retenu les déficits fonctionnels temporaires suivants :

- 100% du 16 au 17 septembre 2016 et le 10 mai 2017 ;
- 50% du 18 septembre au 18 décembre 2016 ;
- 25% du 19 décembre 2016 au 9 mai 2017 puis du 11 mai au 10 juin 2017;
- 10% du 11 juin au 9 octobre 2017.

Monsieur [I] sollicite la somme de 1 232,50 euros sur la base du calcul suivant : (2 jours x 25 euros) + ( 61 jours x 25 euros/2) + (171 jours x 25 euros/4) + (120 jours x 25 euros/10).

La société [7] s'en rapporte à l'appréciation du tribunal.

Sur ce,

Eu égard à la gêne dans les actes de la vie courante subie par Monsieur [I], en raison de l'immobilisation de son poignet droit alors qu'il s'agit de son côté dominant, il y a lieu d'indemniser son déficit fonctionnel temporaire sur la base d'un taux journalier de 25 euros.

Il est dès lors fondé à obtenir la somme suivante : (2 jours x 25 euros) + (91 jours x 25 euros) x 50% + [(141 jours + 30 jours) x 25 euros] x 25% + (120 jours x 25 euros) x 10% = 2 556,25 euros.

Monsieur [I] sollicitant la somme inférieure de 1 232,50 euros, il ne peut que lui être alloué cette dernière somme.

" sur les frais d'assistance par une tierce personne

Dans le cas où la victime a besoin du fait de son handicap d'être assistée pendant l'arrêt d'activité et avant la consolidation par une tierce personne, elle a le droit à l'indemnisation du financement du coût de cette tierce personne.

Les frais d'assistance tierce personne à titre temporaire ne sont pas couverts au titre du livre IV et doivent être indemnisés sans être pour autant réduits en cas d'assistance d'un membre de la famille ni subordonnés à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L'expert judiciaire a retenu la nécessité d'une aide humaine non spécialisée pour assister Monsieur [I] à raison de 2 heures par jour durant la période de déficit fonctionnel temporaire de 50%, 3 heures par semaine durant la période de déficit fonctionnel temporaire de 25%, 1 heure par semaine durant la période de déficit fonctionnel temporaire de 10%.

Monsieur [I] sollicite la somme de 2 036,25 euros, tenant compte d'un taux journalier de 25 euros et sur la base du détail de calcul suivant :

61 jours x 50 (2 x 25/2) = 1 525
25 semaines x 18,75 = 468,75
17 semaines x 2,5 = 42,5.

La société [7] considère que le taux journalier doit être ramené à 14 euros s'agissant d'une assistance non qualifiée.

Sur ce,

Ainsi qu'il a été précédemment rappelé, l'expert judiciaire a constaté que Monsieur [I] a eu son poignet droit immobilisé alors qu'il s'agit de son côté dominant. Cette situation a nécessité une aide pour les soins ainsi que les actes de la vie quotidienne.

Dans ces conditions, il y a lieu d'indemniser l'aide par tierce personne non spécialisée sur la base d'un taux journalier de 18 euros.

Monsieur [I] est dès lors fondé à obtenir la somme suivante :

(91 jours x 2 heures x 18 euros) + [(141 jours + 30 jours) x 3 heures/7 x 18 euros] + (120 jours x 1 heure/7 x 18 euros) = 4 903,71 euros.

Monsieur [I] sollicitant la somme inférieure de 2 036,25 euros, il ne peut que lui être alloué cette dernière somme.

" sur le préjudice sexuel

Le préjudice sexuel s'entend d'une altération partielle ou totale de la fonction sexuelle dans l'une de ses composantes :

- atteinte morphologique des organes sexuels,
- perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir),
- difficulté ou impossibilité de procréer.

L'évaluation de ce préjudice doit être modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime.

Monsieur [I] a indiqué à l'expert un préjudice sexuel positionnel en lien avec ses séquelles au niveau de son poignet droit.

Il demande la somme de 4 000 euros, se prévalant de son âge et de la rupture avec sa compagne, et la société [7] sollicite le rejet de cette demande, émettant des doutes sur la réalité du préjudice.

Sur ce,

Si l'expert se fonde sur les déclarations du demandeur, il a conclu à un préjudice sexuel positionnel.

Eu égard à cette gêne positionnelle, il y a lieu d'allouer à Monsieur [I] la somme de 2 000 euros.

" sur l'incidence professionnelle

Si l'incidence professionnelle des séquelles de l'accident n'est pas contestable, la rente dont Monsieur [I] bénéficie en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale répare les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité permanente qui subsiste le jour de la consolidation (Cour de cassation, 2ème chambre civile, 1er février 2024, n°22-11.448).

Monsieur [I] sera donc débouté de sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle, ainsi que le demande l'employeur et la Caisse.

" sur le déficit fonctionnel permanent

Il convient de rappeler que le déficit fonctionnel permanent comprend l'atteinte à l'intégrité physique et psychique au sens strict, mais aussi les douleurs physiques et psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence.

L'expert a évalué ce déficit à 8%.

Monsieur [I] sollicite la somme de 16 280 euros en tenant compte du prix du point à 2 035 euros et la société [7] s'en rapporte à l'appréciation du tribunal.

Sur ce,

A la date de la consolidation de son état de santé le 9 octobre 2017, Monsieur [I] avait 34 ans. Atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 8%, il est fondé à être indemnisé à hauteur de 2 035 euros de point, soit 2 035 x 8 = 16 280 euros.

Sur l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie

La caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne devra assurer l'avance des indemnisations ci-dessus allouées à Monsieur [I] et pourra en poursuivre le recouvrement à l'encontre de la société [7] sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne est donc fondée à recouvrer à l'encontre de la société [7] le montant des indemnisations complémentaires accordées.

Les frais d'expertise taxés à hauteur de 1 204,80 euros pour l'expertise du 19 juillet 2022 et 800 euros pour l'expertise du 29 décembre 2023 seront aussi mis à la charge de la société [7].

Sur les dépens, les frais irrépétibles et l'exécution provisoire

La société [7], partie succombante, est condamnée au paiement des entiers dépens, sur le fondement des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile applicable en vertu du paragraphe II de l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il sera mis à la charge de la société [7] le paiement à Monsieur [I] de la somme de 1 500,00 euros.

S'agissant des décisions rendues en matière de sécurité sociale, l'exécution provisoire est facultative, en application de l'article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.

L'exécution provisoire, qui est nécessaire et compatible avec la nature de la décision, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire de Meaux, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort,

FIXE l'indemnisation complémentaire de Monsieur [A] [I] au titre des souffrances endurées à 6 000,00€ (SIX MILLE EUROS).

FIXE l'indemnisation complémentaire de Monsieur [A] [I] au titre du préjudice esthétique temporaire à 3 000,00€ (TROIS MILLE EUROS).

FIXE l'indemnisation complémentaire de Monsieur [A] [I] au titre du préjudice esthétique permanent à 1 000,00€ (MILLE EUROS).

DÉBOUTE Monsieur [A] [I] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'agrément.

FIXE l'indemnisation complémentaire de Monsieur [A] [I] au titre du déficit fonctionnel temporaire à 1 232,50 € (MILLE DEUX CENT TRENTE DEUX EUROS ET CINQUANTE CENTIMES).

FIXE l'indemnisation complémentaire de Monsieur [A] [I] au titre de l'assistance par tierce personne à 2 036,25 € (DEUX MILLE TRENTE SIX EUROS ET VINGT CINQ CENTIMES ).

FIXE l'indemnisation complémentaire de Monsieur [A] [I] au titre du préjudice sexuel à 2 000,00 € (DEUX MILLE EUROS)

DÉBOUTE Monsieur [A] [I] de sa demande d'indemnisation du préjudice lié à la perte ou à la diminution des possibilités de promotion professionnelle.

FIXE l'indemnisation complémentaire de Monsieur [A] [I] au titre du déficit fonctionnel permanent à 16 280,00 € (SEIZE MILLE DEUX CENT QUATRE VINGT EUROS) .

DIT que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne versera directement à Monsieur [A] [I] les sommes dues au titre de l'indemnisation complémentaire.

CONDAMNE la société [7] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne les sommes avancées au titre de l'indemnisation complémentaire.

RAPPELLE que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne pourra recouvrer le montant du coût des expertises à l'encontre de la société [7].

CONDAMNE la société [7] aux entiers dépens.

CONDAMNE la société [7] à payer à Monsieur [A] [I] la somme de 1 500,00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

RAPPELLE que cette décision est susceptible d’appel dans un délai d’un mois à compter de sa notification.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 2 septembre 2024, et signé par la présidente et la greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Diara DIEME Murielle PITON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 18/00663
Date de la décision : 02/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-02;18.00663 ?
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