COUR SUPREME
CHAMBRES REUNIES
ARRET N°11
du 19-06-2019
Affaire Procureur général Et Mr Ab B
CONTRE
Messieurs Ag Ah
B et deux autres
RG N°34 du 29-10-2010
OBJET :
Recours en annulation
pour excès de pouvoir des juges REPUBLIQUE DE ne GUINEE
Travail — Justice — Solidarité
Au nom du Peuple Guinéen
Audience du 19 Juin 2019
La Cour suprême (Chambre réunies) a rendu l'arrêt suivant, à son audience publique et
ordinaire du dix neuf Juin Deux Mille Dix
Neuf, à laquelle siégeaient :
MONSIEUR Y X, PREMIER
PRESIDENT ;
MADAME HADJA YAYE RAMATOU DIALLO, PRESIDENTE DE CHAMBRE, CONSEILLER RAPPORTEUR ;
MONSIEUR HASSANE I DIALLO, PRESIDENT DE CHAMBRE;
MADAME HADJA KADIATOU TRAORE, PRESIDENTE DE CHAMBRE;
PRESIDENT DE CHAMBRE ;
MONSIEUR SEYDOU KEÏTA, PRESIDENT DE CHAMBRE ;
MONSIEUR ROBERT GUILAO, CONSEILLER ;
MONSIEUR MOHAMED SIDIKI ZOUMANIGUI, CONSEILLER ;
MONSIEUR KANFORY KALTAMBA,
CONSEILLER ;
En présence de Monsieur Ad A, premier Avocat Général, substituant Monsieur le Procureur Général, empêché ;
Avec l'assistance de Madame ANDREE CAMARA, greffière en chef;
Sur le pourvoi du Procureur Général près la Cour Suprême, pour excès de pouvoir des juges contre les arrêts N° 38 du 02 Août 2006 de la Cour d’Appel de Kankan et N° 18 du 15 Février 2010 de la Cour Suprême ;
Sur le rapport de MADAME HADJA YAYE RAMATOU DIALLO ;
ENTRE
-Le Procureur Général près la Cour Suprême,
-Monsieur Ab B, cultivateur,
demeurant à Kpoulo, sous- préfecture de
Soulouta, Préfecture de N’Zérékoré, ayant
pour Avocat Maître Joachim GBILIMOU ;
D'UNE PART
ET
1-Monsieur Ag Ah B, enseignant à la retraite, demeurant à Kpoulo, sous-
préfecture de Soulouta, Préfecture de
2-Monsieur Af Ac C,
cultivateur, demeurant à Kpoulo, sous-
préfecture de Soulouta, Préfecture de
3- Monsieur Aa Ae C, demeurant à
Kpoulo, sous-préfecture de Soulouta,
Préfecture de N'Zérékoré ;
Ayant tous pour Avocats Maître Mory KONE
et Maître Foromo Frédéric LOUA:;
DEBATS
L'affaire a été appelée et débattue à l'audience du 23 : Janvier 2019 ;
Après avoir entendu :
-les Avocats des parties en leurs moyens ;
-Monsieur Ad A, premier Avocat
Général, en ses observations, tendant à la
recevabilité du recours et à l’annulation des
décisions déférées ;
La Cour a mis l'affaire en délibéré pour le 03
Avril 2019, le délibéré a été prorogé au 19
Advenue cette date, après en avoir délibéré
conformément à la Loi, elle a statué en ces
termes
EN LA FORME
Sur la recevabilité du recours
Vu l'ancienne loi organique L/91/008/CTRN du 23 Décembre 1991 portant attributions, organisations et fonctionnement de la Cour Suprême, notamment en son article 86;
Considérant que le Procureur Général a formé son recours sur le fondement de l’article 86 de la loi organique susvisée, qui dispose :
«Le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, peut en toutes matières, après avis explicite du Premier Président de la Cour Suprême, prescrire au Procureur Général de déférer à la Chambre compétente de la Cour Suprême les actes par lesquels les juges excèdent leurs pouvoirs, notamment par erreur de droit, fausse application de la loi ou erreur manifeste dans la qualification juridique des faits.
La Chambre saisie annule ces actes, s’il ya lieu. L’annulation vaut à l'égard de tous et les parties sont, le cas échéant, renvoyées devant la juridiction saisie en l’état de la procédure antérieure à l’acte annulé» ;
Considérant que, suite à l’avis explicite du Premier Président de la Cour Suprême, le Ministre de la Justice, par correspondance N°855/MJ/CAB/010 du 13 Juillet 2010, a prescrit au Procureur Général près la Cour Suprême de déférer devant la Chambre compétente les arrêts N°38 du 02 Août 2006 de la Cour d’Appel de Kankan et N°18 du 15 Février 2010 de la Cour Suprême, aux fins d'annulation pour excès de pouvoir des juges ; Considérant qu’en exécution des ces instructions formelles et écrites du Ministre de la Justice, le Procureur Général a déféré devant les Chambres Réunies les arrêts N°38 du 02 Août 2006 de la Cour d'Appel de Kankan et N°18 du 15 Février 2010 de la Cour Suprême, rendus dans la cause opposant Monsieur Ab B à Messieurs Ag Ah B, Af Ac C et Aa Ae C ;
D'où il suit que le recours du Procureur Général pour excès de pouvoir des Juges est recevable ;
AU FOND
Considérant, selon les énonciations des décisions déférées, que Messieurs Ab B et Ag Ah B revendiquent la propriété d’un terrain agricole sis à Kpoulou, sous-préfecture de Soulouta (N’'Zérékoré) ;
Que le Tribunal de première instance de N'Zérékoré, statuant sur l’action introduite par Monsieur Ab B, a rendu le jugement N°66 du 27 Septembre 2005 qui
propriétaire de la parcelle litigieuse ;
Que l'arrêt N° 38 du 02 Août 2006 de la Cour d'Appel de Kankan, a confirmé le jugement N° 66 du 27 Septembre 2005 en toutes ses dispositions ;
Que Monsieur Ab B s’est pourvu en cassation contre cet arrêt ;
Que, par son arrêt N°18 du 15 Février 2010, la Cour Suprême (Chambre civile, pénale, commerciale et sociale) a déclaré Monsieur Ab B, déchu de son pourvoi pour violation de l’article 57 alinéa 3 de la loi organique L/91/008/CTRN du 23 Décembre 1991 :
Considérant que le présent recours du Procureur Général pour excès de pouvoir des juges est dirigé contre les arrêts N°38 du 02 Août 2006 de la Cour d'Appel de Kankan et N° 18 du15 Février 2010 de la Cour Suprême ;
Qu'il convient donc d'examiner le moyen tiré de l’excès de pouvoir des juges et la demande d'annulation des décisions déférées ;
Sur le moyen tiré de l’excès de pouvoir des juges et la demande d'annulation des décisions déférées
Vu les articles 72 alinéas 2 et 7 de la loi organique L/2017/003/AN 23 Février 2017
fonctionnement de la Cour suprême, 57 de la loi organique L/91/008/CTRN du 23 Décembre 1991, 531, 532, 535 et 544 du CPCEA, 41 du Code foncier et domanial, 534, 535, 634, 783 et 1007 du Code Civil ;
Considérant qu’au sens des dispositions de l’article 72 alinéas 2 et 7, la décision déférée ne peut être annulée que pour excès de pouvoir des juges résultant de l'erreur de droit, de la fausse application de la loi, de l'erreur manifeste dans la qualification juridique des faits, de la méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs ou de la transgression d’une règle d’ordre public ;
Considérant que les articles 531,532et 535 du CPCEA règlementent les demandes incidentes;
Considérant que l’article 544 du même Code dispose : « quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu’il en a reçu le mandat ou la mission.
L'Avocat est toutefois dispensé.
L’huissier de justice bénéficie de la même dispense, dans les cas où il est habilité à représenter ou assister les parties » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 41 du Code foncier et domanial, la demande d'attribution de terrain doit être faite au maire, dans les communes urbaines, ou au préfet dans les communautés rurales de développement ;
Considérant qu'en vertu de l’article 534 du Code civil, personne ne peut être contraint à céder sa propriété, sauf pour cause d'utilité publique, moyennant une juste indemnité ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 535 et 634 du même Code que la propriété des biens s’acquiert par succession, donation, l'effet des diverses obligations, accession, incorporation ou prescription ;
Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 783 du même Code que celui qui possède pour autrui ne peut se prévaloir de la prescription;
Considérant que l’article 1007 du même Code dispose : «le mandat est un contrat par lequel une personne, le mandant, donne à une autre personne, le mandataire, le pouvoir d'accomplir en son nom un ou plusieurs actes juridiques. L’écrit qui constate ce pouvoir s'appelle procuration » ;
Considérant, d’une part, qu’il est reproché aux juges de première instance et d’appel d'avoir excédé leurs pouvoirs en statuant sur des choses non demandées, par erreur de droit et fausse application de la loi ;
Considérant que l'erreur de droit est le fait de se tromper sur le sens ou la portée d’une règle de droit ;
Mais considérant que le jugement N°66 du 27 Septembre 2005 du Tribunal de première instance de N'Zérékoré n’a pas été déféré pour excès de pouvoir du juge de première instance ;
Que le demandeur se borne à invoquer le moyen tiré de l'excès de pouvoir des juges d'appel sans préciser en quoi ces juges se sont trompés sur le sens des dispositions des articles 531, 532, 535 et 544 du CPCEA, 41 du Code foncier et domanial, 535,634, 783 et 1007 du Code civil, ou ont appliqué ces textes à une situation de fait qu’ils ne régissent pas ;
D'où il suit que le moyen pris de l’excès de pourvoir des juges d’appel n’est pas fondé ;
Qu'il convient donc de rejeter la demande d’annulation de l’arrêt N°38 du 02 Août 2006 de la Cour d'Appel de Kankan ;
Considérant, d'autre part, qu’il est fait grief aux juges de la Cour Suprême d'avoir excédé leurs pouvoirs par erreur de droit et fausse application de l’article 57 de la loi organique L/91/008/CTRN du 23 Décembre 1991, en déclarant Monsieur Ab B déchu de son pourvoi pour violation du même article en son alinéa 3, alors que, selon le moyen, celui-ci a produit le récépissé de versement dans le mois de l'introduction du pourvoi ;
Considérant que l'arrêt N°18 du 15 Février 2010 de la Cour Suprême déclare Monsieur Ab déchu de son pourvoi au motif que celui-ci a versé la caution de 30.000FG le 10 Novembre 2006, soit un mois deux jours avant l'introduction du pourvoi, le 12 Décembre 2006 ;
Considérant qu’en statuant ainsi, alors que l’article 57 alinéa 3 de la loi organique susvisée exige seulement l'établissement de la justification de la consignation de la caution par la production du récépissé de versement dans le mois de l'introduction du pourvoi, la Cour Suprême s’est trompée sur le sens de ce texte et l’a appliqué à une situation de fait qu'elle ne régit pas ;
D'où il suit qu’elle a excédé ses pouvoirs par erreur de droit et fausse application de la loi ;
Qu'il convient donc d'annuler l’arrêt N°18 du 15 Février 2010 de la Cour suprême pour excès de pouvoir des juges ;
Considérant que, suite à l'annulation de cet arrêt, il y a lieu de restituer ses pleins et entiers effets au jugement N°66 du 27 Septembre 2005 du Tribunal de première instance de N’zérékoré, confirmé par l’arrêt N°38 du 02 Août 2006 de la Cour d’Appel de Kankan ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en Chambres réunies, publiquement, contradictoirement, en matière civile, sur le pourvoi du Procureur Général pour excès de pouvoir des juges contre les arrêts N°38 du 02 Août 2006 de la Cour d'Appel de Kankan et N°18 du 15 Février 2010 de la Cour Suprême;
EN LA FORME
Déclare recevable le pourvoi du Procureur Général près la Cour Suprême ;
AU FOND
-Rejette la demande d'annulation de l’arrêt N°38 du 02 Août 2006 de la Cour d'Appel de Kankan ;
- Annule l'arrêt N°18 du 15 Février 2010 de la Cour Suprême (Chambre civile, pénale, commerciale et sociale) ;
-Dit que l'annulation vaut à l'égard de tous ;
-Restitue ses pleins et entiers effets au jugement N°66 du 25 Septembre 2005 du Tribunal de première instance de N’Zérékoré ;
- Met les dépens à la charge du Trésor public ;
- Dit que le présent arrêt sera enregistré dans les registres à ce destinés ;
-Ordonne sa publication au bulletin de la Cour Suprême ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour suprême (Chambres réunies) les
jours, mois et an que dessus.
Et ont signé la PRESIDENT, le CONSEILLER
A RAPPORTEUR et la GREFFIERE EN CHEF SUIVENT LES SIGNATURES
Signé : ILLISIBLE
Enregistré sous les références
FOLIO N°08 Bd n°2356
Montant 50.000 FG
Lettre : Cinquante Mille FG
Conakry, le 07/08/2019
LE RECEVEUR
Signé ILLISIBLE
POUR EXPEDITION CERTIFIEE CONFORME
Conakry le 07 Août 2019
LA CHEFFE DU GREFFE
Madame Andrée Camara