Motifs
COUR D'APPEL
R.
ARRÊT DU 12 DECEMBRE 2017
En la cause de :
- Monsieur h. r. DA., né le 8 mai 1952 à Bamako (Mali), de nationalité ivoirienne, gérant de société, demeurant à X1 ABIDJAN 18 (Côte d'Ivoire) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- la Société Anonyme de droit monégasque dénommée SAMAG, inscrite au RCI sous le numéro 56S00594, dont le siège social est sis « Le Victoria », 13 boulevard Princesse Charlotte à Monaco, prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice, Monsieur Maroun KH., domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Antoine DELABRIERE, avocat au Barreau de Paris ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 1er décembre 2016 (R. 1343) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 25 janvier 2017 (enrôlé sous le numéro 2017/000085) ;
Vu l'arrêt avant dire droit en date du 29 septembre 2017 ;
Vu les conclusions déposées le 31 octobre 2017 par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de Monsieur h. r. DA. ;
Vu les conclusions déposées le 14 novembre 2017 par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme de droit monégasque dénommée SAMAG ;
À l'audience du 21 novembre 2017, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur h. r. DA. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 1er décembre 2016.
Considérant les faits suivants :
La société SAMAG est une société de droit monégasque spécialisée dans le commerce de gros.
La Compagnie Industrielle d'Imprimerie en Continu (CIIC) est une société à responsabilité limitée de droit ivoirien, ayant son siège à Abidjan, dirigée par h. DA.. Elle a pour objet l'imprimerie et la réalisation graphique.
La société SAMAG expose qu'elle entretient des relations commerciales depuis des années avec la société CIIC.
Au cours des années 2012 et 2013, la société SAMAG a émis 19 factures, pour un montant total de 461.680,42 euros.
Le 22 juillet 2014, la société SAMAG a mis en demeure la société CIIC de lui régler la somme en principal de 403.578,67 euros, outre les intérêts de droit et les frais.
Cette mise en demeure n'a pas été suivie d'effet.
Au motif qu'h. DA. s'est porté caution personnelle et solidaire du paiement des dettes contractées par la société CIIC, la société SAMAG l'a, par exploit d'huissier délivré le 18 janvier 2016, fait assigner devant le Tribunal de première instance en vue d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 403.578,67 euros au titre des factures impayées et la somme de 204.857,99 euros au titre des intérêts de retard contractuels, selon un décompte arrêté au 31 décembre 2015.
h. DA. n'a pas comparu en première instance.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 1er décembre 2016, le Tribunal de première instance a statué ainsi qu'il suit :
« - condamne h. r. DA. à payer à la société anonyme monégasque SAMAG la somme de 398.676,96 euros au titre de son engagement de caution de certaines dettes de la société de droit ivoirien COMPAGNIE INDUSTRIELLE D'IMPRIMERIE EN CONTINU,
* déboute la société SAMAG du surplus de ses prétentions,
* dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,
* condamne h. r. DA. aux dépens, avec distraction au profit de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu que la créance à hauteur de la somme de 398.676,96 euros de la SAM SAMAG à l'égard d h. r. DA. était suffisamment établie par les factures versées au dossier ainsi que par le contrat de cautionnement, mais que, s'agissant du paiement d'intérêts, aucun contrat n'était versé, tandis que certaines factures ne faisaient nullement mention d'un taux d'intérêt qui figurait, en revanche sur d'autres factures, mais qui paraissait usuraire.
Par exploit d'appel et assignation délivré le 25 janvier 2017, h. r. DA. a relevé appel de cette décision.
Aux termes de cet exploit, l'appelant demande à la Cour, sur le fondement des articles 150 et 424 du Code de procédure civile, de :
« - dire et juger que l'exploit de signification en date du 15 décembre 2016 est nul, ce faisant,
* recevoir Monsieur h. r. DA. en son appel comme recevable en la forme et, quant au fond, l'en déclarer bien fondé,
* débouter la société anonyme de droit monégasque dénommée SAMAG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
* donner acte à l'appelant de ce qu'il se réserve le droit de déposer des écritures ampliatives à cet égard, dès communication des pièces adverses,
* condamner la société anonyme de droit monégasque dénommée SAMAG aux entiers dépens distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Au soutien de son appel, h. DA. affirme qu'il n'a eu connaissance de l'instance que le 15 décembre 2016, lors de la signification de la copie certifiée conforme à l'original du jugement, et fait valoir que l'exploit de signification du jugement est nul sur le fondement de l'article 150 du Code de procédure civile car alors qu'il réside à l'étranger, la signification n'a pas été assurée par le Parquet général.
Il ajoute que l'exploit, bien que signé par son épouse car il est mal voyant, ne fait pas expressément mention du délai d'appel de 30 jours prévu par l'article 424 du Code de procédure civile.
Il estime, dans ces conditions, que le délai pour relever appel n'a pas commencé à courir et que son recours est recevable.
Aux termes des conclusions qu'elle a déposées le 4 avril 2017, la société anonyme de droit monégasque dénommée SAMAG demande à la Cour, sur le fondement des articles 1229, 1850, 1860 du Code civil, 214 du Code de procédure civile, et au visa de l'Ordonnance souveraine n° 4.195 du 20 février 2013, de :
« - confirmer le jugement rendu le 1er décembre 2016 par le Tribunal de première instance en ce qu'il a condamné Monsieur h. r. DA. à payer à la SAM SAMAG la somme principale de 398.676,96 euros correspondant aux seize factures impayées et ce, au titre de son engagement de caution de certaines dettes de la société de droit ivoirien COMPAGNIE INDUSTRIELLE D'IMPRIMERIE EN CONTINU,
* accueillir la SAM SAMAG en son appel incident parte in qua, le déclarer recevable et bien fondé et y faire droit, en conséquence,
* infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SAM SAMAG de sa demande de paiement des intérêts de retard,
* et statuant à nouveau,
* condamner Monsieur h. r. DA. à payer à la SAMAG la somme de 120.098,04 euros au titre des intérêts de retard dus au 2 avril 2017 pour les 13 factures mentionnant expressément l'application d'intérêts de retard, en tout état de cause,
* condamner Monsieur h. r. DA. au paiement de la somme de 7.500 € au titre des dépenses engagées pour les frais de conseil dans cette affaire au fondement de l'article 1229 du Code civil,
* condamner Monsieur h. r. DA. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
La SAM SAMAG soutient que sa créance, ainsi que l'obligation de l'appelant au titre du cautionnement que ce dernier a consenti, sont incontestables et que l'argumentation qu'il a développée sur la signification des actes traduit sa volonté d'échapper au paiement.
Elle indique que sa créance résulte des seize factures impayées relatives à la fourniture de papier d'imprimerie à la société CIIC et précise qu h. r. DA. s'est porté garant du paiement de plusieurs factures en consentant un cautionnement personnel et solidaire. Elle fait valoir qu'en application des articles 1850 et 1860 du Code civil, elle est fondée à solliciter la condamnation de la caution au paiement de la somme totale de 398.676,96 euros.
Sur la nullité de la signification du jugement, la SAM SAMAG indique d'une part, que l'appelant a reçu à deux reprises signification de l'assignation introductive d'instance, le 13 mai 2016 et le 30 juin 2016, d'autre part, que le jugement dont ce dernier ne conteste pas avoir eu connaissance, lui a été signifié, non pas à parquet en raison des difficultés de signification à l'étranger, mais par la voie d'un huissier local.
Elle précise qu'avant de relever appel de cette décision, h. r. DA. a formé opposition contre celle-ci.
Elle sollicite la confirmation du jugement, sauf sur sa demande tendant au paiement d'intérêts de retard pour laquelle elle estime que lui refuser le bénéfice d'intérêts de retard revient récompenser le débiteur ne pas avoir honoré ses engagements.
Elle précise que seules trois factures ne font pas mention des intérêts de retard, toutes les autres énonçant que le retard de paiement entraîne l'application d'un intérêt de retard calculé sur la base de 19 %.
Elle considère que si l'Ordonnance Souveraine n° 2.271 du 6 juillet 2009 fixe les taux de l'usure, elle ne prévoit pas que la sanction sera la déchéance des intérêts.
Enfin, elle estime légitime sa demande de condamnation de l'appelant à des dommages-intérêts. Par arrêt en date du 29 septembre 2017, la Cour d'appel de ce siège a statué ainsi qu'il suit :
« - prononce la nullité de l'exploit de signification du 15 décembre 2016,
* déclare, en conséquence, recevable l'appel formé le 25 janvier 2017 par h. DA. à l'encontre du jugement rendu le 1er décembre 2016 par le Tribunal de première instance,
* renvoie les parties à conclure au fond selon le calendrier suivant :
* mardi 31 octobre 2017 à 9 heures pour les conclusions d h. DA.,
* mardi 14 novembre 2017 à 9 heures pour les conclusions de la société SAMAG,
* mardi 21 novembre 2017 à 9 heures 30 pour les plaidoiries,
* réserve les dépens en fin de cause ».
Par conclusions déposées le 31 octobre 2017, h. DA. demande à la Cour de :
« - infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
* à titre principal,
* dire et juger que l'acte de cautionnement personnel et solidaire souscrit par Monsieur DA. est nul et non avenu,
* rejeter en conséquence purement et simplement l'ensemble des demandes de la société SAMAG,
* à titre subsidiaire,
* si par impossible, le » tribunal « (SIC) de céans venait à considérer l'acte de cautionnement signé par Monsieur DA. comme étant valable,
* constater que la société SAMAG a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde,
* ce faisant,
* dire et juger que la société SAMAG ne peut se prévaloir de l'acte de cautionnement souscrit par Monsieur DA.,
* rejeter en conséquence purement et simplement l'ensemble des demandes de la société SAMAG,
* à titre infiniment subsidiaire,
* si par impossible le » tribunal « (SIC) de céans venait à considérer l'acte de cautionnement signé par Monsieur DA. comme étant valable et à entrer en voie de condamnation,
* dire et juger que Monsieur DA. pourra bénéficier des dispositions prévues par l'article 1099 du Code civil et par voie de conséquence, lui accorder un échéancier de paiement le plus large possible tenant compte de ses ressources et charges actuelles,
* rejeter les demandes de la société SAMAG pour le surplus,
* condamner enfin la société SAMAG aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
L'appelant soutient, en substance, que l'engagement de caution qu'il a souscrit est nul pour disproportion en l'absence de renseignements pris par le créancier sur sa situation financière et patrimoniale et qu'une caution à hauteur de 461.444,33 euros est manifestement disproportionnée par rapport à ses capacités financières.
À titre subsidiaire, il expose que la société SAMAG a manqué à son devoir de conseil en laissant volontairement perdurer et s'aggraver la dette de la société CIIC. En effet, bien que celle-ci ait arrêté de s'acquitter des factures à compter du 24 septembre 2012, la société SAMAG a attendu la 19e facture impayée pour réclamer le paiement de l'ensemble.
Il considère également que la société intimée a manqué à son devoir de mise en garde en ne l'informant pas suffisamment de la portée de ses engagements.
Il en conclut qu'elle doit être déchue du droit d'invoquer le bénéfice du cautionnement souscrit.
À titre infiniment subsidiaire, l'appelant indique qu'il est de bonne foi, qu'à ce jour, il n'a plus aucune épargne et connaît des problèmes de trésorerie, et qu'il n'est pas en mesure de régler à la banque la somme réclamée en un seul versement.
Par conclusions déposées le 14 novembre 2017, la société anonyme de droit monégasque SAMAGdemande à la Cour, sur le fondement des articles 1229, 1850, 1860 du Code civil, 214 du Code de procédure civile, et au visa de l'Ordonnance Souveraine n° 4.195 du 20 février 2013, de :
« - confirmer le jugement rendu le 1er décembre 2016 par le Tribunal de première instance en ce qu'il a condamné Monsieur h. r. DA. à payer à la SAM SAMAG la somme principale de 398.676,96 euros correspondant aux 16 factures impayées et ce, au titre de son engagement de caution de certaines dettes de la société de droit ivoirien COMPAGNIE INDUSTRIELLE D'IMPRIMERIE EN CONTINU,
* accueillir la SAM SAMAG en son appel incident parte in qua le déclarer recevable et bien fondé et y faire droit,
* en conséquence, et statuant à nouveau,
* condamner Monsieur h. r. DA. à payer à la SAMAG la somme de 120.098,04 euros au titre des intérêts de retard dus au 2 avril 2017 pour les 13 factures mentionnant expressément l'application d'intérêts de retard,
* en tout état de cause,
* rejeter toutes les demandes formulées par M. h. r. DA.,
* condamner Monsieur h. r. DA. au paiement de la somme de 7.500 euros au titre des dépenses engagées pour les frais de conseil dans cette affaire au fondement de l'article 1229 du Code civil,
* condamner Monsieur h. r. DA. aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, en ce compris tous frais et accessoires, tels que frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traductions éventuels, dont distraction au profit de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, sous son affirmation de droit ».
La société SAMAG fait valoir qu'en Principauté, le cautionnement est régi par les articles 1850 et suivants du Code civil et qu'aucune disposition équivalente à celle prévue par l'article L 341-4 du Code de la consommation français, qui fait obligation au créancier de s'informer sur la situation patrimoniale de la caution, n'existe en droit monégasque. Elle en conclut que l'acte de cautionnement est valable.
Elle ajoute que l'appelant est notoirement connu pour être l'un des hommes d'affaires les plus influents de son pays et que, de ce fait, il ne peut pas être considéré comme une partie faible.
Sur les prétendus manquements qu'elle aurait commis, la société SAMAG rappelle qu'une facture est due à sa date d'échéance et que son paiement spontané relève de la responsabilité du débiteur. Elle rappelle les dates d'échéance de la quasi-totalité des factures litigieuses s'étalent sur une période inférieure à cinq mois, ce qui ne peut pas être considéré comme une longue période dans une activité économique supposant le transport international de marchandises. Elle considère en outre avoir été exemplaire dans la gestion de ses factures impayées, ayant constamment relancé h. DA.. Enfin, elle fait valoir que la CIIC et la SAMAG étaient en relation d'affaires depuis fort longtemps, et que de telles relations appellent nécessairement une certaine flexibilité.
Sur la demande d'échéancier de paiement, elle souligne que jusqu'à présent, l'appelant a tout tenté pour échapper au paiement de sommes incontestablement dues par lui, qu'il a mis ce temps à profit pour organiser son insolvabilité et qu'il n'est pas un débiteur de bonne foi.
La société SAMAG fait enfin grief au jugement entrepris de ne pas avoir fait droit à sa demande en paiement des intérêts dus. Outre les moyens développés de ce chef dans ses précédentes conclusions, elle précise que dans l'environnement économique et financier dans lequel évolue la CIIC, les taux d'intérêt sont significativement plus importants qu'à Monaco et que sur le territoire européen.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions ci-dessus évoquées, auquel il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu qu'en droit monégasque, le cautionnement est régi par les articles 1850 et suivants du Code civil ;
Que ni ces dispositions, ni la jurisprudence monégasque n'ont consacré l'obligation, pour le créancier non banquier, de se renseigner préalablement à la signature du cautionnement, sur les capacités financières de la caution à faire face à ses engagements ;
Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contestable que le contrat de cautionnement personnel et solidaire litigieux, établi entre h. DA. et la société SAMAG est soumis au droit monégasque ;
Qu'en effet, l'article 12 de ce contrat énonce : « Toutes contestations et tous litiges pouvant naître à l'occasion de l'exécution des présentes seront du ressort exclusif des Tribunaux de la Principauté de Monaco, avec application de la loi monégasque et toutes significations ou notifications devront être faites au domicile ci-dessus élu à l'article 11 -DOMICILE - des présentes » ;
Qu'en vertu de cette disposition, non contestée par les parties, le contrat de cautionnement en cause est soumis aux dispositions édictées par les articles 1850 et suivants du Code civil ;
Qu'en outre, la jurisprudence présentée comme constante, visée dans les conclusions de l'appelant, est une jurisprudence française, relative aux établissements de crédit, dont la transposition au cas d'espèce n'est pas fondée en l'état des textes et de la jurisprudence monégasques ;
Qu'en conséquence, l'appelant, qui n'invoque aucun moyen pertinent au soutien de sa demande de nullité du cautionnement, en sera débouté ;
Attendu que, par ailleurs, h. DA. ne démontre pas que la société SAMAG aurait commis un manquement dans le recouvrement des factures impayées et aurait volontairement laissé perdurer et s'aggraver la dette de la société Compagnie Industrielle d'Imprimerie en Continu (CIIC) ;
Qu'en effet, il n'est pas contesté que la société CIIC, société à responsabilité limitée de droit ivoirien dirigée par l'appelant, entretient des relations commerciales depuis plusieurs années avec la société SAMAG ;
Qu'il apparaît que les factures impayées ont été établies entre le 24 septembre 2012 et le 11 février 2013, soit dans une période de six mois ;
Qu'elles se rapportent à des commandes de papier nécessitant, pour leur livraison, le recours à un service de transport international ;
Qu'ainsi, au regard de la nature de l'activité économique en cause, les dates d'échéance de ces factures, pour la plupart inférieures à cinq mois, sont raisonnables ;
Que dès le 4 février 2013, soit moins d'un mois après la date d'échéance de la première facture impayée, la société SAMAG adressait le mail suivant à l'appelant : « Je reviens vers vous concernant le règlement des factures 122, 119 et 120 échues. Je vous informe que je n'ai toujours pas reçu leur règlement. Je vous remercie de bien vouloir procéder au règlement des trois factures afin que la banque puisse remettre les originaux des documents » ;
Que, le même jour, le fils de l'appelant répondait par mail à la société SAMAG en ces termes : « je suis malheureusement obligé de te dire que nous serons dans l'incapacité de te régler quoi que ce soit dans les 10 jours qui viennent. Comme je te l'avais dit précédemment, nous traversons une petite crise due à un énorme impayé d'un de nos plus gros clients (SIC). Cependant tout est mis en œuvre pour sortir dans les plus brefs délais de cette situation. Concernant les marchandises flottantes, nous sommes disposés à prendre en charge tous les intérêts de retard de paiement (SIC) » ;
Que le 1er mai 2013, le fils de l'appelant adressait un nouveau mail à la société SAMAG, indiquant : « nous sommes en attente imminent du règlement donc les choses vont se débloquer rapidement et tu vas commencer à recevoir les virements en provenance d'Abidjan nous prenons toutes les dispositions ici pour te faire des virements beaucoup plus conséquents dans les jours qui viennent. » ;
Que des rappels de factures ont été adressés dès le mois de juillet 2013 puis au mois de novembre 2013 et qu'une mise en demeure a été signifiée le 22 juillet 2014 ;
Qu'il apparaît ainsi que la société SAMAG ne s'est pas montrée négligente dans la gestion des factures impayées ;
Qu'au demeurant, ainsi que le rappelle la société intimée, une facture est due à sa date d'échéance et son paiement spontané relève de la responsabilité du débiteur ;
Qu'au regard de ces éléments, le manquement de la société SAMAG n'est pas établi ; Que dès lors, le moyen sera rejeté ;
Attendu qu'enfin, l'appelant n'établit pas sur quel fondement légal, la société SAMAG serait tenue à un devoir de mise en garde et pourrait se voir reprocher de ne pas avoir suffisamment informé la caution sur la portée de ses engagements ;
Que ce moyen sera également rejeté ;
Attendu qu'aucun autre moyen n'est invoqué par l'appelant pour critiquer la condamnation en paiement de la somme de 398.676,96 euros prononcée à son encontre par le Tribunal de première instance ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné h. r. DA. à payer à la société anonyme monégasque SAMAG la somme de 398.676,96 euros au titre de son engagement de caution de certaines dettes de la société de droit ivoirien COMPAGNIE INDUSTRIELLE D'IMPRIMERIE EN CONTINU ;
Attendu que l'article 1099 du Code civil énonce, en son alinéa 2, que les juges peuvent, en considération de la position du débiteur et en usant de ce pouvoir avec une grande réserve, accorder des délais modérés pour le paiement, et surseoir à l'exécution des poursuites, toutes choses demeurant en état ;
Qu'il ressort de ces dispositions que la faculté d'accorder au débiteur des délais de paiement est laissée à l'appréciation des juges du fond qui doivent en faire une application réservée ;
Qu'il appartient, en outre, au demandeur de délais de paiement de justifier de sa situation ;
Attendu qu'au cas d'espèce, il apparaît que l'appelant n'a versé aucune pièce susceptible de justifier de son état de fortune, de ses ressources et de ses charges ;
Qu'il soutient, sans le démontrer, qu'il n'aurait, à ce jour, plus aucune épargne et connaîtrait d'importants problèmes de trésorerie ;
Qu'au demeurant, l'ancienneté des factures démontre que, de fait, h. DA. a déjà bénéficié de suffisamment de temps, sans pour autant le mettre à profit pour tenter d'honorer son engagement ;
Qu'au regard de ces éléments, h. r. DA. n'apparaît pas comme un débiteur de bonne foi ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de rejeter sa demande fondée sur l'article 1099 alinéa 2 du Code civil ;
Attendu que l'Ordonnance souveraine n° 4.195 du 20 février 2013, relative à la détermination du taux de l'usure énonce que « pour l'année 2013, le taux moyen déterminé dans les conditions visées à l'article précédent est fixé à :
Pour les particuliers : Découverts : 15,10 %, Prêts personnels : 5,33 %, Prêts immobiliers : 4,95 %, Pour les entreprises et entrepreneurs individuels : Découverts : 9,18 % » ;
Qu'il ressort de ces dispositions que le taux d'usure est relatif au taux d'intérêt pratiqué dans un contrat de prêt, personnel ou immobilier, ou à l'occasion d'un découvert bancaire ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce, le taux d'intérêt de 19% étant stipulé pour le paiement de factures ;
Attendu qu'il apparaît que trois factures impayées portant les numéros 2012/119, 2012/120 et 2012/122 ne font pas mention des intérêts de retard, la société SAMAG ne sollicitant pas application du taux d'intérêt de 19 % à ces factures ;
Que les autres factures impayées mentionnent : « Tout retard de paiement entraîne l'application d'un intérêt de retard calculé sur la base de 19 % par an » ;
Que cette disposition contractuelle n'est pas critiquée par l'appelant, qui n'invoque aucun moyen en réponse à l'appel incident de la société SAMAG ;
Qu'il convient, en conséquence, de condamner h. r. DA. à payer à la SAM SAMAG la somme de 120.098,04 euros au titre des intérêts de retard dus au 2 avril 2017 pour les treize factures mentionnant expressément l'application d'intérêts de retard, par voie d'infirmation du jugement ;
Attendu que la société SAMAG, qui fonde sa demande de condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 7.500 euros pour les frais de conseil engagés sur l'article 1229 du Code civil, ne la motive pas.
Qu'elle en sera déboutée ;
Attendu que l'appelant, qui succombe, supportera les entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déboute h. r. DA. de sa demande de nullité du contrat de cautionnement,
Déboute h. r. DA. de sa demande tendant à voir dire et juger que la société SAMAG ne peut pas se prévaloir de l'acte de cautionnement souscrit par lui,
Confirme le jugement rendu le 1er décembre 2016 par le Tribunal de première instance sauf en ce qu'il a débouté la société SAMAG du surplus de sa demande en paiement,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne h. r. DA. à payer à la société SAMAG la somme de 120.098,04 euros au titre des intérêts de retard dus au 2 avril 2017 pour les treize factures mentionnant expressément l'application d'intérêts de retard,
Déboute h. r. DA. de sa demande de délais de paiement fondée sur l'article 1099 du Code civil,
Déboute la société SAMAG de sa demande en paiement de la somme de 7.500 euros au titre des dépenses engagées pour les frais de conseil,
Condamne h. r. DA. aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 12 DECEMBRE 2017, par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.
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