156-63/64 4 mars 1964 11 839
Aa Ab Ac
c/Marcel Mourlon et la Compagnie Générale d'Assurances.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 7 novembre 1961.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
Vu l'article 106 du dahir des obligations et contrats;
Attendu que selon ce texte l'action en indemnité du chef d'un délit ou quasi-délit se prescrit par trois ans à compter du moment où la partie lésée a eu connaissance du dommage et de celui qui est tenu d'en répondre;
Qu'il s'ensuit que le délai de prescription ainsi prévu ne commence à courir qu'à compter du moment où la victime du dommage a eu connaissance de fait de l'identité des personnes pouvant être tenues à réparation;
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué que Aa Ab Ac, blessé le 8 novembre1955 par une automobile appartenant à Mourlon, a le 4 février 1959 assigné ce dernier ainsi que sa compagnie d'assurance en réparation du dommage qu'il avait subi;
Or attendu que, pour déclarer l'action prescrite, l'arrêt énonce «qu'en admettant même que la victime qui a déclaré aux enquêteurs le 28 novembre 1955 qu'il déposait plainte contre l'automobiliste, mais prétend que s'il ne l'a pas désigné nommément c'est qu'il en ignorait le nom, ne l'ait pas effectivement connu à ce moment même, il lui appartenait alors de s'informer personnellement et d'obtenir toute précision sur l'identité de l'auteur du dommage »;
Attendu qu'en se déterminant par ce seul motif, alors qu'elle aurait dû rechercher à quelle date cette identité avait été effectivement connue de Aa Ab Ac, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président : M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Morère.__Avocat général : M. Neigel.__Avocats : MM. Pérez, Bernaudat.
Observations
Pour déclarer prescrite l'action de la victime d'un délit ou d'un quasi-délit, les juges doivent constater que celle-ci n'a accompli aucun acte interruptif de prescription soit pendant un délai de 20 ans à dater «du moment où le dommage a eu lieu », soit pendant un délai de 5 ans à dater du moment où le demandeur a eu, à la fois, connaissance du dommage «et de celui qui est tenu d'en répondre».
Aucune disposition légale n'impose à la partie lésée de rechercher elle-même l'identité de l'auteur du dommage dans un laps de temps déterminé, et la prescription de 20 ans est la seule sanction de sa négligence à cet égard.