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22/01/1993 | HAïTI | N°22-01-93

Haïti | Haïti, Cour de cassation, 22 janvier 1993, 22-01-93


Hrs. Sér.

Esso Standard Oil S.A Ltd Vs le sieur Raymond Alexis

22 janvier 1993

Sommaire

Acquiescement à la décision attaquée - Copie des pièces appuyant la demande - Preuve ordonnée par décision de justice - Enonciation des faits à prouver.

L'article 416 C.P.C. précise que pour rendre une partie non recevable à se pourvoir en Cassation contre une décision, son acquiescement à ladite décision doit être positif; ce terme positif implique soit une déclaration formelle, soit un acte ou un fait d'où résulte la volonté sans équivoque de la partie

d'accepter la décision.

L'article 68 C.P.C. est libellé comme suit: «Il sera donné avec l'expl...

Hrs. Sér.

Esso Standard Oil S.A Ltd Vs le sieur Raymond Alexis

22 janvier 1993

Sommaire

Acquiescement à la décision attaquée - Copie des pièces appuyant la demande - Preuve ordonnée par décision de justice - Enonciation des faits à prouver.

L'article 416 C.P.C. précise que pour rendre une partie non recevable à se pourvoir en Cassation contre une décision, son acquiescement à ladite décision doit être positif; ce terme positif implique soit une déclaration formelle, soit un acte ou un fait d'où résulte la volonté sans équivoque de la partie d'accepter la décision.

L'article 68 C.P.C. est libellé comme suit: «Il sera donné avec l'exploit copie des pièces ou de la partie des pièces sur lesquelles la demande est fondée; à défaut de ces copies, celles que le demandeur sera tenu de donner dans le cours de l'instance n'entreront point en taxe».

Il est évident que la copie des pièces sur lesquelles la demande est fondée n'est pas exigée à peine de nullité; la seule sanction étant que ces pièces, que le demandeur a la latitude de produire dans le cours de l'instance, n'entreront point en taxe, c'est-à-dire, qu'il en supportera les frais, quelle que soit l'issue du procès.

S'il est de règle que le jugement qui ordonne une preuve doit énoncer les faits sur lesquels doit porter cette preuve, il n'est pas nécessaire, cependant, que cette énonciation se trouve au dispositif, elle peut valablement être placée dans les motifs, voire même dans les conclusions des parties ou le point de fait de la décision.

Rejet

La Cour de Cassation, Sections Réunies, a rendu l'arrêt suivant:

Sur les pourvois exercés par: 1o) La Esso Standard Oil, S.A Ltd, patentée au Nº. 190889, identifiée au Nº. 00009567, ayant son siège social à Nasseau (Bahamas), transféré provisoirement à Guanobo S.J. Porto Rico, représentée à Port-au-Prince par son Directeur Manager le sieur Alexander Corell Knowles, de nationalité Bahaméenne, propriétaire, porteur du permis de séjour Nº. 44291, identifié au Nº. 339-96-646, demeurant à Laboule, Section de l'Etang de Jonc, Pétion-Ville, domicilié à Port-au-Prince, ayant pour Avocats Mes. Georges A. Beaufils et Garry L. Lissade dûment identifiés, patentés et imposés, avec élection de domicile au Cabinet du premier sis en cette ville, Rue Geffrard Nº. 60; 2o) Le sieur Raymond Alexis, identifié au Nº. 414-29-959, propriétaire, demeurant et domicilié à Port-au-Prince, ayant pour Avocats Mes. Ewald Alexis et André Chalmers, dûment identifiés, patentés et imposés, avec élection de domicile au Cabinet du premier sis à la Rue des Casernes, Nº. 34.

En cassation d'un arrêt rendu entre les parties par la Cour d'Appel des Gonaïves à la date du quinze avril mil neuf cent quatre-vingt-douze.

Ouï, à l'audience publique du quatre décembre mil neuf cent quatre-vingt-douze, Messieurs les Juges Gérard-Charles Alerte et Raoul Lyncée en la lecture de leur rapport respectif, puis, Mes. Gary L. Lissade et Ewald Alexis en celle de leurs requêtes et dans le développement de leurs moyens et enfin Monsieur le Substitut Luc S. Fougère en la lecture de ses conclusions.

Vu les actes déclaratifs des pourvois, l'arrêt attaqué ensemble son exploit de signification, les requêtes des parties et les pièces à l'appui, notamment les récépissés constatant la consignation des amendes, les susdites conclusions du Ministère Public et les textes de loi invoqués.

Et, après en avoir délibéré en la Chambre du Conseil, au vou de la loi.

Attendu que Raymond Alexis et la Esso étaient liés par un contrat de bail relativement à un immeuble sis en cette ville, Boulevard Jean-Jacques Dessalines, loué par le premier en vue de s'y livrer au commerce des produits pétroliers; qu'en l'année 1965, la Esso actionna son locataire en justice en paiement de loyers et en déguerpissement des lieux loués; que la procédure était en cours quand le 18 janvier 1967, sur l'ordre du Secrétaire d'Etat de la Justice d'alors, Me Rameau Estimé, Raymond Alexis fut arrêté et incarcéré au Pénitencier National jusqu'au 6 février suivant; entre-temps, sur la réquisition du même Secrétaire d'Etat, des scellés furent apposés sur la station service et un inventaire dressé, à la suite duquel, William Alexis fit, au nom de son frère, remise des lieux à la Esso.

Attendu qu'estimant que la Esso avait fait procéder sans décision de justice à son déguerpissement après l'avoir fait arrêter et incarcérer pendant une quinzaine de jours, Raymond Alexis l'assigna en dommages-intérêts par devant le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, lequel rendit à la date du 1er juin 1987 un jugement reconnaissant qu'Alexis a été déguerpi sans décision de justice de l'immeuble qu'il occupait à titre de locataire, et condamnant la Esso à lui payer quatre cent mille dollars de dommages-intérêts.

Attendu qu'Appel relevé de ce jugement, la Cour de Port-au-Prince le confirma par son arrêt daté du 26 août 1988.

Attendu que cet arrêt, soumis à la censure de la Cour de Cassation, fut cassé par décision en date du 2 août 1989, sur le motif que les Juges d'Appel avaient admis, sans l'établir, une faute lourde à la charge de la Esso; la cause et les parties furent renvoyées par devant la Cour d'Appel des Gonaïves pour qu'il fût statué conformément à la loi.

Attendu que la Cour de Renvoi, par son arrêt du 15 avril 1992, a, avant faire droit, appointé Raymond Alexis à fournir, par tous les moyens légaux à sa convenance, la preuve des faits mis à la charge de la Esso, la preuve volontaire étant de droit.

C'est contre ce dernier arrêt que la Esso Standard Oil, S.A. d'abord, et Raymond Alexis ensuite se sont pourvus en Cassation, et, pour le faire casser et annuler ont présenté la première, trois moyens dont deux combattus par le défendeur, le second, deux moyens dont un seul est combattu par la Esso, laquelle a soulevé une fin de non-recevoir contre le deuxième pourvoi. De son côté, le Ministère Public a sollicité la jonction de deux pourvois, ce qui a été ordonné par la Cour sur l'approbation des deux parties.

Sur la fin de non recevoir de la Esso, tirée de ce que Raymond Alexis, en combattant, dans sa requête, les moyens de pourvoi, a pris la défense de l'arrêt attaqué; par conséquent, y a implicitement acquiescé, ce qui le rend non recevable, aux termes de l'article 416 C.P.C., à se pourvoir en Cassation contre ledit arrêt.

Attendu que l'Article 416 C.P.C. invoqué, précise que pour rendre une partie non recevable à se pourvoir en Cassation contre une décision, son acquiescement à ladite décision doit être positif; que ce terme "positif" implique soit une déclaration formelle, soit un acte ou un fait d'où résulte la volonté sans équivoque de la partie d'accepter la décision.

Attendu que cette volonté ne se révèle pas dans les moyens de défense de Raymond Alexis, d'autant plus qu'il n'a pas combattu le troisième moyen de la demanderesse, moyen qu'il a d'ailleurs repris à son compte dans son propre pourvoi, et n'a pas non plus conclu au rejet du pourvoi de la Esso; il ressort que la fin de non-recevoir est non fondée et est d'ores et déjà écartée.

Sur le premier moyen de la Esso pris de violation du Droit de la Défense par violation des articles 68, 85 et 282 C.P.C., défaut de motifs et manque de base légale, en ce que la Cour d'Appel des Gonaïves aurait refusé de tirer les conséquences légales de la violation de l'article 68 au motif illégal, souligne-t-elle, que la Esso, en concluant au fond, est censée y avoir renoncé.

Attendu que l'Article 68 C.P.C. suscité est libellé comme suit: «Il sera donné avec l'exploit copie des pièces ou de la partie des pièces sur lesquelles la demande est fondée; à défaut de ces copies, celles que le demandeur sera tenu de donner dans le cours de l'instance, n'entreront point en taxe».

Attendu qu'il est évident que la copie des pièces sur lesquelles la demande est fondée n'est pas exigée à peine de nullité, la seule sanction étant que ces pièces, que le demandeur a la latitude de produire dans le cours de l'instance, n'entreront point en taxe, c'est-à-dire qu'il en supportera les frais, qu'elle que soit l'issue du procès.

Or, attendu qu'il se vérifie que les Juges d'Appel ont bien fait ressortir l'absence de la sanction de nullité attachée au texte; que, s'ils ont cru nécessaire d'ajouter un autre motif, ce motif surabondant ne tire à aucune conséquence dès lors que le dispositif est déterminé par un motif légal; il s'ensuit que ce reproche est immérité et le moyen non fondé, d'où son rejet.
Sur le deuxième moyen de la Esso pris de violation du Droit de la Défense, violation de l'article 282 C.P.C. par défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale, en ce que la Cour d'Appel des Gonaïves a laissé sans réponse une demande, réitérée devant elle, de déclarer inopposables à la Esso deux copies de lettres adressées en janvier 1967, l'une au Président à Vie de la République, l'autre au Secrétaire d'Etat à l'Information.

Attendu que les Juges d'Appel ont rendu un arrêt avant-dire droit, donc n'ont pas statué au fond définitivement; que dès lors la Esso ne peut leur reprocher de ne pas tenir compte de conclusions qui ne sont autres que des arguments de défense touchant au fond du litige; ce deuxième moyen manquant en fait sera rejeté.

Sur le premier moyen de Raymond Alexis pris de violation de l'article 282 C.P.C., motif erroné équivalant à une absence de motifs, dénaturation des faits de la cause, en ce que les Juges d'Appel des Gonaïves ont basé leur décision sur des considérants inexacts, entachés d'erreurs.

Attendu que Raymond Alexis critique l'arrêt d'appel pour avoir déclaré dans un de ses motifs que le premier Juge s'était basé sur les seules déclarations du demandeur ou son intime conviction pour condamner la Esso alors que, soutient-il, ce Juge avait également puisé ses motifs de décider dans les données de la cause et des documents comme l'aveu de Me Beaufils qu'il se trouvait au Département de la Justice convoqué par le Secrétaire d'Etat Estimé, et la lettre de ce dernier à la Esso l'invitant à prendre possession de la station de gazoline exploitée par Alexis.

Attendu que ces deux faits ci-dessus relatés, non suffisamment pertinents pour établir la responsabilité de la Esso, ont néanmoins contribué à former cette intime conviction du Juge signalée par les Juges d'Appel dans le motif incriminé, ensemble les déclarations du demandeur, comme base de la décision de Première Instance, il n'existe donc de la part de ces Juges aucun motif erroné ou dénaturation des faits de la cause, d'où le rejet du moyen.

Sur les troisième moyen de la Esso et deuxième moyen de Raymond Alexis prirent tous deux de violation de l'article 282 C.P.C. avec, en plus pour la Esso, violation des articles 9 et 1100 C.C. en ce que l'arrêt entrepris a appointé Raymond Alexis à faire, par tous les moyens légaux à sa convenance, la preuve des faits mis à la charge de la Esso, sans articuler les faits à prouver.

Attendu que s'il est de règle que le jugement qui ordonne une preuve doit énoncer les faits sur lesquels doit porter cette preuve, il n'est pas nécessaire, cependant, que cette énonciation se trouve au dispositif, elle peut valablement être placée dans les motifs, voire même dans les conclusions des parties ou le point de fait de la décision.

Attendu qu'il se vérifie que lesdits faits, à savoir les manouvres qu'aurait employées, la Esso pour aboutir à l'incarcération de Raymond Alexis et à son déguerpissement de la Station Service, sont longuement détaillés tant dans les motifs de l'arrêt que dans le point de fait et les conclusions de l'intimé, demandeur originaire; il en résulte que ce moyen commun manque en fait et sera rejeté ensemble les deux pourvois.
Par ces motifs, la Cour, le Ministère Public entendu, rejette les pourvois de la Esso Standard Oil, S.A et de Raymond Alexis; ordonne la confiscation de l'amende consignée; compense les dépens.

Ainsi jugé et prononcé par Nous, Emile Jonassaint, Président, Gérard-Charles Alerte, Larousse B. Pierre, Raymond Gilles, Georges Moïse, Raoul Lyncée et Dumas Desrosiers, Juges, en audience publique et solennelle du vendredi vingt-deux janvier mil neuf cent quatre-vingt-treize, en présence de Monsieur Boniface Alexandre, Substitut du Commissaire du Gouvernement, avec l'assistance du Greffier Jean Robert Délice.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 22-01-93
Date de la décision : 22/01/1993
Sections réunies

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ht;cour.cassation;arret;1993-01-22;22.01.93 ?
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