Confl . de trav.
Frantz Noailles Vs La Peat Narwick Mitchell et Co.
3 août 1983
Sommaire
Révocation illégale - Dommages-intérêts - Défaut de notification à la Direction Générale du travail
L'employeur, qui désirera mettre fin au contrat de travail du salarié conclu pour une durée déterminé ou non sans qu'il en résulte de responsabilité pour lui, devra en informer la Direction Générale du Travail en invoquant l'un des motifs énumérés à l'article 33 C. T. en vue de l'application de l'article 34 du même code aux fins d'enquête à mener par le service compétent.
La résiliation du contrat de travail est régie uniquement par l'article 33 C.T qui est d'ordre public.
Cassation
La Cour de Cassation, Deuxième Section, a rendu l'arrêt suivant:
Sur le pourvoi du sieur Frantz Noailles, propriétaire, demeurant et domicilié au No. 59 Rue Charlemagne Péralte au Morne Hercule à Pétion-Ville, identifié au No. 2813-L, ayant pour Avocat Me Talleyrand Lamothe dûment identifié, patenté et imposé, avec élection de domicile en son cabinet sis à Port-au-Prince, Avenue Paul VI No. 34.
Contre un jugement du Tribunal Spécial de Travail du 20 septembre 1982, rendu au profit de La Peat Narwick Mitchell et Co., Société autorisée à fonctionner en Haïti par arrêté présidentiel en date du 4 mars 1974 et publié au Moniteur No. 34 du 25 avril 1974, ayant son bureau local au building Sonavesa, (sic) Delmas, où elle est représentée par sa responsable des opérations en Haïti, Madame Mireille Mérovée Pierre, demeurant et domiciliée à Port-au-Prince, identifiée au No. 858-H, ayant pour Avocats Mes. Jean-Frédéric Sales et Ketty T. Wooley dûment identifiés, patentés et imposés, avec élection de domicile élu en leur cabinet sis au No. 16 de la Rue Eden à Port-au-Prince.
Ouï, à l'audience publique du 16 juin 1983, les parties n'étant pas représentées à la barre, Monsieur Jean D. Kalim, Substitut du Commissaire du Gouvernement, en la lecture de ses conclusions.
Vu le jugement entrepris, les requêtes des parties, les pièces à l'appui, les dispositions de loi invoquées et les conclusions du Ministère Public.
Et, après en avoir délibéré en la Chambre du Conseil, au vou de la loi.
Attendu que le sieur Frantz Noailles, Expert-Comptable, a, par contrat écrit du 14 novembre 1979, passé entre lui et La Peat Narwick Mitchell et Co., prêté ses services à cette dernière à raison de $ 576.92 d'abord et ensuite à $ 612.42 par quinzaine; que, après une année et quatre mois, la compagnie a résilié ce contrat le 20 mars 1981 en payant à son employé, à qui il avait donné avis le 20 février précédent, toutes les prestations prévues par la loi. Insatisfait et qualifiant illégale cette résiliation, Frantz Noailles présenta, par lettre du 14 mai 1981 au service compétent du département des Affaires Sociales, ses doléances en réclamation de préavis, boni, congé annuel et 100,000.00 dollars de dommages-intérêts. Ce service, ne pouvant concilier les parties, déféra l'affaire au Tribunal Spécial de Travail qui trancha ce conflit par son jugement du 20 septembre 1982 dont le dispositif est ainsi conçu: "Par ces motifs, le Tribunal, après en avoir délibéré, statuant en dernier, (sic) vu les dossiers et conclusions des parties, l'avis partiellement fondé du Ministère Public, vu les dispositions de la loi portant Code du Travail, déclare légale et non abusive la résiliation du contrat de travail de l'employé Frantz Noailles par son employeuse, la Peat Narwick Mitchell et Co.; déclare non abusive cette rupture dudit contrat, rupture accompagnée d'aucunes circonstances légalement établies de nature à faire ressortir l'abus du droit de résiliation dans le chef de l'employeuse; (sic) déclare non fondée et la rejette, la demande de dommages-intérêts formulée par le plaignant contre son employeuse; déclare non fondée et la rejette, la demande de dommages-intérêts postulée par la défenderesse contre son employé, Frantz Noailles. Compense les dépens".
C'est contre ce jugement que Frantz Noailes a exercé un pourvoi appuyé de deux moyens combattus par la compagnie. Les défenses de cette dernière n'ayant pas été signifiées dans le délai, à l'article 249 alinéa 4 du Code du Travail; qu'elles sont, d'office, d'ores et déjà écartées (sic).
Sur les deux moyens réunis, pris d'excès de pouvoir par fausse interprétation, fausse application des articles 35 C.T et 9 du contrat de travail, violation des articles 35 et 41 C.T., violation et fausse application de l'article 33 du même code et motifs erronés ayant influencé le dispositif.
Attendu que l'article 9 du contrat de travail stipule: "votre emploi peut-être terminé n'importe quand soit par vous, soit par la compagnie en observant ce qui est requis par le Code de Travail, Haïti" (sic).
Attendu que le pourvoyant reproche au Juge d'avoir étayé son ouvre sur des motifs erronés quand il déclare: "selon les faits du procès la révocation n'a pas été opérée sous (sic) la base des dispositions de l'article 33 C.T., mais réalisée selon les termes de l'article 9 du contrat et sous l'empire des dispositions de l'article 35 dudit code; attendu que dès l'instant que le chef d'entreprise se conforme aux prescriptions, des articles 35 et 36 dudit code, relatives aux préavis, congé payé et boni, la résiliation du contrat n'est pas illégale"; que, de plus, le recourant reproche au Juge de n'avoir pas tenu compte de l'inobservance par la compagnie des dispositions de l'article 33 du Code du Travail; que son ouvre doit, par conséquent, encourir la cassation.
Attendu qu'en cette matière, l'employeur, qui désirera mettre fin au contrat de travail du salarié conclu pour une durée déterminée ou non et sans qu'il en résulte de responsabilité pour lui, devra en informer la Direction Générale du Travail en invoquant l'un des motifs énumérés à l'article 33 C.T. en vue de l'application de l'article 34, même code, aux fins d'enquête à mener par le service compétent.
Attendu qu'au dossier de la défenderesse ne se trouve aucune pièce établissant qu'elle s'est conformée au prescrit de l'article 33 précité; que la compagnie, encore qu'elle payât à Frantz Noailles toutes les prestations légales, n'avait pas le droit de résilier le contrat de travail du 14 novembre 1979 sans qu'elle se fût préalablement conformée à l'article 33 plus haut cité; attendu, en résumé, que le premier Juge a donné pour fondement à son ouvre la clause 9 du contrat qui liait les parties alors que la résiliation du contrat de travail est régi uniquement par l'article 33 C.T, qui est d'ordre public; d'où l'excès de pouvoir qui lui est reproché et qui entraîne la cassation de son ouvre.
Jugeant à nouveau en vertu de l'article 119 de la Constitution.
Attendu que les faits de la cause, tels qu'ils sont ci-dessus relevés du jugement attaqué, démontrent qu'est illégale la révocation de Frantz Noailles opérée par la compagnie le 20 mars 1981; qu'en effet, elle n'a justifié d'aucun motif de congédiement que ce brusque renvoi du pourvoyant, à qui son employeuse avait, par lettre du 14 août 1980, adressé des félicitations pour le travail qu'il avait fourni, lui a causé de graves préjudices en raison de la difficulté pour lui de trouver une situation analogue à celle qu'il occupait à Montréal (Canada) comme employé permanent au sein du Ministère du Revenu, à titre d'argent de la gestion financière classe 11, au traitement de $22,788 dollars l'an"; des démarches tentées au Dripp et à deux départements ministériels demeurées infructueuses et de la déconsidération dont il est atteint; que de ces faits, il se déduit l'existence à la charge de la compagnie d'une faute justifiant les dommages-intérêts réclamés contre elle.
Par ces motifs, la Cour, sur les conclusions conformes du Ministère Public, casse et annule le jugement du 20 septembre 1982 rendu entre les parties par le Tribunal Spécial de Travail; déclare que La Peat Narwick et Co., a révoqué illégalement le sieur Frantz Noailles, Expert-Comptable, la condamne, en conséquence, à lui payer la somme de $ 20.000 à titre de dommages-intérêts pour les préjudices causés; la condamne, en outre, aux dépens liquidés à la somme de ......... Gourdes au profit du département des Affaires Sociales aux fins de droit.
Ainsi jugé et prononcé par Nous, Elie H. Legagneur, faisant fonction de Président, Alfred Blaise, Félix R. Kavanagh, Emile Bastien et Clémenceau Thomas, Juges, en audience publique et extraordinaire du trois août mil neuf cent quatre-vingt-trois, en présence de Me Claude Hyppolite, Substitut du Commissaire du Gouvernement et avec l'assistance de Monsieur Gérald Augustave, Commis-Greffier en siège.