N° 153 / 2024 du 07.11.2024 Numéro CAS-2023-00187 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept novembre deux mille vingt-quatre.
Composition:
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée BONN & SCHMITT, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Stéphane EBEL, avocat à la Cour, et l’ADMINISTRATION DE L’ENREGISTREMENT, DES DOMAINES ET DE LA TVA, représentée par le directeur, ayant ses bureaux à L-1651 Luxembourg, 1-3, avenue Guillaume, défenderesse en cassation, comparant par la société en commandite simple CLIFFORD CHANCE, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Albert MORO, avocat à la Cour.
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Vu l’arrêt attaqué numéro 62/23 - VII - CIV rendu le 26 avril 2023 sous le numéro CAL-2022-00530 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 21 décembre 2023 par la société anonyme SOCIETE1.) à l’ADMINISTRATION DE L’ENREGISTREMENT, DES DOMAINES ET DE LA TVA (ci-après « l’AEDT »), déposé le 21 décembre 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 12 février 2024 par l’AEDT à la société SOCIETE1.), déposé le 15 février 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Marie-Jeanne KAPPWEILER.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait déclaré le recours, introduit par la demanderesse en cassation contre la décision du directeur de l’AEDT rejetant sa réclamation dirigée contre plusieurs bulletins de taxation d’office, non fondé. La Cour a confirmé le jugement.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 54 LTVA, Qui dispose que :
Article 54 LTVA :
dépenses qui n'ont pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses somptuaires, de divertissement ou de représentation.
Un règlement grand-ducal déterminera les conditions et les modalités d'application des dispositions prévues à l'alinéa qui précède. Ce règlement pourra également prévoir :
a) que certains biens et certains services, notamment ceux qui sont susceptibles d'être exclusivement ou partiellement utilisés pour les besoins privés de l'assujetti ou de son personnel, sont exclus totalement ou partiellement du régime de déductions ;
b) que le régime des déductions n'est pas applicable aux assujettis qui réalisent des opérations imposables à l'intérieur du pays, mais qui n'y ont pas d'établissement stable ou qui n'ont pas rempli les obligations à eux imposées par la présente loi ou par ses règlements d'exécution.
2. Un règlement grand-ducal pourra modifier les dispositions prévues au paragraphe 1er, en vue de les adapter aux exclusions du droit à déduction qui résultent d'accords internationaux, auxquels le Grand-Duché de Luxembourg est partie, ou du droit dérivé de ces accords ».
en ce que la Cour d’appel a appliqué erronément les dispositions de l’article 54 LTVA.
L’Arrêt Attaqué a commis une erreur de droit dans l’application des dispositions de l’article 54 LTVA.
En effet, la Cour d’appel a dissocié l’analyse du caractère somptuaire – ou non - des dépenses en relation avec les véhicules de prestige (leasing et/ou achat) de celle de l’exercice d’une activité économique (pour les activités d’achat-vente-
location) au sens des dispositions de l’article 5 LTVA.
La Cour d’appel s’est contentée de constater que, selon elle, SOCIETE1.) et son administrateur ne savent pas expliquer pour quelle raison la société doit détenir quatre véhicules de prestige pour une personne unique pour rendre visite au client unique (…) ».
Ce n’est qu’à l’issue de son analyse sur le caractère somptuaire des dépenses que la Cour d’appel en est venue à analyser le point de qualifier l’existence ou non d’une activité d’achat/vente/location de voitures de prestige au sens des dispositions de l’article 5 LTVA.
Cela signifie à l’évidence, qu’elle a simplement conclu au caractère somptuaire sans considération des arguments tendant à la qualification de l’activité d’achat/vente/location de voitures de prestige d’activité économique (ouvrant droit à déduction) au sens des dispositions de l’article 5 LTVA mais à la seule lumière de l’objet social historique de conseil économique.
alors que La Cour d’appel aurait dû prendre en compte l’objet social réel de la société SOCIETE1.) et les éléments justifiant l’exercice de l’activité économique d’achat/vente/location de voitures de prestiges. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir analysé la question du caractère somptuaire des dépenses, sans tenir compte de son argumentation tirée de l’exercice par elle d’une activité économique d’achat-vente-
location de véhicules de prestige.
Les juges d’appel, par des motifs non critiqués au moyen, ont retenu que la demanderesse en cassation n’avait pas établi exercer ou avoir eu l’intention d’exercer une activité d’achat-vente-location de véhicules au cours des exercices ayant fait l’objet des taxations d’office.
Il s’ensuit que le moyen est inopérant.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 68 LTVA, Qui dispose que :
Article 68 LTVA :
moyens de droit commun, à l'exception du serment et, en outre, par les procès-
verbaux de ses agents, toute infraction aux dispositions de la présente loi ou des règlements pris pour son exécution, de même que tout fait quelconque qui établit ou qui concourt à établir l'exigibilité de la taxe ou d'une amende.
Les infractions et faits visés à l'alinéa qui précède peuvent encore être constatés au moyen de procès-verbaux dressés par les officiers de la police judiciaire, les agents des douanes et la force publique chargés de collaborer au contrôle de l'impôt.
Les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire ».
en ce que la Cour d’appel a appliqué erronément les dispositions de l’article 68 LTVA.
alors que La Cour d’appel ne saurait donner une portée excessive au fait qu’aux termes des dispositions de l’article 68 LTVA un procès-verbal fait foi jusqu’à preuve du contraire en rejetant systématiquement toute justification. ».
Réponse de la Cour Il résulte des développements consacrés au moyen que la demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu que les dépenses relatives aux véhicules de prestige étaient somptuaires, alors qu’elle avait versé des « éléments chiffrés afin de quantifier les charges liées aux véhicules de prestige – finalement assez limitées – par rapport au chiffre d’affaires ».
Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des éléments de preuve et de fait desquels ils ont déduit que les dépenses relatives aux véhicules de prestige étaient somptuaires, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 5 LTVA, Qui dispose que :
Article 5 LTVA :
de recettes, et notamment les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, les activités agricoles, les activités des professions libérales et les activités comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence ».
Il convient d’ajouter les commentaires administratifs en notes infrapaginales sous l’article 5 LTVA (in Code Fiscal Luxembourgeois, Editions Saint Paul).
Note infrapaginale 1, premier tiret, b), sous l’article 5 LTVA:
soumises à TVA n’ont pas besoin d’être exercées dans un but lucratif, il suffit qu’elles tendent à la réalisation de recettes » ;
Note infrapaginale 1, deuxième tiret, première phrase, sous l’article 5 LTVA:
.
en ce que l’Arrêt attaqué N° 62/23 – VII - CIV rendu le 26 avril 2023 par la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile, a appliqué erronément les dispositions de l’article 5 LTVA alors que en se limitant à constater ayant d’abord constaté que posteriori l’objet social de la société pour y introduire le négoce de voitures, n’établit pas la réalité économique de l’activité invoquée et la vente de 2 voitures est insuffisante pour établir des actes préparatoires en vue de l’activité économique d’achat-vente-locations, de véhicules », la Cour d’appel a fait une application erronée des dispositions de l’article 5 LTVA.
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen en retenant qu’elle n’avait pas établi l’existence d’un lien direct et immédiat entre les dépenses relatives aux véhicules de prestige et l’activité économique d’achat-vente-location de véhicules.
Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des éléments de preuve et de fait desquels ils ont déduit que la demanderesse en cassation n’avait pas établi qu’elle avait eu l’intention, au cours des exercices ayant fait l’objet des taxations d’office, d’affecter les véhicules de prestige à une activité économique d’achat-vente-location de véhicules, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 5.000 euros.
La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
rejette la demande de la demanderesse en cassation en paiement d’une indemnité de procédure ;
la condamne à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 5.000 euros ;
la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation société anonyme SOCIETE1.) contre Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA (CAS-2023-00187) Le pourvoi en cassation, introduit par la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après SOCIETE1.)) par un mémoire en cassation signifié le 21 décembre 2023 à la partie défenderesse en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le même jour, est dirigé contre un arrêt n°62/23 rendu par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, en date du 26 avril 2023 (n° CAL-
2022-00530 du rôle). Cet arrêt a été signifié au mandataire de la demanderesse en cassation en date du 25 octobre 2023.
Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
La partie défenderesse a signifié un mémoire en réponse le 12 février 2024 et elle l’a déposé au greffe de la Cour le 15 février 2024.
Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.
Les faits et antécédents Par exploit d’huissier de justice du 26 octobre 2020, SOCIETE1.) a fait donner assignation à l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA (ci-après l’AEDT) à comparaître devant le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, pour voir réformer, sinon annuler la décision du directeur de l’AEDT du 17 juillet 2020 par laquelle celui-ci a partiellement rejeté sa «Réclamation» du 16 décembre 2019 dirigée contre trois bulletins de taxation d’office concernant les années 2016, 2017 et 2018 émis à son encontre le 30 août 2019 suite à un procès-verbal du 1er juillet 2019 émis par le Service Anti-fraude de Diekirch.
Par jugement civil du 24 novembre 2021, le tribunal d'arrondissement a déclaré recevable mais non-fondé le recours judiciaire contre la décision du Directeur de l’AEDT et a condamné SOCIETE1.) à payer une indemnité de procédure de 1.000.- euros.
Par exploit d’huissier du 28 avril 2022, SOCIETE1.) a formé appel contre ce jugement.
En date du 26 avril 2023, la Cour d’appel a rendu un arrêt qui « reçoit l’appel de la société anonyme SOCIETE1.) S.A., le dit non fondé, confirme le jugement entrepris, condamne SOCIETE1.) à payer à l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA une indemnité de procédure de 3.000,- euros pour l’instance d’appel, condamne la société SOCIETE1.) aux frais et dépens de l’instance d’appel […] » Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.
Sur les trois moyens de cassation pris ensemble:
Concernant l’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse en cassation dans sa remarque liminaire :
La partie défenderesse en cassation soulève dans une remarque liminaire l’irrecevabilité des moyens de cassation au motif qu’aucune disposition du mémoire en cassation n’indiquerait quelle partie du dispositif est critiquée. Les trois moyens seraient dirigés exclusivement contre les motifs et ne répondraient dès lors pas aux exigences de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
« Il est indispensable d’indiquer dans le moyen le chef du dispositif critiqué par le pourvoi, puisque c’est cette partie du moyen qui contribuera à fixer l’étendue de la cassation, qui, on le verra, ne laisse rien subsister du dispositif annulé, quelle que soit la nature du grief qui a déterminé cette annulation (…) Le moyen exclusivement dirigé contre les motifs de l’arrêt est irrecevable. »1 Il ressort de la lecture du dispositif du mémoire en cassation que celui-ci tend à obtenir la cassation et l’annulation de l’arrêt entrepris dans ses dispositions attaquées, à savoir l’intégralité du dispositif dudit arrêt qui y est cité.
Les trois moyens sont dès lors recevables en ce qui concerne l’indication des dispositions attaquées.
Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 54 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la TVA (ci-après la LTVA), qui dispose :
« 1. N'est pas déductible la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses qui n'ont pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses somptuaires, de divertissement ou de représentation.
1 Jacques et Louis Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 6e éd. 2023/2024, n°81.112 Un règlement grand-ducal déterminera les conditions et les modalités d'application des dispositions prévues à l'alinéa qui précède. Ce règlement pourra également prévoir :
a) que certains biens et certains services, notamment ceux qui sont susceptibles d'être exclusivement ou partiellement utilisés pour les besoins privés de l'assujetti ou de son personnel, sont exclus totalement ou partiellement du régime de déductions ;
b) que le régime des déductions n'est pas applicable aux assujettis qui réalisent des opérations imposables à l'intérieur du pays, mais qui n'y ont pas d'établissement stable ou qui n'ont pas rempli les obligations à eux imposées par la présente loi ou par ses règlements d'exécution.
2. Un règlement grand-ducal pourra modifier les dispositions prévues au paragraphe 1er, en vue de les adapter aux exclusions du droit à déduction qui résultent d'accords internationaux, auxquels le Grand-Duché de Luxembourg est partie, ou du droit dérivé de ces accords. » Le moyen reproche à l’arrêt entrepris de s’être contenté de constater que « la société SOCIETE1.) et son administrateur ne savent pas expliquer pour quelle raison la société doit détenir quatre véhicules de prestige pour une personne unique pour rendre visite au client unique.( …) » et d’avoir qualifié de somptuaires les dépenses en relation avec le leasing, respectivement l’achat des voitures de prestige en tenant compte du seul objet social historique de conseil économique, alors qu’il aurait fallu tenir compte de l’objet social réel de SOCIETE1.).
Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 68 LTVA qui dispose :
« L'administration est autorisée à prouver selon les règles et par tous moyens de droit commun, à l'exception du serment et, en outre, par les procès-verbaux de ses agents, toute infraction aux dispositions de la présente loi ou des règlements pris pour son exécution, de même que tout fait quelconque qui établit ou qui concourt à établir l'exigibilité de la taxe ou d'une amende.
Les infractions et faits visés à l'alinéa qui précède peuvent encore être constatés au moyen de procès-verbaux dressés par les officiers de la police judiciaire, les agents des douanes et la force publique chargés de collaborer au contrôle de l'impôt.
Les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire. » Le moyen reproche à la décision attaquée d’avoir accordé une portée excessive au fait qu’un procès-verbal fait foi jusqu’à preuve du contraire en rejetant systématiquement toute justification.
Le moyen est dirigé contre les motifs suivants de l’arrêt dont pourvoi :
« Son argument que de nombreuses sociétés disposent de voitures de service de prestige et que la notion de « dépenses somptuaires » serait une notion relative, est resté à l’état d’une simple affirmation et n’a aucune influence sur son cas concret et aucun élément de preuve tangible n’est versé, ni une comparaison entre la taille de la société SOCIETE1.), à actionnaire unique et client unique, avec les sociétés disposant de voiture de direction ou mises à disposition à titre d’avantage en nature, visées par PERSONNE1.). » La partie demanderesse en cassation aurait toutefois, dans son acte d’appel, donné des éléments chiffrés afin de quantifier les charges liées aux véhicules de prestige par rapport au chiffre d’affaires.
Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 5 LTVA qui dispose :
« Par activité économique on entend toute activité tendant à la réalisation de recettes, et notamment les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, les activités agricoles, les activités des professions libérales et les activités comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. » Le moyen reproche à l’arrêt entrepris de s’être limité à constater que « le fait de modifier a posteriori l’objet social de la société pour y introduire le négoce de voitures, n’établit pas la réalité économique de l’activité invoquée et la vente de deux voitures est insuffisante pour établir des actes préparatoires en vue de l’activité économique d’achat-vente-locations, de véhicules. » Conclusions concernant les trois moyens pris ensemble:
Dans l’arrêt Rompelman2, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la CJUE) a considéré que les activités économiques visées à l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive concernant le système commun sur la TVA3 peuvent consister en plusieurs actes consécutifs et que les activités préparatoires, comme l’acquisition de moyens d’exploitation doivent déjà être imputées aux activités économiques. « A cet égard, il n’y a pas lieu de distinguer selon les différentes formes juridiques de ces actes préparatoires, notamment entre, d’une part, un droit de créance concernant la propriété future et, d’autre part, l’acquisition de la propriété même. En outre, le principe de la neutralité de la TVA quant à la charge fiscale de l’entreprise exige que les premières dépenses d’investissement effectuées pour les besoins et en vue d’une entreprise soient considérées comme activités économiques. »4 En ce qui concerne l’intention déclarée d’affecter les biens concernés à une opération soumise à la taxation, le même arrêt a retenu qu’il incombe à celui qui demande la déduction de la TVA d’établir que les conditions pour en bénéficier sont remplies et que « l’article 4 ne s’oppose 2 Arrêt Rompelman du 14 février 1985 dans l’affaire 268/83, point 22 3 Lors de la transposition de la directive, cette disposition a été reprise textuellement dans l’article 5 LTVA 4 Arrêt Rompelman précité, point 23 pas à ce que l’administration fiscale exige que l’intention déclarée soit confirmée par des éléments objectifs ».5 Dans l’arrêt Lennartz6, la CJUE a réitéré que « l’utilisation immédiate des biens pour des livraisons taxées ou exonérées ne constitue pas, en elle-même, une condition d’application de l’article 20, paragraphe 2 [régularisation des déductions] ». La Cour précise toutefois que « le point de savoir si un assujetti, dans un cas particulier, a acquis des biens pour les besoins de ses activités économiques au sens de l’article 4 de la sixième directive est une question de fait qui doit être appréciée compte tenu de l’ensemble des données de l’espèce, parmi lesquelles figurent la nature des biens visés et la période écoulée entre l’acquisition des biens et leur utilisation aux fins des activités économiques de l’assujetti. »7 Sous le couvert d’une violation des dispositions visées, les trois moyens tendent à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve invoqués pour établir la réalité de l’intention déclarée, respectivement l’existence d’un lien entre les dépenses concernant les voitures de prestige et l’activité d’achat-vente-locations de véhicules, qui a été inscrite à l’objet social dans les statuts coordonnés postérieurement au contrôle effectué par le Service Anti-fraude en 2019.
Les trois moyens ne sauraient être accueillis.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais à rejeter.
Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 5 Arrêt Rompelman précité, point 24 ; arrêt Inzo du 29 février 1996 dans l’affaire C-110/94, point 23 ; arrêt Ablessio du 14 mars 2013 dans l’affaire C-527/11, point 25 ; arrêt SMS du 21 septembre 2017 dans l’affaire C-
441/16, point 46 ; arrêt Ryanair du 17 octobre 2018 dans l’affaire C-249/17, point 18 ; arrêt Gabalfrisa du 21 mars 2000 dans les affaires jointes C-110/98 à C-147/98, point 46 ; arrêt Breitsohl du 8 juin 2000 dans l’affaire C-400/98, point 34 6 Arrêt Lennartz du 11 juillet 1991 dans l’affaire C-97/90, points 16, 39 et 40 7 Arrêt Lennartz précité, point 21 (nous soulignons) ; dans le même sens : arrêt SMS précité, point 47 ; arrêt Klub du 22 mars 2012 dans l’affaire C-153/11, point 41 12