Abstract
Loi applicable
Succession - Dévolution - Domicile - Loi étrangère - Renvoi
Succession
Dévolution - Biens meubles - Loi applicable - Loi étrangère -Renvoi - Domicile - Définition - Loi applicable - Loi étrangère.
Résumé
La loi applicable au règlement d'une succession mobilière doit s'entendre, tant du renvoi, œuvre de la jurisprudence, que de la législation positive.
La définition du domicile du défunt doit s'effectuer d'après le système juridique auquel appartient la règle du renvoi, c'est-à-dire la loi étrangère, dès lors qu'elle ne heurte en rien, en cette disposition, l'ordre public monégasque.
Motifs
La Cour,
Statuant sur l'appel parte in qua, régulièrement interjeté en la forme par l'Administrateur des Domaines et le Trésorier Général des Finances de Monaco, d'un jugement rendu le douze novembre mil neuf cent soixante-dix, par le Tribunal de Première Instance de Monaco, lequel a constaté l'accord des parties sur la vocation de dame de J., à recueillir les immeubles, sis à Monaco, et dépendant de la succession de demoiselle K., a dit que la dame de J. a également vocation héréditaire pour la succession mobilière sise à Monaco, a rejeté, en conséquence, la prétention des appelants de voir déclarer acquise au domaine ladite succession mobilière et a prescrit à dame R., ès-qualités d'administrateur provisoire, de délivrer les biens immobiliers et mobiliers à dame de J. ;
Considérant que les appelants font grief à la décision contestée de ne pas avoir admis que la succession mobilière, en ce qu'elle est régie par la loi belge, ne saurait être dévolue à dame de J., parente au sixième degré et de n'avoir pas, en conséquence, déclaré acquis au Domaine de Monaco, les biens dépendant de cette succession mobilière ;
Que la dame de J. sollicite la confirmation du jugement déféré ;
Que la demoiselle H. demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice et de ce qu'ayant une créance sur la succession mobilière, elle se réserve de faire valoir ses droits à l'encontre de l'héritier désigné ;
Que la dame R., ès-qualités s'en rapporte à justice ;
Tenant pour acquis les faits tels que relatés par les premiers juges ;
Sur le droit applicable :
Considérant que les parties sont d'accord pour reconnaître, conformément à ce qu'a justement jugé le Tribunal, que la succession mobilière litigieuse est régie par la loi belge, mais qu'elles sont en désaccord sur la portée qu'il convient d'attribuer à ladite solution jurisprudentielle ;
Qu'en effet, si l'on entend limiter le sens de cette solution à la stricte application de la législation belge en vigueur, il n'est pas douteux que dame de J., héritière au sixième degré n'est pas habile à recueillir la succession ; mais qu'il pourrait en être autrement si l'attribution à la loi belge de la faculté de régler la succession sous-entend également la prise en considération de la jurisprudence belge en la matière ;
Qu'effectivement, comme l'ont constaté les premiers juges, cette jurisprudence, en ce qu'elle a de dominant, admet le renvoi, c'est-à-dire la règle belge de conflit, donnant compétence à la loi du domicile du défunt ;
Considérant, sur ce point, que la solution monégasque admise par l'une et l'autre des parties, ne résulte pas d'un texte formel, au sein duquel l'expression « loi nationale » devrait s'interpréter en fonction de l'intention du législateur, mais d'une construction jurisprudentielle très extensive puisqu'elle trouve son fondement dans l'alinéa 3 de l'article 3 du Code civil, relatif à l'état et à la capacité des monégasques résidant en pays étranger ;
Considérant, par ailleurs, que le pays étranger auquel la jurisprudence monégasque attribue compétence pour déterminer l'attribution de la succession, ne saurait être contraint à accepter la décision du juge monégasque et n'est donc compétent que s'il ne refuse pas de l'être, soit en vertu de sa loi nationale, soit selon ses règles jurisprudentielles propres ;
Qu'en conséquence, l'on ne saurait, au sein du droit belge, faire le distinguo suggéré par les appelants et qu'il échet de tenir compte pour le règlement de la succession mobilière, tant du renvoi, œuvre de la jurisprudence, que de la législation positive ;
Considérant, par ailleurs, que le processus du renvoi, s'il ne paraît pas jusqu'ici avoir fait l'objet d'applications pratiques dans la jurisprudence monégasque, d'une part, ne heurte en rien l'ordre public monégasque, d'autre part, ne se trouve en contradiction avec aucune des normes admises par le droit monégasque en matière de conflit des lois ;
Qu'en effet :
rien ne s'oppose à ce qu'une loi étrangère rendue compétente par le droit monégasque, décline une telle attribution et laisse à la loi du domicile du défunt, le soin de régler la succession mobilière ;
que ce renvoi, de création étrangère, en ce qu'il rendrait éventuellement la loi monégasque applicable à tous les biens - ici, en raison du lieu, là, en raison du domicile - n'ébranle en rien les bases juridiques fondamentales du droit national monégasque, la répartition des biens successoraux en immeubles et meubles, pour si importante qu'elle soit sur le plan pratique, relevant davantage de techniques nécessaires que d'une différence d'essence entre les diverses espèces de ces biens, à une époque supplémentairement où la fortune mobilière a rejoint en valeur celle jadis attribuée aux seuls immeubles ;
Que les nécessités de l'ordre public s'opposent à ce que des intérêts demeurent en souffrance à Monaco, ce qui justifie le retour de l'extra territorialité à la territorialité ;
Qu'enfin sans dénier la particularité du droit monégasque, par rapport aux autres droits et notamment à ceux des pays voisins, il importe de ne pas confiner les solutions jurisprudentielles monégasques dans un système en retrait sur l'évolution juridique moderne ;
Sur le domicile de la de cujus
Considérant que dame de J., ne peut prétendre au bénéfice de la succession en vertu des dispositions du droit monégasque que s'il est établi que la de cujus avait, au jour de son décès, son domicile à Monaco ;
Que la détermination de ce domicile ne doit pas être effectuée selon le droit monégasque puisque ce n'est que par le jeu de renvoi, c'est-à-dire par le détour de la règle belge du conflit déclarée applicable, qu'on en vient à tenir compte du domicile de la défunte ; que s'agissant de l'interprétation d'une disposition du droit belge, la définition de domicile doit s'effectuer d'après le système juridique auquel appartient la règle du renvoi, c'est-à-dire d'après le droit belge, laquelle en cette disposition ne heurte en rien l'ordre public monégasque ;
Qu'il importe peu, dès lors, que demoiselle K. ait été ou non admise à domicile à Monaco, et qu'il suffit de vérifier si elle y avait son principal établissement, ainsi qu'il est stipulé à l'article 102 du Code civil belge ;
Qu'une telle preuve résulte tout à la fois de l'ancienneté et de la continuité de son installation, laquelle a duré les dix-sept dernières années de sa vie, de la fixation de ses intérêts à Monaco, du certificat de résidence délivré par les services de police, le vingt-neuf février mil neuf cent soixante-huit, et ne saurait être contredit par la mention dans un testament dressé devant un notaire belge en mil neuf cent soixante-trois, que l'intéressée demeure au Château de G., une pluralité de demeures ne pouvant être prise en considération pour ébranler la notion juridique de domicile ;
Considérant, en conséquence, qu'à bon droit les premiers juges ont dit dame de J., héritière de la de cujus à un degré admis par la loi monégasque, habile à acquérir la succession mobilière existant à Monaco de sa parente domiciliée en Principauté et qu'il échet de confirmer la décision entreprise ;
Considérant par ailleurs, qu'il n'est apporté aucun élément de preuve satisfaisant en ce qui concerne tous autres moyens ou arguments présentés par les parties ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS et ceux non contraires des premiers juges ;
En la forme, reçoit l'Administrateur des Domaines et le Trésorier Général des Finances de Monaco, en leur appel ;
Au fond, dit cet appel non fondé et confirme le jugement entrepris ;
Donne acte à dame R. et demoiselle H. dans les termes de leurs conclusions ;
Composition
MM. Cannat, prem. prés. ; François, prem. subst. proc. gén. ; MMe Boéri, Marquet, Sanita, av. déf. ; Magagli, av. (du barreau de Nice).
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