Abstract
Contrats et obligations
Cause - Preuve - Nécessité d'un écrit ou d'un commencement de preuve par écrit - Délai fixé pour la passation d'un acte - Terme - Appréciation - Parties - Renonciation à un droit - Preuve
Résumé
Lorsque la cause est exprimée dans l'acte qui constate une convention, les parties ne peuvent en prouver l'inexistence ou la fausseté que dans les termes des articles 1188 et suivants du Code civil, c'est-à-dire par un écrit ou un commencement de preuve par écrit rendant admissibles les témoignages ou présomptions.
Lorsque dans une convention est stipulé un délai pour passer un acte de vente, ce délai ne doit pas être entendu, en l'absence de toute mention à cet égard, comme un terme extinctif mettant fin, du seul fait de sa survenance, aux obligations contractées alors au surplus qu'il résulte du défaut de mise en demeure de l'une ou l'autre des parties que ce délai s'est trouvé prorogé tacitement.
Si la renonciation à un droit n'est assujettie, pour sa validité, entre les parties, à aucune forme particulière, elle ne se présume pas et ne peut résulter que de faits manifestant sans aucun doute la volonté de prononcer.
Motifs
LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 25 avril 1973 par A. P. d'un jugement du Tribunal de première instance de Monace du 1er mars 1973 lequel, sur la demande introduite par la S.C.I. Bellavista et sur l'intervention volontaire en cours d'instance de l'administration des Domaines, a ordonné l'expulsion de P. des locaux par lui occupés dans la villa « L. S. » ., l'a débouté de sa demande incidente envers l'administration des Domaines et, faisant droit pour partie à sa demande reconventionnelle formée contre la S.C.I. Bellavista a condamné cette dernière à lui payer la somme de 300 000 F.
Statuant également sur l'appel principal interjeté le 25 mai 1973 par la S.C.I. Bellavista et sur l'appel incident formé par P. par conclusions du 4 octobre 1973 ;
Attendu que P. fait grief à la décision entreprise de n'avoir pas subordonné son délaissement des lieux au paiement préalable de l'indemnité mise à la charge de la S.C.I. Bellavista et de n'avoir pas condamné l'administration des Domaines au paiement in solidum de la dite indemnité dont il demande, par ses conclusions ultérieures que le montant soit porté à 450 000 F. ; que la Société Bellavista critique de son côté le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée à payer à P. la somme de 300 000 F et l'a déboutée de sa demande en dommages-intérêts formée contre lui ; qu'enfin, l'Administrateur des Domaines conclut à la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné l'expulsion de P. et a débouté celui-ci de la demande incidente qu'il avait formée à son encontre ; qu'il demande en outre qu'acte lui soit donné de ses réserves de demander à P. des dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Attendu qu'il échet de statuer par un seul arrêt sur les divers appels interjetés du jugement déféré auquel la Cour se réfère expressément en ce qui concerne l'analyse des faits et des documents de la cause ;
Sur le litige opposant P. et la S.C.I. Bellavista
Attendu que P. qui ne conteste pas le chef du jugement déféré qui l'a déclaré sans droit à se maintenir dans les lieux et a ordonné son expulsion, demande que la condamnation mise à la charge de la S.C.I. Bellavista soit élevée à 450 000 F., compte tenu, d'une part, des prix pratiqués dans la Principauté de Monaco pour un appartement comprenant « hall, living-room, chambre, balcon devant ces deux pièces, cuisine, salle de bains et deux placards, » le tout avec vue sur la mer dans une surélévation neuve, d'autre part des débours d'entretien qu'il aurait assumés et du préjudice que lui aurait occasionné une attente prolongée le laissant dans l'incertitude de l'avenir ;
Attendu que la Société Bellavista de son côté soutient que l'acte du 1er décembre 1959 sur lequel le Tribunal s'est principalement fondé pour la condamner à indemniser P. est nul pour défaut de cause du moment qu'il a été définitivement jugé que P. n'avait aucun droit à se maintenir dans les lieux ; qu'à tenir cet acte pour valable, il est devenu caduc le 1er février 1960 pour n'avoir pas été exécuté, ainsi qu'il y était prévu, dans le délai de deux mois et qu'à supposer même que la lettre adressée par la société Bellavista à P. le 14 janvier 1961 ait eu pour effet de remettre en vigueur la convention du 1er février 1959, elle ne lui a apporté aucune modification et a donc été elle-même atteinte de caducité après l'écoulement d'un nouveau délai de deux mois, soit le 14 mars 1961 ; que la société appelante soutient enfin que cette caducité aurait été admise implicitement par les parties ainsi qu'il résulterait de leur comportement ultérieur, à savoir, pour la société Bellavista, de la vente qu'elle a consentie en 1962, de l'appartement n° 27 qui avait été réservé à P., en ce qui concerne celui-ci, d'une part, de la notification par lui faite le 11 février 1969, aux cinq notaires de la Principauté, de son opposition à la vente de la villa « L. S. » au motif qu'il était bénéficiaire d'une promesse de vente la concernant, d'autre part, des baux qu'il a consenti en 1971, aux sieurs G. et M., en prenant la qualité de propriétaire de la villa litigieuse ; enfin, pour les deux parties, de ce que, pendant plus de 10 ans, elles n'ont pas demandé l'exécution de la convention ;
Attendu que l'acte du 1er décembre 1959 signé par P. et M., dont il n'est pas contesté par la société Bellavista qu'il l'a engagée, mentionne que P. « occupe » la villa « L. S. » avec l'accord de la demoiselle G., qu'à son décès « les héritiers de celle-ci, en reconnaissant et respectant les volontés des parties, ont réduit en conséquence le prix de vente de la villa du S. » et que P. est disposé à en « abandonner la jouissance » contre remise d'un appartement ;
Attendu que la cause de l'engagement de M. est ainsi exprimée comme étant, d'une part, l'occupation des lieux par P., d'autre part, la réduction du prix de vente qui aurait été consentie par les héritiers de la demoiselle G. en considération notamment de l'accord intervenu entre leur auteur et P. ;
Attendu que lorsque la cause est exprimée dans l'acte qui constate une convention, les parties ne peuvent en prouver l'inexistence ou la fausseté que dans les termes des articles 188 et suivants du Code civil c'est-à-dire par un écrit rendant admissibles les témoignages ou présomptions ;
Attendu qu'une telle preuve n'est pas apportée par la société Bellavista et qu'il convient en conséquence de tenir pour réelles et exactes les causes de l'acte du 1er décembre 1959, telles qu'elles y sont exprimées, étant observé en outre, d'une part, que le jugement déféré, dans sa disposition devenue définitive ayant constaté que P. était sans droit à se maintenir dans les lieux n'y contrevient pas, l'acte visant l'occupation des lieux par P., c'est-à-dire un fait et non un droit, d'autre part, qu'il n'est pas vraisemblable que M., agent immobilier et gérant de sociétés, donc homme d'affaires averti, ait pu s'engager, sans contre partie, à la dation d'un logement ;
Attendu, sur la prétendue caducité de l'acte du 1er décembre 1959, que s'il y est stipulé un délai de deux mois pour passer l'acte de vente et effectuer le déménagement, ce délai ne doit pas être entendu, en l'absence de toute mention à cet égard, comme un terme extinctif mettant fin, du seul fait de sa survenance, aux obligations contractées ;
Attendu, au surplus, qu'il résulte du défaut de mise en demeure de l'une ou l'autre des parties que ce délai s'est trouvé prorogé tacitement, la société Bellavista qui n'avait pas obtenu le permis de construire sollicité, n'ayant aucun intérêt à faire déguerpir P. et à le reloger et celui-ci n'ayant aucun intérêt à déménager sans être assuré de son relogement ;
Attendu, enfin, que si la renonciation à un droit n'est assujettie, pour sa validité, entre les parties, à aucune forme particulière, elle ne se présume pas et ne peut résulter que de faits manifestant sans aucun doute la volonté de prononcer ;
Attendu que les faits invoqués par la société Bellavista, à savoir la qualité de bénéficiaire d'une promesse de vente ou de propriétaire prise à l'égard de tiers dans divers actes de 1969 et 1971 par P., ne manifeste pas sa volonté évidente de renoncer pour autant a se prévaloir, à l'égard de la société Bellavista, du bénéfice de l'acte du 1er décembre 1959 ;
Attendu, en conséquence, que c'est à juste titre que le Tribunal, a retenu la validité dudit acte et après avoir constaté que son exécution était devenue impossible, a condamné la société Bellavista à indemniser P. ;
Attendu que le montant de la dite indemnité n'est pas contesté, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, par la société Bellavista ; que de son côté P. demande qu'il soit porté à 450 000 F. mais qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la dite demande la somme allouée par les premiers juges étant de nature à l'indemniser de son entier préjudice ;
Sur le litige opposant P. et l'Administration des Domaines
Attendu que la demande de P. tendant à voir subordonner son déguerpissement au paiement préalable de l'indemnité mise à la charge de la société Bellavista, doit être jugée dans le cadre de ses rapports avec l'administration des Domaines, actuel propriétaire de la villa « L. S. » ;
Attendu qu'il a été définitivement jugé que P. n'avait aucun droit à se maintenir dans les lieux ; qu'il ne peut donc prétendre exercer sur ceux-ci une quelconque rétention et qu'il échet en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné son déguerpissement immédiat et sans condition ;
Attendu de même que la demande de P. tendant à voir l'administration des Domaines condamnée in solidum à lui payer l'indemnité mise à la charge de la société Bellavista ne peut être accueillie ;
Attendu en effet que l'administration des Domaines n'a pris aucun engagement envers P. et que par ailleurs elle n'a commis aucune faute à son égard, tant en acquérant un immeuble qui aux termes de la publicité foncière, n'était obéré d'aucun droit réel, qu'en intervenant pour surveiller l'instance en expulsion formée contre lui dès lors qu'étant devenue propriétaire des lieux, elle avait intérêt à le faire ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
et ceux non contraires des premiers juges, Statuant dans les limites des appels ;
En ordonne la jonction ;
Confirme dans toutes ses dispositions la décision entreprise ;
Décerne au Directeur des Domaines l'acte sollicité et visé aux motifs ;
Et rejetant en tant que de besoin comme inutiles ou mal fondées toutes conclusions plus amples ou contraires des parties, condamne les appelants aux indemnités prévues par la loi ;
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Composition
MM. Bellando de Castro pr., Roman proc. gén., MMe Clerissi, Marquilly, Marquet av. déf., Broch et Walicki (tous deux du barreau de Nice) av.
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