Arrêt n° 35
du 30 janvier 2018
Cour de cassation – Chambre pénale :
Mme Souheir El-Harakeh, Présidente
M. Elias Eid et M. Maroun Abou Jaoudé, conseillers
La notion de suspension volontaire de l’article 200 in fine du Code pénal, ses conditions d’application et ses effets. Distinction entre suspension volontaire et tentative criminelle due à un échec affectant l’entreprise criminelle.
Attendu, d’autre part, qu’il ressort de l’article 200, in fine, du Code pénal que : «(…) si l'auteur de la tentative suspend volontairement son action, il ne sera puni que pour les actes accomplis qui, par eux-mêmes, constituent une infraction » ;
Attendu qu’au cas où ladite « suspension volontaire » est constatée, l’auteur de la tentative sera exonéré de la sanction et ne sera puni que pour les actes accomplis lorsque ces derniers sont, par eux-mêmes, constitutifs d’une infraction pénalement réprimée ;
Attendu que ladite notion de « suspension volontaire », suppose un sursis conscient de la part de l’auteur, agissant ainsi sous le poids d’un mobile psychologique intime, contrairement à la tentative criminelle dont l’aboutissement a été rendu impossible par le fait d’une circonstance étrangère à sa personne ;
Attendu qu’il ressort de l’enquête et des éléments matériels constatés par la Cour criminelle, que le demandeur au pourvoi a pu pénétrer à l’intérieur du supermarché moyennant une clé qu’il avait en sa possession, qu’il s’est équipé d’un marteau et d’un burin, qu’il a porté des gants et pénétré par effraction la salle du directeur par le biais de sa fenêtre en aluminium; qu’il a ensuite coupé le câble d’alimentation de la caméra de surveillance qui s’y trouvait et entrepris, sans succès, d’ouvrir le coffre-fort en lui assommant des coups à l’aide de son marteau et de son burin, réussissant simplement à briser sa serrure électronique ; que ses efforts ainsi dirigés, auraient duré environ une demi-heure ; que son renoncement ne fut que le fruit de l’échec de son entreprise criminelle et qu’après tant de tentatives inutiles, il renonça et revint chez lui, se débarrassant du marteau et du burin dans un conteneur-poubelle de la société Sukleen, et en conservant les gants à son domicile ;
Attendu qu’il ressort des faits ci-dessus relatés que le renoncement invoqué par le demandeur au pourvoi était la conséquence d’une circonstance factuelle l’ayant empêché de poursuivre son entreprise criminelle, à savoir, son incapacité à ouvrir le coffre-fort en dépit de ses tentatives laborieuses ; que lesdites tentatives se confirment par la propre déposition de l’accusé au cours de l’enquête préliminaire où l’on peut ainsi lire (page 4 du procès-verbal du commissariat de police judiciaire de Beyrouth n° 1583/302 en date du 6/5/2017) : «Hormis mes tentatives hardies, la porte du coffre-fort ne cédait pas; Ainsi, au bout d’une demi-heure environ, je suis retourné dans ma chambre… » ; qu’il réitéra ces mêmes paroles devant le juge d’instruction, déclarant qu’il (…) avait tenté d’enfoncer la porte du coffre-fort mais sans succès et qu’il n’avait ainsi rien pu voler (…) ;
Attendu qu’au vu des faits ci-haut constatés, le renoncement du demandeur au pourvoi ne résulte point d’une « suspension volontaire » ayant sa source dans son choix personnel et subjectif, mais d’un abandon de l’entreprise criminelle engendré par le fait d’une circonstance extérieure à son libre arbitre ;
Attendu qu’il n’y a pas ainsi lieu, à la lumière de ce qui précède, d’appliquer à l’accusé les dispositions de l’article 200, in fine, du Code pénal ;
(…) Qu’en statuant ainsi, incriminant l’accusé au titre de tentative de vol criminel punie aux articles 639 ensemble les articles 640 et 200 du Code pénal, la Cour criminelle a bien interprété et appliqué la loi, sans dénaturer les faits de l’espèce et sans ôter à son arrêt sa base légale ;