LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE SECTION, A RENDU L’ARRÊT SUIVANT :
SUR LE POURVOI du sieur Édrick Léandre, propriétaire, demeurant et domicilié à Port-au-Prince, identifié au no 003-156-490-8 actuellement détenu au Pénitencier national, ayant pour avocats constitués Mes Raynold Georges, Bedy Nicolas Hector, Pierre C.Labissière, Eddy Léandre du barreau de Port-au-Prince, tous dûment identifiés, patentés et imposés avec élection de domicile sis en leur cabinet au no 22 de la rue Capois, Port-au-Prince ;
CONTRE un arrêt de débet de la Cour de supérieure des Comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA) rendu le trente août deux mille onze entre lui et l’État haïtien, agissant en justice par la Direction générale des impôts (DGI) établie à Port-au-Prince et représentée par son directeur général d’alors Robert Joseph, propriétaire, demeurant et domicilié à Port-au-Prince, identifié au no 003-509- 370-0, ayant pour avocats Mes Jean Serge François, Markenston Brice, François Bonhomme, Maurice Alexandre du barreau de Port-au-Prince, tous dûment identifiés, patentés et imposés, avec élection de domicile au siège central de la DGI, sis à l’avenue Christophe au no 62, Port-au-Prince ;
OUÏ à l’audience ordinaire et publique du mercredi trente janvier deux mille treize, la partie demanderesse représentée par ses avocats qui ont développé les conclusions de leur client, le substitut du commissaire du gouvernement Me Jean Sainclair Joassaint en la lecture des conclusions de son collègue le substitut Gilbaud Robert tendant à la cassation de l’arrêt querellé ;
VU l’acte déclaratif du pourvoi, l’arrêt attaqué, les requêtes des parties et leurs exploits de signification ensemble des autres pièces à l’appui, le récépissé de l’amende consignée, les susdites conclusions du ministère public et les textes de loi invoqués ;
Et après en avoir délibéré en chambre du conseil au vœu de la loi ; Il appert des faits de la cause qu’une commission de vérificateurs de la Cour supérieure des Comptes et du Contentieux administratif chargée d’auditionner les comptes de l’Office d’Assurances des Véhicules Contre Tiers (OAVCT) pour la période allant de mars 2004 à septembre 200 a rédigé un rapport à cet effet .
Suite à ce rapport d’audit financier de la cellule d’instruction et de vérification, la CSC/CA, en ses attributions juridictionnelles, s’est octroyé la saisine des faits le lundi onze mai deux mille neuf. La cause évoquée fut retenue par Monsieur Édrick Léandre, alors directeur général de l’OAVCT, assisté de son avocat Me Léon Saint-Louis.
Après diverses audiences, la Cour a rendu son arrêt en date du trente août deux mille onze dont le dispositif est ainsi libellé : « la Cour, sur les conclusions conformes de l’audition se déclare compétente rationae materiae pour connaître et se prononcer sur l’audit de la gestion financière de l’Office d’Assurances des Véhicules Contre Tiers (OAVCT) ;
- dit que le directeur général de l’OAVCT, le sieur Édrick Léandre, en tant qu’ordonnateur est comptable de deniers publics ; dit en outre, qu’il y a dans sa gestion prévarications, malversations, concussions et détournements,
- le condamne, en conséquence, au remboursement des dix-sept millions quatre cent vingt-cinq mille cent quatre-vingt-sept gourdes et vingt centimes (17 425 187, 20 gdes) ;
- ordonne la signification de l’arrêt à la Direction générale des impôts (DGI) représentant de l’État haïtien tant en demandant qu’en défendant aux fins de geler les avoirs financiers et la mise sous séquestre des biens meubles et immeubles du sieur Édrick Léandre jusqu’au paiement intégral du montant ;
- ordonne également la signification de l’arrêt au Ministère de l’Économie et des Finances pour son exécution ;
- ordonne enfin la transmission de cet arrêt au parquet du Tribunal de première instance de Port-au-Prince pour les suites légales ; commet l’huissier Cidoine Louis-Juste pour la signification de l’arrêt à l’intéressé et aux différentes entités publiques précitées. »
C’est contre cet arrêt de débet que le sieur Édrick Léandre s’est pourvu en cassation en proposant trois moyens à l’appui de son recours : 1 moyen pris d’excès de pouvoir résultant de la violation de l’article 32 du décret-loi du 21 janvier 1959, violation du droit de la défense-dénaturation des faits de la cause ; 2 ) moyen pris d’excès de pouvoir et violation de l’article 282 du CPC, violation du droit de la défense-absence de base légale ; 3 ) moyen pris de violation de l’article 282 du CPC, motifs contraires de la loi et erronés, dénaturation des faits de la cause-excès de pouvoir, lesquels sont combattus par le défendeur.
SUR LE PREMIER MOYEN ATTENDU QUE le pourvoyant, le sieur Édrick Léandre, en se basant sur l’article 32 du décret-loi du 21 janvier 1959, critique la CSC/CA d’avoir créé une auto-saisine pour s’autoriser à retenir une cause afin d’en décider comme elle l’a fait en violation de la loi ;
ATTENDU QUE le défendeur, l’État haïtien, a combattu ce moyen, en relatant que les décrets du 4 novembre 1983 et du 23 novembre 2005 combinés et l’article 200 de la Constitution portent organisation et fonctionnement de la CSC/CA, cette Cour est chargée du contrôle administratif et juridictionnel des recettes et des dépenses de l’État de la vérification de la comptabilité des entreprises d’État ainsi que celles des collectivités territoriales ;
ATTENDU QUE, par correspondance datée du 23 mai 2007, la CSC/CA a informé le sieur Édrick Léandre d’une commission de vérificateurs chargée d’un audit financier à l’OAVCT ;
ATTENDU QUE ce rapport d’audit a été notifié au sieur Édrick Léandre et qu’en réaction à ce dit rapport, après avoir fourni certaines pièces justificatives, les vérificateurs ont produit un deuxième rapport avec certaines modifications ;
ATTENDU QUE, selon l’esprit de l’article 31 du décret du 23 novembre 2005, la cellule d’instruction et de vérification a pour obligation de transmettre sans délai ses analyses et ses conclusions au président de la chambre concernée aux fins de jugement. Il s’ensuit que c’est à bon droit que la CSC/CA s’est octroyée cette auto-saisine afin de retenir la cause et comme juge de droit commun en matière financière et administrative d’en décider comme il convient, ainsi donc ce premier moyen sera rejeté ;
SUR LE DEUXIÈME MOYEN
ATTENDU QUE le pourvoyant reproche aux juges de la CSC/CA de ne pas insérer dans l’arrêt des défenses produites par lui ; lesquelles sous forme de mémoire en l’espèce ont la valeur de conclusions parce que c’est dans cette forme que la loi autorise la présentation des moyens de défense ;
ATTENDU QUE le défendeur soutient que le mémoire est une simple note destinée à rappeler plus ou moins brièvement ce qui a été soutenu soit dans les conclusions, soit dans la plaidoirie, en conséquence, il n’est fait obligation au magistrat de viser cette pièce, encore moins d’y statuer ;
ATTENDU la CSC/CA avait analysé et le mémoire et le rapport d’audit financier au point qu’elle s’en est inspirée pour arriver à cette décision ;
ATTENDU QUE les dispositions de l’article 282 du Code de procédure civile, exigeant que la rédaction des arrêts ou jugements contienne les conclusions des parties n’a prescrit aucune forme sacramentelle ni assigné aucune place où elles doivent être insérées ; il suffit qu’elles soient relatées dans l’arrêt ou jugement de manière à ce qu’il n’y ait aucun doute sur les prétentions des parties, ainsi ce moyen sera purement écarté avec les conséquences de droit ;
SUR LA PREMIÈRE BRANCHE.
ATTENDU QUE le pourvoyant critique les motifs de l’arrêt, qui, d’après lui, serait erronés, dubitatifs et contraires au dispositif ;
ATTENDU QUE cependant il ne précise pas les motifs de l’arrêt qui seraient erronés, dubitatifs et contraires au dispositif, d’où le rejet de la première branche ;
SUR LA SECONDE BRANCHE.-
ATTENDU QUE le pourvoyant fait grief à la CSC/CA d’avoir remplacé le juge Guy François L. Manigat, décédé, par le juge Georges Henri Pascal qui, celui-ci, a signé l’arrêt sans avoir participé au débat contradictoire ;
ATTENDU QU’il se constate dans l’arrêt querellé que le juge Georges Henri Pascal a siégé au col- lège du 10 juin 2011 ; d’où le rejet de la seconde branche ;
PAR CES MOTIFS, la Cour, sur les conclusions du ministère public, rejette les moyens ensemble le pourvoi du sieur Léandre contre l’arrêt de débet du trente août deux mille onze rendu par la CSC/CA entre lui et l’État haïtien ; ordonne au profit de l’État l’amende consignée et condamne le pourvoyant aux frais et dépens de la procédure liquidés à la somme de………. gourdes, en ce non compris le coût du présent arrêt.
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR NOUS, Anel Alexis Joseph, président, Jean Medtzgher Théo- dore, Bien- Aimé Jean, Windelle Coq Thélot, Louis Pressoir Jean Pierre, juges à l’audience ordinaire et publique du mercredi vingt-quatre (24) avril deux treize, en présence du ministère public, représenté par Me Jean Sainclair Joassaint, substitut du commissaire du gouvernement, et avec l’assistance du greffer en siège Monsieur Antoine Moise.
IL EST ORDONNÉ à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent arrêt à exécution, aux officiers du ministère public près les tribunaux civils d’y tenir la main, à tous commandants et autres officiers de la force publique d’y prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
EN FOI DE QUOI la minute du présent arrêt est signée du président des juges et du greffer susdits.
AINSI SIGNÉ : ANEL ALEXIS JOSEPH – JEAN MEDZGHER THÉODORE BIEN-AIMÉ – JEAN- WINDELLE COQ THÉLOT – LOUIS PRESSOIR JEAN-PIERRE – ET ANTOINE MOISE.
Décision attaquée : arrêt de débet de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) rendu le 30 août 2011