TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’EVRY
1ère Chambre A
N° RG 20/06278 - N° Portalis DB3Q-W-B7E-NRSG
NAC : 54G
CCC délivrées le :
ORDONNANCE
Ordonnance rendue le cinq Juillet deux mil vingt quatre par Lucile GERNOT, Juge de la mise en état, assistée de Eloïse FIGUIGUI, Greffier dans l'instance N° RG 20/06278 - N° Portalis DB3Q-W-B7E-NRSG ;
ENTRE :
Monsieur [U] [T], né le 19 Mars 1937 à [Localité 11], de nationalité Française,demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Tony CAPPAI, avocat au barreau d’ESSONNE plaidant
DEMANDEUR
ET :
COMMUNE D’[Localité 11], dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me Sandra NADJAR, avocat au barreau de PARIS plaidant
S.A.S. TERRADOM, dont le siège social est sis [Adresse 13]
représentée par Maître Pascal GORIN de , avocats au barreau de PARIS plaidant
Commune COMMUNE D’[Localité 11], dont le siège social est sis [Adresse 4]
défaillant
S.A.M.C.V. SMABTP prise en sa qualite d’assureur de la Société TERRADOM, dont le siège social est sis [Adresse 9]
représentée par Me Françoise ECORA, avocat au barreau d’ESSONNE plaidant
DEFENDERESSES
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [U] [T] est propriétaire d’une maison située [Adresse 5] à [Localité 11].
Par jugement en date du 30 août 2017, Monsieur [U] [T] a été placé sous tutelle et Madame [I] [T], sa fille, a été désignée en qualité de tutrice.
Par arrêté de péril ordinaire du 12 février 2018, la Commune d’[Localité 11] a constaté l’existence d’un péril sur le mur d’enceinte de la propriété, dont une partie s’est effondrée sur la voie publique le 07 octobre 2018.
Madame [T] a confié la réalisation des travaux de réfection partielle du mur à la SAS TERRADOM, assurée auprès de la SMABTP, qui est intervenue en remplacement du mur effondré sur sa partie située [Adresse 12] à [Localité 11] à compter du mois de février 2019.
Par arrêté de péril imminent du 25 octobre 2019, la Commune d’[Localité 11] a mis en demeure le propriétaire de procéder à la réalisation des travaux de sécurisation de la situation et du site.
Par arrêté du 08 novembre 2019, la Commune d’[Localité 11] a adopté le marché de mise en sécurité aux frais du propriétaire, pour un montant de 259.621,80 € TTC, confié à la société DUBRAC.
Par arrêté du 27 février 2020, la Commune d’[Localité 11] a prononcé la mainlevée du péril imminent et la poursuite de la procédure en péril ordinaire, mettant en demeure Monsieur [T] de réaliser l’ensemble des travaux de confortation de l’ouvrage pour mettre définitivement fin au péril dans un délai de deux ans.
Par actes d’huissier de justice des 25 et 26 mai 2020, Monsieur [U] [T], représenté par sa tutrice Madame [I] [T], a fait assigner la SAS TERRADOM, la SMABTP et la Commune d’[Localité 11] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de d’Evry-Courcouronnes aux fins de voir notamment ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 08 septembre 2020, le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire, confiée en définitive à Monsieur [W] [C].
Par actes de commissaire de justice des 09 et 10 novembre 2022, Monsieur [U] [T], représenté par sa tutrice Madame [I] [T], a fait assigner la SAS TERRADOM, la SMABTP et la Commune d’[Localité 11] devant le tribunal judiciaire de d’Evry-Courcouronnes aux fins d’obtenir le paiement des travaux de réfection et de sécurisation ainsi que l’indemnisation de ses préjudices.
Par ordonnance du 17 décembre 2021, les opérations d’expertises ont été étendues à la partie du mur d’enceinte non concernée par l’intervention de la société TERRADOM et située [Adresse 6] à [Localité 11].
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 06 février 2023, validant une solution réparatoire d’un montant de 699.515,90 €.
Monsieur [F] et Madame [V], potentiels acquéreurs de la propriété de Monsieur [T], ont commandé dans cette perspective plusieurs études techniques confiées d’une part à la société BATIGEOCONSEIL, laquelle a réalisé une note technique le 03 août 2023 ainsi qu’une note complémentaire le 04 octobre 2023, et d’autre part à la société GTR CONSEIL, laquelle a réalisé des notes de calcul le 23 novembre 2023.
Se prévalant d’une solution réparatoire alternative plus adaptée et moins coûteuse résultant de ces études, le demandeur a interrogé l’expert judiciaire sur l’opportunité d’une réouverture des opérations d’expertise aux fins d’analyse de cette nouvelle solution, par courrier du 02 janvier 2024.
Par courrier du 08 janvier 2024, l’expert judiciaire a répondu favorablement à la demande.
Par dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 15 janvier 2024, Monsieur [T] demande au juge de la mise en état de :
- ORDONNER la réouverture des opérations d’expertise confiées à Monsieur [W] [C] aux termes de l’Ordonnance de référé (RG N°20/00367) du 08 septembre 2020 (expertise), de l’Ordonnance de changement d’Expert du 06 octobre 2020, et de l’Ordonnance de référé (RG N°21/01089) du 17 décembre 2021 (extension de mission),
- DESIGNER de nouveau Monsieur [W] [C] afin de compléter son rapport d’expertise en date du 06 février 2023 sur la question des travaux propres à remédier aux désordres constatés en étudiant au contradictoire des parties la nouvelle solution réparatoire évoquée dans la note technique de BATIGEOCONSEIL du 03 août 2023, la note technique complémentaire de BATIGEOCONSEIL du 04 octobre 2023 et l’étude de GTR CONSEIL avec notes de calcul en date du 23 novembre 2023 ; en évaluer le coût après avoir invité les parties à produire si elles le souhaitent et dans des délais précis, leurs propres évaluations de ce coût au moyen de devis.
- FIXER le montant de la provision sur les frais et honoraires d’expertise laquelle provision sera avancée par Madame [T] es qualité, en tout ou partie.
- RAPPELER que l'exécution provisoire est de droit et qu’elle ne peut être écartée en la matière conformément aux dispositions de l’article 514-1 du Code de procédure civile.
Au soutien de sa demande, il fait valoir que la solution réparatoire initiale retenue par l’expert judiciaire ne serait pas homologuée en France et présente un coût exorbitant décorrélé de la valeur vénale de la propriété, ne permettant pas à ce jour d’engager les travaux, de sorte qu’il convient de poursuivre l’étude de faisabilité de la nouvelle solution réparatoire moins coûteuse par une étude complète confiée à l’expert judiciaire par la réouverture des opérations d’expertise.
Par dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 13 mai 2024, la Commune d’[Localité 11] demande au juge de la mise en état d’ordonner la réouverture des opérations d’expertise confiées à Monsieur [W] [C] aux termes des ordonnances de référé du 8 septembre 2020 et du 6 octobre 2020 (RG n°20/00367).
Au soutien de sa demande elle expose que la réalisation des travaux va nécessiter le dépôt d’un permis de construire qui sera instruit par la Commune d’[Localité 11], également chargée d’assurer la sécurité publique, et qu’elle ne dispose pas de compétence technique pour savoir si la nouvelle solution proposée est aussi pertinente que celle retenue initialement par l’expert judiciaire.
Par dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 15 mai 2024, la SAS TERRADOM demande au juge de la mise en état de :
- Prendre acte de l’absence d’objection de la Société TERRADOM à la réouverture des opérations d’expertise formulées par Monsieur [T], représenté par sa fille tutrice [I] [T] ;
- Ordonner la réouverture des opérations d’expertise confiées à Monsieur [W] [C] par ordonnances des référés des 8 septembre 2020 et 6 octobre 2020.
Par message notifié par électroniquement le 15 mai 2024, la SMABTP a indiqué s’en rapporter à l’appréciation du tribunal sur l’opportunité d’une réouverture des opérations d’expertise.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à la lecture de leurs conclusions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
À l’audience d’incident du 16 mai 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 05 juillet 2024, date de la présente décision.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, notamment pour ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction.
L’article 143 du code de procédure civile dispose que les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.
L’article 146 du même code ajoute qu’une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
L’article 150 du même code précise que la décision qui ordonne ou modifie une mesure d'instruction n'est pas susceptible d'opposition ; elle ne peut être frappée d'appel ou de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi. Il en est de même de la décision qui refuse d'ordonner ou de modifier une mesure.
En l’espèce, les demandeurs se prévalent d’une solution réparatoire alternative nouvelle, issue de trois notes techniques d’août, octobre et novembre 2023, soit postérieurement au dépôt du rapport d’expertise du 06 février 2023. Cette solution est présentée par le demandeur comme potentiellement moins onéreuse et techniquement plus opportune que celle présentée et validée par l’expert judiciaire initialement, sollicitant ainsi la réouverture des opérations d’expertise pour assurer un débat contradictoire sur cette nouvelle solution et sa validation par l’expert judiciaire, ce à quoi les parties ne sont pas opposées.
Si la solution alternative exposée par les demandeurs n’est pas chiffrée, il est toutefois relevé qu’au regard du montant particulièrement élevé des travaux validé par l’expert judiciaire dans son rapport, soit la somme de 680.000 € TTC, correspondant à une reprise complète de l’ouvrage après démolition, il apparait opportun d’examiner la solution alternative nouvelle visant à conserver une partie des ouvrages existants, présentée comme moins onéreuse, et de la soumettre au débat contradictoire de l’ensemble des partie et à la validation technique de l’expert.
Par conséquent, il convient de réouvrir les opérations d’expertise selon les modalités précisées dans le dispositif de la présente décision.
Sur les autres demandes
L’instance se poursuivant, il n’est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais exposés au titre des frais irrépétibles.
Par conséquent, les parties seront déboutées de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens suivront le sort de l’instance principale et seront donc réservés.
PAR CES MOTIFS,
Le juge de la mise en état, statuant par décision publique mise à disposition au greffe, susceptible de recours selon les conditions énoncées à l’article 150 du code de procédure civile,
ORDONNE la réouverture des opérations d’expertise confiées à Monsieur [W] [C] suivant ordonnances des 08 septembre 2020, 06 octobre 2020 et 17 décembre 2021 ;
DÉSIGNE pour ce faire :
Monsieur [W] [C]
Diplôme d'ingénieur des Travaux Publics
[Adresse 7]
[Localité 8]
Tél : [XXXXXXXX01]
Port. : [XXXXXXXX02]
Email : [Courriel 10]
Avec pour mission de :
- premièrement, compléter son rapport d’expertise en date du 06 février 2023 sur la question des travaux propres à remédier aux désordres constatés en donnant son avis sur la nouvelle solution réparatoire évoquée dans la note technique de BATIGEOCONSEIL du 03 août 2023, la note technique complémentaire de BATIGEOCONSEIL du 04 octobre 2023 et l’étude de GTR CONSEIL avec notes de calcul en date du 23 novembre 2023 ;
- deuxièmement, évaluer le coût de cette nouvelle solution réparatoire après avoir invité les parties à produire dans des délais précis leurs propres évaluations au moyen de devis, puis évaluer la durée des travaux afférents ;
- troisièmement, donner son avis sur l’opportunité de cette nouvelle solution réparatoire par rapport à la solution réparatoire initialement validée dans son rapport du 06 février 2023 ;
RAPPELLE qu'en application de l'article 278 du code de procédure civile, l'expert peut prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;
DIT que pour procéder à sa mission l'expert devra :
- convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise ;
- se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;
- se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
- à l'issue de la première réunion d'expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations ; l'actualiser ensuite dans le meilleur délai :
en faisant définir un enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations;
en les informant de l'évolution de l'estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s'en déduisent ;
en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées ;
en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;
- au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s'expliquera dans son rapport (par exemple : réunion de synthèse ; communication d'un projet de rapport), et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :
* fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
* rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai.
DIT qu'en cas d'urgence ou de péril en la demeure reconnue par l'expert, l'expert déposera un pré-rapport, ou une note aux parties valant pré-rapport, précisant la nature, l'importance et le coût de ces travaux ;
DIT que sur avis de l'expert, les demandeurs pourront faire exécuter à leurs frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l'expert, sous la direction du maître d'œuvre du demandeur, par des entreprises qualifiées de son choix ;
FIXE à la somme de 2.000 euros le montant des frais d'expertise qui devra être consignée par Monsieur [U] [T], représenté par sa tutrice Madame [I] [T], auprès du greffe du tribunal judiciaire d'Evry, régie d'avances et de recettes, dans un délai de deux mois au plus tard après la date de délivrance aux parties de la présente décision ;
DIT que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;
DIT que l'expert sera saisi de sa mission par l'envoi d'une copie certifiée conforme de la présente ordonnance et ne commencera ses opérations qu'après avis de la consignation qui lui sera adressée par le greffe ;
DIT que l'expert effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport, auquel sera joint, le cas échéant, l'avis du technicien qu'il s'est adjoint, sous la forme d'un exemplaire papier et numérique (CD ou clé USB) au greffe du tribunal judiciaire dans un délai de huit mois à compter de l'avis de la consignation effectuée qui lui sera adressée par le greffe, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;
DIT que dans le but de favoriser l'instauration d'échanges dématérialisés et de limiter les frais d'expertise, l'expert devra privilégier l'usage de la plateforme OPALEXE et qu'il proposera en ce cas à chacune des parties, au plus tard lors de la première réunion d'expertise, de recourir à ce procédé pour communiquer tous documents et notes par la voie dématérialisée dans les conditions de l'article 748-1 du code de procédure civile et de l'arrêté du 14 juin 2017 validant de tels échanges :
DIT que l'expert judiciaire adressera un exemplaire de son rapport à chacune des parties sous la forme papier ou numérique en fonction du choix des parties et à défaut de précision sous la forme numérique et en fera mention dans son rapport ;
DIT que l'exécution de la mesure d'instruction sera suivie par le magistrat en charge du contrôle des expertises ;
RÉSERVE les dépens ;
SURSOIT à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire ;
RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état du 19 septembre 2024 à 9h30 pour vérification de la consignation par le demandeur.
Fait à EVRY, le 05 Juillet 2024
LE GREFFIER, LE JUGE DE LA MISE EN ETAT