N° 161 / 2024 du 14.11.2024 Numéro CAS-2024-00004 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatorze novembre deux mille vingt-quatre.
Composition:
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Premier ministre, ayant ses bureaux à L-1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine, demandeur en cassation, comparant par Maître François KAUFFMAN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Annamaria RANIERI, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.
Vu l’arrêt attaqué numéro 2023/0216 rendu le 6 novembre 2023 sous le numéro de registre ADEM 2023/0108 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 4 janvier 2024 par l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG (ci-après « L’ETAT ») à PERSONNE1.), déposé le 5 janvier 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Ecartant le mémoire en réponse signifié le 29 février 2024 par PERSONNE1.) à l’ETAT, déposé le 4 mars 2024 au greffe de la Cour, conformément à l’article 16 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, en ce que la signification n’a pas été faite au domicile élu du demandeur en cassation ;
Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la défenderesse en cassation s’était vu refuser, par décision directoriale de l’Agence pour le développement de l’emploi, l’indemnité de chômage complet, au motif qu’elle ne remplissait pas la condition de stage de 26 semaines de travail au cours des douze mois précédant le jour de son inscription comme demandeur d’emploi, prévue à l’article L. 521-6 du Code du travail. La décision de refus a été confirmée par la Commission spéciale de réexamen (ci-après « la CSR »).
Le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait rejeté le recours exercé par la défenderesse en cassation contre cette dernière décision au motif que le stage effectué par elle avant son embauchage par un contrat de travail à durée indéterminée n’était pas à prendre en considération pour la condition de stage prévue à l’article L. 521-6 du Code du travail, un tel stage n’étant pas soumis à l’assurance obligatoire en application de l’article 179 du Code de la sécurité sociale.
Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a dit, par réformation, que le Conseil arbitral avait, à tort, rejeté le recours et confirmé la décision de la CSR, aux motifs, d’une part, que l’article 179 du Code de la sécurité sociale ne trouvait pas à s’appliquer au stage effectué par la défenderesse en cassation dès lors que ce texte « prévoit une dispense d’assurance pour les seuls élèves et étudiants pendant leurs vacances scolaires » et, d’autre part, que la défenderesse en cassation avait été affiliée en application de l’article 1, paragraphe 3, du Code de la sécurité sociale.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi, sinon de la fausse interprétation de la règle de droit, en l’occurrence l’article 179 du Code de la sécurité sociale.
en ce que l’arrêt attaqué a, contrairement aux juges de 1ière instance, conclu à la non-applicabilité de l’article 179 du code de la sécurité sociale en retenant .
alors que la dispense d’assurance s’applique également, sous certaines conditions, à d’autres catégories de personnes. ».
Réponse de la Cour Il ressort des développements consacrés au moyen que le demandeur en cassation fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir retenu que la disposition visée au moyen ne s’applique pas aux personnes effectuant un stage, indemnisé ou non, au motif qu’il « prévoit une dispense d’assurance pour les seuls élèves et étudiants pendant leurs vacances scolaires », alors que la dispense de l’assurance pension obligatoire s’appliquerait, sous certaines conditions, à d’autres catégories de personnes dont celles effectuant un stage ne dépassant pas une durée totale de trois mois par année de calendrier.
L’article L. 521-3, point 7, du Code du travail dispose « Pour être admis au bénéfice de l’indemnité de chômage complet, le salarié doit répondre aux conditions d’admission » dont notamment celle de « remplir la condition de stage définie à l’article L. 521-6. ».
L’article L. 521-6, paragraphe 1, alinéa 2, du même code dispose « Ne peuvent être comptées pour le calcul du stage que les périodes ayant donné lieu à affiliation obligatoire auprès d’un régime d’assurance pension.».
Le critère de l’éligibilité, au titre de la condition de stage, à l’admission du bénéfice de l’indemnité de chômage complet est celui de l’affiliation obligatoire à l’assurance pension.
Vu l’article 179, paragraphe 1, du Code de la sécurité sociale, inséré au livre III relatif à l’assurance pension, qui dispose « Sont dispensées de l’assurance [pension] obligatoire les personnes qui exercent leur activité professionnelle uniquement d’une façon occasionnelle et non habituelle et ce pour une durée déterminée à l’avance qui ne doit pas dépasser trois mois par année de calendrier. ».
Pour les besoins de l’application de cette disposition légale, le stage est assimilé à une activité professionnelle.
Il résulte de l’arrêt attaqué que la défenderesse en cassation avait effectué un stage volontaire d’une durée inférieure à trois mois par année de calendrier avant d’être engagée par un contrat de travail à durée indéterminée.
En retenant, par rapport à la question de savoir si la période du stage volontaire accomplie par la défenderesse en cassation est à prendre en considération pour déterminer si la condition de stage prévue à l’article L. 521-6, paragraphe 1, du Code du travail est remplie « L’article 179 du Code de la sécurité sociale avancé par les juges de première instance ne saurait trouver application, dès lors qu’il prévoit une dispense d’assurance pour les seuls élèves et étudiants pendant leurs vacances scolaires. », les juges d’appel ont violé la disposition visée au moyen.
Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation sur ce point.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi, sinon de la fausse interprétation de la règle de droit, en l’occurrence, l’article L.521-6 (1) 1ère phrase du Code du travail tel que modifié par la loi du 13 mai 2008 en ce que l’arrêt attaqué a, pour déclarer la demande de Mme PERSONNE1.) fondée, assimilé le contrat de stage au contrat de travail afin de retenir qu’elle remplirait la condition de stage prévue par l’article L.521-3 du Code du travail.
alors que ledit article s’applique donc exclusivement aux salariés liés par un (ou plusieurs) contrat(s) de travail. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen en ayant retenu que la défenderesse en cassation remplissait la condition de stage y prévue, en l’assimilant pendant la durée de son stage volontaire ayant précédé le contrat de travail à un salarié.
Vu l’article L. 521-6, paragraphe 1, alinéa 1, du Code du travail qui dispose « Répondent à la condition de stage prévue à l’article L. 521-3, le salarié occupé à plein temps et le salarié occupé habituellement à temps partiel sur le territoire luxembourgeois conformément à l’article L. 521-1 à titre de salarié lié par un ou plusieurs contrats de travail, pendant au moins vingt-six semaines au cours des douze mois précédant le jour de l’inscription comme demandeur d’emploi auprès des bureaux de placement publics. ».
L’admission au bénéfice de l’indemnité de chômage complet suppose, au titre de la condition de stage prévue à l’article L. 521-3, le statut de salarié dans le chef de la personne qui en fait la demande. Le statut de salarié suppose notamment le versement d’un salaire.
Il ressort de l’arrêt attaqué que la défenderesse en cassation avait conclu un contrat de stage volontaire non rémunéré.
La défenderesse en cassation n’avait, partant, pendant la période de son stage volontaire, pas le statut de salarié, son affiliation « au CCSS sous le régime de salarié » au titre d’une autre disposition légale étant à cet égard sans incidence. Le stage volontaire accompli par la défenderesse en cassation n’entre, dès lors, pas en ligne de compte au niveau du calcul de la durée requise au titre de la condition de stage prévue par la disposition visée au moyen.
En retenant, nonobstant le défaut de la qualité de salarié dans le chef de la défenderesse en cassation pendant la durée de son stage volontaire, « (…) la période d’affiliation en tant que stagiaire est (…) à prendre en considération pour la computation des 26 semaines d’assurance obligatoire requise pour être éligible à l’obtention des indemnités de chômage.
Pouvant se prévaloir d’une affiliation de 28 semaines pendant la période de référence de 12 mois précédant le jour de l’inscription comme demandeur d’emploi, c’est à tort que le chômage a été refusé par l’ADEM à [la défenderesse en cassation]. », les juges d’appel ont violé la disposition visée au moyen.
Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation sur ce point.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il ne paraît pas inéquitable de laisser à charge du demandeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il y a lieu de rejeter sa demande en allocation de procédure.
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen de cassation, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué numéro 2023/0216 rendu le 6 novembre 2023 sous le numéro du registre ADEM 2023/0108 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, autrement composée ;
rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne la défenderesse en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître François KAUFFMAN, sur ses affirmations de droit ;
ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Sandra KERSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation ETAT DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG c/ PERSONNE1.) (affaire n° CAS-2024-00004 du registre) Le pourvoi du demandeur en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 5 janvier 2024 d’un mémoire en cassation, signifié le 4 janvier 2024 à la défenderesse en cassation, est dirigé contre un arrêt n° 2023/0216 rendu contradictoirement le 6 novembre 2023 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale dans la cause inscrite sous le numéro ADEM 2023/0108 du registre.
Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est dirigé contre un arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale, contre lequel un pourvoi en cassation peut être formé sur base de l’article 455, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale.
Il est recevable au regard du délai1 et de la forme2.
Le pourvoi est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (ci-après « la loi de 1885 »), rendus applicables par l’article 455, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale.
Il est, partant, recevable.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, ayant été saisi par PERSONNE1.) d’un recours contre la décision directoriale de l’Agence pour le développement de l’emploi (ci-après « ADEM »), confirmée par la Commission spéciale de réexamen3, de lui refuser l’indemnité de chômage qu’elle avait sollicitée à la suite de son licenciement, motif pris de ce qu’elle ne remplissait pas la condition de stage de 26 semaines de travail au cours des 12 mois précédant le jour de l’inscription comme 1 Le délai de cassation, de deux mois au regard de l’article 7, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, la demanderesse en cassation demeurant dans le Grand-Duché, a été respecté, le délai ayant commencé à courir à partir de la notification, en date du 9 novembre 2023, de l’arrêt attaqué à la demanderesse en cassation, faite conformément à l’article 458 du Code de la sécurité sociale, le pourvoi ayant été formé le 5 janvier 2024, donc moins de deux mois après cette notification de l’arrêt attaqué.
2 La demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié à la partie adverse antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités imposées par l’article 10 de la loi de 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, rendues applicables par l’article 455, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale, ont été respectées.
3 Instituée par l’article L. 527-1, paragraphe 2, du Code du travail.
demandeur d’emploi, prévue par l’article L. 521-6 du Code du travail, le Conseil arbitral de la sécurité sociale rejetait le recours comme non fondé. Sur appel de la requérante, le Conseil supérieur de la sécurité sociale décida, par réformation, que l’indemnité de chômage avait été refusée à tort.
Sur le cadre juridique Le Code du travail dispose que :
« Art. L. 521-3. Pour être admis au bénéfice de l’indemnité de chômage complet, le salarié doit répondre aux conditions d’admission suivantes :
[…] 7. remplir la condition de stage définie à l’article L. 521-6 ;
[…] Art. L. 521-6. (1) Répondent à la condition de stage prévue à l’article L. 521-3, le salarié occupé à plein temps et le salarié occupé habituellement à temps partiel sur le territoire luxembourgeois conformément à l’article L. 521-1 à titre de salarié lié par un ou plusieurs contrats de travail, pendant au moins vingt-six semaines au cours des douze mois précédant le jour de l’inscription comme demandeur d’emploi auprès des bureaux de placement publics.
Ne peuvent être comptées pour le calcul du stage que les périodes ayant donné lieu à affiliation obligatoire auprès d’un régime d’assurance pension.
[…] ».
Le Code de la sécurité sociale dispose que :
« Art. 1. (Alinéa 1) Sont assurés obligatoirement [à l’assurance maladie] conformément aux dispositions qui suivent : 1) les personnes qui exercent au Grand-Duché de Luxembourg contre rémunération une activité professionnelle pour le compte d’autrui ;
[…] (Alinéa 3) Sont assurées obligatoirement dans les conditions applicables aux personnes visées au numéro 1) de l’alinéa 1 du présent article les personnes exerçant au Grand-
Duché de Luxembourg une activité professionnelle rémunérée pour un tiers sans être établies légalement à leur propre compte ou celles effectuant un stage rémunéré ou non sans être assurées [dans le cadre de l’assurance accident] au titre de l’article 91.
[…] Art. 4. Sont dispensées de l’assurance [maladie] obligatoire les personnes qui exercent leur activité professionnelle uniquement d’une façon occasionnelle et non habituelle et ce pour une durée déterminée à l’avance qui ne doit pas dépasser trois mois par année de calendrier.
[…] « Art. 85. (Alinéa 1) Sont assurés obligatoirement dans le cadre d’un régime général d’assurance accident : 1) les personnes qui exercent au Grand-Duché de Luxembourg contre rémunération une activité professionnelle pour le compte d’autrui ;
[…] (Alinéa 2) Sont assurées obligatoirement dans les conditions applicables aux personnes visées au numéro 1) de l’alinéa 1 du présent article les personnes exerçant au Grand-
Duché de Luxembourg une activité professionnelle rémunérée pour un tiers sans être établies légalement à leur propre compte ou celles effectuant un stage rémunéré ou non sans être assurées au titre de l’article 91.
[…] Art. 179. (Alinéa 1) Sont dispensées de l’assurance [pension] obligatoire les personnes qui exercent leur activité professionnelle uniquement d’une façon occasionnelle et non habituelle et ce pour une durée déterminée à l’avance qui ne doit pas dépasser trois mois par année de calendrier.
[…] (Alinéa 3) L’occupation d’élèves et d’étudiants pendant leurs vacances scolaires ne donne pas lieu à affiliation [à l’assurance pension]. » ;
Sur le litige La défenderesse en cassation a été engagée, du 22 mars au 16 avril 2021, donc pendant 4 semaines, par un employeur au titre d’un contrat de stage volontaire non rémunéré et assuré contre les risques vieillesse et invalidité, maladie/maternité, accident professionnel et risque dépendance4. Ce stage volontaire a été suivi d’un contrat de travail à durée indéterminée conclu avec le même employeur5. Ce contrat a été résilié par l’employeur avec effet au 3 octobre 20216, donc a duré 24 semaines7.
La défenderesse en cassation s’est ensuite inscrite à l’ADEM comme demandeur d’emploi et a introduit une demande d’indemnité de chômage, qui lui a été refusée au motif qu’elle ne respectait pas la condition d’éligibilité définie par l’article L. 521-6 du Code du travail, exigeant une occupation salariée de 26 semaines au cours de la période de référence de 12 mois8, son contrat de travail n’ayant duré que 24 semaines.
4 Arrêt attaqué, page 3, avant-dernier alinéa.
5 Idem, même page dernier alinéa.
6 Idem et loc.cit.
7 Jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale (Pièce n° 2 annexée au mémoire en cassation), page 2, antépénultième alinéa.
8 Arrêt attaqué, page 2, sixième au huitième alinéa.
Le Conseil arbitral de la sécurité sociale rejeta son recours en refusant notamment de prendre en considération, au titre de la condition d’éligibilité prévue par l’article L. 521-6 du Code du travail, la période de stage volontaire non rémunéré prestée par elle du 22 mars au 16 avril 2021, au motif que ce stage n’était, au regard de l’article 179 du Code de la sécurité sociale, pas soumis à l’assurance pension obligatoire9.
Sur appel de la défenderesse en cassation, le Conseil supérieur de la sécurité sociale réforma le jugement entrepris, après avoir rappelé que, au titre de la condition d’éligibilité de l’article L.
521-6 du Code du travail, ne peuvent être comptées que les périodes ayant donné lieu à affiliation obligatoire auprès d’un régime d’assurance pension, aux motifs que la période de stage volontaire devait être prise en considération au titre de la condition d’éligibilité précitée parce que les personnes effectuant un stage indemnisé ou non sont assimilées aux personnes qui exercent une activité professionnelle rémunérée, puisqu’elles sont obligatoirement assurées contre le risque de maladie au titre de l’article 1er, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale et parce que l’article 179 de ce Code, invoqué par le Conseil arbitral, n’est pas pertinent, ne prévoyant une dispense d’affiliation à l’assurance pension que pour les seuls élèves et étudiants occupés pendant leurs vacances scolaires et que la défenderesse a été affiliée au cours de son stage volontaire sous le régime de salarié et que les cotisations y relatives ont été payées, de sorte que la période de stage était à prendre en considération au titre des conditions d’éligibilité précitée et que, à prendre cette période en considération, la défenderesse en cassation était éligible aux indemnités de chômage10.
Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 179 du Code de la sécurité sociale, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a, par réformation, retenu que la défenderesse en cassation réunissait les conditions d’éligibilité à l’indemnité du chômage au motif, notamment, que « [l]’article 179 du code de la sécurité sociale avancé par les juges de première instance ne saurait trouver application, dès lors qu’il prévoit une dispense d’assurance pour les seuls élèves et étudiants pendant leurs vacances scolaires »11, alors que la dispense d’assurance s’applique également, sous certaines conditions, à d’autres catégories de personnes, à savoir qu’elle s’applique aux stagiaires lorsque leur stage ne dépasse pas une durée totale de trois mois par année de calendrier12, le stage accompli en l’espèce, d’une durée de moins de trois mois, ayant été dispensé d’une obligation d’affiliation à l’assurance pension, de sorte que l’affiliation effectuée en l’espèce était une affiliation volontaire et non une affiliation obligatoire, partant, n’était pas pertinente pour être retenue au titre des conditions d’éligibilité définies par l’article L. 521-6, paragraphe 1, alinéa 2, du Code du travail, disposant 9 Idem, même page, avant-dernier alinéa.
10 Idem, page 4, deuxième au cinquième alinéa.
11 Idem, même page, troisième alinéa.
12 Le demandeur en cassation se réfère au commentaire des articles du projet de loi n° 5611 étant devenu la loi du 22 décembre 2006 promouvant le maintien dans l’emploi et définissant les des mesures spéciales en matière de sécurité sociale et de politique de l’environnement (Mémorial, A, 2006, n° 239 du 29 décembre 2006, page 4710).
Cette référence est toutefois erronée. La citation reproduite dans la discussion du moyen est, en réalité, tirée du projet de loi n° 5899 étant devenu la loi du 12 mai 2010 portant réforme de l’assurance accident (Mémorial, A, 2010, n° 81 du 27 mai 2010, page 1490) : Document parlementaire n° 5899, page 59, sous « Article 85 CSS », troisième alinéa.
que ne peuvent être comptées que les périodes ayant donné lieu à affiliation obligatoire auprès d’un régime d’assurance pension.
La demanderesse en cassation avait demandé en l’espèce de voir inclure dans la période de référence à prendre en considération au titre de l’article L. 521-6 du Code du travail pour être éligible à l’indemnité de chômage la période de stage volontaire de 4 semaines qu’elle avait accomplie auprès de son futur employeur13.
Les juges de première instance refusèrent cette prétention aux motifs que :
« […] ce moyen ne peut être accueilli puisque selon l’article 179 du Code de la sécurité sociale, une telle activité n’est pas soumise à l’assurance obligatoire et que la période de stage n’a pas été intégrée dans le contrat de travail »14.
Les juges d’appel décidèrent au contraire que :
« L’article 179 du code de la sécurité sociale avancé par les juges de première instance ne saurait trouver application, dès lors qu’il prévoit une dispense d’assurance pour les seuls élèves et étudiants pendant leurs vacances scolaires »15.
Le demandeur en cassation critique, dans son premier moyen, le bien-fondé de ce motif d’appel.
Par ce dernier les juges d’appel ont conclu que l’occupation de stagiaire était, en l’espèce, subordonnée à une affiliation obligatoire à l’assurance pension, condition exigée par l’article L. 521-6, paragraphe 1, alinéa 2, du Code du travail, qui dispose que « [n]e peuvent être comptées pour le calcul du stage [de 26 semaines d’occupation au cours des 12 mois précédant l’inscription comme chômeur] que les périodes ayant donné lieu à affiliation obligatoire auprès d’un régime d’assurance pension ».
L’article 179 dispose dans son alinéa 1 que « [s]ont dispensées de l’assurance [pension] obligatoire les personnes qui exercent leur activité professionnelle uniquement d’une façon occasionnelle et non habituelle et ce pour une durée déterminée à l’avance qui ne doit pas dépasser trois mois par année de calendrier ».
L’assurance pension n’est donc pas obligatoire pour les personnes qui exercent une activité professionnelle lorsque celle-ci est exercée, certes pendant une durée déterminée à l’avance, mais qui ne dépasse pas trois mois par année de calendrier.
Cette lecture est confirmée par le commentaire de l’article 1er du projet de loi n° 5899, qui est devenu la loi du 12 mai 2010 portant réforme de l’assurance accident16 :
« Les stages visés par l’article 85 nouveau [du Code de la sécurité sociale, relatif à l’assurance accident] étant assimilés à une activité professionnelle, les articles 4 et 179 du CSS s’appliquent aux stagiaires ne tombant pas sous l’application de l’article 91 nouveau, de sorte qu’ils doivent toujours être assurés au titre de l’assurance accident, ils sont cependant dispensés de l’assurance maladie et de l’assurance pension 13 Arrêt attaqué, page 3, deuxième alinéa, et jugement de première instance (Pièce n°2 annexée au mémoire en cassation), page 3, quatrième alinéa.
14 Jugement de première instance, page 3, cinquième alinéa.
15 Arrêt attaqué, page 4, troisième alinéa.
16 Voir ci-avant la note n° 12.
obligatoires lorsque le ou les stages effectués ne dépassent pas une durée totale de trois mois par année de calendrier »17.
Les stages, même s’ils sont, du point de vue de l’assurance accident, assimilés à une activité professionnelle, ne donnent donc lieu à affiliation obligatoire à l’assurance pension que s’ils dépassent une durée totale de trois mois par année de calendrier.
Un stage, comme celui de l’espèce, d’une durée de moins de trois mois ne donne donc pas lieu à affiliation obligatoire à cette assurance. Le critère d’éligibilité de l’article L. 521-6, paragraphe 1, alinéa 2, du Code du travail étant que le candidat à l’indemnité de chômage exerce une activité qui est soumise à une affiliation obligatoire à l’assurance pension, ce critère n’est pas respecté lorsque l’activité considérée est, sur base de l’article 179 du Code de la sécurité sociale, dispensée d’une telle obligation d’affiliation.
Contrairement à ce qui a été retenu dans l’arrêt attaqué, l’article 179 du Code de la sécurité sociale est donc pertinent pour apprécier, en l’espèce, le respect de l’article L. 521-6, paragraphe 1, alinéa 2, du Code du travail, disposant que ne peuvent être comptées pour l’appréciation de l’éligibilité aux indemnités de chômage « que les périodes ayant donné lieu à affiliation obligatoire auprès d’un régime d’assurance pension ».
Il s’ensuit que le premier moyen est fondé.
Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article L. 521-6, paragraphe 1, alinéa 1, du Code du travail, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a, par réformation, retenu que la défenderesse en cassation réunissait les conditions d’éligibilité à l’indemnité du chômage au motif que la période de stage non rémunérée était à prendre en considération au titre des conditions d’éligibilité de l’article précité, alors que cet article rend exclusivement éligible à l’indemnité de chômage les salariés liés par un contrat de travail.
Pour être éligible à l’indemnité de chômage le candidat doit, conformément à l’article L. 521-
6, paragraphe 1, alinéa 1, du Code du travail, être un « salarié lié par un ou plusieurs contrats de travail ». Le contrat de travail, pour la définition duquel l’article L. 121-1 du Code du travail renvoie à l’article 1779.1° du Code civil, qui vise « le louage de gens du travail au service de quelqu’un », suppose une « prestation de travail accomplie moyennant une rémunération du salarié, dans un lien de subordination »18.
Le critère d’éligibilité de l’indemnité de chômage est donc de ce point de vue plus strict que ceux de l’assurance maladie19, de l’assurance accident20 ou de l’assurance pension21 qui ne sont pas réservés aux seuls salariés, donc à ceux qui exercent contre rémunération une activité professionnelle pour le compte d’autrui, mais étendent le bénéfice de ces assurances à d’autres 17 Idem (c’est nous qui soulignons).
18 Cour d’appel, 26 mars 1998, Pas. 31, page 19, voir page 20, colonne de droite, troisième alinéa.
19 Article 1er du Code de la sécurité sociale.
20 Article 85 du même Code.
21 Article 170 du même Code.
catégories de personnes, et plus spécifiquement, pour ce qui concerne les deux premières catégories d’assurance, aux titulaires d’un stage même non rémunéré22.
Même si le stage, de surcroît non rémunéré, n’est pas formellement prévu parmi les conditions d’éligibilité de l’indemnité de chômage de l’article L. 521-6 du Code du travail, les juges du fond auraient toutefois eu le pouvoir de qualifier en l’espèce la relation contractuelle, intitulée par les parties de stage volontaire non rémunéré, comme constituant en réalité un contrat de travail, éligible au titre de l’article précité.
Les juges de première instance avaient examiné cette question en constatant que, en l’espèce, « la période de stage n’a pas été intégrée dans le contrat de travail »23, donc ne pouvait être assimilée à un tel contrat.
Le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour conclure que cette période est à retenir au titre de l’article L. 521-6, paragraphe 1, alinéa 1, du Code du travail, constate que la défenderesse en cassation a été, à cette fin, « affiliée au CCSS sous le régime de salarié »24. Il déduit donc l’éligibilité de la période de stage au titre de cet article de l’affiliation effectuée en l’espèce aux assurances maladie, accident et pension.
Cet argument se comprend dans la logique de la prémisse du Conseil supérieur que « les personnes effectuant au Luxembourg un stage indemnisé ou non sont assimilées aux personnes qui exercent une activité professionnelle rémunérée »25. Cette prémisse n’est cependant correcte que pour les assurances maladie et accident, qui, dans les articles 1, alinéa 3, et 85, alinéa 2, du Code de la sécurité sociale, assimilent le stage rémunéré ou non à l’activité professionnelle rémunérée, donc assimilent le stagiaire au salarié. L’extrait cité ci-avant, dans le cadre de la discussion du premier moyen, des travaux parlementaires concerne d’ailleurs la seule assurance accident. La législation relative à l’assurance pension ne prévoit pas formellement une telle assimilation, mais elle n’est pas pour autant, contrairement à l’article L.
521-6 du Code du travail, circonscrite à la seule activité professionnelle rémunérée, et, à plus forte raison, à la condition que cette activité doive être accomplie pour le compte d’autrui, donc elle n’est pas circonscrite aux seuls salariés. L’assurance chômage suppose, à la différence des assurances maladie, accident et pension, formellement le statut de salarié du bénéficiaire.
Un stage, de surcroît non rémunéré, n’ouvre donc pas droit à l’indemnité de chômage. Il n’en va différemment que si la relation contractuelle formellement qualifiée de stage par les parties est, en réalité, à qualifier de contrat de travail, ce qui suppose, comme exposé ci-avant, une « prestation de travail accomplie moyennant une rémunération du salarié, dans un lien de subordination »26.
Pour conclure que la défenderesse en cassation pouvait se prévaloir de la période du stage volontaire non rémunéré au titre des conditions d’éligibilité de l’article L. 521-6, paragraphe 1, du Code du travail, le Conseil supérieur se fondait sur les circonstances que l’intéressée « [avait] été affiliée au CCSS sous le régime de salarié pour son stage volontaire non rémunéré en application de l’article 1 (3) du code [donc à l’assurance maladie, de laquelle relève cet article] 22 Voir, s’agissant de l’assurance maladie, l’article 1er, alinéa 3, du même Code et, s’agissant de l’assurance accident, l’article 85, alinéa 2, du même Code.
23 Jugement de première instance, page 3, cinquième alinéa.
24 Arrêt attaqué, page 4, quatrième alinéa.
25 Idem, même page, troisième alinéa.
26 Arrêt précité de la Cour d’appel du 26 mars 1998.
et [que] les cotisations [avaient] été payées »27. Il déduisait donc cette conclusion de l’affiliation de la défenderesse à la sécurité sociale, plus particulièrement de son affiliation à l’assurance maladie. Il avait déjà, dans un passage précédent de l’arrêt, précisé que cette affiliation s’était, outre à l’assurance maladie, également étendue aux « risque vieillesse et invalidité, […] accident professionnel et risque dépendance »28.
Il a été vu ci-avant que les assurances maladie, accident et pension ne sont pas circonscrites aux seuls salariés, mais s’étendent à d’autres catégories de personnes, dont le stagiaire. Cette extension du bénéfice de ces assurances aux stagiaires est même explicite pour ce qui concerne les assurances maladie et accident. L’affiliation d’un stagiaire à ces assurances n’est donc pas pertinente pour en déduire que ce stagiaire est à considérer, au titre de l’article L. 521-6, paragraphe 1, du Code du travail, relatif à l’indemnité de chômage, circonscrite aux seuls salariés, comme un salarié lié par un contrat de travail. Il ne résulte par ailleurs pas de l’arrêt que la déduction de l’éligibilité de la période de stage au titre de l’article précité procéderait d’une qualification du stage accompli en l’espèce comme contrat de travail.
Il s’ensuit que le deuxième moyen est fondé.
Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article L. 521-6, paragraphe 1, alinéa 2, du Code du travail, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a, par réformation, retenu que la défenderesse en cassation réunissait les conditions d’éligibilité à l’indemnité du chômage au motif qu’elle était affiliée à la sécurité sociale sous le régime de salarié et que les cotisations avaient été payées, alors que l’affiliation à l’assurance pension de la défenderesse pour la période concernée n’est, en l’absence de production d’une déclaration de sortie, pas prouvée, sinon ne constitue pas une affiliation obligatoire, sa durée, d’un mois, ayant été inférieure à la durée minimale, de trois mois, faisant, sur base de l’article 179, alinéa 1, du Code de la sécurité sociale, naître l’obligation d’affiliation, imposée par l’article L. 521-
6, paragraphe 1, alinéa 2, du Code du travail, comme condition d’éligibilité de l’activité concernée pour conférer droit à l’indemnité de chômage.
Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi de 1885, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture. Le cas d’ouverture est constitué par le grief concret opposé à la décision attaquée29.
Le moyen articule, sans être subdivisé en branches, d’une part, un grief tiré d’un défaut de preuve de l’existence de l’affiliation de la défenderesse en cassation et, d’autre part, un grief tiré du défaut de pertinence de cette affiliation, partant deux cas d’ouverture distincts.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable30.
Dans un ordre subsidiaire, il est observé que le Conseil supérieur de la sécurité sociale constata que « [s]uivant déclaration d’entrée du CCSS du 22 avril 2021, [la défenderesse en cassation] a été affiliée par [son employeur] pour une activité de stagiaire sous les régimes de salarié à 27 Arrêt attaqué, page 4, quatrième alinéa.
28 Idem, page 3, avant-dernier alinéa.
29 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 6e édition, 2023, n° 81.94, page 487.
30 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 8 février 2024, n° 24/2024, numéro CAS-2023-00055 du registre (réponse au troisième moyen).
partir du 22 mars 2021, pour être assurée contre le risque vieillesse et invalidité, maladie/maternité, accident professionnel et risque dépendance [et que] [s]uivant les informations fournies par l’appelante les cotisations ont été payées »31.
Le moyen, en critiquant que la preuve de l’affiliation n’était, en l’absence de production d’une déclaration de sortie, pas établie, se limite, sous le couvert de la violation de la disposition légale invoquée, à remettre en discussion cette appréciation souveraine des juges du fond.
Il s’ensuit que, dans cette mesure, il ne saurait être accueilli.
Dans la mesure où le moyen critique, dans un second grief, que l’affiliation à l’assurance pension n’est, en raison de son caractère non obligatoire au regard de l’article 179, alinéa 1, du Code de la sécurité sociale, pas pertinente pour permettre de retenir l’activité affiliée au titre de l’article L. 521-6, paragraphe 1, alinéa 2, du Code du travail, il rejoint le premier moyen et appelle la même réponse, de sorte qu’il est, s’agissant de ce grief, fondé Conclusion :
Le pourvoi est recevable et partiellement (c’est-à-dire en ce qui concerne les deux premiers moyens et, à le supposer recevable, le second grief du troisième moyen) fondé Pour le Procureur général d’État Le Procureur général d’État adjoint John PETRY 31 Arrêt attaqué, page 3, avant-dernier alinéa. Voir également, page 4, quatrième alinéa (« L’appelant ayant été affiliée au CCSS sous le régime de salarié pour son stage volontaire non rémunéré en application de l’article 1 (3) du code et les cotisations ayant été payées »).