Abstract
Appel en matière pénale
Appel de la partie civile seulement - Action publique - Saisine de la cour d'appel (non)
Résumé
Le seul appel de la partie civile ne saisit pas la Cour de l'action publique.
Si l'alinéa 3 de l'article 1er du Code de procédure pénale qui introduit une exception à la règle générale édictée par l'alinéa 1er dudit article, permet à la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique, aucune disposition législative non plus qu'aucune autre règle générale de procédure ne lui reconnaît la possibilité de déférer à la Cour la partie de la décision des premiers juges qui a statué sur ladite action.
Motifs
La Cour,
Jugeant correctionnellement,
Attendu que le Sieur A., partie civile, a relevé appel d'un jugement du Tribunal correctionnel de Monaco du 13 juin 1978, lequel, statuant sur les poursuites intentées contre R. N., du chef d'avoir le 26 octobre 1974 provoqué l'incendie de partie de l'immeuble sis . et des objets contenus par celui-ci, par un feu allumé sans précaution suffisante, faits prévus et réprimés par l'article 387 du Code pénal, a renvoyé la prévenue des fins de la poursuite, après avoir accueilli à son bénéfice, l'excuse de démence ;
Que le jugement entrepris a, par ailleurs, déclaré irrecevable l'action civile du sieur A., faute pour celui-ci d'avoir conclu subsidiairement à une réparation fondée le cas échéant sur une disposition du droit civil ;
Qu'il a, en outre, observé que même si tel avait été le cas, les parties auraient dû être renvoyées devant le Tribunal civil par application de l'alinéa 2 de l'article 392 du Code de procédure pénale, l'affaire n'apparaissant pas en l'état ;
Les faits sont les suivants :
Le 26 octobre 1974, un peu avant huit heures du matin, un incendie se déclarait dans un appartement de l'immeuble sis ., dont la dame N. et le sieur A., son ex-gendre,sont copropriétaires. La dame N. présentant un début d'asphyxie était évacuée et immédiatement hospitalisée.
L'intérieur de l'appartement, comprenant cinq pièces, et le mobilier le garnissant étaient gravement endommagés.
Les constatations de police établissaient que l'incendie avait pris naissance dans une pièce inoccupée qui avait servi de chambre à coucher à la fille de la dame N., décédée deux ans auparavant, l'unique foyer principal se trouvant dans le coin droit de la chambre, à l'emplacement du lit ;
La dame N. déclarait qu'étant en état de dépression, elle avait décidé de mettre fin à ses jours en se tailladant les veines, mais que, avant de se suicider, elle avait voulu brûler le manteau de sa fille pour qu'après sa mort personne ne puisse profiter de ces vêtements en astrakan ; qu'ainsi, elle avait ouvert l'armoire, jeté de l'essence sur les vêtements puis préparé un verre d'eau avec des comprimés de Tegretol, médicament qu'elle utilisait pour calmer les névralgies faciales dont elle souffrait ; qu'ayant enflammé une allumette et l'ayant jetée sur les fourrures, elle avait été surprise par le brusque embrasement et le dégagement intense de fumée et qu'elle était alors sortie de l'appartement après avoir absorbé vingt comprimés de Tegretol ;
Cette version des faits n'est pas infirmée par les constatations matérielles faites sur les lieux ni par les déclarations des policiers aussitôt intervenus qui indiquent que la dame N. était prostrée et prononçait des paroles incohérentes ; qu'elle répétait toutefois qu'elle avait absorbé des barbituriques et n'avait pas voulu mettre le feu à l'appartement ;
Le Docteur C., neuro-psychiatre, qui l'a examinée, a conclu à des anomalies mentales (affaiblissement global avec des idées de préjudice et de persécution), lesquelles jointes à son état dépressif au moment des faits permettent de considérer sa responsabilité comme atténuée ;
Le Tribunal a estimé, quant à lui, que la dame N. qui était à l'époque des faits, âgée de 74 ans et qui a tenté de se donner la mort dans un temps très voisin de l'action, ne pouvait alors que se trouver dans un état dépressif extrême, lequel, caractérisant une démence imparfaite, n'en avait pas moins altéré gravement son discernement et sa lucidité, de telle sorte qu'elle n'avait pas eu mentalement la possibilité de projeter dans l'avenir les conséquences de son geste ;
Qu'elle devait, en conséquence, être déclarée irresponsable du délit d'imprudence qui lui est reproché ;
Attendu que l'appelant, tout en indiquant qu'il ne s'oppose pas à la « correctionnalisation » des faits reprochés à la dame N., qui, selon lui, constituent le crime d'incendie volontaire, n'en conclut pas moins, en préalable à sa demande en dommages intérêts, à ce que l'intimée soit déclarée coupable du crime susvisé, lequel, à l'évidence, ressortirait à la compétence du Tribunal criminel ;
Attendu que, de son côté, la dame N. conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il l'a renvoyée des fins de la poursuite et soutient que par application de la règle « une via electa… », la Cour est incompétente pour connaître de la demande en dommages intérêts de l'appelant, celui-ci ayant saisi le Tribunal civil de la même demande par assignation du 27 mai 1975, soit antérieurement à sa constitution de partie civile devant le magistrat instructeur intervenue le 22 avril de l'année suivante ;
Que le Ministère public déclare s'en rapporter ;
Sur ce,
Sur les poursuites pénales :
Attendu que le seul appel de la partie civile ne saisit pas la Cour de l'action publique ;
Qu'en effet, si l'alinéa 3 de l'article 1er du Code de procédure pénale qui introduit une exception à la règle générale édictée par l'alinéa 1er dudit article, permet à la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique, aucune disposition législative ou aucune règle générale de procédure pénale ne lui reconnaît la possibilité de déférer à la Cour la partie de la décision des premiers juges qui a statué sur ladite action.
Qu'il échet, en conséquence, de constater que le jugement attaqué est devenu définitif en ce qu'il a renvoyé la dame N. des fins de la poursuite ;
Sur l'action civile :
Attendu que l'exception « una via electa… » dont se prévaut la dame N. ne peut être proposée pour la première fois en cause d'appel ; qu'en effet, édictée pour la seule sauvegarde des intérêts particuliers, elle ne constitue pas, par ailleurs, une fin de non recevoir liée au fond ;
Qu'il échet, en conséquence, de l'écarter et de déclarer la demande d'A. recevable ;
Attendu sur cette demande, qu'il appartient à la Cour de rechercher, d'une part, si des éléments constitutifs de l'infraction dont la réparation est demandée sont réunis, d'autre part, s'ils peuvent être imputés à la personne à qui ladite infraction était reprochée ;
Attendu sur ce dernier point, que c'est à juste titre que les premiers juges, par des motifs que la Cour adopte et fait siens, ont considéré que la dame N. était en état de démence au moment des faits et qu'il échet, en conséquence, de confirmer leur décision en ce qu'ils se sont déclarés incompétents sur la demande en dommages intérêts du sieur A., en ce qu'elle tend à la réparation du préjudice né d'une infraction pénale laquelle, aux termes de l'article 44 du Code pénal est censée n'avoir jamais existé, étant observé au surplus, que l'appelant a la possibilité de suivre son action devant la juridiction civile déjà saisie ;
Attendu que le sieur A. succombe sur son appel et qu'il échet, en conséquence, de le condamner à l'indemnité prévue par l'article 423 du Code de procédure pénale ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Constate que le jugement attaqué est définitif en ce qu'il a statué sur les poursuites pénales ;
Le confirme en ce que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour statuer sur la demande en dommages intérêts formée par A. ;
Condamne celui-ci à payer à la dame N. la somme de 50 francs, ainsi qu'aux dépens de la présente instance.
Composition
MM. Bellando de Castro, prés. ; Default, prem. subst. gén. ; MMe Marquilly, av. déf. ; Sbarrato, av.
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