Abstract
Procédure civile
Sursis à statuer - Le « criminel tient le civil en l'état » - Conditions.
Référés
Compétence - Action pénale en cours - Mesures conservatoires et urgentes.
Résumé
La règle : « le criminel tient le civil en l'état » ne s'impose que lorsque la juridiction civile est saisie de la même question que la juridiction pénale.
S'agissant de mesures conservatoires et urgentes, la circonstance qu'une plainte est en cours d'instruction n'est pas exclusive de la compétence du juge des référés.
Motifs
La Cour,
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté en la forme par la Société Azur Services, d'une ordonnance de référé, rendue le vingt-quatre décembre mil neuf cent soixante et onze, par le Président du Tribunal de Première Instance de Monaco, lequel, refusant de surseoir à statuer jusqu'à solution d'une action pénale engagée contre C., son ancien directeur commercial, a nommé Ambrosini, expert, aux fins de fixer : 1°/ sa situation comptable ; 2°/ l'état de sa trésorerie et du compte courant ouvert dans ses livres à d'E., son Président délégué, depuis l'entrée en service de C. ; 3°/ les apports en numéraire effectués par ce dernier et les résultats d'exploitation et a donné, en outre, pouvoir à Ambrosini de la gérer provisoirement en qualité d'administrateur judiciaire ;
Considérant que l'appelante, dans son acte d'appel, reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir :
1° refusé d'appliquer la règle que « le criminel tient le civil en l'état », alors qu'assignée en référé par C., le dix décembre mil neuf cent soixante et onze, elle a, le treize décembre mil neuf cent soixante et onze, déposé une plainte, avec constitution de partie civile, contre ce dernier, du chef d'abus de confiance ;
2° désigné un administrateur judiciaire alors que, d'une part, C. qui n'est ni actionnaire ni administrateur de la société, est sans qualité pour demander une telle nomination et que, d'autre part, sa gestion n'étant pas compromise, elle peut continuer de subsister, les choses « demeurant en l'état » ;
Qu'elle conclut, dans ces dernières écritures, à l'infirmation de ladite ordonnance et requiert qu'il soit sursis sur la demande de C. jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur sa plainte ;
Que, subsidiairement, offrant de consigner soixante mille francs ou de fournir caution bancaire, en garantie des droits éventuels de C., elle demande de dire et juger que la mission de gestion confiée à l'expert Ambrosini - mission que n'aurait pas demandée C. dans son assignation - n'est plus justifiée et qu'en conséquence, l'expert Ambrosini n'ait pour seule mission que de régler les comptes des parties ;
Considérant que C. oppose :
1° que la règle de l'article 3 du Code de procédure pénale n'est pas applicable en matière de référé, les ordonnances de référés ne pouvant préjudicier au principal ; qu'en conséquence, le premier juge n'avait pas à attendre le résultat d'une action pénale pour ordonner des mesures provisoires ayant pour but d'éviter que l'appelante, qui s'efforçait de ne pas rembourser sa dette de l'ordre de cent mille francs, organise son insolvabilité ;
2° que la Société Azur Services, qui se trouvait, lorsqu'elle l'a engagé sans activité et sans trésorerie, n'a fonctionné et ne continue de fonctionner que par ses seuls apports en numéraire ; qu'en outre, cette dernière lui doit des salaires et une indemnité pour brusque congédiement ;
Que dans ces conditions, créancier social, il est en droit de demander la désignation d'un administrateur provisoire ;
Qu'il conclut, en conséquence, à la confirmation de l'ordonnance entreprise ;
Sur le sursis à statuer :
Considérant que la règle de l'article 3 du Code de procédure pénale, ne s'impose que quand la juridiction civile est saisie de la même question que la juridiction pénale ;
Considérant que tel n'est pas le cas de l'espèce, qu'en effet, le premier juge a eu à apprécier l'urgence d'avoir à désigner expert chargé de vérifier le fonctionnement de l'actif social de l'appelante, le compte courant, dans la Société de d'E., son président délégué, ainsi que les apports en numéraire de C., de régler les comptes entre les parties et à nommer un administrateur ayant pouvoir de gérer provisoirement la société, tandis que la juridiction pénale a à se prononcer sur le point de savoir si, C. est coupable des détournements dénoncés ;
Considérant, de plus, que s'agissant de mesures conservatoires et urgentes, la circonstance qu'une plainte est en cours d'instruction contre C. n'est pas exclusive de la compétence du juge des référés ;
Considérant que le premier juge pouvait, dans ces conditions, ordonner les mesures provisoires ;
Sur la désignation à l'appelante d'un administrateur provisoire :
Considérant qu'il est constant que C. a versé, au compte courant de d'E. dans la Société, une somme de soixante mille francs, à valoir sur deux promesses de cession d'actions de la Société Azur Services, somme qui a servi à financer les frais de fonctionnement de tous ordres de la Société ;
Qu'en outre, C. soutient avoir effectué d'autres versements de fonds qui auraient porté sa créance à cent mille francs et revendique des salaires et une indemnité pour brusque congédiement ;
Considérant que, dans ses conclusions dernières du vingt-neuf février mil neuf cent soixante-douze, l'appelante demande acte de ce qu'elle est prête à consigner une somme de soixante mille francs ou à fournir caution bancaire à concurrence de ladite somme en garantie des droits éventuels de C. et n'opposant plus le défaut de qualité de ce dernier pour demander la désignation d'un administrateur provisoire, se borne à soutenir qu'une telle désignation est contraire à ses intérêts et à ceux des créanciers sociaux reconnaissant ainsi implicitement, la qualité de créancier social de ce dernier ;
Considérant que l'existence d'une créance de C. sur la Société Azur Services présentant un caractère sérieux, le premier juge, tenant compte de ce que ce dernier, Directeur commercial, avait de mai à fin novembre 1971, assuré seul par ses apports en numéraire, la marche de la Société, pouvait, en raison de la nature particulière du contrat qui lie les parties, des conditions insolites de fonctionnement de la Société et du brusque congédiement de C., désigner un administrateur judiciaire ayant pouvoir de gérer provisoirement la société, ainsi que le demandait C. dans le libellé de son assignation en référé du dix décembre mil neuf cent soixante et onze ;
Sur l'offre de consignation tendant à rendre sans objet la désignation d'un administrateur provisoire :
Considérant que rien en l'état ne permet de dire si la consignation ou la caution bancaire offertes présentent un caractère sérieux, paraissent suffisantes et doivent être prises en considération ;
Qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de modifier la double mission d'expert et d'administrateur provisoire confiée à l'expert Ambrosini ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
Reçoit la Société Azur Services en son appel régulier en la forme ;
Au fond, dit cet appel mal fondé ;
Confirme, en conséquence, l'ordonnance attaquée ;
Rejette, en tant que de besoin comme inutiles ou mal fondées toutes autres demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires des parties ;
Composition
MM. Cannat, prem. prés., François, prem. subst. proc. gén. ; MMe Clérissi, Marquet et Marquilly, av. déf.
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