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27/11/2017 | MONACO | N°16535

Monaco | Cour d'appel, 27 novembre 2017, Le ministère public c/ Monsieur f. BO.


Motifs

Cour d'appel correctionnelle Dossier PG n° 2016/000377

R.1268

ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2017

En la cause du :

MINISTÈRE PUBLIC ;

APPELANT

Contre :

f. BO., né le 5 octobre 1976 à NICE (06), de Richard Joseph et de Marie-Joëlle BA., de nationalité française, sans emploi, demeurant X1 à BEAUSOLEIL (06240),

ABSENT, représenté par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat en cette même Cour ;

INTIME

Prévenu de :
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LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'a...

Motifs

Cour d'appel correctionnelle Dossier PG n° 2016/000377

R.1268

ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2017

En la cause du :

MINISTÈRE PUBLIC ;

APPELANT

Contre :

f. BO., né le 5 octobre 1976 à NICE (06), de Richard Joseph et de Marie-Joëlle BA., de nationalité française, sans emploi, demeurant X1 à BEAUSOLEIL (06240),

ABSENT, représenté par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat en cette même Cour ;

INTIME

Prévenu de :

DETENTION, USAGE ET ACHAT DE STUPEFIANTS

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 16 octobre 2017 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale par le Tribunal correctionnel le 11 juillet 2017 ;

Vu l'appel interjeté le 12 juillet 2017, par le Ministère public à titre principal ;

Vu l'ordonnance présidentielle en date du 7 août 2017 ;

Vu la citation, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 16 août 2017 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, en son rapport ;

Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Arnaud CHEYNUT, avocat, substituant Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, pour f. BO., prévenu, en ses plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoirement rendu, conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale, le 11 juillet 2017, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :

« D'avoir à Monaco, à compter de courant 2011 jusqu'à courant 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, détenu, fait usage et acheté des produits stupéfiants, en l'espèce de la cocaïne »,

DÉLITS prévus et réprimés par les articles 1, 2, 2-1, 5, 5-3, 6, 7 et 9 de la Loi n° 890 du 1er juillet 1970, par les articles 26 et 27 du Code pénal, par arrêté ministériel n° 91-370 du 2 juillet 1991 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants et par Arrêté ministériel n° 2001-254 du 26 avril 2001,

* prononcé la nullité du procès-verbal d'audition libre, et par conséquent, la nullité de la procédure,

* laissé les frais à la charge du Trésor.

Le Ministère public a interjeté appel principal de cette décision par acte de greffe en date du 12 juillet 2017.

Considérant les faits suivants :

À l'occasion d'une information judiciaire ouverte contre X, des chefs de détention, offre, mise en vente, cession, achat, vente, importation et transport de cocaïne, f. BO. était entendu sur commission rogatoire, le 10 octobre 2014 à 14 heures 45, par les services de la Sûreté publique, son nom ayant été cité par j. SC., lors de son audition du même jour à 9 heures 50, comme faisant partie de sa clientèle habituelle.

f. BO. n'était pas placé en garde à vue et, après un interrogatoire portant sur son identité, sa situation personnelle, ses antécédents, et sa toxicomanie, il était entendu sur les faits.

Cette dernière partie d'audition débutait ainsi :

« Vous me donnez connaissance du contenu de la commission rogatoire susvisée. J'en prends acte et j'y réponds comme suit. Je prends acte que je suis entendu librement et que je peux mettre fin à tout instant à cette audition et quitter vos locaux sur le champ ».

Il expliquait ensuite aux enquêteurs qu'il consommait de la cocaïne de manière occasionnelle, que sa consommation avait bien diminué depuis plusieurs mois et qu'il se fournissait essentiellement auprès de j. SC.

f. BO. n'était pas inculpé dans l'information judiciaire.

Le 29 mars 2016, il était cité à comparaître devant le Tribunal correctionnel à l'audience du 21 juin 2016, sous la prévention d'avoir à Monaco, à compter de courant 2011 jusqu'à courant 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, détenu, fait usage et acheté des produits stupéfiants, en l'espèce de la cocaïne, DÉLITS prévus et réprimés par les articles 1, 2, 2-1, 5, 5-3, 6, 7, 9 de la loi n° 890 du 1er juillet 1970, par les articles 26, 27 du Code Pénal, par l'arrêté ministériel n° 91-370 du 2 juillet 1991 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants, par Arrêté Ministériel n° 2001-254 du 26 avril 2001.

À l'audience prévue pour l'examen de l'affaire, le conseil de f. BO. sollicitait une disjonction à laquelle le Procureur général ne s'opposait pas.

f. BO. comparaissait à nouveau devant le Tribunal correctionnel à l'audience du 6 décembre 2016 mais l'affaire était renvoyée à la date du 4 avril 2017, à la demande du conseil du prévenu qui indiquait n'avoir pas pu obtenir la copie du dossier.

Le 4 avril 2017, l'affaire était à nouveau renvoyée au 11 juillet 2017, à la demande du Procureur général en raison de la réception tardive des conclusions du conseil du prévenu.

À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, le conseil du prévenu soulevait, in limine litis, la nullité de l'intégralité de la procédure pour violation du droit à un procès équitable, car il n'avait pas pu obtenir la copie intégrale du dossier, ainsi que la nullité du procès-verbal d'audition de f. BO. devant les services de police, celui-ci ayant été entendu librement, et que faisant l'objet d'une accusation, il devait bénéficier de certaines garanties qui ne lui ont pas été accordées, parmi lesquelles le droit d'être informé du motif des poursuites, le droit à l'assistance un avocat, et le droit au silence, seul le droit de quitter les lieux lui ayant été notifié.

Le Procureur général requérait le rejet des exceptions de nullité.

Par jugement contradictoire en date du 11 juillet 2017, le Tribunal correctionnel prononçait la nullité du procès-verbal d'audition libre et, par conséquent, la nullité de la procédure, et laissait les frais à la charge du Trésor.

Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu que :

* le prévenu a été entendu en audition libre sans que lui soit notifié le droit au silence,

* bien que le prévenu ait sollicité, à plusieurs reprises, la communication de l'entier dossier d'instruction, « la communication parcellaire du dossier » ne permet pas de déterminer l'existence, dans la procédure, d'éventuels éléments à décharge.

Par acte en date du 12 juillet 2017, le Procureur général relevait appel à titre principal de cette décision.

À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, le Procureur général requérait la confirmation du jugement sur la nullité de l'audition libre mais l'infirmation sur la nullité de la procédure.

Le conseil de f. BO. a conclu à la confirmation du jugement, exposant, notamment, qu'en raison d'une atteinte au principe de l'égalité des armes, la nullité de l'ensemble de la procédure devait être prononcée. Il a renoncé à solliciter la nullité de la citation sur le fondement de l'article 369 du Code de procédure pénale, de l'article 1 de la Loi n° 890 du 1er juillet 1970 et de l'Arrêté ministériel n° 2015-386 du 8 juin 2015.

SUR CE,

1° Attendu que l'appel, relevé dans les formes et délais prescrits par les articles 406 et 411 du Code de procédure pénale, est régulier et recevable ;

2° Attendu que l'audition libre n'est pas réglementée en droit interne et que les principes posés par la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l'homme, applicables dans l'ordre juridique monégasque, imposent de reconnaître à quiconque se trouve soupçonné d'avoir commis une infraction le droit de garder le silence, le droit à l'assistance d'un avocat, le droit de connaître le motif des poursuites notamment ;

Attendu qu'au cas d'espèce, f. BO., mis en cause par j. SC. comme s'étant fourni auprès de lui en cocaïne, était, lors de son audition par les enquêteurs, soupçonné d'avoir commis les infractions de détention, d'usage et d'achat de produits stupéfiants ;

Que cependant, le mis en cause a été interrogé par les services de police sans que lui soient préalablement notifiés le droit de garder le silence, ni celui d'être assisté par l'avocat de son choix ;

Qu'il apparaît, dès lors, que l'ensemble des droits de la défense de f. BO. n'a pas été respecté ;

Qu'il s'ensuit que l'audition libre dont ce dernier a fait l'objet le 10 octobre 2014 encourt l'annulation, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef ;

Mais attendu que, malgré la rédaction du dispositif du jugement – « Prononce la nullité du procès-verbal d'audition libre, et par conséquent, la nullité de la procédure » –, l'annulation de cette audition n'emporte pas celle de la procédure en son entier, mais uniquement celle des actes subséquents ;

Or, attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ;

Qu'au cas d'espèce, l'annulation de l'audition libre de f. BO. emporte nullité de la citation directe, délivrée alors même que le prévenu, dont l'unique audition est annulée, n'a pas été en mesure de s'expliquer régulièrement lors de l'enquête ;

3° Attendu que f. BO. n'était pas partie à l'information judiciaire à l'occasion de laquelle il a été interrogé par les enquêteurs sur commission rogatoire ;

Que les poursuites dont il a fait l'objet reposent sur des pièces extraites de cette procédure d'instruction, au seul choix du Parquet ;

Qu'il apparaît que la demande du conseil du prévenu tendant à obtenir la copie de l'intégralité de la procédure, dont les pièces fondant la poursuite ont été extraites, n'a pas été satisfaite ;

Que dans ces conditions, le mis en cause n'a pas eu accès, contrairement au Procureur général, à l'intégralité de la procédure sur le fondement de laquelle les poursuites ont été décidées ;

Qu'il s'ensuit que l'absence de communication au mis en cause de l'ensemble du dossier d'instruction a placé f. BO. dans une situation d'inégalité par rapport à la partie poursuivante, ce qui constitue une atteinte à ses droits à la défense, commise en violation des règles du procès équitable ;

Que cependant, une telle atteinte n'emporte pas, à elle seule, nullité de la procédure en son ensemble, dont l'irrégularité, au regard des dispositions du Code de procédure pénale, n'est, par ailleurs, pas soutenue ;

Qu'elle emporte seulement nullité de l'acte de poursuite, en l'espèce la citation de f. BO., intervenue, de surcroît, sans aucune audition régulière de ce dernier ;

Qu'en conséquence, seule la citation à comparaître délivrée par le Procureur général à f. BO. sera annulée, par voie d'infirmation du jugement.

4° Attendu que les frais du présent arrêt seront laissés à la charge du Trésor ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale,

Reçoit le Ministère public en son appel,

Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation du procès-verbal d'audition libre de f. BO., de la citation directe délivrée à l'encontre de celui-ci et en ce qu'il a laissé les frais à la charge du Trésor,

L'infirme en ce qu'il a prononcé « par conséquent la nullité de la procédure »,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Déboute f. BO. de sa demande d'annulation du surplus de la procédure,

Laisse les frais du présent arrêt à la charge du Trésor.

Composition

Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le seize octobre deux mille dix-sept, qui se sont tenus devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur général, assistés de Madame Sandra MILLIEN, Greffier ;

Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires ;

Lecture étant donnée à l'audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-sept par Madame Virginie ZAND, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Sandra MILLIEN, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur général, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16535
Date de la décision : 27/11/2017

Analyses

L'audition libre n'est pas réglementée en droit interne et les principes posés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, applicables dans l'ordre juridique monégasque, imposent de reconnaître à quiconque se trouve soupçonné d'avoir commis une infraction le droit de garder le silence, le droit à l'assistance d'un avocat, le droit de connaître le motif des poursuites notamment.En l'espèce, l'intimé f. BO, mis en cause par Monsieur j. SC comme s'étant fourni auprès de lui en cocaïne, était, lors de son audition par les enquêteurs, soupçonné d'avoir commis les infractions de détention, d'usage et d'achat de produits stupéfiants.Cependant, le mis en cause a été interrogé par les services de police sans que lui soient préalablement notifiés le droit de garder le silence, ni celui d'être assisté par l'avocat de son choix.Il apparaît, dès lors, que l'ensemble des droits de la défense de f. BO n'a pas été respecté ; et que l'audition libre dont ce dernier a fait l'objet le 10 octobre 2014 encourt l'annulation, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.Malgré la rédaction du dispositif du jugement, « Prononce la nullité du procès-verbal d'audition libre, et par conséquent, la nullité de la procédure », l'annulation de cette audition n'emporte pas celle de la procédure en son entier, mais uniquement celle des actes subséquents. De plus, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement.En l'espèce, l'annulation de l'audition libre de l'intimé f. BO emporte nullité de la citation directe, délivrée alors même que le prévenu, dont l'unique audition est annulée, n'a pas été en mesure de s'expliquer régulièrement lors de l'enquête.Par ailleurs, il convient de souligner que l'intimé f. BO n'était pas partie à l'information judiciaire à l'occasion de laquelle il a été interrogé par les enquêteurs sur commission rogatoire. Ainsi, les poursuites dont il a fait l'objet reposent sur des pièces extraites de cette procédure d'instruction, au seul choix du Parquet.Il apparaît également que la demande du conseil du prévenu tendant à obtenir la copie de l'intégralité de la procédure, dont les pièces fondant la poursuite ont été extraites, n'a pas été satisfaite.Ainsi, dans ces conditions, d'une part, le mis en cause n'a pas eu accès, contrairement au Procureur général, à l'intégralité de la procédure sur le fondement de laquelle les poursuites ont été décidées. Et d'autre part, l'absence de communication au mis en cause de l'ensemble du dossier d'instruction a placé l'intimé f. BO dans une situation d'inégalité par rapport à la partie poursuivante, ce qui constitue une atteinte à ses droits à la défense, commise en violation des règles du procès équitable.Cependant, une telle atteinte n'emporte pas, à elle seule, nullité de la procédure en son ensemble, dont l'irrégularité, au regard des dispositions du Code de procédure pénale, n'est, par ailleurs, pas soutenue.Ainsi, elle emporte seulement nullité de l'acte de poursuite, en l'espèce la citation de f. BO, intervenue, de surcroît, sans aucune audition régulière de ce dernier.En conséquence, seule la citation à comparaître délivrée par le Procureur général à f. BO sera annulée, par voie d'infirmation du jugement.

Procédure pénale - Général  - Procédure pénale - Jugement.

Procédure pénale - Droit de la défense - Non-respect des droits de la défense - Annulation de l'audition libre - Nullité de la citation.


Parties
Demandeurs : Le ministère public
Défendeurs : Monsieur f. BO.

Références :

Code de procédure pénale
articles 406 et 411 du Code de procédure pénale
arrêté ministériel n° 91-370 du 2 juillet 1991
article 377 du Code de procédure pénale
articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
article 1 de la Loi n° 890 du 1er juillet 1970
articles 1, 2, 2-1, 5, 5-3, 6, 7 et 9 de la Loi n° 890 du 1er juillet 1970
Arrêté ministériel n° 2001-254 du 26 avril 2001
Arrêté ministériel n° 2015-386 du 8 juin 2015
articles 26 et 27 du Code pénal
article 369 du Code de procédure pénale


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2017-11-27;16535 ?

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