COUR DE CASSATION ARRET N° ASSEMBLEE PLENIERE (CASSATION) Audience publique du 24 février 2021 Président : Mme Ac Aa A AJ ép. TCHIKAYA, Premier Président
REPUBLIQUE GABONAISE, AU NOM DU PEUPLE GABONAIS
La Cour de cassation, Assemblée Plénière, a rendu l’arrêt suivant : Sur le pourvoi formé le 24 avril 2015, par Me DIOP O’NGWERO, Avocat au Barreau du Gabon, constitué aux intérêts de M. Y Ah, en cassation d’un arrêt rendu le 19 février 2015, par la Cour d’Appel judiciaire de Port-Gentil, dans le litige qui oppose ce dernier à M. AG Z, assisté de Me OGANDAGA IGONDJO Honorine ; Le demandeur invoque à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation ; le premier, tiré de la violation par fausse interprétation ou fausse application de l’article 283 du code de procédure civile, et le second, de l’insuffisance de motifs ; Parallèlement à ces deux moyens, le magistrat rapporteur a proposé à la Cour de céans de relever d’office un moyen de pur droit tiré de la violation des articles 573 et suivants du code de procédure civile, sur l’astreinte, au motif que l’arrêt critiqué a prononcé une astreinte comminatoire à l’encontre de M. Y Ah qui a été condamné à une obligation de somme d’argent, alors que, selon un arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation, en date du 07 avril 2015, « l’astreinte est une condamnation pécuniaire prononcée à titre comminatoire contre le débiteur d’une obligation de faire, voire d’une obligation de donner, pour le contraindre à l’exécution » ; Sur quoi ; Sur le rapport de M. NGOUALI MOUELI Constantin, Président de la Deuxième Chambre civile, les observations de Me DIOP O’NGWERO, pour le demandeur, celles de Me OGANDAGA IGONDJO Honorine, pour le défendeur, et les conclusions de Mme B Ag, Procureur Général-adjoint ; Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 22 mai 2009, M. Y Ah, résidant à Libreville, a donné à bail, à M. AG domicilié à Port-Gentil, une portion de sa parcelle de terrain, sise à Port-Gentil, pour l’édification d’un bâtiment à usage commercial ;
Qu’un litige ayant éclaté entre les deux contractants en cours d’exécution du contrat, M. AG Z obtenait la condamnation de M. Y Ah, par jugement du tribunal de première de Port-Gentil, en date du 13 aout 2010, à lui payer la somme de 3.409.800 (trois millions, quatre-cent-neuf mille, huit-cent) F.CFA au titre du remboursement des sommes engagées ;
Qu’à la demande de M. Y Ah, la Cour d’appel judiciaire de Port-Gentil ordonnait une expertise aux fins d’évaluer le coût des travaux réellement entrepris par M. AG Z ;
Que le 14 mars 2012, le Directeur de la subdivision des travaux publics de l’Ogooué Maritime, expert désigné, adressait à M. Y Ah une deuxième convocation délaissée auprès de Me BHONGO MAVOUNGOU, à Port-Gentil, en vue de prendre part à l’expertise programmée pour le lendemain, 15 mars 2012 ;
Que le 26 mars 2012, l’expert rendait son rapport qui évaluait le coût des travaux à la somme de 3.607.570 (trois millions, six-cent-sept mille, cinq-cent-soixante-dix) F.CFA, montant auquel la Cour d’appel condamnait M. Y Ah, en dépit de sa contestation sur le caractère non contradictoire de l’expertise, le tout assorti d’une astreinte de 20.000 F. CFA par jour de retard ;
C’est cette décision qui est soumise au contrôle de notre Cour ;
Sur le second moyen : Attendu que M. Y Ah fait grief à l’arrêt critiqué de l’avoir condamné à payer la somme de un million (1.000.000) F. CFA, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive au motif que son recours en appel n’est fondé sur aucun motif sérieux, et que celui-ci a manifestement causé un préjudice à l’intimé ; alors que ce texte n’intervient que lorsqu’il est question de sanctionner l’action malicieuse, vexatoire, dilatoire, ou qui n’est pas fondé sur des moyens sérieux ; que le fait d’interjeter appel n’est pas constitutif de faute pouvant être qualifiée d’action malicieuse ;
Mais attendu que la condamnation critiquée, en ce qu’elle n’a été exprimée que dans les motifs de l’arrêt et non dans son dispositif, a le caractère décisoire, et comme tel, elle n’a aucune autorité ; Que le moyen qui critique un tel motif est irrecevable faute d’objet ;
Sur le premier moyen ; Vu les articles 22 et 24 du code de procédure civile ;
Attendu qu’il résulte de ces textes qu’aucune partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, et que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ;
Que ce principe général du droit, qui vise à garantir un débat à armes égales entre les deux parties au litige, s’applique pendant toutes les phases du procès, y compris dans le cadre d’une expertise ordonnée par le juge ;
Attendu que pour homologuer le rapport d’expertise qui a évalué le coût des travaux réalisés par M. AG Z à la somme de 3.607.570 (trois millions, six-cent-sept mille, cinq-cent-soixante-dix) F.CFA, et condamner M. Y Ah au paiement, l’arrêt retient que « l’arrêt avant-dire-droit du 24 janvier 2012 avait ordonné une expertise à la diligence du sieur Y Ah ; qu’en dépit des significations, à lui, faites dudit arrêt et des convocations, à lui, adressées par l’expert, sieur Y Ah n’a fait aucune diligence » ; Qu’en statuant ainsi, alors que M. Y Ah qui résidait à Libreville avait été convoqué le 14 mars 2012 à prendre part à une expertise programmée et réalisée le lendemain 15 mars 2012, dans une ville différente, en l’espèce, Port-Gentil, ce dont il résulte qu’il n’avait pas été régulièrement appelé, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : CASSE ET ANNULE, seulement en ce qu’il a homologué le rapport d’expertise et condamné M. Y Ah à payer le montant évalué par l’expert, l’arrêt rendu entre les parties, le 19 février 2015, par la Cour d’Appel judiciaire de Port-Gentil ;
Et pour y faire droit, renvoi la cause et les parties devant la même Cour d’Appel, mais autrement composée ;
Condamne M. AG Z aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, ASSEMBLEE PLENIERE, siégeant au Palais de justice de Libreville, en son audience publique du vingt-quatre juin, deux mille-vingt-un, à laquelle étaient présents : M. NGUEMA ELLA Germain, Président de Chambre, Président ; M. SIMOST NDOUTOUME Christian Armel, Président de Chambre, membre ; M. NGOUALI MOUELI Constantin, Président de Chambre, membre ; Mme C X Af, épse LEKOGO, Président de Chambre, membre ; M. ODOUNGA AWASSI Dieudonné, Président de Chambre, membre ; Mme AI Ae Ab, ép. MBABIRI, Président de Chambre, membre ; M. LAFOUMOU Yves Duval, Président de Chambre, membre ; M. NDONG ABOGHE Pierre, Conseiller, membre ; Mme OLIVEIRA ARETHO Dorothée Flavienne, Conseiller, membre ; Me MEMIAGHE Simon, Greffier en Chef-adjoint ; M. AH Ad Marie, Procureur Général-adjoint ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé après lecture faite par Monsieur le Président de Chambre qui l’a rendu et le Greffier -/-