E198-62/63 21 mai 1963 7056
Manutention Aa c/société «Centre-auto ».
Cassation d'un jugement du tribunal de première instance de Casablanca du 3 juin 1960.
La Cour,
SUR LES DEUX PRMIERS MOYENS REUNIS :
Vu l'article 5 du cahier des charges de la Manutention Aa rendu applicable par le dahir du 15 joumada II 1353 (25 septembre 1934);
Attendu qu'il résulte de ce texte que la Manutention Aa est responsable des pertes et avaries survenues au cours des manutentions et transports effectués par elle et au cours du séjour des marchandises dans ses installations;
Attendu que pour retenir la responsabilité de la Manutention Aa pour des avaries survenues à 38 véhicules automobiles déchargés par elle du navire «Ceuta» et déposées dans ses installations, le tribunal, ayant relevé que «l'appelante persiste à soutenir que les réserves qu'elle a prises lors du débarquement et ayant consisté à signaler seulement que des véhicules étaient recouverts de poussière sont suffisantes pour dégager sa responsabilité quant aux rayures et éraflures qui ont été constatées, car celles-ci ne pouvaient être vues », énonce «que l'expert dont les rapports ne sont pas contestés a affirmé que les rayures étaient visibles malgré la poussière »;
Or attendu qu'en se bornant à ces constations de fait sans en tirer aucune conséquence de nature à établir que les avaries se sont produites après la prise en charge des véhicules par la Manutention Aa, le tribunal n'a pas donné une base légale à sa décision;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Azoulay.__Avocat général : M. Neigel.__Avocats : MM. Machwitz, Walch.
Observations
La responsabilité de la Manutention Aa dont le fondement a été étudié sous un précédent arrêt (v. supra, note I sous l'arrêt n°37) est évidement subordonnée à la preuve que les dommages se sont produits entre la mise sous palan des marchandises et leur remise au destinataire. Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, y compris par simples présomptions de fait, mais encore faut-il que les juges expriment leur conviction et indiquent sur quoi ils la fondent.
En l'espèce les seules réserves faites par la Manutention Aa lors de la mise sous palan étaient relatives à l'état poussiéreux des voitures déchargées; l'acconier soutenait donc que la poussière l'avait empêché de constater l'existence des rayures dont se plaignait le destinataire. Cependant, selon l'expertise, ces rayures «étaient visibles malgré la poussière ».
Les juges auraient pu en déduire que si les dommages avaient été antérieurs au déchargement, la Manutention Aa les aurait remarqués et signalés dans ses réserves, et ils auraient pu tirer de l'abstention de l'acconier à cet égard la conviction que les rayures avaient nécessairement été causées après la mise sous palan.
Mais, au lieu de s'expliquer sur ces points, le tribunal s'était borné à exposer les faits sans en
tirer de conclusion, et dès lors, la condamnation de la Manutention Aa ne se trouvait pas légalement justifiée.