Abstract
Appel civil
Délai - Signification du jugement par le demandeur aux défendeurs - Effets.
Résumé
Lorsqu'une partie a obtenu un jugement vis-à-vis de plusieurs défendeurs, la signification faite par elle à chacun d'eux fait courir le délai d'appel à son profit contre tous, mais elle ne le fait pas courir au profit de l'un des défendeurs contre les autres, hors le cas d'indivisibilité ou de solidarité entre le demandeur et ce défendeur.
Motifs
La Cour,
Statuant sur l'appel principal interjeté par P. B., d'un jugement rendu le neuf juillet 1970, par le Tribunal de Première Instance de Monaco, lequel a homologué le rapport d'expertise du Docteur Sprecher, fixé à vingt-quatre mille cent trente sept francs, toutes causes confondues, le montant du préjudice global subi par L. G. ; déclaré B. tenu au paiement de cette somme, outre les intérêts de droit du jour de la demande, sous déduction de la provision de mille francs déjà versée ; réitéré la mise hors de cause de la Société Le Continental ; condamné la Société des Ateliers du Ray et R., syndic de la faillite de cette Société, es-qualités à relever et garantir B. de la condamnation prononcée à son encontre ;
Statuant également sur l'appel incident de L. G. ;
Considérant que ces appels sont réguliers en la forme ;
Considérant que B. fait grief à la décision attaquée d'une part, d'avoir alloué à G. une réparation manifestement supérieure au préjudice qu'il avait subi, d'autre part, d'avoir mis hors de cause la Société Le Continental, au motif que cette société avait déjà été mise hors de cause par un jugement du huit février mil neuf cent soixante-huit devenu définitif ; qu'il soutient, au contraire, que la signification du jugement n'a pas fait courir le délai d'appel contre lui, B. ; qu'il demande, d'une part la réduction des dommages-intérêts alloués à G., d'autre part, que la Société Le Continental soit maintenue au procès, déclarée responsable du dommage causé par le placard vendu avec l'appartement à B. et condamnée à garantir celui-ci des condamnations prononcées contre lui ;
Considérant que G. soutient que la décision déférée a insuffisamment apprécié l'importance de son préjudice dont la réparation, selon lui, doit être fixée au total à soixante-six mille sept cent trente-six francs, quatre-vingts centimes ;
Considérant que la Société Le Continental soutient que la signification du jugement du huit février 1968 par G. a fait courir le délai d'appel à l'égard de toutes les parties et que ce jugement est passé en force de chose jugée, au moins dans sa disposition la mettant hors de cause ; qu'elle conclut à l'irrecevabilité de l'appel de L. G. et à la condamnation de celui-ci à des dommages-intérêts, dont il ne fixe pas le montant, pour procédure abusive ;
Considérant que R., es-qualités, s'en rapporte à justice ;
Considérant que par jugement du huit février 1968, le Tribunal de Première Instance de Monaco, a déclaré B. tenu de réparer les conséquences du dommage subi par G. ; a condamné la Société du Ray à garantir B. des condamnations qui interviendraient contre lui ; a mis la Société Le Continental hors de cause ; enfin a institué une expertise pour déterminer le préjudice subi par la victime ;
Considérant que ce jugement présente un caractère définitif sur les trois premières de ces dispositions, tandis qu'il demeure interlocutoire en ce qui concerne la quatrième ;
Considérant ainsi que, notamment dans celle de ces dispositions qui mettait hors de cause la Société Le Continental, ce jugement ne pouvait être frappé d'appel que dans les formes et délais prévus par les articles 5 et 7 de l'Ordonnance du 21 mai 1909, et 116 à 119 du Code de Procédure Civile ;
Considérant que lorsqu'une partie a obtenu un jugement vis-à-vis de plusieurs défendeurs, la signification faite par elle à chacun d'eux fait courir le délai d'appel à son profit contre tous, mais qu'elle ne le fait pas courir au profit de l'un des défendeurs contre l'autre ;
Considérant en l'espèce que G. et B. avaient des intérêts opposés entre eux et à ceux de la Société Le Continental, qu'il n'y avait en la matière ni indivisibilité ni solidarité ; qu'ainsi G., en signifiant le jugement n'a pu faire courir le délai d'appel qu'à son profit contre les parties visées dans la signification, mais non pas, en outre, au profit de la Société Le Continental, contre B. ; d'où il suit, que ce dernier, qui n'a pas interjeté appel du jugement de huit février mil neuf cent soixante-huit est encore recevable à le faire, mais qu'en l'absence de tout appel de cette nature, la Cour n'est pas saisie de son action contre la Société Le Continental, et qu'elle ne peut statuer sur le sort de cette action ;
Considérant toutefois que l'appel de L. G. ne révèle pas une intention de nuire ou une erreur grossière équivalente au dol ; qu'il n'y a donc pas lieu d'accueillir la demande de dommages-intérêts formée contre lui par la Société Le Continental ;
Considérant sur le fond, que G. ne remet pas en cause le taux de l'I.P.P. tel qu'il a été fixé par l'expert Sprecher, mais qu'il demande, en revanche, l'allocation d'une indemnité globale de soixante-six mille sept cent trente six francs, quatre-vingts centimes, se décomposant ainsi : réparation de l'I.P.P. : quarante mille francs ; réparation de l'I.T.T. : deux mille six cents francs ; pretium doloris : quatre mille francs ; réparation du préjudice d'agrément : vingt mille francs ; remboursement de frais médicaux et pharmaceutiques : cent trente six francs, quatre-vingts centimes ; outre les intérêts de droit à compter du jour de la demande ;
Considérant que L. G., encore alerte et paraissant avoir une grande vivacité d'esprit, aux dires mêmes de l'expert, ne présentait, lors de son examen, aucun signe de sénilité du côté vasculaire ou oculaire ; qu'il conduit encore une voiture automobile rapide sur de longues distances ; qu'il ne justifie pas avoir modifié son activité depuis l'accident ; qu'une somme de vingt mille francs paraît suffire à réparer l'incapacité permanente partielle dont il demeure atteint ;
Considérant toutefois que le traumatisme dont il a souffert a aggravé une presbyacousie déjà importante ; que cette aggravation de sa surdité lui impose un désagrément non négligeable en ce qu'il l'empêche d'entendre des interlocuteurs qui ne parleraient pas à voix très forte ; qu'il y a là pour un homme qui ne présente par ailleurs aucun autre signe de dégénérescence physique ou psychique, un préjudice d'agrément dont il convient de fixer la réparation à cinq mille francs ;
Considérant, en revanche, que les premiers juges, bien que G. n'exerçât aucune occupation rémunérée, ont suffisamment évalué à deux mille francs la réparation de l'I.T.T. de quatre mois et dix jours dont il a été atteint ; qu'ils ont encore justement fixé à deux mille francs le pretium doloris de la victime et ordonné le remboursement des frais médicaux et pharmaceutiques s'élevant à cent trente six francs, quatre-vingts centimes ; qu'il y a donc lieu de fixer à vingt-neuf mille cent trente sept francs, quatre-vingts centimes, toutes causes confondues, la réparation du préjudice dont a souffert G. à la suite de l'accident du 22 janvier 1964 ;
Considérant par ailleurs qu'il n'est apporté aucun élément de preuve satisfaisant en ce qui concerne tous autres moyens ou arguments présentés par les parties ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
En la forme, reçoit P. B. en son appel principal et L. G. en son appel incident ;
Dit ces appels partiellement fondés ;
Dit que le jugement du huit février mil neuf cent soixante-huit n'a pas acquis l'autorité de la chose jugée dans celle de ses dispositions qui met hors de cause la Société Le Continental ; renvoie G. à mieux se pourvoir dans son action contre cette société ;
Fixe à vingt-neuf mille cent trente sept francs, quatre-vingts centimes la réparation du préjudice subi par G. ;
Condamne P. B. à lui payer cette somme avec les intérêts de droit du jour de la demande, sous déduction de la provision de mille francs déjà payée ;
Condamne la Société des Ateliers du Ray et son syndic es-qualités à garantir B. de la condamnation prononcée à son encontre ;
Composition
MM. Cannat, prem. prés., François, subst. proc. gén. ; MMe Sanita, Marquet et Lorenzi, av. déf.
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