Liban, Cour de cassation, Chambre pénale 3, 26/1/2016, 2016-36 (Rejet)
Mots clés : Vente immobilière – contrat de vente falsifié - annulation du contrat - compétence du juge pénal - restitution de la propriété – dommages-intérêts – partie civile – action civile - action publique - Code pénal – Code des obligations et des contrats.
Décision attaquée : Jugement n° 698 du 26/11/2014 rendu par la Cour criminelle de Beyrouth.
Résumé : Il est de la compétence du juge pénal de prononcer l’annulation d’un contrat de vente immobilière falsifié et de restituer la propriété à la partie lésée en se fondant sur les dispositions du Code pénal relatives à la restitution et aux dommages-intérêts, et sur celles du Code des obligations et des contrats.
Texte intégral : L’original en langue en arabe est disponible et consultable à l'adresse suivante: https://www.ahjucaf.org/sites/default/files/arret%20en%20arabe.pdf
AU NOM DU PEUPLE LIBANAIS
La Cour de cassation, troisième chambre pénale, formée des magistrats Mme Suhair Al Haraki, Présidente, Mme Nahida Khaddaj et M. François Elias (délégué), conseillers, a rendu l’arrêt suivant :
(…)
Attendu que la question de l’appréciation du montant des sanctions civiles, qui est fixé par le juge pénal statuant sur une action civile intentée consécutivement à une action publique, est régie par les règles juridiques énoncées aux articles 129 à 146 du Code pénal ;
Attendu que, conformément aux dispositions de l’article 138 du Code pénal, « toute infraction qui cause à autrui un dommage soit matériel, soit moral, oblige son auteur à réparation » ;
Attendu que, conformément aux dispositions de l’article 129 du Code pénal, les restitutions et les dommages-intérêts figurent parmi les sanctions civiles qui peuvent être prononcées par le juge pénal, et que les restitutions consistent, selon l’article 130 du Code pénal, « dans le rétablissement de l’état de choses antérieur à l’infraction. Elles doivent toujours être ordonnées d’office quand elles sont possibles. La restitution de la chose qui est au pouvoir d’un tiers est régie par les dispositions du droit civil » ;
Attendu que, conformément aux dispositions de l’article 132 du Code pénal, « les dommages-intérêts sont régis par les articles 134 à 136 du Code des obligations et des contrats. Ils sont prononcés à la requête de la partie civile» ;
Attendu que, au vu des règles juridiques précitées qui régissent l’action civile intentée consécutivement à l’action publique examinée par le juge pénal, il est de la compétence de ce dernier de prononcer l’annulation d’un contrat de vente immobilière falsifié et de restituer la propriété à la partie lésée tant que cela reste possible et conforme aux règles régissant la matière en droit civil, et qu’il devait par conséquent décider d’office la restitution, si elle s’avère possible, ainsi que le versement de dommages-intérêts conformément aux dispositions du Code des obligations et des contrats, à la requête de la partie civile ;
Attendu que, selon l’article 134 du Code des obligations et des contrats, le versement de dommages-intérêts à la victime d’une infraction pénale se portant partie civile doit correspondre au dommage qu’elle a subi, qu’il revient à la juridiction pénale statuant sur l'affaire d’apprécier souverainement le montant de cette réparation au vu des circonstances et des faits relatifs à l'affaire jugée, ainsi qu’aux documents fournis par les parties au procès, en se fondant sur les différents critères matériels, moraux, subjectifs et objectifs, en ne dépassant point le montant de dommages-intérêts réclamés ;
Attendu que la Cour criminelle ayant, d’une part, prononcé l’annulation du contrat de vente falsifié et la réinscription au registre foncier de la propriété de la parcelle n° 10 du bien-fonds n° 2085 – Al Musaitbeh – au nom du demandeur Y. D., et l’anéantissement dudit contrat à partir du moment où le jugement prononcé devient insusceptible de recours,
et d'autre part, condamné l’accusé à restituer au demandeur T.A. la somme de deux cent soixante mille dollars américains ou son équivalent en monnaie libanaise à la
date de paiement, en sus des intérêts légaux à compter de la date de recouvrement de ce montant, ainsi que le versement d’un montant de cinq millions de livres libanaises à titre de dommages-intérêts, et constaté que l’accusé avait falsifié le contrat par la présentation d’une fausse carte d’identité portant sa propre photo ainsi que le nom de son frère Y.D., et l'ayant utilisée auprès du notaire public en vue de signer le contrat susmentionné, et conclu ainsi à l’incrimination de l’accusé, a respecté les dispositions légales susmentionnées relatives à la « restitution » et aux dommages-intérêts, et s’est conformée aux demandes de la partie civile, et n’a point outrepassé les règles de sa compétence ni violé les dispositions juridiques mentionnées au pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
1-Accepte le pourvoi dans la forme et le rejette au fond.
2-Condamne le demandeur au pourvoi aux frais et dépens.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre pénale, et prononcé le 26/1/2016.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la présidente, Mme Al Haraki, les conseillers, Mme Khaddaj et M. Elias, et le greffier de chambre, M. Mansour.
L'original de cette décision en langue arabe est disponible et consultable à l'adresse suivante: https://www.ahjucaf.org/sites/default/files/arret%20en%20arabe.pdf