Abstract
Fait justificatif - Commandement de l'autorité légitime
Résumé
Le commandement de l'autorité légitime, prévu par l'article 257 du Code pénal ne constitue un fait justificatif qu'à l'égard des agents qui, ayant commis l'acte délictueux, se trouvent soumis à l'autorité d'un supérieur hiérarchique de laquelle émane ledit commandement.
Une personne domiciliée en France, soupçonnée de recel d'une voiture automobile par les services de police monégasques qui l'ont convoquée à Monaco où elle s'est rendue à bord de ce véhicule, ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 257 du Code pénal.
Motifs
La Cour,
Il ressort de l'enquête de police, de l'information et des débats, les faits suivants qui ont donné lieu à des poursuites correctionnelles du chef de recel à l'encontre de G. S. ;
Lors de l'exécution d'une commission rogatoire, la police monégasque découvrait, le 18 novembre 1985, qu'une voiture automobile, de marque Mercedes, avait été immatriculée, le 4 mars 1985, à la Préfecture des Alpes-Maritimes sous le numéro [numéro] au nom de F. T. à l'aide d'un certificat pour l'obtention de la carte grise en France, faussement délivré par le service de la circulation de Monaco, ce véhicule ayant été soi-disant précédemment immatriculé à Monaco sous le numéro [numéro], au nom de H. C., nom fantaisiste ;
Il s'avérait que ce véhicule qui avait été revendu à Nice, le 11 avril 1985, à une dame T. Z., épouse G. S. avait été volé à Charleville-Mézières, le 20 ou 21 octobre 1983, au préjudice de la société Covema, concessionnaire Mercedes local ;
Convoqué par les policiers monégasques, G. S. indiquait que, désireux d'acquérir un véhicule Mercedes 190, il avait été mis en rapport par l'intermédiaire d'un collègue, J. O., et d'un coiffeur identifié comme étant J.-P. L., avec le vendeur, homme de 25/30 ans, mince de taille : 1,75 m/1,80 m, cheveux bruns courts ;
Que celui-ci, après essai du véhicule, lui avait réclamé un prix de 70 000 francs ; qu'après négociation, le prix de vente avait été ramené à 60 000 francs ; que le certificat de vente avait été établi à la Préfecture lors de l'établissement de la carte grise au nom de son épouse (née T. Z.) ; qu'il avait réglé 30 000 francs en espèces et le solde par chèque ; qu'il avait pris possession du véhicule chez un carrossier de Nice ;
À l'instruction, G. S. confirmait ses dires en précisant qu'il avait connu le nom du vendeur - comme étant celui de T. - lorsque celui-ci avait signé le reçu constatant la remise des 30 000 francs en espèces ; qu'il avait eu un instant des doutes sur la licéité de l'origine du véhicule au moment où, à la préfecture, le vendeur dissimulait le nom qu'il inscrivait sur un document administratif mais que ceux-ci s'étaient dissipés après la délivrance de la carte grise ;
G. S. a déclaré, par ailleurs, que l'achat de ce véhicule au prix de 60 000 francs constituait pour lui une bonne affaire ;
Il est apparu que le véhicule vendu aurait pu être vendu 100 000 francs selon C. S., encore que celui-ci l'ait estimé à 72 000 francs et que G. S. avait une certaine expérience sur le commerce des voitures pour avoir été employé chez des concessionnaires Citroën et Renault ;
J. O. et J.-P. L. ont confirmé les dires de l'inculpé quant aux circonstances des contacts noués par ce dernier avec le vendeur ;
L'information n'a pas permis d'identifier et d'entendre le vendeur ;
Par jugement du 11 février 1986, le Tribunal correctionnel l'a relaxé ;
Le Ministère public a relevé appel de cette décision le 14 février 1986 ;
À l'audience de la Cour d'appel, G. S. a soutenu comme il l'avait fait devant le Tribunal correctionnel, que le véhicule était endommagé à l'aile gauche en précisant qu'il avait procédé lui-même à cette réparation au début du mois de mai 1985 ;
Il a indiqué que sa première version donnée à la police monégasque, laquelle ne correspondait pas à la vérité, s'expliquait par ses scrupules de mettre en cause J. O. ;
Sur ce,
Considérant que le ministère public a régulièrement relevé appel du jugement susvisé relaxant G. S. des fins de la poursuite du chef de recel d'une voiture automobile Mercedes 190, commis le 18 novembre 1985 à Monaco, et ordonnant la restitution dudit véhicule aux motifs, d'une part, qu'il ne pouvait être affirmé que le prévenu ait eu conscience que l'automobile qu'il avait acquise au prix de 60 000 francs et qui était endommagée à l'avant-gauche, provienne d'un vol, d'autre part, que la commission de l'infraction trouverait sa justification dans le fait que G. S., invité à se rendre en Principauté avec le véhicule susvisé, avait déféré de bonne foi au commandement légitime des services de police ;
Considérant que le Ministère Public soutient que l'élément intentionnel se trouve établi comme résultant du comportement de G. S. qui a varié dans ses déclarations à la police, a admis avoir eu à un moment donné des doutes sur l'origine frauduleuse du véhicule, alors qu'ancien vendeur de voitures automobiles, il aurait dû exiger de son vendeur plus de précisions et a consenti à acquérir ce véhicule à bas prix ;
Que le Ministère Public critique, par ailleurs, les motifs de la décision faisant état d'un fait justificatif ;
Considérant que le prévenu affirme que si ses premières déclarations à la police ont varié, c'est en raison de son souci, à l'origine, de ne pas mettre en cause les intermédiaires de la vente ; que le véhicule était bien endommagé à l'aile gauche ; qu'il a lui-même effectué cette réparation ; qu'il a réglé le prix arrêté à 60 000 francs en versant 30 000 francs en espèces au dénommé T. après retrait à son compte bancaire et en lui remettant un chèque de 30 000 francs sans indiquer le nom du bénéficiaire ;
Considérant en ce qui concerne la motivation de relaxe basée sur le commandement légitime des services de police, que la Cour ne saurait suivre le raisonnement des premiers juges ;
Que le fait de déférer à une convocation des services de police en se rendant de France en Principauté de Monaco avec un véhicule provenant d'un vol ne saurait justifier la commission d'un recel en Principauté de Monaco, à supposer celui-ci établi ;
Qu'en effet, le commandement de l'autorité légitime, prévu par l'article 257 du Code pénal, ne constitue un fait justificatif qu'à l'égard des agents qui, ayant commis l'acte délictueux, se trouvent soumis à l'autorité d'un supérieur hiérarchique de laquelle émane ledit commandement ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce, G. S. n'étant point soumis à l'autorité des services de police monégasque ; que, par ailleurs, la convocation de police n'a pas eu pour effet d'engendrer le délit de recel lequel, à le supposer établi, aurait existé antérieurement en France et pourrait entraîner des poursuites en Principauté en vertu de l'article 8 du Code de procédure pénale au cas où la voiture volée se trouvait pour quelque cause que ce soit sur son territoire ;
Considérant en ce qui concerne l'appréciation de l'élément intentionnel que la Cour estime devoir, dans l'intérêt d'une bonne administration de la preuve, recueillir des données complémentaires tendant à l'identification du dénommé T. et du carrossier de Nice, ainsi qu'à leurs auditions et :
* à la vérification du compte bancaire de G. S. à la date de l'achat du véhicule (11 avril 1985),
* à l'identification et audition du bénéficiaire du chèque (qui n'aurait point été le vendeur),
* à la vérification des pièces produites par le dénommé T. et G. S. ayant permis l'établissement de la carte grise de ce dernier (certificat de vente),
* à la détermination de la valeur vénale du véhicule Mercedes 190 à l'Argus correspondant à la date de la vente (avril 1985),
* à la détermination de l'existence ou non de détériorations à l'aile du véhicule (cf. attestations de carrosserie Alpine et R. G. fournies à l'audience du Tribunal correctionnel) susceptibles de diminuer la valeur vénale ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, jugeant correctionnellement,
Déclare recevable l'appel interjeté par le Ministère Public à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal correctionnel le 11 février 1986,
Infirme la motivation fondée sur l'existence d'un prétendu fait justificatif ;
Avant dire droit, ordonne un supplément d'information confié à M. Jacques Ambrosi, conseiller, aux fins :
1° - d'identifier le dénommé T. ainsi que le garagiste de la Carrosserie Alpine à Nice, et de procéder à leurs auditions sur les circonstances de la vente du véhicule automobile,
2° - de vérifier le compte courant bancaire de G. S. à la date de l'acquisition du véhicule (11 avril 1985),
3°- d'identifier et entendre le bénéficiaire du chèque de 30 000 francs émis par G. S.,
4° - d'avoir une communication en photocopie des pièces administratives concernant la vente du véhicule,
5° - de déterminer la valeur vénale du véhicule Mercedes 190 à l'Argus en avril 1985 et de rechercher si ce véhicule présentait des détériorations (cf. attestations de la Carrosserie Alpine et de R. G. fournies à l'audience du Tribunal correctionnel) susceptibles d'en diminuer la valeur.
Composition
MM. Vialatte, prem. prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Sangiorgio, Randon, av.
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