Abstract
Référé
Mainlevée d'une saisie-arrêt - Juge du fond saisi - Incompétence du juge des référés - Article 488 du Code de procédure civile - Consignation possible - Article 492 du Code de procédure civile
Résumé
Le juge des référés n'a plus compétence ratione temporis pour ordonner la mainlevée pure et simple ou le cautionnement de la saisie-arrêt qu'il avait autorisée, lorsque le Tribunal de première instance se trouve saisi de l'instance en validité de la saisie-arrêt litigieuse et de l'instance au fond.
Motifs
La Cour,
Considérant qu'il ressort des éléments de la cause la relation suivante des faits et de la procédure :
Sir C. C., de nationalité britannique est décédé à Londres le 26 juillet 1979 laissant pour seuls héritiers de droit ses deux enfants nés d'une union depuis dissoute, A. C. et V. C., épouse D., sous l'effet d'un testament fait en la forme olographe en date à Monte Carlo du 4 août 1979 déposé le 11 septembre 1979 au rang des minutes de Me Rey, Notaire, par lequel il instituait pour légataire universelle sa fille V. L. C. épouse D. ;
Invoquant des droits réservataires sur la base de la législation monégasque A. C. a le 10 décembre 1979 assigné sa sœur Dame D. aux fins de procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession relativement aux biens immobiliers situés en Principauté et à l'ensemble des biens mobiliers ;
Dans le cadre de cette instance, par ordonnance présidentielle du 10 janvier 1980 rendue à la requête de A. C., Madame H. C.-R. a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire de la succession de Sir C. C. ; ce pouvoir a par ordonnance du 1er avril 1980 été réduit au mandat d'assurer la conservation des meubles et objets de valeur ; Cependant par une ordonnance présidentielle du 24 décembre 1980 Dame C.-R. s'est vue, de l'accord des parties, confier outre à nouveau le pouvoir - qui lui avait été conféré par ordonnance du 10 janvier 1980 - le mandat de procéder à un certain nombre d'opérations telles l'acquisition de biens immobiliers, la vente de portions d'immeuble acquis par le de cujus, le sequestre de sommes provenant d'une réalisation immobilière projetée, le remboursement des sommes avancées par Dame V. C. et le paiement de droits, taxes de toute nature, commissions... ;
C'est ainsi qu'après la réalisation d'un acte de vente, Dame C.-R. a été amené à ouvrir au nom de la succession Sir C. C., le 22 juin 1981 un compte de dépôt à terme au Crédit foncier de Monaco et à y déposer la somme de 10 434 492,26 D.M. ;
La Lloyds Bank International France Limited a le 18 octobre 1982 signifié commandement à Dame H. C.-R., prise en sa qualité d'administrateur judiciaire de la succession de Sir C. C. d'avoir à lui payer la somme de 4.361.730,14 francs représentant le montant du solde débiteur du de cujus en principal, intérêts et commission arrêté au 31 août 1982 ;
Par Ordonnance rendue sur requête le 22 novembre 1982, le Président du Tribunal de Première Instance autorisait la Lloyds Bank International France Limited à saisir arrêter entre les mains du Crédit Foncier de Monaco sur ledit compte de dépôt à terme ouvert par Dame C.-R. au nom de la succession de Sir C. C., toutes sommes, deniers ou valeurs à concurrence de la somme de 1.672.597 D.M. déposée dans cette banque et représentant la contrevaleur en francs français de la somme de 4.700.000 francs à laquelle sa créance a été provisionnellement évaluée ;
Le 1er décembre 1982 la Lloyds Bank a procédé à la saisie-arrêt et a assigné à comparaître devant le Tribunal de première instance le 9 décembre 1982 d'une part la dame C.-R., en qualité d'administrateur judiciaire de la succession de Sir C. C. en validité de ladite saisie-arrêt et au paiement de la somme de 4.361.730,14 francs et de celle de 50.000 francs à titre de dommages-intérêts, d'autre part le Crédit Foncier de Monaco tiers-saisie en déclaration affirmative ;
Le 5 janvier 1983, Dame V. C. épouse D. a assigné devant le Juge des référés la Lloyds Bank, dame C.-R. et le Crédit Foncier de Monaco aux fins d'ordonner la mainlevée immédiate totale, définitive et sans aucune réserve de la saisie-arrêt pratiquée le 1er décembre 1982 et, à titre tout à fait subsidiaire, d'ordonner que les effets de ladite saisie-arrêt seront cantonnés au montant des sommes dont le compte que possédait feu Sir C. C. à la Lloyds Bank se trouvait débiteur à la date de sa clôture c'est-à-dire le 26 juillet 1979 ;
Par ordonnance du 14 février 1983 cette juridiction s'est déclarée incompétente en relevant dans ses motifs qu'il ne lui appartenait pas à moins de préjudicier au principal de se prononcer sur la nature juridique du legs dont se prévaut dame D. et qu'il existait une instance en partage introduite devant le Tribunal de première instance de Monaco le 10 décembre 1979 ;
Dame D. a le 30 mars 1983 interjeté appel de cette décision et a assigné la Lloyds Bank, dame C.-R. et le Crédit Foncier de Monaco devant la Cour aux fins d'infirmation de l'ordonnance entreprise et de voir ordonner à titre principal la mainlevée pure et simple de la saisie-arrêt et à titre subsidiaire son cantonnement tel que formulé en première instance ;
Dame D. prétend dans son acte d'appel et ses conclusions que la Lloyds Bank ne peut opposer une créance à Dame C.-R. débiteur saisi, celle-ci n'ayant plus la qualité d'administrateur judiciaire et ne pouvant représenter la succession ; Qu'ainsi la saisissante a attribué une fausse qualité à Dame C.-R. ; que les fonds détenus en qualité de simple séquestre conventionnel par cette dernière ne peuvent en tout état de cause être saisis par la Lloyds Bank pour obtenir règlement de sa créance ;
Que la Lloyds Bank ne justifie pas qu'elle a consenti à C. C. des découverts autorisés qui constituent le fondement de son action dans des conditions conformes à la réglementation des changes d'ordre public, qu'elle était tenue de respecter en sa qualité d'intermédiaire agréé ; qu'en effet Sir C. C. n'avait ni à la date du 29 mai 1978 ni à celle du 21 mai 1979 la qualité de résident en Principauté au sens de la réglementation des changes ; que l'agence de Monaco de la Lloyds Bank ne pouvait sans l'autorisation préalable de la Banque de France consenti à Sir C. C. sur ce compte un découvert autorisé ; qu'étant légataire particulier des avoirs saisis par la Lloyds Bank elle n'a pas à répondre des dettes de la succession de Sir C. C. ; que la Lloyds Bank n'est pas fondée, en tout état de cause à saisir des avoirs en D.M. pour obtenir remboursement des crédits libellés en francs français qu'elle avait consentis à Sir C. C. ; que la convention de prêt, illicitement conclue entre la Lloyds Bank et Sir C. C., se trouve entachée d'une nullité d'ordre public ;
La Lloyds Bank soutient que la qualité d'administrateur judiciaire de Dame C.-R. n'avait jamais été jusque là démentie et contestée les moyens soulevés en observant qu'ils échappent à la compétence du juge des référés comme touchant au fond ; elle sollicite la confirmation de la décision entreprise ; Dame C.-R., ès qualités, et le Crédit Foncier de Monaco s'en remettent à la sagesse de la Cour ;
Sur ce :
Considérant que l'article 488 du Code de procédure civile dispose : « A défaut de titre, la saisie-arrêt pourra avoir lieu en vertu de la permission du juge et pour la somme par lui fixée ; Toutefois, dans ce cas, le saisi aura la faculté de se pourvoir en référé, contre l'autorisation délivrée, jusqu'à l'audience fixée par l'exploit d'assignation » ;
Considérant qu'au regard de ce texte, il s'évince que le Tribunal de première instance de Monaco se trouvant saisi depuis le 9 décembre 1982 de l'instance en validité de la saisie-arrêt litigieuse et de l'instance au fond en paiement de créance par assignation de la Lloyds Bank du 1er décembre 1982, le juge des référés - lequel n'a été saisi que le 12 janvier 1983 sur assignation du 5 janvier 1983 - n'a plus compétence temporelle pour ordonner la mainlevée pure et simple de la saisie-arrêt pas plus que son cantonnement ;
Considérant que seules les dispositions de l'article 492 du Code de procédure civile permettraient au débiteur d'obtenir mainlevée dans la mesure où il consignerait à la Caisse des Dépôts et Consignations une somme couvrant le montant de la saisie-arrêt - et les frais - ce qui n'est point demandé ;
Considérant, qu'il y a lieu de débouter en conséquence l'appelant tant de sa demande principale que subsidiaire ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
et ceux non contraires du premier juge ;
Déclare recevable l'appel interjeté contre l'ordonnance de référé rendue le 14 février 1983 ;
Renvoyant les parties à se pourvoir au principal ;
Confirme l'ordonnance entreprise ;
Composition
MM. Vialatte, prem. prés. ; Merqui, vice-prés. ; Mme Picco-Margossian, prem. subst. proc. gén. ; MMe Clerissi, Sbarrato et Marquilly, av. déf.
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