COUR SUPREME
CHAMBRES REUNIES
ARRET N° 13
du 24-7 -2019
Affaire Procureur général Et héritiers de feu Ah A, rep. Par Mr
Ah Z
CONTRE
Mr C Y et
Ag A
RGN°15 du 07 -4-2011
OBJET :
Recours en annulation
pour excès de pouvoir des juges
DECISION
(VOIR DISPOSITIF) REPUBLIQUE DE GUINEE
Travail - Justice - Solidarité
Au nom du Peuple Guinéen
Audience du 24 Juillet 2019
La Cour suprême (Chambre Réunies) a rendu l'arrêt suivant, à son audience publique et ordinaire du vingt quatre juillet deux mille dix neuf, à laquelle siégeaient :
MONSIEUR C AG, Premier Président ;
MONSIEUR ELHADJ SAKOBA KOURALA KEÏTA, Président de chambre ;
MADAME HADJA YAYE RAMATOU DIALLO, Présidente de chambre, Conseiller rapporteur ;
MONSIEUR HASSANE 1 DIALLO, Président de chambre ;
MADAME HADJA KADIATOU TRAORE, Présidente de chambre ;
Président de chambre ;
MONSIEUR ROBERT GUILAO, Conseiller ;
MADAME HADJA AÏSSATOU FORÊT, Conseiller ;
MONSIEUR TIDIANE HAÏDARA, Conseiller ;
En présence de Monsieur Ad B, Premier Avocat général, substituant Monsieur le Procureur Général, empêché,
Avec l'assistance de Madame Ab X, Cheffe du greffe ;
ENTRE
-Le Procureur Général près la Cour Suprême,
-Les héritiers de feu Ah A, représentés par Monsieur Ah Z, ayant élu domicile au cabinet de leur Conseil Maître Lansana NABE, Avocat à la Cour, Conakry,
D’UNE PART,
ET
Messieurs C Y et Ag A, ayant pour conseil Maître Séréba Mory KANTE, Avocat à la Cour,
D'AUTRE PART,
Sur le pourvoi du Procureur Général près la Cour Suprême pour excès de pouvoir des juges contre l'arrêt N°007 du 27 Juillet 2010 de la Cour Suprême (Chambres Réunies);
Sur le rapport de Madame Yayé Ramatou DIALLO;
DEBATS
L'affaire a été appelée et débattue à l'audience du 28 Novembre 2018;
Après avoir entendu :
-les Conseils des parties en leurs moyens ;
-Monsieur Ad B, premier Avocat Général, en ses observations, tendant à faire déclarer le recours recevable;
La Cour a mis l'affaire en délibéré pour le 13 Février 2019, le délibéré a été prorogé au 24 Juillet 2019 ;
Advenue cette date, après en avoir délibéré conformément à la Loi, elle a statué en ces
EN LA FORME
sur la recevabilité du recours du Procureur Général
Vu l’ancienne loi organique L/91/008 CTRN du 23 Décembre 1991 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour Suprême, notammenten son article 86 ;
Vu la nouvelle loi organique L/2017 / 003/AN du 23 Février 2017 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour Suprême, notamment, en son article 72 alinéas 1, 2 ,3 et 7, qui reprend une partie des dispositions de l’article 86 de la loi organique L/91/008/CTRN du 23 Décembre 1991 ;
Considérant que le Procureur Général a formé son recours sur le fondement de l’article 86 de la Loi organique du 23 Décembre 1991, qui dispose : « Le Ministre de la Justice peut, après avis explicite du Premier Président de la Cour Suprême, prescrire au Procureur Général de déférer à la Chambre compétente de la Cour Suprême les actes par lesquels les juges excèdent leurs pouvoirs, notamment par erreur de droit, fausse application de la loi ou erreur manifeste dans la qualification juridique des faits » ;
Considérant que Maître Séréba Mory KANTE, Avocat des défendeurs, soulève l’irrecevabilité du recours formé contre l'arrêt N°03 du 11 Janvier 2010 de la Cour Suprême, au motif que l'article 86 de la Loi organique susvisée n’est pas applicable aux décisions de la Cour Suprême, qui statue uniquement en droit ;
Mais considérant que l'article 86 de la Loi organique L/91/008/CTRN du 23 Décembre 1991 vise tous les actes par lesquels les juges excèdent leurs pouvoirs, sans exclure ceux de la Cour Suprême ;
Que la seule condition exigée pour la recevabilité du recours du Procureur Général pour excès de pouvoir des juges, est l’ordre formel et écrit du Ministre de la Justice ;
Considérant que, suite à l’avis explicite du Premier Président de la Cour Suprême, le Ministre de la Justice a, par lettre N°608/MJ/CAB/010 du 22 Décembre 2010, prescrit au Procureur Général près la Cour Suprême de déférer devant la Chambre compétente de la même Cour les arrêts civils N° 313 du 24 Juin 2008 de la Cour d'Appel de Conakry et N°03 du 11 Janvier 2010 de la Cour Suprême, aux fins d'annulation, en application de l’article 86 de la loi organique L/91/008 du 31 Décembre 1991 ;
Considérant qu'en exécution de ces instructions formelles et écrites du Ministre de la Justice, le Procureur Général a déféré aux Chambres Réunies les décisions susvisées ;
Qu'il convient donc de déclarer son recours recevable ;
AU FOND
Considérant, selon les pièces du dossier, que Monsieur Ah A est décédé le 07 Février 1964 à Conakry, en laissant une concession sise au quartier Tombo (Commune de Kaloum) formant la parcelle 11 du lot 118; Que le Tribunal de première instance de Kaloum, statuant sur l’action en partage de la succession de feu Ah A, introduite par Messieurs C Y et Ag A contre Messieurs Ah Z, Ae A et Af Ac A, a rendu le jugement N°093 du 27 Décembre 2007, dont le dispositif est ainsi libellé : « Statuant publiquement, contradic- toirement, en matière civile et en premier ressort ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme : Reçoit C Y et Ag A en leur action, parce que régulière ;
Au fond:Dit que Ah Z ‘’AaAH, Ae A et Af Ac A sont héritiers en rang utile de feu Ah A, attributaire de la parcelle N°11 du lot 118, sise à Tombo Commune de Kaloum, Conakry par, Arrêté N° 18 du 05 Novembre 1935 ;
- Ordonne la reddition de comptes sur les loyers à leur profit pour la période allant du mois d’Avril 2000 au jour de l’exécution du jugement définitif ;
- Renvoie C Y et Ag A à mieux se pourvoir »;
Que la Cour d'Appel de Conakry a rendu l’arrêt N° 313 du 24 Juin 2008 dont le dispositif est ainsi conçu :
« En la forme : Reçoit l’appel des héritiers de feu Ah A ;
Au fond: infirme en toutes ses dispositions le jugement N°093 du 27 du Décembre 2007 du Tribunal de première instance de Kaloum ;
Statuant à nouveau
Constate que les appelants ont produit des documents authentiques attestant leur qualité d’'héritiers de feu Ah A par représentation ;
Déclare en conséquence les héritiers de feu Ah A propriétaires de la concession litigieuse par voie de succession ;
Condamne les intimés aux entiers dépens » ;
Que Messieurs Ah Z et autres se sont pourvus en cassation contre l'arrêt N°313 du 24 Juin 2009 de la Cour d'Appel de Conakry ;
Que l’arrêt N°03 du 11 Janvier 2010 de la Cour Suprême (Chambre civile, pénale, commerciale et sociale) a déclaré les demandeurs irrecevables et déchus de leur pourvoi, pour violation des articles 56 alinéa 2 point 3 et 63 de la Loi organique L/91/008/CTRN du 23 Décembre 1991 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour Suprême ;
Considérant que le présent recours du Procureur Général pour excès de pouvoir des juges est dirigé contre les arrêts N°313 du 24 Juin 2008 de la Cour d'Appel de Conakry et N°03 du 11 Janvier 2010 de la Cour Suprême ;
Qu'il convient donc d'examiner le moyen tiré de l'excès de pouvoir des juges d'appel et de cassation ainsi que la demande d'annulation des décisions déférées ;
Sur le moyen tiré de l'excès de pouvoir des juges et la demande d'annulation
Vu la Loi organique L/2017/003/AN du 23 Février 2017 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour Suprême, notamment en son article72, qui reprend une partie des dispositions de l’artile 86 de la Loi organique L/91/008/CTRN du 23 Décembre 1991 ;
Vu les articles 56 alinéa 2 et 63 de la Loi organique du 23 Décembre 1991, 14 du Code de procédure civile, économique et administrative (CPCEA) ;
Considérant qu'au sens de l’article 72 alinéas 2 et 7 de la Loi organique du 23 Février 2017, les juges n’excèdent leurs pouvoirs que par erreur de droit, fausse application de la Loi, erreur manifeste dans la qualification juridique des faits,
méconnaissance du principe de Ja séparation des pouvoirs ou transgression d’une règle d'ordre public ;
Considérant qu'il résulte de a combinaison des articles 56 alinéa 2 et 63
de la Loi organique L/91/008/CTRN du 23 Décembre 1991 que la requête aux fins de pourvoi en cassation doit, sous peine d’irrecevabilité, contenir les noms et prénom des parties, un exposé sommaire des faits et moyens, et être accompagnée de la copie de la décision attaquée ou une pièce justifiant du dépôt de la réclamation ; Que la requête doit être signifiée à la partie adverse dans le délai de deux mois ;
Que la sanction du non respect de ce délai est la déchéance ;
Considérant que l'article 14 du CPCEA dispose : « Le juge doit examiner tous les chefs de demande qui lui sont soumis. Il est tenu de statuer sur tout ce qui est demande et seulement sur ce qui est demandé » ;
Considérant que, d’une part, il est reproché aux juges d'appel d'avoir excédé leurs pouvoirs en raison de la contradiction entre les motifs et le
dispositif de l'arrêt déféré et de la violation de l’article 14 du CPCEA ;
Mais considérant, d'abord, que la contradiction entre les motifs et le
dispositif équivaut au défaut de motifs ;
Que le défaut de motifs et l’excès de pouvoir des juges constituent deux cas d'ouverture à cassation distincts ;
Que le pourvoi spécial du Procureur Général, prévu par l’article 86 de la Loi organique précitée, n’est ouvert que pour l'excès de pouvoir des juges ;
Qu’ensuite, les demandeurs se bornent à invoquer l'excès de pouvoir des juges par violation de l'article 14 du CPCEA, au motif que les juges d'appel ont statué au-delà de ce qui a été demandé, sans aucun raisonnement juridique permettant de constater que ces juges ont fait une fausse application de ce texte ou se sont trompés sur son sens ou sa portée ;
D'où il suit que le moyen pris de l'excès de pouvoir des juges, tiré de la contradiction entre les motifs et le dispositif, et de la violation de l’article 14 du CPCEA, n’est pas fondé ;
Considérant que, d’autre part, il est fait grief aux juges de cassation d’avoir excédé leurs pouvoirs par violation des articles 56 alinéa 2 et 63 de la Loi organique L/91/008/AN du 23 Décembre 1991 sur la Cour Suprême, alors que, selon le moyen, la requête aux fins de pourvoi et les pièces exigées par ces textes ont été signifiées au greffier en chef et à la partie adverse ;
Mais considérant que le demandeur se borne à invoquer l’excès de pouvoir des juges de la Cour Suprême, sans une analyse juridique établissant que ceux-ci se sont trompés sur le sens ou la portée des dispositions des articles 56 alinéa 2 et 63 de la Loi organique susvisée, ou les ont appliquées à une situation qu’elles ne régissent pas ;
D'où il suit que l'excès de pouvoir des juges, tiré de leur violation, n’est pas fondé, Qu'il convient donc de rejeter la demande d'annulation des décisions déférées :
PAR CES MOTIFS
La Cour Suprême, siégeant en Chambres Réunies, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, sur le pourvoi du Procureur Général pour excès de pouvoir des juges, contre les arrêts N°313 du 24 Juin 2008 de la Cour d'Appel de Conakry et N°03 du 11 Janvier 2010 de la Cour Suprême ;
En la forme
-Déclare recevable le pourvoi du Procureur Général;
Au fond
-Rejette la demande d'annulation des arrêts N°313 du 24 Juin 2008 de la Cour d'Appel de Conakry et N°03 du 11 Janvier 2010 de la Cour Suprême ;
-Ordonne la publication du présent arrêt au bulletin de la Cour Suprême ;
Ordonne sa transcription dans les registres à ce destinés ;
Met les dépens à la charge du Trésor public. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour suprême (Chambres Réunies), les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président, le Conseiller Rapporteur et la Cheffe du Greffe.
SUIVENT LES SIGNATURES
Signé : ILLISIBLE
Enregistré sous les références suivantes
Folio n°09 Bd n°3470
Montant : 50.000 FG
Lettre : Cinquante Mille FG
Conakry, le 19/9/2019
LE RECEVEUR
Signé : ILLISIBLE
POUR EXPEDITION CERTIFIEE CONFORME
Conakry, le 199/ 2019
LA CHEFFE DU GREFFE
Madame Ab X /