Abstract
Divorce
Compétence - Domicile conjugal - Détermination
Résumé
Le domicile conjugal attributif de compétence en matière de divorce est celui où s'est déroulée la vie conjugale, où les époux ont eu leur foyer domestique et ont effectivement vécu une existence familiale.
Motifs
La Cour
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté en la forme par le sieur P. C., notaire, du jugement du Tribunal du 24 avril 1975, qui, statuant sur la seule exception d'incompétence des juridictions monégasques, qu'il avait soulevée in limine litis, pour connaître de l'action en divorce intentée contre lui par la dame Y. V., a rejeté cette exception et renvoyé les parties à conclure et plaider au fond ;
Qu'à l'appui de son appel, il reprend l'exposé des circonstances de fait et des arguments de droit desquels découlerait la preuve que le domicile conjugal n'a jamais été fixé à Monte-Carlo, mais à San Remo et que le Tribunal de Monaco était incompétent ;
Qu'après avoir été notaire à Turin, où il a épousé le 18 juillet 1960 la dame V. et où sont nés leurs deux enfants, il a transféré, le 15 février 1973, son étude à San Remo où le ménage s'est domicilié, ainsi que l'attestent son inscription à la Mairie, l'ouverture d'un compte bancaire, la location d'un coffre et le déménagement du mobilier ; qu'il indique néanmoins que le logement attenant à l'étude s'étant révélé trop petit pour abriter le couple et ses deux enfants, la dame V. est venue s'installer avec ceux-ci à Monte-Carlo dans un appartement, acquis en 1971, en remplacement d'une résidence secondaire précédemment installée à Finale Ligure et ce en attendant la découverte d'un grand appartement à San Remo ; qu'il a constamment résidé dans cette ville et ne serait venu rejoindre sa famille à Monte-Carlo que chaque fin de semaine, en sorte que cette résidence de vacances temporairement utilisée en raison de circonstances particulières, n'a pu constituer le domicile conjugal au sens des articles 80 et 187 du Code Civil, disposant que la femme mariée n'a pas d'autre domicile que celui de son mari et que c'est ce dernier qui fait choix de la résidence du ménage, comme aussi à celui de l'article 79, fixant les conditions dans lesquelles un étranger peut se domicilier à Monaco ; qu'il conclut donc à la réformation du jugement, lui reprochant de ne pas avoir recherché l'intention profonde du chef de famille concernant la fixation du domicile et demande à la Cour de faire droit à son exception d'incompétence ratione loci ;
Attendu que la dame V., soulignant sa nationalité française conservée, affirme que le domicile conjugal a été, en 1973, transféré de Turin à Monte-Carlo, où elle et ses enfants sont immatriculés au Consulat Général de France, bénéficient de cartes d'identités françaises et monégasques, où les deux enfants poursuivent leurs études et où son mari continuait à résider de façon suivie tout en exerçant son activité professionnelle à San Remo, où la famille n'a jamais résidé, toutes circonstances établies par de nombreuses attestations et le contrat relatif à un important déménagement réalisé le 11 septembre 1973 de Turin à Monte-Carlo, portant même sur la cave de vins italiens, seul le mobilier de bureau ayant été transporté à San Remo dans le local professionnel, [adresse], lequel ne comporte qu'une pièce d'habitation sans cuisine ni salle de bains ; qu'elle conclut donc à la confirmation du jugement, estimant que le recours exercé contre lui par son mari n'a qu'un caractère dilatoire, pour favoriser la poursuite d'une action en divorce qu'il a lui-même engagée en Italie ;
Attendu que le Tribunal, en des motifs excellents et repris en tant que de besoin, a retenu qu'à la suite du transfert de l'étude notariale du sieur C. de Turin à San Remo, sa famille n'a jamais demeuré en cette dernière ville, où son logement était impossible dans un local trop exigu, mais qu'elle est venue s'installer avec lui de façon continue à Monte-Carlo, bien qu'il ait exercé son activité professionnelle en Italie et que, même si cette résidence n'avait dans son esprit qu'un caractère provisoire, l'appartement du Château Périgord constituait, au moment de l'assignation, le principal établissement de son ménage et de sa famille, donc le domicile conjugal déterminant de la compétence en matière de divorce ;
Attendu, en effet, que si les attestations produites par l'appelant établissent qu'il a cherché un grand appartement à San Remo, et a parfois passé des nuits dans la pièce dépendant de son Étude, aucune n'indique qu'il y ait résidé autrement que seul, ni même constamment, alors que de très nombreuses personnes certifient l'avoir vu demeurer quotidiennement avec sa famille, dans sa résidence de Monte-Carlo, dont il se déclarait très satisfait ;
Attendu que la décision du Tribunal est conforme à une jurisprudence constamment suivie, à Monaco comme en France, considérant que si le domicile conjugal est, en principe, celui du mari, encore appartient-il au juge de déterminer, au vu des circonstances de la cause, si le lieu indiqué par celui-ci comme étant son domicile, remplit les conditions nécessaires pour être qualifié domicile conjugal attributif de compétence et que ne remplit pas cette condition le lieu où est même exercée l'activité professionnelle du mari, mais ne permettant pas à celui-ci de recevoir sa famille et où il réside dans des conditions exclusives de toute vie conjugale (Paris 28 octobre 1954 ; Angers, 3 mai 1960) ; qu'il est, en effet, constamment reconnu à Monaco (jugements des 26 juin 1969, 15 juillet 1971, 5 juillet 1973) que le domicile conjugal attributif de compétence en matière de divorce est celui où s'est déroulée la vie conjugale, où les époux ont eu leur foyer domestique et ont effectivement vécu une existence familiale, toutes circonstances qui ne correspondent en rien à l'usage fait du local de la Via Matteotti à San Remo, présenté à tort comme domicile conjugal, tandis qu'une vie commune, à la seule exception de l'activité professionnelle diurne s'est déroulée à Monte-Carlo, de façon assez prolongée et se trouvait en cours à la date du début de la procédure ;
Qu'il y a donc lieu de déclarer l'appelant mal fondé en son recours, de l'en débouter et de le condamner aux dépens ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Et ceux des premiers juges, qu'elle adopte et fait siens, La Cour,
Accueille en la forme le sieur C. en son appel, mais l'y déclare mal fondé et l'en déboute ;
Confirme le jugement du vingt-quatre avril mil neuf cent soixante-quinze ; dit qu'il sortira son plein et entier effet ;
Composition
MM. J. Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén. MMe Clerissi, Jean-Eugène Lorenzi av. déf., Rouillot (du barreau de Nice) et Patrice Lorenzi av.
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