Abstract
Responsabilité civile
Casino - Client, Chute accidentelle - Responsabilité contractuelle - Obligation de moyens - Manquement (non) - Responsabilité quasi-délictuelle - Présomption - Faute de la victime - Force majeure - Chose - Rôle passif - Exonération
Résumé
Pour qu'une responsabilité contractuelle soit engagée, il ne suffit pas qu'un dommage ait été causé à l'occasion d'un contrat, encore faut-il que le dommage résulte de l'inexécution d'une des obligations créées par ce contrat. En l'espèce le contrat liant la S.B.M. exploitant le Casino, à sa cliente ne comportait pas une obligation de sécurité-résultat, la S.B.M. ne s'engageant pas à laisser sortir sa cliente dans le même état d'intégrité corporellee qui était le sien à son entrée dans les salons de jeux. Cette société n'était tenue que d'une obligation générale de prudence conçue comme une obligation de moyens dont elle s'est parfaitement acquittée.
La responsabilité de la S.B.M. ne peut non plus se trouver engagée sur le plan de la présomption établie par l'article 1231 alinéa 1er du Code Civil, car cette responsabilité se trouve exonérée par la faute de la victime à la condition que la faute présente comme c'est le cas en l'espèce, les caractères de la force majeure (événement imprévisible et insurmontable). Dans cet accident la chose inanimée (marche) n'a pas joué un rôle actif et n'a pas été la cause déterminante de la chute, laquelle est exclusivement due à une inattention de la victime.
Motifs
LA COUR,
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté, en la forme, par la dame S. Veuve N., d'un jugement rendu le 24 février 1972 par le Tribunal de première instance de la Principauté de Monaco, lequel, accueillant en la forme la dame N. en son action, en indemnité, l'y a déclarée mal fondée et l'en a déboutée ;
Considérant que l'appelante fait grief à la décision attaquée de ne pas avoir déclaré la S.B.M. responsable de l'accident dont elle a été victime à l'intérieur du Casino, le 5 janvier 1971 ; qu'elle demande la réformation dudit jugement et la condamnation de la S.B.M. au versement d'une provision de 30 132,68 F. et avant dire droit sur la réparation du préjudice corporel la désignation d'un expert avec mission de l'examiner, de dire la durée de l'I.T.T. et de l'I.P.P., de fixer la date de consolidation, d'évaluer le taux de l'I.P.P. et de dire l'importance du pretium doloris ; qu'elle demande également la désignation d'un expert qui devra accéder les lieux litigieux, les décrire dans leur état actuel, rechercher par tout moyen à quelle date le plan incliné a été substitué à la marche d'escalier et la nature des travaux ;
Considérant que l'intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris, sa responsabilité n'étant nullement engagée ; qu'elle s'oppose à toute mesure d'expertise ;
Considérant qu'il échet de rejeter des conclusions tardives adressées par la dame N. postérieurement à la mise de l'affaire en délibéré et qui ne satisfont pas aux conditions de l'article 187 du Code de procédure civile ;
Considérant que, pour reprendre les propres termes de la demanderesse dans son exploit d'assignation du 29 juillet 1971, la dame N. « a été victime le 5 janvier 1971 vers 22 heures d'un grave accident corporel survenu dans les circonstances suivantes, à l'intérieur du Casino : après avoir pris sa carte d'abonnement elle s'est rendue au bar situé à proximité des salles de jeux ; elle voit une amie qui lui fait signe d'aller la rejoindre : elle se dirige vers sa table et pour ce faire monte une marche assez peu visible, sans indication, aux fins d'attirer l'attention des usagers ; elle s'aperçoit qu'elle a oublié son manteau à la place qu'elle occupait auparavant ; elle retourne et fait une chute après avoir manqué la marche » ;
Considérant que l'appelante, qui avait fondé son action en première instance sur l'application de l'article 1231, alinéa 1er du Code civil, invoque dans les motifs de ses conclusions du 29 janvier 1973, la responsabilité contractuelle de l'article 1002 du Code civil, pour ne viser dans son dispositif que la présomption de responsabilité de l'article 1231, alinéa 1er ;
Considérant qu'il ne suffit pas pour qu'une responsabilité contractuelle soit engagée, qu'un dommage ait été causé à l'occasion d'un contrat ; qu'il faut encore que le dommage résulte de l'inexécution d'une des obligations créées par ce contrat ;
Considérant qu'en l'espèce le contrat liant la S.B.M. à la dame N., sa cliente, ne comporte pas une obligation de sécurité-résultat, la S.B.M. ne s'engageant pas à laisser sortir sa cliente dans le même état d'intégrité corporelle qui était le sien à son entrée dans les salons de jeux ;
Que la S.B.M. n'était tenue que d'une obligation générale de prudence conçue comme une obligation de moyens ; qu'elle s'est parfaitement acquittée d'une telle obligation ;
Qu'en effet la marche litigieuse ne présentait aucune défectuosité ; qu'elle était suffisamment visible tant en raison de l'éclairage des lieux, que de ses limites soulignées par un profilé en cuivre et par une bande de marbre vert se détachant sur les dalles de marbre blanc de la salle ; que toute autre indication était superflue ;
Considérant qu'il convient donc d'examiner si la responsabilité de la S.B.M. peut se trouver engagée sur le plan de la présomption établie par l'alinéa 1er de l'article 1231 du Code civil ;
Considérant qu'une telle responsabilité se trouve exonérée par la faute de la victime, à la condition que cette faute présente les caractères de la force majeure, c'est-à-dire qu'elle constitue un évènement imprévisible et insurmontable ; que tel est bien la nature de la faute commise par la dame N., celle-ci ayant correctement franchi la marche qui la séparait de la niche où se trouvait son amie et l'ayant manquée par maladresse en voulant revenir sur ses pas pour chercher son manteau ; qu'étant au surplus une habituée des salons de jeux la victime connaissait parfaitement la disposition des lieux ;
Considérant que dans cet accident malheureux la chose inanimée n'a pas joué un rôle actif, qu'elle n'a pas été la cause déterminante de la chute, laquelle est exclusivement due à une inattention de la victime ;
Considérant qu'il importe peu de savoir dans quelles conditions la marche litigieuse a été remplacée par un plan incliné, puisque l'état antérieur des lieux n'est pas considéré comme vicieux et constitutif de l'accident ; que la mesure d'expertise sollicitée par l'appelante doit donc être écartée ;
Considérant, dans ces conditions, que le jugement du Tribunal doit être confirmé ;
Considérant qu'il n'est apporté par ailleurs aucun élément de preuve satisfaisant, en ce qui concerne tous autres moyens ou arguments présentés par les parties ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
et ceux non contraires des premiers juges,
En la forme, reçoit la dame S., Veuve N.,
Au fond, dit cet appel mal fondé,
Confirme le jugement du 24 février 1972,
Composition
M. Cannat prem. pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Sanita, Clérissi av. déf. et Bargellini (du barreau de Nice) av.
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