Arrêt du 06/02/2010 Chambre pénale
PROCEDURE PENALE
Droit de la défense – Principe du contradictoire – citation des mis en cause à comparaître – Défaut de citation – violation du principe – Jugements et arrêts – mentions obligatoires
Il résulte de la combinaison des articles 153 et 413 du code d’instruction criminelle, 124 et 135 du code de procédure pénale, que les mis en cause doivent, à peine de nullité, être citées à comparaître afin de présenter leur défense ; qu’en énonçant, pour entrer en voie de condamnation, « qu’il existe au dossier les procès-verbaux d’enquête préliminaire et ceux dressés par le magistrat instructeur, desquels il ressort que les mis en cause ont reconnu les faits mis à leur charge… », sans citer les intéressés à comparaître pour leur permettre de présenter leur défense alors qu’ils étaient placés sous mandat de dépôt et donc sous main de justice, la cour d’appel a violé les dispositions susvisées ;
Tout jugement de condamnation doit, à peine de nullité, constater les éléments constitutifs de l’infraction qui a motivé la condamnation et contenir dans son dispositif, outre l’énonciation des faits dont les personnes citées ont été jugées coupables ou responsables…, le texte de loi appliqué et la mention dans le jugement que le président en a donné lecture.
Attendu selon l’arrêt attaqué qui s’est référé expressément au jugement déféré pour l’exposé des faits et de la procédure, que courant mai 2007, la société de téléphonie mobile MOOV GABON utilisatrice de la ligne n°768385 recevait de GABON TELECOM une facture d’un montant de 10.245.850 F.CFA ; que l’historique de cette ligne révélait que de nombreux appels avaient été émis vers l’étranger ; que les investigations effectuées à la suite de la plainte de MOOV GABON déposée contre X à la direction générale des recherches permettaient d’interpeller messieurs Ac M., Coulibaly M., Aj Aa, An Ah, C Ai et N. Ag Af, agent de GABON TELECOM ; que traduits devant le tribunal correctionnel pour répondre des chefs d’interruption volontaire de lignes téléphoniques, raccordements frauduleux de signaux téléphoniques, de complicité et de défaut de carte de séjour, ils étaient tous relaxés en dehors de Ac M. X et déclaré coupable uniquement du délit de défaut de carte de séjour et condamné en conséquence ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 135 du code de procédure pénale et 372-8e du code de procédure civile :
En ce que, d’une part, l’arrêt rendu ne vise dans son dispositif aucun texte de loi dont il est fait application, alors que selon l’article 135 du code de procédure pénale, toutes les décisions de condamnation doivent énoncer non seulement les faits dont les personnes citées seront jugées coupables ou responsables, la peine et les condamnations civiles, mais également le ou les textes applicables et, d’autre part, que cet arrêt ne comporte pas les motifs retenus à l’appui de la décision avec référence à la règle juridique dont il est fait application alors qu’une telle mention est obligatoire, et alors enfin que les règles ainsi visées sont d’ordre public ;
Sur le second moyen de cassation tiré de la violation de l’article 24 du code de procédure civile :
En ce que la cour d’appel n’a pas cru devoir extraire les prévenus pourtant en détention à la prison centrale pour les entendre sur les faits mis à leur charge, aux motifs « qu’elle s’est expressément référée, pour les déclarer coupables des faits de la cause, à la décision entreprise en ce qui concerne l’exposé des faits et de la procédure et aux procès-verbaux d’interrogatoire du magistrat instructeur dans lesquels les mis en cause auraient reconnu les faits, l’aveu étant un moyen de preuve » ;
Alors qu’en décidant ainsi par la seule présence desdits procès-verbaux au dossier, sans que les prévenus aient comparu pour un débat contradictoire à la barre compte tenu du caractère technique des faits, et ceux-ci n’ayant fait l’objet d’aucune analyse qui aurait pu préciser en quoi ces délits étaient constitués, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte sus visé, rendant ainsi impossible le contrôle de la cour de cassation » ;
Les deux premiers moyens réunis ;
Vu les articles 153 et 413 du code d’instruction criminelle, 124 et 135 du code de procédure pénale, et 24 du code de procédure civile ;
Attendu qu’il résulte de la combinaison de ces textes, d’une part, qu’à peine de nullité, l’instruction de chaque affaire sera publique (…), que les procès-verbaux, s’il y en a, seront lus par le greffier, que la personne citée, en l’occurrence, le prévenu ou l’inculpé proposera sa défense et, d’autre part, que tout jugement de condamnation doit, à peine de nullité, constater les éléments constitutifs de l’infraction qui a motivé la condamnation et contenir dans son dispositif, outre l’énonciation des faits dont les personnes citées ont été jugées coupables ou responsables…, le texte de loi appliqué et la mention dans le jugement que le président en a donné lecture ;
Attendu que pour infirmer partiellement ce jugement et déclarer Ac M., Coulibaly M., Aj Aa, An Ah et Ag Af Ak coupables des délits d’utilisation frauduleuse, à des fins personnelles, d’une ligne téléphonique et de raccordement frauduleux de signaux téléphoniques et, C. Ai, coupable de complicité de ces faits, la cour d’appel énonce « qu’il existe au dossier les procès-verbaux d’enquête préliminaire et ceux dressés par le magistrat instructeur, desquels il ressort que les mis en cause ont reconnu les faits mis à leur charge ; que l’aveu étant par définition un moyen de preuve des actes et des faits juridiques, il est irrévocable et indivisible et que le juge est lié par toutes les assertions contenues dans cet aveu» ;
Attendu qu’en se prononçant ainsi, alors, d’une part, que les prévenus étaient sous main de justice du fait des mandats de dépôt décernés à leur encontre et, que, dans ces conditions, l’instruction du procès devait impérativement se faire à la barre pour leur permettre d’opposer leur défense et, alors, d’autre part, que le juge ne peut fonder sa décision que sur les preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des articles susvisés dont l’application est obligatoire, à peine de nullité ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner le troisième moyen ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 24 novembre 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Libreville, remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la même cour d’appel, autrement composée.
Président : M. Am AI B Membres : Mme Ae A, et M. Ab AJ, Procureur Général-adjoint : M. Ad AG AH, Assistés de Me Roland NGUEMA ANGOUE, Greffier. Avocats : Mes C Z et Y Al