Abstract
Taxes
Règlement - Délais - Octroi - Décision unilatérale - Dénonciation - Notification (non)
Résumé
L'octroi par les Services Fiscaux de délais pour le règlement d'un arriéré de taxes a le caractère d'une décision administrative bienveillante unilatérale dont la dénonciation n'a pas à être notifiée au débiteur dès lors que celui-ci a cessé d'effectuer les versements promis.
Motifs
La Cour
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté en la forme par la S.A. Monégasque Monaco-Bagues, à l'encontre du jugement du Tribunal du 12 juin 1975, lequel, sur l'assignation délivrée contre elle par MM. l'Administrateur des Domaines, le Trésorier Général des Finances et le Directeur des Services Fiscaux, l'a condamnée à payer à ce dernier, sans octroi de délais, la somme de 689 278 F 01, afférente à un arriéré de taxes impayées, ayant fait l'objet d'une contrainte, et constaté la régularité de la procédure en validation d'inscription judiciaire provisoire, autorisant, en conséquence, les demandeurs à se prévaloir des dispositions de l'article 762 ter du Code de Procédure Civile ;
Attendu, en effet, que les trois représentants de l'Administration, se prévalant d'une créance provenant d'un arriéré de taxes impayées depuis 1968, ont obtenu, par Ordonnance présidentielle du 6 novembre 1974, l'autorisation de prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire, réalisée le 11 novembre 1974, volume 147, n° 52, sur la portion de l'immeuble Panorama, appartenant à la Société Monaco-Bagues ; que le jugement entrepris est intervenu sur l'instance en paiement et en validation de cette inscription provisoire :
Attendu qu'en son exploit d'appel, Monaco-Bagues lui reproche :
* de l'avoir condamnée à une somme excessive, ne tenant pas compte des acomptes réglés représentant 140 000 francs ;
* de n'avoir pas reconnu qu'il existait entre elle et l'Administration un accord lui permettant de se libérer à raison de 20 000 francs par mois, accord dont le respect, demandé par elle, ne pouvait s'assimiler à l'octroi de délais en vertu de l'article 1099 du Code Civil, ce qu'a méconnu le Tribunal ;
* de n'avoir pas retenu, au moins quant aux dépens, le caractère abusif de la procédure des Services Fiscaux en l'état de l'accord de paiement intervenu, alors surtout qu'ils auraient bénéficié déjà d'une hypothèque légale ;
Attendu que les intimés démentent cette dernière allégation, ne correspondant à aucune réalité et, tout en reconnaissant qu'ils avaient accepté, dans un esprit indulgent, le règlement fractionné à raison de 20 000 francs par mois, soutiennent que cette décision bienveillante unilatérale était toujours révocable et n'a pas créé une situation telle que le recouvrement de la créance ne pourrait jamais plus être considéré comme en péril, avec pour conséquence implicite, mais nécessaire, l'impossibilité de toute mesure conservatoire ;
Qu'en ce qui touche à ce péril et au montant de la créance, ils font observer que Monaco-Bagues n'a pas versé 140 000 francs comme elle le prétend, mais 115 000 F ; qu'après cinq versements réguliers de décembre 1974 à avril 1975, il n'y a eu aucun paiement d'acompte en mai et 15 000 F seulement en juin 1975, les versements ayant été interrompus depuis, de même que le paiement des taxes de septembre et octobre 1974 et les déclarations à partir de février 1975 ; qu'une dernière note communiquée établit le montant de la créance des Services Fiscaux à la date de l'inscription, mais sous déduction des versements intervenus, à la somme de 608 182 F 83 ;
Attendu que Monaco-Bagues reconnaît n'avoir payé que 115 000 francs sur le montant de la créance garantie par l'inscription hypothécaire et, sans revenir sur son argumentation formulée à l'encontre de cette mesure, reconnaît que des difficultés financières, dues à la conjoncture économique, l'ont empêchée de tenir son engagement de paiements réguliers à partir de juillet 1975, mais qu'elle persiste à soutenir que les Services Fiscaux ne lui ayant pas notifié la résiliation de l'accord intervenu, sont liés par celui-ci et qu'il convient de dire qu'elle se libèrera du solde de sa dette par règlements mensuels de 20 000 F ;
Attendu que la faveur accordée par les Services Fiscaux à Monaco-Bagues de s'acquitter par règlements fractionnés d'un arriéré de taxes longtemps accumulé et immédiatement exigible ne pouvait avoir que le caractère d'une décision administrative bienveillante unilatérale, qui eût sans doute été maintenue si les versements s'étaient régulièrement poursuivis ; que l'absence de formalisation écrite de cet accord rendait inutile sa dénonciation en la même forme, alors surtout que le changement d'attitude des Services Fiscaux provenait de la carence de la débitrice ;
Que le péril dans le recouvrement de la créance, vérifié par les faits, résultait suffisamment, à la date de l'inscription provisoire, des longs délais sollicités ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris mais en modifiant légèrement le montant de la condamnation, sans octroi de délai d'aucune sorte, et en donnant tous ses effets à la procédure d'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire,
Attendu que l'appelante qui succombe en son recours doit supporter les entiers dépens ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS et ceux non contraires des premiers juges,
La Cour,
Accueille en la forme la Société Monaco-Bagues en son appel, mais l'y déclare mal fondée et l'en déboute,
Confirme le jugement du douze juin mil neuf cent soixante-quinze ; dit qu'il sortira son plein et entier effet, sous réserve de la réduction de la condamnation à six cent huit mille cent quatre vingt deux francs, 83 cts (608 182 F 83) et de l'incidence de ce chiffre sur l'inscription définitive d'hypothèque provisoire ;
Composition
MM. de Monseignat, prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Boéri, Marquet av. déf. et Ravetta (du barreau de Nice) av.
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