Abstract
Responsabilité de la puissance publique
Enseignement - Agent non titularisé - Engagement à temps partiel - Administration - Respect de ses engagements initiaux - Faute (non)
Résumé
Dans le cas d'un agent non titularisé engagé à temps partiel pour exercer des fonctions d'enseignement, il ne peut être fait grief à l'Administration de ne pas avoir offert à cet agent un emploi à temps complet dans les disciplines qu'il souhaitait pas plus qu'il ne peut être reproché à l'agent d'avoir refusé d'enseigner des matières ne correspondant pas à sa spécialité ; toutefois, l'Administration ayant respecté ses engagements initiaux, aucune faute ne peut lui être imputée.
Motifs
La Cour
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté, en la forme, par le sieur R. G. d'un jugement rendu le 31 mars 1977 par le Tribunal de première instance de Monaco, lequel l'a débouté de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre du Ministre d'État ;
Attendu que par son exploit du 15 mars 1976, G. assignait le Ministre d'État, le Directeur de la Fonction Publique et le Directeur de l'Éducation Nationale, en rupture de contrat de travail, au prétexte qu'ayant été engagé en octobre 1971 pour un an, en qualité de Professeur de Philosophie et de Lettres Modernes au C.E.S.T. de Monaco-Ville, renouvelé pour trois ans le 8 août 1972 et pour un an le 20 mars 1975, il s'était vu refuser un poste de Professeur de Philosophie au Lycée Albert 1er en 1975 ; qu'à la suite de ce refus il avait saisi le Tribunal Suprême, mais qu'il subissait néanmoins un préjudice résultant de la réduction aux 14/18e de son temps d'enseignement et, partant, de son traitement ; qu'estimant que son contrat de travail avait été abusivement rompu, il réclamait à l'Administration diverses indemnités ;
Attendu que le Tribunal, dans le jugement précité, après avoir mis hors de cause le Directeur de la Fonction Publique et le Directeur de l'Éducation Nationale et constaté que le problème du refus d'un poste de professeur au Lycée Albert 1er avait été tranché par un arrêt de rejet du Tribunal Suprême, estimait que G. demeurait juridiquement tenu par l'engagement d'une année, comme Professeur de Lettres, qui lui avait été renouvelé le 20 mars 1975, et que cet engagement ne lui conférait nullement le droit de n'enseigner que la Philosophie ; que G. ne pouvait faire grief à l'Administration de lui avoir proposé un horaire hebdomadaire de 18 heures de matières ayant toutes un caractère littéraire et que c'est son refus de dispenser l'enseignement de l'histoire et de la géographie qui ne lui avait pas permis d'atteindre le nombre d'heures suffisantes pour travailler à temps complet ; qu'en conséquence si une rupture avait existé en la cause, la responsabilité en incombait à G., qui devait être débouté de sa demande ;
Attendu que l'appelant fait grief aux premiers juges de ne pas avoir admis qu'il avait été engagé pour l'année scolaire 1975 - 1976 à temps complet pour un enseignement exclusif de Philosophie et de Lettres Modernes ; que ne possédant ni les diplômes ni les connaissances nécessaires à l'enseignement de l'Histoire et de la Géographie, il ne pouvait se voir imposer par la Direction de la Fonction Publique 3 heures 30 de ces matières pour atteindre son temps complet et qu'en agissant ainsi l'Administration avait rompu unilatéralement son contrat de travail ; qu'il réclame, en conséquence, en réparation du préjudice subi : 13 587 F 30 de perte sur son traitement, 500 F de perte sur ses points de retraite et 10 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que le Ministre d'État seul intimé, soutient que l'engagement administratif de G. n'a jamais cessé d'être un engagement à temps partiel, comme l'établit le libellé de son contrat initial, renouvelé à diverses reprises, même s'il a eu l'occasion d'accomplir des services à plein-temps, en acceptant notamment d'enseigner l'Histoire et la Géographie en 1971 ; que l'Administration décide discrétionnairement, dans les limites de leur compétence, de l'affectation donnée à ses agents selon les besoins du service ; qu'il sollicite donc la confirmation pure et simple du jugement entrepris ;
Attendu qu'à la suite de la candidature de G., du 12 juin 1971, pour un poste de Professeur de Philosophie et de Lettres Modernes, le Directeur de la Fonction Publique lui répondait par lettre du 31 août 1971 qu'un poste de Professeur de Philosophie à temps partiel au C.E.S.T. de Monaco-Ville lui avait été attribué pour une durée d'une année scolaire ; qu'il est à noter que durant l'année scolaire 1971 - 1972 G. avait dispensé un enseignement comportant la Philosophie, le Français, l'Histoire et la Géographie, ainsi que cela résulte de l'horaire établi le 19 octobre 1971 par la Directrice du C.E.S.T. de Monaco-Ville ;
Attendu que par lettre du 8 août 1972 le Directeur de la Fonction Publique informait G. que son engagement en qualité de Professeur de Philosophie et de Lettres Modernes au C.E.S.T. de Monaco-Ville était renouvelé pour une durée de trois ans, à compter de la rentrée scolaire 1972 - 1973 ;
Attendu que par lettre du 20 mars 1975, le même fonctionnaire faisait connaître à G. que son engagement en qualité de Professeur de Lettres était renouvelé pour une durée d'une année, à compter de la rentrée scolaire 1975 - 1976 ;
Attendu enfin qu'une lettre identique, en date du 7 mai 1976, renouvelait encore G. en qualité d'enseignant de Lettres pour l'année scolaire 1976 - 1977 ;
Attendu que le 7 octobre 1975, le Directeur du Collège de l'Annonciade écrivait à G. pour lui proposer un enseignement comportant 6 heures de Philosophie, 8 heures de Français et 3 heures 30 d'Histoire et de Géographie, en lui précisant que ce service d'enseignement permettant d'établir un « temps complet » pour l'année scolaire 1975 - 1976 ne serait pas maintenu l'année suivante, particulièrement en ce qui concerne les heures d'enseignement d'Histoire et de Géographie ;
Attendu que par lettre du 9 octobre 1975, G. répondait au Directeur dudit Collège qu'il donnait son accord pour l'horaire de Philosophie et de Français, mais qu'il refusait l'enseignement d'Histoire et de Géographie qui lui était proposé, ne se sentant pas qualifié pour ces matières, et ajoutant qu'il incombait au Gouvernement qui l'avait renouvelé depuis cinq ans dans la fonction de Professeur de Philosophie et de Lettres de lui attribuer un poste à temps complet dans le domaine qui était le sien ;
Attendu qu'il est constant que l'engagement initial de G., tel qu'il résulte de la lettre du Directeur de la Fonction Publique du 31 août 1971, portait sur un poste de Professeur de Philosophie à temps partiel au C.E.S.T. de Monaco-Ville ;
Que les renouvellements successifs qui sont intervenus les 8 août 1972 pour trois ans, 20 mars 1975 pour un an et 7 mai 1976 pour un an, n'ont pas modifié le caractère d'engagement à temps partiel du premier contrat, bien que les qualifications données aient été tantôt celles de « Professeur de Philosophie » tantôt celles de « Professeur de Philosophie et de Lettres Modernes » ou de « Professeur de Lettres » ou « d'Enseignant de Lettres » ;
Attendu que le fait que G. ait pu à certaines périodes être occupé à temps plein c'est à dire 18 heures par semaine, soit en acceptant comme en 1971 - 1972, d'enseigner l'Histoire et la Géographie, soit en complétant ses horaires de Philosophie par l'enseignement du Français, ne change en rien le caractère de son engagement primitif à « temps partiel » ; que l'appelant ne conteste d'ailleurs pas être un agent non titularisé, affecté à l'enseignement public ; que la lettre du 20 mars 1975 n'indique pas qu'il s'agit d'un engagement à temps complet, comme le soutient G. ;
Attendu que ces aménagements d'horaires tendant à faire bénéficier les enseignants du maximum d'heures de travail aussi bien dans leur propre intérêt que dans celui d'une bonne organisation de l'instruction publique, ne pouvaient être faits qu'à l'initiative et sous la responsabilité du chef de l'établissement scolaire, qui en était seul juge ;
Que, dans ces conditions, il ne saurait être fait grief à l'Administration, représentée par le Ministre d'État, de ne pas avoir offert à G. un emploi à temps complet dans les disciplines qu'il souhaitait, c'est-à-dire la Philosophie et les Lettres Modernes et de lui avoir offert pour l'année scolaire 1975-1976 trois heures et demi d'enseignement d'Histoire et de Géographie pour compléter son horaire, pas plus qu'il ne peut être reproché à G. d'avoir refusé cette proposition qui ne correspondait pas à sa spécialité, bien que faisant partie des études de lettres ;
Attendu que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sur G. la responsabilité de la rupture du contrat de travail dont il bénéficiait, pour le débouter de sa demande et qu'il convient de ce chef de réformer leur décision, du moins dans sa motivation ;
Attendu que l'appelant ne peut pas davantage imputer une faute quelconque à l'Administration qui a respecté ses engagements initiaux ; qu'il est donc mal fondé dans son action et dans son appel ;
Que le jugement entrepris doit être confirmé sinon dans ses motifs du moins dans son dispositif ;
Attendu que les dépens suivent la succombance ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Substitués à ceux des premiers juges ;
En la forme reçoit G. R. en son appel ;
Au fond dit cet appel mal fondé ;
Confirme le jugement du 31 mai 1977 en ce qu'il a débouté G. des fins de sa demande ;
Composition
MM. de Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Marquilly et Marquet av. déf.
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