Aff. Civ.
Charlemagne Pierre Vs Les juges du Tribunal Civil des Gonaïves
18 juillet 1984
Sommaire
Requête en dessaisissement pour suspicion légitime - Art. 436 C.P.C.
Les juridictions sont d'ordre public. Leur dessaisissement ne peut être ordonné qu'exceptionnellement et pour des causes revêtant un caractère de gravité particulière et nettement établie.
Manque de fondement légal et doit être rejetée la demande en dessaisissement des juges d'un tribunal, lorsque, à l'analyse des faits qui l'appuient, on ne relève aucune des causes limitativement prévues par l'article 436 C.P.C.
Rejet
La Cour de Cassation, Première Section, a rendu l'arrêt suivant:
Sur la requête en dessaisissement pour suspicion légitime des Juges du Tribunal Civil des Gonaïves, adressée à la Cour par le sieur Charlemagne Pierre, propriétaire, demeurant et domicilié aux Gonaïves, identifié au No. 469AB procédant par Me Euvrard Guillaume et Duplex Jean Baptiste, Avocats du barreau des Gonaïves, identifiés, patentés et imposés aux Nos. 77AE, 87114 et 5005, 2500AE, 2575K et 5716.
Ouï, à l'audience publique du 25 juin mil neuf cent quatre-vingt-quatre, les parties n'étant pas représentées à la barre, Monsieur le Substitut Jean D. Kalim en la lecture des conclusions du Commissaire du Gouvernement Luc D. Hector.
Vu l'acte déclaratif de récusation, la requête du sieur Charlemagne Pierre, les pièces à l'appui, les textes de loi invoqués, la carte d'identité du demandeur, les conclusions du Ministère Public, ainsi que le récépissé relatif à la consignation de l'amende.
Et, après délibération en la Chambre du Conseil, au vou de la loi.
Dans une requête adressée à la Cour et signifiée tant à Veuve Pierre Jean-Baptiste qu'à la demoiselle Paulette Jean-Baptiste, le sieur Charlemagne Pierre expose qu'il avait affermé de Pierre Jean-Baptiste un terrain sis aux Gonaïves sur lequel il érigea des constructions qui lui tenaient lieu de dépôt et de comptoir de vente de matériaux de construction et autres; qu'à la mort de son bailleur, une action en déguerpissement des lieux affermés fut introduite contre lui par devant le Tribunal de Paix des Gonaïves, qui rendit un jugement, dit-il, dénué de sens juridique, réellement malhonnête (sic) qu'il dut exercer un recours en appel; que devant ce Tribunal Civil des Gonaïves jugeant en ses attributions d'appel, il se trouve en face d'un tribunal conquis qui rendit des décisions pleines d'équivoques; qu'un Juge qui commençait à entendre l'affaire dut se déporter sous la pression des autres Juges, qu'un beau jour il reçut la signification d'un jugement de défaut rendu contre lui par le Doyen Norgaisse alors que ses avocats ignoraient totalement que le Doyen s'était chargé d'entendre lui-même l'affaire etc.
Que Charlemagne Pierre estime qu'il se dégage de toutes ces explications un parti pris manifeste, une impartialité qui s'étendrait des Greffiers, Commis-Greffiers, Juges, jusqu'au Parquet; que dans ces conditions il y aurait lieu de dessaisir le Tribunal Civil des Gonaïves et de désigner un autre tribunal pour connaître de toutes les affaires l'opposant à la veuve Pierre Jean-Baptiste et à Paulette Jean-Baptiste.
Sur cette demande en dessaisissement produite par Charlemagne Pierre.
Attendu qu'il est généralement admis que les juridictions sont d'ordre public, que leur dessaisissement ne peut-être ordonné qu'exceptionnellement et pour cause revêtant un caractère de gravité particulière et nettement établie; qu'un tribunal ne peut être privé de la connaissance des affaires que la loi lui attribue que dans le cas d'une nécessité nettement démontrée.
Attendu que l'analyse des faits allégués par Charlemagne Pierre à l'appui de sa demande ne révèle aucune des causes limitativement prévues à l'article 436 du C.P.C pour la récusation des Juges d'un tribunal; que l'impartialité des Juges de ce tribunal ne peut être aussi gratuitement mise en cause; que la demande de Charlemagne Pierre manque de fondement légal, pourquoi son action sera rejetée.
Par ces motifs, et sur les conclusions conformes du Ministère Public, la Cour rejette la demande de Charlemagne Pierre; ordonne la confiscation de la caution.
Ainsi jugé et prononcé par Nous, Rock J. Raymond, Président, Marc Narcisse, Gilbert Austin, Clémenceau Thomas, Newton Charles, Juges, en audience civile et publique du dix huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-quatre, en présence de Me Jean D. Kalim, Commissaire du Gouvernement, avec l'assistance de Louis A. Day, Greffier.