206-62/63 28 mai 1963 10 335
Aa Ac de Seguros
C/Loscacio d'Alaforte et Société anonyme de Négoce International.
Pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Tanger du 30 janvier 1962.
(Extrait)
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN :
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué que Ab d'Alaforte et la société «SAVES », ayant assuré auprès de la Compagnie Marocaine d'Assurances le navire Windermere, ont réclamé à cette dernière paiement de l'indemnité prévue pour perte du navire en offrant de délaisser celui-ci pour défaut de nouvelles;
Que l'assureur ayant refusé le délaissement et la Cour d'appel de Tanger ayant jugé qu'il n'était pas admissible parce que fait hors du délai légal, les assurés ont alors formé une action en paiement d'avaries;
Attendu que le pourvoi fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette action sans donner de motifs au soutien de sa décision et alors que l'offre de délaissement impliquait renonciation à l'actiond'avaries;
Mais attendu que les juges d'appel ont justement estimé que le créancier qui dispose de plusieurs actions pour obtenir l'exécution de l'obligation assumée envers lui peut, non seulement opter pour celle qui lui paraît préférable, mais encore, lorsque son choix s'est exercé en vain et qu'il n'a pas éter empli de ses droits, en poursuivre une seconde, dès lors qu'il n'a pas renoncé de façon
certaine à recouvrer sa créance et que l'obligation n'est pas éteinte par l'une des causes prévues par la loi;
Qu'ayant relevé qu'il n'existait en la cause ni renonciation de l'assuré à ses droits ni extinction de l'obligation de l'assureur, l'arrêt, qui est dûment motivé, abstraction faite d'autres motifs critiqués par le pourvoi, qui apparaissent surabondants, a donné une base légale à sa décision;
D'où il suit que le premier moyen n'est pas fondé.
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Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Tanchot.__Avocat général : M. Neigel.__Avocats : MM. Barnada, Pécune.
Observations
I et II.-Aucune disposition générale n'interdit au créancier d'une obligation, qui a été débouté d'une action intentée pour faire valoir ses droits, d'en exercer une autre tendant aux mêmes fins.
Sans doute son adversaire peut-il lui opposer l'exception de chose jugée.Mais cette exception qui ne peut être soulevée d'office par le juge, ni être invoquée pour la première fois en cassation, suppose l'existence d'une identité de personnes, d'objet et de cause entre les deux litiges.
Tel n'était pas le cas en l'espèce. En effet, en se bornant à décider que l'offre de délaissement
du navire était tardive et comme telle irrecevable, la première décision passée en force de chose jugée n'avait statué que sur un mode d'exercice du droit de l'assuré, mais elle ne s'était prononcée ni sur l'existence de ce droit, ni sur la possibilité de l'exercer sous une autre forme. L'assureur n'invoquait d'ailleurs ni un principe général de procédure, ni l'autorité de la chose jugée; il soutenait seulement, sans d'ailleurs justifier cette affirmation, que l'assuré qui a opté pour le délaissement n'est plus recevable à demander le règlement par avaries.
Or, au contraire, par application des règles générales prévues aux art. 23 et s. C. obl. contr., une offre devient caduque si elle n'a pas été acceptée dans le délai fixé, ou si, formée sans indication de délai, elle n'a pas été acceptée «dans un délai moral raisonnable» (art. 30 C. obl. contr.); et une offre refusée cesse à plus forte raison de lier le pollicitant (v. T. I, note sous l'arrêt n°134, p. 240). Dès lors, l'assuré qui a saisi le tribunal pour faire valider une offre de délaissement refusée par l'assureur, est en droit de renoncer à celle-ci et de demander le règlement par avaries, tant du moins que l'assureur ne s'est pas décidé à accepter l'offre de délaissement ou que celle-ci n'a pas été validée par une décision judiciaire (en ce sens, v. Ripert, T. III, n. 2830).