180-63/64 1er avril 1964 14 097
Ai Ad Ab Ai Aa Ag B ben Rahal et autres.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 9 mars 1963.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN :
Vu l'article 451 du dahir des obligations et contrats sur l'autorité de la chose jugée;
Attendu qu'aux termes de ce texte sont considérés comme parties les héritiers et ayants cause des parties qui ont figuré à l'instance lorsqu'ils exercent les droits de leur auteur;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt infirmatif attaqué que le mokadem Af Ab Ak, agissant
tant pour son compte que pour celui des héritiers de Tahar ben Fedil, a fait opposition à une réquisition d'immatriculation déposée par Ai Ad Ab Ai Aa Ag; qu'il en a été débouté par arrêt du 24 septembre 1941; que postérieurement B Ab Af; Al Ab Ac et Aj Ab Ad descendants du même Tahar ben Fedil ont fait opposition à la même réquisition; que le requérant leur a opposé l'autorité de la chose jugée par l'arrêt précité;
Attendu que l'arrêt attaqué a rejeté cette exception au motif que les opposants invoquaient non seulement l'héritage de leur ancêtre fils de Tahar ben Fedil mais chacun respectivement celui de leur propre père;
Or attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas relevé que les pères des opposants tenaient eux-mêmes leurs droits d'une autre source que de la succession de leur ancêtre commun, les juges du second degré ont méconnu l'autorité attachée à l'arrêt du 24 septembre 1941 et n'ont pas donné de base légale à leur décision;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Morère.__Avocat général : M. Neigel.__Avocats : MM. Bruno, Ailhaud.
Observations
L'arrêt rapporté fournit un bon exemple de l'application des règles relatives aux conditions de l'autorité de la chose jugée en matière d'immatriculation.
Les faits étaient les suivants : une première opposition formée au nom des héritiers, non nommément désignés, de Ah Ab Ae avait été déclarée non fondée par une décision ayant acquis force de chose jugée; certains descendants du même Tahar avaient alors formé une nouvelle opposition en invoquant des droits provenant de la succession de leur père.
Dans l'hypothèse où ces droits avaient pour origine la succession de Tahar ben Fedil, l'exception de chose jugée soulevée par le requérant devait être accueillie; en effet : si le père des opposants était déjà décédé lors du premier procès, ses fils avaient nécessairement été parties au jugement puisqu'ils étaient déjà au nombre des héritiers de Tahar; si le père était décédé seulement depuis ce jugement puisqu'ils étaient déjà au nombre des héritiers de Tahar; si le père était décédé seulement depuis ce jugement, c'est lui qui avait été partie à l'instance en qualité d'héritier de Tahar, mais, par application de l'article 451 C. obl. contr., ses ayants cause à titre universel devaient être réputés avoir eux-mêmes été parties, et la décision rendue à l'encontre de leur auteur était opposable.
Ainsi, il y avait dans les deux cas identité de parties entre les deux litiges. Il y avait également identité d'objet et de cause, puisque les droits indivis revendiqués dans chacune des deux procédures étaient ceux hérités de Tahar par le père des demandeurs à la seconde opposition.
Au contraire, dans l'hypothèse où les droits revendiqués provenaient d'une autre source que la succession de Tahar, les droits prétendus du père des opposants différaient par leur quotité et leur origine de ceux sur lesquels il avait été statué, et l'exception de chose jugée ne pouvait être accueillie.