Cassation partielle, par voie de retranchement et sans renvoi, sur le pourvoi formé par la compagnie d'assurances L'Urbaine et la Seine contre un jugement rendu le 19 février 1963 par le tribunal de première instance de Rabat qui a confirmé une décision du tribunal de paix de la même ville du 21 juillet 1962 en ce qu'elle avait déclaré Ab Ae coupable d'infraction à l'article 32 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953, d'homicide et de blessures involontaires, mais, la réformant en ce que, avant de statuer au fond sur les constitutions de partie civile de oum Ad Af Ac A Aa et de khadija bent Abbès, elle avait ordonné une enquête pour établir les ressources de leur mari et père décédé, a alloué à ces dernières des indemnités définitives avec substitution de la compagnie d'assurances L'Urbaine et la Seine à Ab Ae pour le paiement de ces indemnités.
12 mars 1964
Dossier n°14295
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la « violation des articles 347, 352 du dahir de procédure pénale, 32 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953, 78 du dahir des obligations et contrats, violation de la loi, défaut de motifs et manque de base légale, en ce que le jugement attaqué a retenu la responsabilité de l'assurée de l'exposante et par voie de conséquence sa garantie, au motif que cette assurée aurait dû adapter l'allure de son véhicule aux circonstances de temps et de lieu, alors qu'il appartenait au tribunal de caractériser une faute du conducteur dans la production du dommage » :
Attendu qu'en énonçant que la prévenue, « quelqu'ait pu être sa vitesse de croisière, n'avait pas ralenti suffisamment alors que sur route mouillée elle sortait d'une courbe, circonstances et dispositions des lieux auxquelles elle devait adapter allure compte tenu de l'état de sa voiture de ses talents de conductrice », le jugement d'appel attaqué caractérisé l'imprudence de la prévenue, et son « manque d'adresse certain » qui, « ainsi que la faute d'inobservation des règles édictées par l'article 32 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953, sont en relation de cause à effet avec les blessures subies par ses passagers et le décès de l'un d'eux »;
D'où il suit que, la faute génératrice du dommage ayant été déterminée, le moyen manque en
fait;
MAIS SUR LE MOYEN PRIS D'OFFICE de la violation des articles 386 et 406 du Code de procédure pénale:
Attendu que peuvent être relevés d'office les moyens de cassation qui en même temps qu'aux intérêts civils touchent à l'ordre public, tels ceux relatifs à l'exercice des voies de recours devant les juridictions répressives;
Attendu qu'en application des articles précités, l'appel des jugements préparatoires ou interlocutoires n'est reçu qu'après jugement sur le fond; qu'il en est de l'appel interjeté contre les dispositions préparatoires ou interlocutoires d'un jugement comportant en outre des dispositions définitives;
Attendu qu'après avoir statué sur l'action publique, le tribunal de paix s'était borné à déclarer recevable l'action des parties civiles et à ordonner, par une disposition interlocutoire, une enquête pour déterminer l'importance de leur préjudice matériel; d'où il suit qu'en recevant l'appel interjeté par ces parties civiles contre le jugement du tribunal de paix « en ce que ce jugement ne leur avait pas alloué de plano les sommes par elles réclamées » et en fixant le montant des dommages-intérêts à leur accorder, alors que le premier juge n'avait pas statué sur le fond relativement à ces dommages- intérêts, les juges d'appel ont méconnu le principe du double degré de juridiction et les règles concernant l'effet dévolutif de l'appel, ont violé les textes visés au moyen, et ont excédé leurs pouvoirs;
Qu'en conséquence le jugement d'appel attaqué encourt la cassation, par retranchement et sans renvoi, en ses dispositions civiles, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de la demanderesse relatifs à ces dispositions;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties, par retranchement et sans renvoi, le jugement du tribunal de première instance de Rabat du 19 février 1963, mais uniquement en ses dispositions civiles.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Martin.-Avocat général : M.Ruolt.-Avocats : MM. Bayssière, de Traversay.
Observations
I. -Sur le premier point.-V. la note (Il) sous l'arrêt n°1338 du 28 févr. 1963.
Il. Sur les deuxième, troisième el quatrième points.-V. la note sous l'arrêt n°1270 du 20 déc.
1962.
III.-Sur le cinquième point.-V. la note (III) sous l'arrêt n°1317 du 7 févr. 1963.