Abstract
Baux commerciaux - Baux d'habitation
Nature de la location - Utilisation réelle des lieux - Congé - Maintien dans les lieux.
Résumé
Lorsque, contrairement à leur affectation donnée par les parties à usage « de bureaux et de domiciliation de société », les locaux loués ont été affectés exclusivement à l'usage d'habitation sans protestation du bailleur au cours du bail, celui-ci n'a pas constitué un bail commercial mais la location de locaux d'habitation, ouvrant droit au maintien dans les lieux du preneur.
Motifs
La Cour,
Statuant sur l'appel, régulièrement interjeté par B., d'un jugement rendu, le onze juillet mil neuf cent soixante-huit, par le Tribunal de Première Instance de Monaco, lequel a décidé que, le bail qui liait B. à dame C., ayant cessé le premier septembre mil neuf cent soixante-six, la clause résolutoire y insérée ne pouvait plus être invoquée ; que l'occupation des lieux par dame C. relevait de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 ; qu'en conséquence, cette dernière avait droit au maintien dans les lieux, s'est déclaré incompétent pour fixer le prix de location et a rejeté toutes autres demandes des parties ;
Considérant que, par acte sous seing privé du seize août mil neuf cent cinquante-sept, B. a donné à bail à dame C., pour trois ans renouvelables, à compter du premier septembre mil neuf cent cinquante-sept et pour le prix de deux mille francs l'an, un local à usage de « bureau et de domiciliation de société » composé de cinq pièces, situé au premier étage de l'immeuble portant le n° 19 ;
Considérant que, par convention des six août mil neuf cent soixante et premier août mil neuf cent soixante-trois, ledit bail a été renouvelé pour trois ans aux mêmes conditions, mais pour un loyer annuel élevé, successivement à deux mille six cent quarante francs et trois mille six cents francs ;
Considérant que B. lui ayant donné congé, motivé par « des nécessités familiales » le treize décembre mil neuf cent soixante-cinq, dame C. a formé une demande de renouvellement de bail, fondée sur la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ;
Considérant qu'à cette demande, B. a opposé que la location litigieuse n'était pas une location à caractère commercial soumise à la législation sur les baux commerciaux ;
Considérant que, procès-verbal de non-conciliation ayant été dressé le cinq août mil neuf cent soixante-six, les parties, bien qu'en ayant reçu notification, le sept septembre mil neuf cent soixante-dix, n'ont pas suivi sur cette demande ;
Considérant que, dame C. ayant adressé à B., le cinq octobre mil neuf cent soixante-sept, le terme du 2e trimestre 1967, calculé suivant le décompte de surface corrigée, qu'elle lui avait notifié le sept juillet mil neuf cent soixante-sept, ce dernier, invoquant une clause résolutoire, lui a fait commandement, le onze octobre mil neuf cent soixante-sept, de payer le loyer du bail expiré qu'il prétendait prorogé, puis l'a assignée, le vingt février mil neuf cent soixante-huit, en résiliation du bail, expulsion des lieux et paiement de loyers ;
Considérant que dame C. a soutenu que c'était par suite d'une erreur qu'elle avait invoqué la loi n° 490 du 24 novembre 1948, son bail étant un bail de local à usage d'habitation ; qu'elle a, en conséquence, demandé reconventionnellement, de dire sa location soumise aux dispositions de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959, de constater que le prix mensuel de son loyer, au premier janvier mil neuf cent soixante-huit, était de cent cinquante quatre francs, soixante-seize centimes ; de dire qu'elle avait rempli, depuis le premier juillet mil neuf cent soixante-sept, ses obligations en adressant à B., qui les avait refusés, les loyers fixés conformément aux dispositions de l'Ordonnance-Loi susvisée et avait, par suite, droit au maintien dans les lieux ;
Considérant que les premiers juges, constatant que le bail du seize août mil neuf cent cinquante-sept, avait pris fin le trente et un août mil neuf cent soixante-six, par l'arrivée de son terme et le congé donné, ont décidé que les locaux occupés, dont B. déniait le caractère commercial et qui dépendaient d'un immeuble ancien, relevaient de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre mil neuf cent cinquante-neuf ; qu'en conséquence, dame C. bénéficiait d'un maintien dans les lieux considérés comme vacants ;
Considérant qu'appelant, B. soutient que, dame C. ayant, avec son accord, continué sa jouissance, après l'expiration du bail, en payant jusqu'au premier juillet mil neuf cent soixante-sept, loyers et charges sur la base contractuelle, le bail a été reconduit ; qu'il est donc fondé à demander, par application de la clause résolutoire qui était insérée au bail initial, la résiliation du bail, l'expulsion des lieux et le paiement des loyers ;
Que concluant, en conséquence, à l'irrecevabilité des demandes de dame C. fondées sur l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 et, par suite, à l'infirmation du jugement déféré, il demande de faire droit aux fins de son exploit introductif d'instance ;
Considérant que l'intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris ;
Sur la demande principale :
Considérant que le congé donné le treize décembre mil neuf cent soixante-cinq pour le trente et un août mil neuf cent soixante-six, a empêché la tacite reconduction ; qu'il n'est pas établi, en effet, que B., qui par lettre du quatorze juin mil neuf cent soixante-six, l'a réitéré, ait expressément renoncé par la suite, au bénéfice dudit congé ; qu'au contraire, le rappel dans sa lettre adressée à dame C. le dix juillet mil neuf cent soixante-sept « qu'il avait mis comme condition de sa location le paiement d'un loyer de trois cent cinquante francs par mois » exclut chez lui, à raison de la modification d'une des conditions du bail expiré, l'intention de renouveler ce dernier ; qu'en conséquence, son acceptation jusqu'au trente juin mil neuf cent soixante-sept, des loyers dudit bail n'implique pas sa renonciation aux effets du congé ;
Considérant que c'est à bon droit dans ces conditions, que les premiers juges constatant que le bail expiré n'était pas reconduit ont déclaré B. non fondé en ses demandes et l'ont débouté ;
Sur la demande reconventionnelle :
Considérant qu'il résulte des circonstances de la cause, que contrairement à l'affectation à l'usage « de bureaux et de domiciliation de société » donnée à la location par les parties, dans le contrat, les lieux ont été affectés à l'usage d'habitation ; que dame C. n'y a, en effet, jamais exercé une activité commerciale, sans que B., qui le cinq août mil neuf cent soixante-six a reconnu que le bail était non commercial et étranger au domaine d'application de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, sur les loyers commerciaux, ait, avant expiration du bail, protesté ;
Considérant qu'ainsi l'utilisation réelle des lieux ne répondant pas à l'exigence de l'exploitation d'un fonds de commerce dans les lieux loués, condition essentielle d'application de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, l'acte de location n'a pas constitué un bail commercial ;
Considérant que c'est à juste titre, par suite, que le Tribunal, restituant implicitement, à la location sa véritable nature, a décidé que les lieux occupés, qui dépendaient d'une construction ancienne, constituaient des locaux d'habitation assujettis aux dispositions de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 ;
Qu'il a, de même, à bon droit, constaté par application des dispositions de la loi susvisée, que le bail expiré n'étant pas prorogé ou reconduit, dame C., ayant satisfait à ses obligations en adressant aux échéances convenues par mandats, à B., qui les a refusés, les loyers fixés suivant décompte de surface corrigée, bénéficiait de plein droit du maintien dans les lieux occupés - considérés comme vacants - aux conditions de l'occupation antérieure non contraires aux dispositions de l'Ordonnance-Loi du 17 septembre 1959 ;
Considérant enfin que, la fixation du loyer appartenant exclusivement à la Commission arbitrale instituée par l'article 17 de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959, le Tribunal était incompétent pour en connaître ;
Considérant qu'il n'est apporté, par ailleurs, aucun élément de preuve satisfaisant en ce qui concerne tous autres moyens ou arguments présentés par les parties ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS et ceux non contraires des premiers juges :
Reçoit B. en son appel régulier en la forme ;
Au fond, dit cet appel non fondé ;
Confirme, en conséquence, le jugement attaqué ;
Rejette en tant que de besoin comme inutiles ou mal fondées toutes autres demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires des parties ;
Composition
MM. Cannat, prem. prés., François, prem. subst. proc. gén., MMe Clerissi et Marquet, av. déf.
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