Motifs
COUR D'APPEL
R.
ARRÊT DU 4 JUILLET 2017
En la cause de :
- L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC dénommé CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE (ci-après C. H. P. G.), dont le siège social se trouve 1 avenue Pasteur, 98000 MONACO, pris en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice, y demeurant en cette qualité ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Monsieur o. CI., né le 12 avril 1964 à Menton, Masseur Kinésithérapeute hospitalier, demeurant X1, 06500 MENTON ;
Ayant primitivement élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, puis en celle de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur en cette même Cour, enfin en celle de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur en cette même Cour et ayant pour avocat plaidant Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;
INTIMÉ,
d'autre part,
En présence de :
Monsieur le Procureur Général ;
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 28 avril 2016 (R. 4820) ;
Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 18 octobre 2016 (enrôlé sous le numéro 2017/000038) ;
Vu les conclusions déposées les 10 janvier 2017 et 9 mai 2017 par Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur, au nom d o. CI. ;
Vu les conclusions de déconstitution déposées le 11 janvier 2017 par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom d o. CI. ;
Vu les conclusions déposées le 25 avril 2017 par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de l'ÉTABLISSEMENT PUBLIC dénommé CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE ;
Vu les conclusions déposées le 28 avril 2017 par Monsieur le Procureur Général ;
À l'audience du 16 mai 2017, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties, le ministère public entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par l'ÉTABLISSEMENT PUBLIC dénommé CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 28 avril 2016.
Considérant les faits suivants :
Par décision du Directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace (CHPG) du 27 novembre 2002, M. CI. a été titularisé dans l'emploi de masseur-kinésithérapeute, classe normale, 3e échelon.
Il a été promu au 4e échelon par décision du 10 décembre 2003, avec effet rétroactif au 1er août 2003.
Le 30 juin 2003, il a signé avec le CHPG un contrat de formation professionnelle pour suivre une scolarité en vue de l'obtention du diplôme d'État de cadre de santé. À l'issue de cette formation, suivie de septembre 2003 à juin 2004, il a obtenu ce diplôme.
Le 13 juillet 2004 il a été nommé par le CHPG cadre de santé stagiaire, 1er échelon, et, par suite, promu au 2e échelon, puis au 3e le 19 janvier 2006.
Par décision du 18 décembre 2006, le directeur du CHPG a refusé de titulariser M. CI. dans le grade de cadre de santé, rétabli celui-ci dans « ses droits et obligations de masseur-kinésithérapeute de classe normale, 4e échelon » et, « vu le temps moyen exigé au 4e échelon », classé M. CI. au grade de masseur kinésithérapeute de classe normale, 5e échelon, à compter du 1er août 2006.
Le 17 juin 2008, le Tribunal suprême a rejeté la requête en annulation de la décision du 18 décembre 2006, par les motifs suivants :
– « Considérant que, lorsqu'il constate que la décision attaquée aurait pu être prise sur un fondement autre que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision,
– Qu'une telle substitution relevant de l'office du juge celui-ci peut y procéder, le cas échéant, de sa propre initiative au vu des pièces du dossier,
– Considérant qu'en l'état des textes monégasques applicables au personnel de service du Centre Hospitalier Princesse Grace qui ignorent la notion de corps, la titularisation d'un agent liée à la nomination de cet agent à titre permanent dans un emploi ne peut intervenir qu'une seule fois,
– Considérant que Monsieur CI., masseur kinésithérapeute titulaire depuis le 27 novembre 2002, ne pouvait faire l'objet d'une nouvelle titularisation et ce d'autant moins que le corps des cadres de santé n'est pas mentionné par les textes,
– Considérant qu'il pouvait seulement faire l'objet d'un avancement de grade conformément à l'ordonnance n° 74-64 du 28 juillet 1982, portant statut du personnel de service du Centre Hospitalier Princesse Grace qui dispose en son article 47 que : » l'avancement a lieu exclusivement au choix d'après le tableau dressé selon les dispositions des articles 48 et suivants « et en son article 48 que : » l'avancement de grade ne peut être accordé qu'aux agents inscrits au tableau d'avancement «,
– Considérant cependant que le Centre Hospitalier Princesse Grace n'a jamais établi le tableau d'avancement prévu par les statuts, l'ordre du jour d'une commission paritaire ne pouvant en tenir lieu,
– Considérant que Monsieur CI. ne pouvait donc légalement bénéficier d'un avancement de grade,
– Que saisi sur le seul terrain de l'excès de pouvoir, le Tribunal Suprême ne peut que rejeter sa requête ».
Par exploit d'huissier du 31 octobre 2013, M. CI. a assigné le CHPG devant le Tribunal de première instance pour obtenir :
– sous astreinte, son rétablissement, en qualité de cadre, à compter du 19 décembre 2006, avec toutes conséquences de droit, notamment quant à la rémunération,
– subsidiairement, la condamnation du CHPG à lui payer la somme de 60.000 euros en réparation de ses préjudices pécuniaires et moral subis du 19 décembre 2006 au 31 décembre 2013, et depuis lors, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice. Par jugement du 28 avril 2016, le Tribunal :
– s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de M. CI. en rétablissement de sa qualité de cadre au sein du CHPG, mais compétent pour connaître du surplus des demandes des parties, a :
* dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces n° 15, 35 et 36 produites par M. CI.,
* rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action en paiement,
* dit que cette action en paiement est recevable,
* dit que le CHPG a commis une faute en n'établissant pas le tableau d'avancement prévu par l'article 48 de l'ordonnance souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982,
* condamné le CHPG à payer à M. CI. la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondues ;
* rejeté le surplus des demandes en paiement de M. CI.,
* débouté le CHPG de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
* condamné le CHPG aux dépens avec distraction au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Le CHPG a relevé appel partiel le 18 octobre 2016 et M. CI. a relevé appel incident.
Aux termes de son exploit d'appel et assignation ainsi que de ses conclusions du 25 avril 2017, le CHPG demande à la Cour de :
– confirmer le jugement en ce que le tribunal s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de M. CI. en rétablissement en qualité de cadre au sein du CHPG,
– le réformer pour le surplus,
– se déclarer matériellement incompétent pour connaître du surplus des demandes formées initialement par M. CI.,
– à défaut, débouter M. CI. de ses demandes,
– le condamner aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de M. le Bâtonnier Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Il fait essentiellement valoir que :
Sur la compétence et l'excès de pouvoir
– le Tribunal a jugé à juste titre qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la demande de réintégration de M. CI. dès lors que celle-ci postule l'exact contraire de la décision du 18 décembre 2006 que son examen reviendrait à chercher à contourner, et que la réintégration serait contraire à une décision administrative toujours en vigueur et licite, en méconnaissance des dispositions constitutionnelles,
– en substituant à la base légale initiale, les articles 1.229 et 1.230 du Code civil, une faute simple de nature administrative engageant la responsabilité d'un organisme de droit public, le tribunal a excédé ses pouvoirs car il était saisi en sa seule qualité de juge civil,
– de plus, les demandes de M. CI., qui ne visent pas à réparer un préjudice découlant de l'absence de tableau d'avancement, sont fondées sur son absence de réintégration par le CHPG dans le grade de cadre de santé, et, partant, sur l'application de la décision rendue le 18 décembre 2006,
– il en résulte que seule le tribunal suprême aurait été à même de statuer sur l'octroi éventuel des indemnités sollicitées à l'appui du recours en annulation s'il avait été accueilli ;
Sur le fond
Sur la responsabilité du CHPG
– le tribunal a estimé à tort que les textes relatifs au CHPG ignoraient la notion de corps et que, ce faisant, l'évolution statutaire d'un agent passait nécessairement par son inscription au tableau d'avancement ;
– il résulte en effet de l'application combiné du statut, de l'ordonnance n° 14.749 du 15 février 2001 portant création du comité technique d'établissement du Centre Hospitalier Princesse Grace, et des arrêtés qui ont suivi, que le personnel du CHPG est constitué de plusieurs corps d'emploi, le terme est d'ailleurs mentionné à l'article 5 de cette ordonnance, de catégorie A, B ou C,
– ces corps d'emplois ont été clairement listés par les arrêtés ministériels n° 2004-257 du 13 mai 2004 et n° 2006-548 du 3 novembre 2006,
– parmi les emplois de catégorie B listés dans cet arrêté, figure celui de masseur-kinésithérapeute, et parmi les emplois de catégorie A, figure celui de cadre de santé correspondant précisément à celui occupé par M. CI. Du 13 juillet 2004 au 18 décembre 2006,
– dès lors que M. CI. Était susceptible de changer de corps, seuls les articles 17 et suivants du statut avaient vocation à s'appliquer,
– dans ces conditions, il appartenait à la seule direction du CHPG qui se trouve en situation d'élaborer « les règles concernant l'emploi des diverses catégories de personnel pour autant qu'elles n'aient pas été fixées par des dispositions législatives et réglementaires (article 3, 6° de l'ordonnance n° 14.749 du 15 février 2001 », d'organiser dans le cadre fixé par le statut, les modalités de cette promotion,
– il en ressort que le CHPG avait bien compétence pour décider lui-même des modalités de recrutement en interne d'un personnel d'encadrement,
– l'absence de tableau d'avancement ne s'imposait donc pas ni l'exercice d'un recours d'une commission d'avancement puisque la difficulté ne relevait pas d'un changement de grade mais de corps soumis à une autre réglementation,
– contrairement à ce qu'a décidé le tribunal, en n'établissant pas le tableau d'avancement prévu par les textes, le CHPG n'a pas fait perdre une chance à M. CI. de bénéficier juridiquement d'un avancement,
– par ailleurs, le choix de ne pas maintenir M. CI. dans son emploi de cadre de santé s'imposait car celui-ci ne réunissait pas toutes les compétences requises d'encadrement, comme en témoignent les fiches d'appréciation, le CHPG ayant pourtant tout mis en œuvre pour qu'il puisse accomplir sa mission,
– s'il peut être admis que la formation en tronc commun donne la possibilité aux agents titulaires du diplôme de postuler à un poste vacant de cadre de santé dans leur établissement toutes filières confondues, la nomination audit poste implique au préalable une recherche de l'adéquation parfaite de la compétence et de l'expérience du cadre avec le profil du poste à pourvoir,
– or il a été jusqu'à ce jour impossible au CHPG de donner à M. CI. la charge de missions transversales ou autre dans des services qui relèvent de disciplines médicales ou paramédicales se situant hors de sa compétence et qui n'ont de surcroît pas fait l'objet d'un avis favorable au sein de l'effectif d'encadrement des services concernés,
Sur les préjudices
M. CI. ne démontre pas les préjudices allégués.
Aux termes de ses conclusions du 10 janvier et du 9 mai 2017, M. CI. demande à la Cour de :
– confirmer le jugement sauf en ce qu'il :
* s'est déclaré incompétent pour connaître de sa demande en rétablissement de sa qualité de cadre au sein du CHPG,
* a condamné le CHPG à lui payer la somme de 15.000 euros toutes causes de préjudice confondue,
* a rejeté le surplus de ses demandes,
– condamner le CHPG à le « rétablir en sa qualité de cadre à compter du 19 décembre 2006 avec toutes conséquences de droit en découlant, notamment quant à la rémunération, sous astreinte de 50 euros par jour de retard »,
– subsidiairement, condamner le CHPG à lui payer 60.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices pécuniaires et moral subis du 19 décembre 2006 au 31 décembre 2013, « ensuite du retrait de sa qualification de cadre à la date du 18 décembre 2006 » et depuis lors, avec intérêts de droit à compter de la demande en justice,
– débouter le CHPG de ses demandes,
– condamner celui-ci aux dépens distraits au profit de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Il soutient en substance que :
Sur la compétence
– il demande, non l'annulation de la décision du 18 décembre 2006, mais la réparation du préjudice résultant des conséquences de la faute commise par le CHPG qui s'est refusé à mettre en place le tableau d'avancement prévu par les textes ;
– la Cour est compétente pour statuer sur l'action en responsabilité pour faute ;
Sur le fond
– l'inexistence du tableau d'avancement, qui est fautive, créé un préjudice à l'encontre de l'agent qui n'obtient pas un grade en adéquation avec ses diplômes et ses compétences ou, du moins, perd, du fait de cette inexistence, une chance de l'obtenir,
– le préjudice est également l'absence de réintégration dans le poste de cadre et la perte financière qui en découle outre le préjudice moral,
– le CHPG confond les catégories d'emploi avec la notion de corps et se fonde sur la lecture d'une ordonnance créant un comité technique d'établissement sans lien avec la notion d'avancement des agents exclusivement prévue par l'ordonnance souveraine du 28 juillet 1982,
– la création de catégories ne dispense pas le CHPG de dresser un tableau d'avancement,
– il n'est nullement démontré que le concluant n'aurait pas réuni les conséquences requises d'encadrement pour être maintenu à un poste de cadre de santé,
– le CHPG omet de prendre en compte la période antérieure au 13 juillet 2004 au cours de laquelle le concluant a occupé un poste de cadre de santé de septembre 2002 à septembre 2003, avec des fiches d'appréciation favorables,
– la rétrogradation subie par le concluant, qui a été infligée à titre de sanction disciplinaire, ne pouvait être décidée par le seul directeur de l'établissement,
– le concluant aurait pu être cadre de santé dans tout service nécessitant un poste de kinésithérapeute ;
– Le concluant a procédé au calcul du préjudice subi mois par mois ensuite de sa rétrogradation, qui s'élève à 37.646,54 euros à la fin du mois de décembre 2013, qui correspond à la différence de salaire en ce qu'il a effectivement perçu de décembre 2006 à décembre 2013 et à ce qu'il aurait touché en restant cadre selon la grille indiciaire des cadres de santé utilisée par le CHPG,
– il a subi également un préjudice moral.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures précitées auxquelles il est expressément renvoyé.
Au terme de ses écritures du 27 avril 2017, le procureur général conclut à la confirmation du jugement sur l'incompétence, s'agissant de la demande tendant à rétablir M. CI. en qualité d'agent titulaire cadre de santé, et sur la compétence, s'agissant de la demande indemnitaire.
Il s'en rapporte sur le fond.
SUR CE,
Attendu que les appels, principal et incident, régulièrement formés dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;
Sur la compétence
Attendu qu'aux termes de l'article 21,2° du Code de procédure civile, le Tribunal de première instance connaît en premier ressort, comme juge de droit commun en matière administrative, de toutes les actions autres que celles dont la connaissance est attribuée par la Constitution ou la loi au tribunal suprême ou à une autre juridiction ;
Que l'action en responsabilité exercée contre une personne publique relève de la compétence du tribunal de première instance ;
Attendu qu'au cas d'espèce, les demandes formulées dans le dispositif des conclusions de M. CI. tendant à condamner le CHPG à le « rétablir en sa qualité de cadre à compter du 19 décembre 2006 » et à lui payer des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis « ensuite du retrait de sa qualification de cadre à la date du 18 décembre 2006 » doivent être comprises à la lumière de l'argumentation développée dans le corps de ses écritures du 9 mai 2017, p.9 § 5, p.10 § 4 et 5, p. 11 § 8 et 11, p.20 § 11 et 12, p.22 § 2 ;
Qu'il en ressort que ces prétentions tendent à réparer le préjudice causé par une faute administrative, et non civile, commise par le CHPG ayant consisté à ne pas respecter la procédure prévue par les articles 47 et suivants de l'ordonnance n° 7.464 du 28 juillet 1982 portant statut du personnel de service du Centre hospitalier Princesse Grace ;
Que, dès lors, ces demandes relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, même si elles sont dirigées contre le CHPG, établissement public autonome institué par la loi n° 127 du 15 janvier 1930 ;
Qu'en conséquence le jugement sera infirmé en ce qu'il a décliné sa compétence pour connaître de la demande de M. CI. en « rétablissement » de sa qualité de cadre au sein du CHPG ;
Qu'il sera confirmé en ce qu'il s'est reconnu compétent pour statuer sur la demande indemnitaire ;
Sur le fond
Sur la responsabilité du CHPG
Attendu que l'ordonnance n° 7.464 du 28 juillet 1982 dispose, au titre V « notation et avancement », que :
« Article 45. - L'avancement des agents soumis au présent statut comprend l'avancement d'échelon et l'avancement de grade. L'avancement a lieu de façon continue d'échelon à échelon et de grade à grade.
Article 47, alinéa 1er. - L'avancement de grade a lieu exclusivement au choix d'après le tableau d'avancement, dressé selon les dispositions des articles 48 et suivants.
Article 48. L'avancement de grade ne peut être accordé qu'aux agents inscrits au tableau d'avancement,
Ce tableau doit comprendre un nombre de candidats égal au nombre d'emplois susceptibles de devenir vacants dans l'année, majoré de 50 %.
Il est arrêté par le directeur, après avis des commissions paritaires, le 15 décembre de chaque année au plus tard, pour prendre effet le 1er janvier suivant. Il cesse d'être valable à l'expiration de l'année pour laquelle il est dressé.
Article 49. Le tableau d'avancement de grade est établi compte tenu de la valeur professionnelle de l'agent, des notes obtenues par l'intéressé et des propositions motivées formulées par le chef de service. Les agents sont inscrits au tableau par ordre de mérite.
Les candidats dont le mérite est jugé égal sont départagés par l'ancienneté,
Sous réserve des nécessités de service, les promotions doivent avoir lieu dans l'ordre du tableau,
Article 51. Les tableaux d'avancement doivent être portés à la connaissance du personnel dans le délai maximum d'un mois suivant la date à laquelle ils ont été arrêtés. Tout agent qui s'estime lésé peut, dans un délai de quinze jours à compter de cette publication, demander à la commission paritaire d'examiner son cas.
En cas d'épuisement du tableau, ou de vacances d'emploi non prévues survenant en cours d'année, il est procédé à l'établissement d'un tableau supplémentaire.
Article 52. Si le directeur du centre hospitalier s'oppose pendant deux années successives à l'inscription au tableau d'un agent qui fait l'objet, lors de l'établissement de chaque tableau annuel, d'une proposition de la commission paritaire, la commission peut, à la requête de l'intéressé, saisir dans un délai de quinze jours la commission des recours prévue à l'article 29.
Après examen des aptitudes de l'agent à remplir les fonctions du grade supérieur et compte tenu des observations produites par le directeur pour justifier sa décision, la commission des recours émet soit un avis déclarant qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la requête dont elle a été saisie, soit une recommandation invitant le directeur à procéder à l'inscription dont il s'agit.
Lorsqu'il a été passé outre à son avis défavorable la commission paritaire peut également saisir la commission des recours ; celle-ci émet alors, dans des conditions prévues à l'alinéa précédent, soit un avis motivé déclarant qu'il n'y a pas lieu d'accueillir favorablement la requête dont elle a été saisie, soit une recommandation motivée invitant le directeur à rayer du tableau l'agent dont il s'agit. Cette radiation n'a aucun caractère disciplinaire.
Article 53. Tout agent inscrit au tableau d'avancement est tenu d'accepter l'emploi qui lui est assigné dans son nouveau grade. Son refus peut entraîner sa radiation du tableau, sauf justification reconnue valable par le directeur après avis de la commission paritaire.
Article 54. La durée minimum des services exigible dans chaque grade pour donner vocation à une inscription au tableau d'avancement est fixée par décision du conseil d'administration ».
Attendu qu'il est constant que le CHPG n'a pas établi le tableau d'avancement prévu par les articles précités ;
Attendu que, contrairement à ce qu'il soutient, il ne ressort pas de l'ordonnance n° 14.749 du 15 février 2001 portant création du comité technique d'établissement du CHPG, ni de l'arrêté n° 2006-548 du 3 janvier 2006 abrogeant l'arrêté n° 2004-257 du 13 mai 2004 et fixant les catégories d'emplois au sein du CHPG en application de cette ordonnance, qu'existaient des corps, ou cadres d'emplois, au sein de l'établissement hospitalier ;
Qu'en effet, à l'époque des faits, seules des catégories d'emploi avaient été créées conformément à l'article 1er de l'arrêté n° 2006-548 qui disposait que « pour l'application de l'article 4 de l'ordonnance souveraine n° 14.749 du 15 février 2001, les emplois prévus par l'ordonnance souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982 sont répartis en trois catégories désignées dans l'ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B et C » ;
Que, dès lors, l'argumentation du CHPG selon laquelle il avait compétence pour décider lui-même des modalités de recrutement en interne d'un personnel d'encadrement qui relevait d'un changement de corps et non de grade, ne peut être accueillie ;
Attendu qu'il ressort des décisions du directeur du CHPG du 13 juillet 2004 et du 18 décembre 2006, qu'existaient les grades de masseur-kinésithérapeute et de cadre de santé ;
Qu'il résulte de l'arrêté n° 2006-548 que le grade de cadre de santé était d'une catégorie supérieure à celui de masseur ;
Qu'en application de l'ordonnance n° 7.464 du 28 juillet 1982, l'avancement de l'un à l'autre imposait l'inscription à un tableau d'avancement et le respect de la procédure prévue par ses articles 48 et suivants ;
Attendu qu'il est constant que le CHPG n'a établi ni le tableau d'avancement ni la procédure prévus par le statut ;
Que la seule consultation de la commission paritaire, dont l'avis du 7 novembre 2006 est visé par la décision du 18 décembre 2006, ne peut pallier cette omission ;
Attendu qu'en ne prenant pas les mesures nécessaires pour assurer l'application de l'ordonnance n° 7.464, le CHPG a commis une faute administrative de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. CI. ;
Que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur la perte de chance alléguée par M. CI.
Attendu que M. CI. a suivi, certes, la formation professionnelle dispensée par l'école des cadres de kinésithérapie pendant l'année universitaire 2003/2004 et obtenu le diplôme de cadre de santé le 29 juin 2004 ;
Qu'il a ensuite été admis en qualité de cadre de santé stagiaire au sein du service de médecine physique et de rééducation fonctionnelle (MPRF) du CHPG de juillet 2004 à décembre 2006 ;
Attendu que, cependant, le 13 janvier 2006, Mme BE., médecin et chef de ce service, a établi une fiche d'appréciation indiquant que si M. CI., à qui des tâches d'organisation et de gestion administratives avaient été confiées, possédait de bonnes connaissances professionnelles, les relations humaines et l'investissement dans les tâches pratiques et concrètes étaient à améliorer ;
Que, le 30 mai 2006, elle a adressé un rapport à Mme FE., directrice des relations humaines, pour l'informer de l'insuffisance professionnelle de M. CI. et lui demander qu'il soit mis fin, au plus vite, à ses fonctions au sein de son service en indiquant :
« après la période d'adaptation et d'installation dans les nouvelles fonctions, le travail effectif du responsable du service et de l'équipe auraient dû, a priori, être rapidement productif, et ce d'autant plus que le service de MPR était à l'été 2004 déjà en grande partie structuré et que les chiffres de l'activité de soins témoignaient d'un fort dynamisme et d'un potentiel de développement riche.
Au premier trimestre 2005 sont apparues des difficultés nettes dans la gestion administrative du service, puis d'importants problèmes de communication avec plusieurs membres de l'équipe paramédicale, plusieurs tentatives de recherche de solutions, soit en interne, soit avec la collaboration de Mme PI., cadre supérieur, ont eu lieu. Elles ne semblent pas avoir abouti favorablement, avec même des difficultés croissantes depuis l'automne 2005.
Après un entretien avec l'intéressé, la DRH et le chef de service n'ont pas donné un avis favorable pour la titularisation du cadre et une période probatoire supplémentaire a été demandée en janvier 2006. Des objectifs précis de travail ont été donnés au cadre afin de l'accompagner dans son évolution professionnelle : normalisation des relations humaines avec l'équipe, investissement professionnel plus intense en termes de présence, d'organisation et de gestion, complémentarité d'action avec tout le personnel de service et en particulier avec le chef de service.
À la fin avril 2006, les objectifs de travail n'ont pas été atteints et il existe une insuffisance de travail manifeste à la fonction de cadre de santé dans le service MRP » ;
Qu'analysant les fonctions de cadre de santé telles que définies dans le profil de fonction rédigé par M. CI., Mme BE. a noté :
– « fonction de management : absence de logique participative ou non prise en compte des décisions collectives de service, absence de soutien de l'équipe, aucune considération pour les » situations de crises «, pas de rôle de coordination des actions ni d'application de la politique de soins ;
– fonction de soin : mise à mal des valeurs professionnelles de l'institution, non responsabilisation au regard de la qualité des soins et des prestations fournies, non considération de la continuité des soins ;
– fonction d'information et communication : faible diffusion des informations professionnelles et rôle de liaison de l'information parfois très réduit ou trop confidentiel ou individualiste) ;
– fonction de gestion et d'organisation : non mise en adéquation entre les besoins en personnel et les compétences ou la charge de travail, planification du temps de travail (plannings et CA) non réalisée ou réalisée de façon anarchique, faible investissement sur les commandes, la maintenance du matériel et des locaux, besoins et tests de matériel évalués de façon individualiste ;
– fonction d'évaluation et régulation : non prise en compte de la satisfaction ou insatisfaction des patients ou des dysfonctionnements apparus, évaluation ou » contrôle « du matériel rarement effectué ou en tout cas sans retour des conclusions, auto-évaluation très certainement réalisée mais avec peu de résultats » palpables « et de façon un peu schématique un degré certain de susceptibilité vis-à-vis de toute discussion ;
– fonction de formation : c'est probablement le point sur lequel le cadre a été le plus efficace » tout en étant peu investi sur les compétences de formation interne comme les séminaires du service « ou l'accompagnement de nouveaux projets.
L'énumération ci-dessus ne représente qu'une succession d'exemples, parfois presque anodins, mais qui rendent le quotidien d'un service invivable. Malgré un soutien fort et constant de l'ensemble de l'équipe du service MPR, et malgré les très nombreuses rencontres et discussions avec le chef de service puis le cadre supérieur, le constat est à ce jour celui d'une situation insatisfaisante, et qui de plus continue à se dégrader » ;
Que, le 7 juillet 2006, Mme PI., cadre supérieur de santé, a notifié à M. CI. la notation suivante « évaluation réalisée en l'absence de l'agent (arrêt maladie). Les compétences de M. CI. se sont révélées très insuffisantes pour assurer l'encadrement de ce service ; ses méthodes de management se sont montrées inefficaces et il a continué à faire preuve d'un manque de présence et d'engagement auprès de son équipe. Par contre, participation effective aux travaux du pôle médico-technique » ;
Que, dans une note du 14 juillet 2006 qu'elle a adressée au directeur du CHPG, Mme PI. a confirmé cette évaluation en ajoutant que dès le mois de mars 2005, il lui était apparu qu'il existait des problèmes de fonctionnement au sein du service MPR dus en grande partie à un manque de communication entre M. CI., les membres du service de l'équipe para médicale et Mme BE., que, lors de réunions, il avait été donné des indications et des conseils à M. CI. pour l'aider à améliorer sa gestion du service, qu'à la fin de l'année 2005, comme il n'avait pas été noté d'amélioration sensible dans les méthodes d'encadrement, Mme BE. et Mme FE. n'avaient pas donné d'avis favorable à la titularisation de M. CI. auquel une nouvelle période probatoire avait été accordée ;
Que, dans une note du 19 juillet 2006 envoyée au directeur du CHPG, Mme BE. a émis un avis défavorable à la titularisation de M. CI. dans le grade de cadre de santé ;
Attendu qu'au regard de ces multiples appréciations défavorables établies au cours d'une longue période probatoire, la Cour juge, à l'inverse du tribunal, que M. CI. n'a pas subi de perte de chance d'être inscrit sur le tableau d'avancement prévu par l'ordonnance du 28 juillet 1982, étant relevé que, selon les articles 48, 51 et 52 de ce texte, la décision d'inscription appartient au seul directeur qui n'est lié ni par l'avis de la commission paritaire, ni par celui, éventuel, de la commission des recours ;
Que M. CI. ne peut donc utilement se prévaloir de l'avis de la commission paritaire du 7 novembre 2006, demandant sa nomination sur un emploi de cadre de santé dans un autre service que celui de MPRF, qui, au reste, n'est pas produit ;
Qu'enfin, contrairement, à ce qu'il soutient, la décision du 18 décembre 2006 ne constitue pas une décision disciplinaire de rétrogradation ;
Sur les demandes réparatrices
Attendu qu'il n'y a lieu de statuer sur la demande de M. CI. tendant à son « rétablissement », en qualité de cadre de santé au sein du CHPG, dès lors que la juridiction judiciaire n'a pas le pouvoir d'ordonner une telle mesure ;
Attendu que, dès lors que M. CI. n'a pas perdu une chance d'être inscrit sur le tableau d'avancement prévu par l'ordonnance du 28 juillet 1982, il doit être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts, par voie de réformation du jugement ;
Sur les autres dispositions du jugement
Attendu que les autres dispositions du jugement n'étant pas critiquées, elles seront confirmées ;
Attendu que M. CI., qui succombe en ses demandes, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, le jugement étant également infirmé de ce chef ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Sur la compétence,
Confirme le jugement du 28 avril 2016 en ce que le tribunal s'est reconnu compétent pour statuer sur la demande en dommages et intérêts formulée par M. CI.,
L'infirme en ce que le tribunal a décliné sa compétence pour connaître de la demande de M. CI. en « rétablissement » de sa qualité de cadre au sein du Centre Hospitalier Princesse Grace, Statuant à nouveau,
Déclare la juridiction judiciaire compétente pour statuer sur la demande, réparatrice, de M. CI. tendant à le « rétablir » en sa qualité de cadre au sein du Centre Hospitalier Princesse Grace,
Sur le fond
Confirme le jugement en ce qu'il a dit que le Centre Hospitalier Princesse Grace a commis une faute en n'établissant pas le tableau d'avancement prévu par l'article 48 de l'ordonnance souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982,
Dit que la juridiction judiciaire n'a pas le pouvoir d'ordonner, à titre de mesure réparatrice, le « rétablissement » de M. CI. en sa qualité de cadre de santé au sein du Centre Hospitalier Princesse Grace,
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné le Centre Hospitalier Princesse Grace à payer à M. CI. la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues,
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute M. CI. de sa demande en paiement de dommages et intérêts, Confirme le jugement en ses autres dispositions,
Condamne M. CI. aux dépens de première instance et d'appel qui seront distraits au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 4 JUILLET 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général Adjoint.
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