Motifs
COUR D'APPEL
R.
ARRÊT DU 19 JUIN 2018
En la cause de :
- Monsieur r. PI., né le 8 décembre 1959 à MONACO, responsable papeterie, demeurant X1 - 06320 LA TURBIE ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
La Société Anonyme Monégasque IMPRIMERIE TE., dont le siège social est X2 - 98000 MONACO, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice - domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat près la même Cour ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail, le 21 septembre 2017 ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 27 octobre 2017 (enrôlé sous le numéro 2018/000046) ;
Vu les conclusions déposées les 9 janvier 2018 et 17 avril 2018 par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque IMPRIMERIE TE. ;
Vu les conclusions déposées le 6 mars 2018 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur r. PI. ;
À l'audience du 8 mai 2018, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur r. PI. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 21 septembre 2017.
Considérant les faits suivants :
r. PI. employé par la SAM IMPRIMERIE TE. le 3 août 1976 en qualité d'apprenti offset a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique par lettre du 14 octobre 2013.
Le 9 septembre 2014, r. PI. a saisi le Tribunal du Travail en conciliation des demandes suivantes :
* rappel de salaire (depuis septembre 2009) : 35.000 euros,
* congés payés sur rappel de salaire : 3.500 euros,
* complément indemnité de préavis : 1.500 euros,
* congés payés sur complément de préavis : 150 euros,
* complément indemnité de congédiement : 4.000 euros,
* dommages et intérêts pour non-paiement de salaire dû et discrimination notamment syndicale : 17.000 euros,
* intérêt au taux légal,
* exécution provisoire.
Suivant jugement en date du 21 septembre 2017, le Tribunal du Travail a :
* prononcé la nullité de l'attestation produite par r. PI. en pièce n° 4,
* débouté r. PI. de toutes ses demandes,
* condamné ce dernier aux dépens.
Au soutien de cette décision, les premiers juges ont en substance retenu que :
* le salarié ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que son employeur aurait manifesté une volonté claire et non équivoque de le surclasser,
* la simple mention d'une classification sur les bulletins de paie est insuffisante pour caractériser cette volonté de surclassement alors qu'il n'est pas établi que le salarié assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des responsabilités relevant de la classification qu'il revendique,
* s'agissant de l'inégalité salariale, Monsieur r. PI. et les salariés de comparaison ne sont pas placés dans une situation professionnelle identique puisqu'ils accomplissent un travail avec des responsabilités et une charge physique ou nerveuse différentes,
* il existe donc des raisons objectives pouvant justifier une différence de traitement entre les salariés invoqués et lui-même et aucune discrimination salariale n'est établie,
* s'agissant de la discrimination syndicale revendiquée, pouvant résulter du lien opéré par la direction entre l'absence d'augmentation de salaire et l'appartenance syndicale du salarié, les pièces produites concernent toutes une autre employée Madame MA-NO. et ne peuvent être retenues pour justifier du préjudice allégué qui ne saurait dès lors être indemnisé.
Suivant exploit en date du 27 octobre 2017, Monsieur r. PI. a interjeté appel du jugement précité, signifié le 29 septembre 2017 à l'effet de voir la Cour :
* réformer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité de l'attestation produite en pièce 4, débouté Monsieur PI. de toutes ses demandes et condamné celui-ci aux dépens,
Et, statuant à nouveau :
* condamner la SAM IMPRIMERIE TE. à lui régler les sommes de :
* 35.000 euros à titre de rappel de salaires au titre de la requalification de Monsieur PI. au poste de chef d'atelier responsable papeterie, à titre subsidiaire à la somme de 20.001,79 euros au titre du rappel de salaires au titre de la discrimination salariale,
* 3.500 euros à titre de congés payés y afférents ou à titre subsidiaire celle de 2.000,17 euros,
* 1.500 euros à titre de complément d'indemnité de préavis ou à titre subsidiaire celle de 739,78 euros, 150 euros à titre de congés payés y afférents ou à titre subsidiaire celle de 73,97 euros,
* 4.000 euros à titre de complément d'indemnité de congédiement,
* 17.000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
* constater la nullité de l'attestation de Madame BE. produite sous le numéro de pièce adverse n° 4,
* dire que les condamnations prononcées à titre de salaire, congés payés, préavis et indemnités de congédiement seront exécutoires à titre provisoire et assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
* débouter la SAM IMPRIMERIE TE. de ses demandes, fins et prétentions,
* la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de son appel, Monsieur r. PI. soutient en substance que :
* la mention apposée sur ses bulletins de salaire et son certificat de travail révèle qu'il exerce bien la fonction de responsable papeterie et non celle de typographe erronément mentionnée sur son permis de travail,
* les premiers juges ont à tort tenu compte de diverses attestations de clients de l'imprimerie faisant référence à son activité de typographe avant son évolution professionnelle,
* il effectuait en réalité des vérifications systématiques du travail réalisé au sein de la papeterie et avait également la gestion de nombreux travaux,
* le suivi des travaux et le contrôle du bon déroulement de la production de l'atelier en termes de qualité, de quantité et de délais ne saurait correspondre à l'ancien poste de typographe mais atteste de la réalité des fonctions de Monsieur PI. qui était l'interlocuteur des clients en tant que responsable papeterie,
* la preuve d'une discrimination salariale résulte de la différence de traitement entre lui et des salariés de classification inférieure, les écarts de salaires n'étant pas justifiés par des raisons objectives,
* il n'a pas été procédé à une appréciation concrète des éléments du dossier et des conditions de travail des différents salariés comparés,
* tout comme Madame c. MA-NO., il a été victime de l'aversion non dissimulée de son employeur à l'égard de son activité syndicale, les pièces versées aux débats attestant de cette attitude discriminante et du préjudice moral qui en est résulté.
La société anonyme IMPRIMERIE TE., intimée, entend pour sa part voir confirmer le jugement rendu le 21 septembre 2017 par le Tribunal du Travail en ce qu'il a débouté Monsieur r. PI. de ses demandes financières liées à la discrimination salariale invoquée, en ce qu'il a déclaré nulle la pièce adverse n° 4, et, relevant appel incident, entend voir réformer la décision entreprise et déclarer nulle la pièce adverse n° 29 et débouter en conséquence Monsieur r. PI. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et le condamner aux entiers dépens.
La société IMPRIMERIE TE. fait valoir en substance aux termes de l'ensemble de ses écritures que :
* les attestations adverses portant les numéros 4 et 29 ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile et devront être déclarées nulles,
* contrairement à ce que Monsieur r. PI. prétend, il n'a jamais occupé le poste de responsable papeterie ainsi qu'en atteste son permis de travail,
* la qualification ne peut être prouvée par la seule mention figurant sur un bulletin de salaire mais doit être complétée par d'autres éléments établissant la compétence des fonctions réelles exercées par le salarié,
* le bulletin de salaire de l'appelant constitue donc tout au plus un commencement de preuve qui n'est en l'espèce conforté par aucun autre élément probant alors même que les pièces versées aux débats par l'employeur révèlent que l'appelant était employé en qualité de typographe,
* la loi du 17 juillet 1957 prévoit en son article 1er que toute nouvelle demande de permis de travail doit être établie en cas de changement de métier, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce,
* de nombreuses attestations sont concordantes quant à la réalité des fonctions exercées par Monsieur r. PI. et permettent de constater qu'en sa qualité de typographe il était en charge de travaux de typographie, dorure au gaufrage, pouvant correspondre à la qualification d'agent de maîtrise, mais qu'il n'a jamais été responsable de la papeterie,
* la lettre de licenciement vise au demeurant la suppression du poste de typographe et les attestations produites démontrent simplement la polyvalence et l'expérience de Monsieur PI. au sein de l'imprimerie, nullement sa qualité de chef d'atelier,
* en sa qualité de typographe, Monsieur PI. appartenait au groupe V échelon B de la classification correspondant à ses fonctions et son salaire de base a toujours été largement supérieur à ceux prévus par les minima conventionnels de sa catégorie,
* les premiers juges ont en outre à bon droit considéré que l'appelant n'occupait pas le même poste que les travailleurs cités à titre de comparaison alors même que le principe énonce que l'égalité de traitement suppose un travail identique ou de valeur égale,
* la preuve n'a pas été rapportée de ce que les fonctions exercées par Monsieur r. PI. et les salariés invoqués auraient été identiques, voire même de même nature en sorte que sa demande de rappel de salaires doit être rejetée,
* le comportement du directeur de l'imprimerie n'était pas davantage révélateur d'une attitude discriminatoire ou infamante à son égard, les courriers invoqués concernant une autre salariée de l'entreprise et aucune pièce ne démontrant la réalité de la discrimination syndicale alléguée.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que les appels, tant principal qu'incident, ont été formalisés selon les règles de délai et de forme prévues par le Code de procédure civile et doivent être déclarés recevables ;
Sur la nullité des attestations produites en pièce numéros 4 et 29 par Monsieur r. PI.,
Attendu que l'intimée sollicite la nullité de l'attestation produite sous le n° de pièce 4 correspondant au témoignage de Monsieur SC. au motif que ce témoignage ne respecterait pas le formalisme impératif édicté par l'article 324 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que cette demande de nullité d'une attestation versée aux débats dès l'origine de la procédure est présentée pour la première fois en cause d'appel et n'a jamais été soumise aux premiers juges en sorte qu'elle caractérise une demande nouvelle irrecevable par application des dispositions de l'article 431 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'il est par ailleurs fait grief par Monsieur PI. aux premiers juges d'avoir déclaré nulle l'attestation produite sous le n° de pièce 29 correspondant au témoignage de Monsieur RA., le dispositif du jugement déféré faisant erronément référence à une pièce n°4 ;
Mais attendu qu'il est constant que cette attestation devait également respecter le formalisme impératif prévu par l'article 324 du Code de procédure civile et notamment le 5° qui dispose qu'elle doit :
« indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal » ;
Qu'à défaut pour l'attestation susvisée de porter cette mention, les premiers juges ont à bon droit prononcé sa nullité, leur décision devant de ce chef être confirmée ;
Attendu au fond, que Monsieur r. PI. fait en l'espèce grief à son employeur, l'IMPRIMERIE TE., d'avoir commis à son préjudice d'une part une discrimination salariale et, d'autre part, une discrimination syndicale ;
Sur l'appel principal et la demande de rappel de salaires pour inégalité de traitement,
Attendu que bien que le principe dit « d'égalité de traitement en matière de salaires » ne se trouve pas expressément consacré en droit social monégasque, seules les discriminations fondées sur le sexe étant prohibées par la loi n° 739 sur le salaire, il n'en demeure pas moins que par application des dispositions de l'article 7 du Pacte International relatif aux droits civiques et politiques, souscrit à New York le 16 décembre 1966 et rendu exécutoire en Principauté de Monaco par l'ordonnance n° 13.330 du 12 février 1998, il est reconnu à tous les salariés le droit de recevoir une rémunération égale en contrepartie d'un travail égal ou de valeur égale, la rémunération s'entendant du salaire proprement dit, mais aussi des divers avantages et accessoires y afférents ;
Attendu que les premiers juges ont à cet égard très justement rappelé que la généralité du champ d'application du principe de non-discrimination en matière de salaires s'induisait en particulier :
* de la volonté claire du législateur monégasque de transposer d'une « manière plus large et plus explicite », dans le domaine du droit social, le principe d'égalité des monégasques devant la loi édicté par l'article 17 de la Constitution du 17 décembre 1962, (cf. les débats ayant précédé l'adoption au Conseil National de l'article 2-1 de la loi 730 sur le salaire),
* des solutions prétoriennes, notamment les décisions de la Cour de Révision de la Principauté de Monaco érigeant le principe « à travail égal salaire égal » au rang de règle à portée générale ;
Attendu que s'il appartient ainsi à tout employeur d'assurer dans son entreprise l'égalité de rémunération entre tous les salariés qui, placés dans des conditions identiques, accomplissent un même travail ou un travail de valeur égale, il incombe au salarié qui se dit victime d'une atteinte à ce principe de faire état de tous éléments de fait utiles de nature à établir l'inégalité de rémunération alléguée, laquelle peut en revanche être justifiée par des paramètres et facteurs objectifs que l'employeur a la charge d'établir ;
Attendu que le principe d'égalité de traitement entre les salariés suppose que ceux-ci accomplissent un même travail ou un travail de valeur égale ;
Attendu que la notion de travail d'égale valeur correspond à des fonctions dont le niveau de responsabilité et de qualification est objectivement similaire et dont les avantages et sujétions, morales comme physiques, sont comparables ;
Attendu qu'il appartient donc en l'espèce à Monsieur r. PI. de rapporter la preuve de l'identité de situation individuelle entre lui et le ou les salariés avec lesquels il compare son traitement, sur la base d'éléments objectifs de nature à démontrer que les tâches qu'il accomplit sont identiques ou d'égale valeur à celles réalisées par le salarié de référence qui dispose d'un niveau de responsabilité et de qualification comparable au sien alors même qu'il percevrait en contrepartie une rémunération supérieure à la sienne ;
Attendu quant à la qualification revendiquée par l'appelant que Monsieur r. PI. exerce selon les mentions portées sur son permis de travail l'emploi de typographe, sa qualification effective ne pouvant être établie par les seules mentions figurant sur les bulletins de salaire qui ne seraient pas utilement corroborées par d'autres éléments objectifs probants ;
Attendu qu'il résulte en effet de l'article 1er de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 réglementant les conditions d'embauche et de licenciement en Principauté de Monaco que tout changement de métier ou de profession doit faire l'objet d'une nouvelle demande de permis de travail, force étant en l'espèce de constater qu'aucune demande de ce type n'a été adressée au service de l'emploi ;
Que la présomption s'attachant aux mentions et indications figurant sur les bulletins de salaire ou le certificat de travail peut être écartée par la démonstration des fonctions réellement exercées par le salarié concerné ;
Attendu qu'il résulte en l'espèce des pièces produites que les fonctions de responsable papeterie revendiquées par l'appelant relèvent de la classification dans le groupe II et nullement de la classification groupe V échelon B dont ce dernier bénéficie correspondant à l'emploi de typographe et conducteur de machine à imprimer simple ;
Qu'à la supposer erronée, une telle classification n'a cependant jamais suscité d'observation de la part de r. PI., ni surtout étayé une quelconque demande d'augmentation de salaire ;
Attendu qu'il appartient au salarié se prévalant d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer soit qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification revendiquée, soit que son employeur a manifesté de façon claire et non équivoque sa volonté de lui conférer une qualification supérieure ;
Attendu qu'il s'induit de l'analyse des pièces produites que Monsieur r. PI. a été embauché en qualité d'Apprenti Offset en 1976 avant d'être par la suite employé en qualité de typographe doreur ;
Attendu que les premiers juges ont à bon droit fait état de l'applicabilité de la convention collective nationale française de travail du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques et plus particulièrement celles de l'avenant du 17 septembre 2001 relatif à la classification des emplois et qualifications de l'ensemble du personnel salarié, lesquelles ont modifié et complété les dispositions résultant de l'accord portant sur la classification des emplois et des qualifications de l'ensemble du personnel salarié de l'imprimerie de labeur et des industries graphiques en date du 19 janvier 1993 ;
Que tout en relevant que Monsieur r. PI. revendiquait le poste de Responsable Papeterie, soit la qualification de Chef d'Atelier ou de Responsable Qualité et prétendait obtenir un salaire équivalent au minima du groupe II, les premiers juges ont également très justement observé que la classification des emplois énoncés dans l'annexe V : « classification des emplois et des qualifications de l'ensemble du personnel salarié Accord du 19 janvier 1993 » faisait référence en son article 3 à quatre critères que sont les connaissances générales, l'initiative, la technicité et la responsabilité ;
Qu'il en résulte que si Monsieur r. PI. est titulaire du CAP « Compositeur Typographe », une telle référence était en effet à elle seule insuffisante pour déterminer la classification de ce salarié ;
Mais attendu que les fonctions revendiquées par ce salarié apparaissent expressément définies à l'annexe V de la convention collective décrivant d'une part le Responsable qualité comme l'employé chargé d'effectuer les contrôles appropriés sur les matières premières, d'intervenir à tout moment lors de la réalisation de l'imprimé, de coordonner et améliorer les méthodes sur l'ensemble de la chaîne graphique et, d'autre part, le chef d'atelier comme le salarié qui rassemble et analyse toutes les informations nécessaires à la bonne marche de son atelier, organise, gère et met en œuvre les moyens techniques et le potentiel humain dont il a la charge, contrôle le bon déroulement de la production de son atelier en termes de qualité, quantité et délai ;
Attendu que les premiers juges ont encore exactement rappelé que l'article 502 de la convention collective range les chefs d'atelier dans la catégorie des agents de maîtrise qui travaillent sous les ordres d'un chef de fabrication, ou de l'employeur, ou de son représentant, ont, en principe, des contremaîtres sous leurs ordres, coordonnent et surveillent leurs activités, prennent des initiatives concernant la qualité du travail, les délais d'exécution, les économies de matières, le rendement et la sécurité des travailleurs, font respecter la discipline de l'atelier ;
Attendu qu'à l'effet de comparer les prérogatives correspondant aux intitulés de ces postes aux fonctions réellement exercées par Monsieur PI., il convient de se référer aux attestations des divers clients et interlocuteurs privilégiés de la société IMPRIMERIE TE., les témoignages de Monsieur PE. et Madame BA. étant dénués d'équivoque en ce que ces derniers précisent que Monsieur r. PI. occupait les fonctions de typographe doreur au sein de l'entreprise ;
Qu'il s'induit par ailleurs des témoignages de Messieurs a. HA. et a. SCH., tous deux dirigeants d'imprimeries situées à Monaco, que la mission de responsable d'une papeterie est très précise et conduit l'employé à assurer le suivi du dossier de fabrication en approvisionnant les papiers transmis aux massicotiers avant de récupérer et contrôler les travaux de sortie de presse pour les transmettre aux fins de pliage, assemblage, agrafage contre-collage, numérotage dorures et gaufrage, tout en renseignant les postes pour la réalisation des finitions et en suivant la commande jusqu'à la finition totale et l'emballage du produit avant enfin d'établir ou de faire établir le bon de livraison correspondant ;
Attendu que les diverses attestations produites par l'appelant notamment celles émanant de Messieurs BŒUF et SC., font état de la qualité des travaux de typographie, dorure, gaufrage effectués pendant plusieurs années par Monsieur PI., à l'exclusion de toute précision ou élément circonstancié permettant d'établir la réalité des fonctions qu'aurait pu exercer cet employé, susceptibles de correspondre à la qualification revendiquée ;
Attendu que les témoignages de Messieurs RO. et TE., LE. et CA. confirment que les interventions de Monsieur r. PI. se limitaient à un travail de relieur doreur sans aucune responsabilité inhérente à la finition des produits, mais se concentrant sur les travaux de typographie, dorure, gaufrage, découpe et façonnage, tous domaines dans lesquels il excellait ;
Attendu que bien que l'ancienneté et l'expérience incontestable de Monsieur PI., incitaient les clients à s'adresser directement à lui pour obtenir des renseignements sur leur commande, il ne saurait en être déduit qu'il était responsable de la papeterie en ayant notamment des contremaîtres sous ses ordres ;
Qu'il est non moins constant que le courrier de l'employeur en date du 28 mars 2013 ne permet nullement d'établir que Monsieur r. PI. aurait rempli les fonctions de responsable qualité ou de Chef d'Atelier, alors même que seule la nécessaire polyvalence de ce salarié y est mise en exergue pour permettre de faire face aux difficultés économiques touchant déjà l'entreprise, générant quelques mois plus tard de son licenciement économique ;
Attendu que les premiers juges ont à bon droit déduit de l'ensemble de ces circonstances et éléments probants que Monsieur r. PI. ne rapporte pas la preuve lui incombant, nonobstant les mentions portées sur ses bulletins de paie, de ce que son employeur aurait manifesté une volonté claire et non équivoque de le surclasser ;
Attendu quant aux situations salariales individuelles de référence de nature à attester l'inégalité de traitement, que Monsieur r. PI. évoque le cas de Monsieur w. RI. et de Monsieur t. RA. tout en produisant les pièces suivantes :
* le bulletin de salaire de w. RI., employé par la SAM IMPRIMERIE TE. le 19 septembre 2005, en qualité de Conducteur Offset, relevant également de la classification V et percevant un salaire de 1.886,77 euros brut au mois de décembre 2010 et de 2.200,67 euros au mois de décembre 2013,
* le bulletin de salaire de t. RA., embauché par la SAM IMPRIMERIE TE. le 28 août 2012 en qualité de Massicotier-Livreur, relevant également de la classification V et percevant un salaire initial de 1.934,61 euros brut porté à 1.943,63 euros brut au mois d'octobre 2012 ;
Attendu que les premiers juges ont à bon droit constaté que Monsieur r. PI. pouvait se prévaloir d'une ancienneté plus importante que ces deux salariés, ayant pour sa part été embauché en 1976, mais qu'il percevait néanmoins un salaire inférieur ;
Mais attendu que l'entreprise IMPRIMERIE TE., à laquelle incombe la charge de cette preuve, justifie que Monsieur r. PI. et les salariés de référence ne se trouvaient pas placés dans une situation professionnelle identique puisqu'ils accomplissaient un travail avec des responsabilités et des sujétions physiques différentes en sorte qu'il existait des raisons objectives pouvant justifier une différence de traitement entre ces employés ;
Qu'il résulte en effet des pièces produites que les fonctions de conducteur offset occupées par Monsieur w. RI. impliquaient des tâches complexes et techniques au regard desquelles il relevait au demeurant de la classification dans l'échelon C du groupe V, c'est-à-dire une catégorie supérieure à celle de Monsieur PI. ;
Que la fonction de conducteur offset induit, selon la définition donnée par la convention collective, des opérations complexes et variées ne se limitant pas à la conduite de machine à imprimer mais impliquant également le contrôle des opérations nécessaires à la réalisation de l'impression et nécessitant des compétences en matière informatique, hydraulique et électronique ;
Attendu par ailleurs que Monsieur t. RA., massicotier relevant de la classification du groupe V, échelon A, occupait également l'emploi de livreur, l'ajout de cette fonction engendrant des tâches supplémentaires ;
Qu'il est également établi par les pièces versées aux débats que l'activité de massicotier s'exerce en position debout et induit de multiples déplacements entre les machines tout en exposant le salarié au bruit de l'atelier tout comme le typographe mais aussi aux émanations de produits chimiques ;
Attendu que les premiers juges se sont à cet égard à bon droit référé aux sites d'information CIDJ et de l'ONISEP pour en déduire, en considération des différences objectives existant entre les exigences et les compétences requises, mais aussi entre les risques et la pénibilité engendrée par ces différentes fonctions, que le poste de typographe occupé par Monsieur r. PI. n'était pas identique, ni d'égale valeur, à celui respectivement rempli par les salariés de comparaison ;
Attendu que dès lors que ce salarié ne se trouvait pas placé dans une situation professionnelle similaire en ne supportant pas les mêmes exigences ni les mêmes contraintes techniques, mais aussi physiques que les employés auxquels il faisait référence, l'employeur a suffisamment démontré l'existence d'éléments objectifs justifiant la différence de traitement entre ces trois salariés ;
Attendu en conséquence que les premiers juges ont à bon droit débouté Monsieur r. PI. des fins de sa demande de rappel de salaire et du surplus des demandes financières y afférentes en sorte que le jugement entrepris sera de ce chef confirmé ;
Sur l'appel incident et la demande d'indemnisation pour discrimination syndicale,
Attendu que Monsieur r. PI. se prévaut d'une discrimination liée à son appartenance syndicale en expliquant que l'employeur lui a de ce seul fait refusé des augmentations de salaire ;
Attendu en droit qu'il est constant qu'aucune différence de traitement entre divers salariés ne saurait se justifier au regard de l'affiliation syndicale alors même que le droit à l'activité syndicale leur est reconnu par la loi ;
Attendu sur le plan de la preuve qu'il appartient en l'espèce à l'appelant de démontrer l'existence d'une discrimination fondée sur son affiliation syndicale, l'employeur pouvant quant à lui toujours justifier une éventuelle différence de traitement par des éléments objectifs distincts ;
Que Monsieur r. PI. fait notamment état pour en justifier des attestations de Monsieur RI. et de Madame RO. dont les témoignages concernent essentiellement la discrimination syndicale dont aurait été victime Madame
c. MA-NO. étant précisé qu'ils ont trait à des propos échangés lors d'une réunion du mois de juin 2011 entre d'une part Monsieur TH. et d'autre part cette salariée, à l'exclusion de toute participation de Monsieur r. PI. ;
Attendu par ailleurs que la lettre établie le 11 mai 2001 par Monsieur TH. ne permet pas davantage d'établir la preuve d'une discrimination syndicale dirigée contre Monsieur r. PI. étant ici précisé que ce courrier était exclusivement adressé à Madame NO. et ne faisait aucune référence à cet autre salarié ;
Attendu que Monsieur r. PI. auquel incombe la charge de cette preuve ne démontre pas plus en cause d'appel qu'en première instance qu'il aurait été personnellement victime d'actes de discrimination syndicale de la part de l'employeur ;
Attendu que le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a été débouté des fins de sa demande d'indemnisation de ce chef ;
Attendu que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions en ce compris les dépens de première instance et Monsieur r. PI. sera condamné aux entiers dépens d'appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels principal et incident,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nulle la pièce produite par r. PI. sous le n° 29 (erronément numérotée 4 dans le dispositif de la décision déférée),
Déclare irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de nullité concernant l'attestation produite sous le n° de pièce 4 par r. PI.,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 septembre 2017 par le Tribunal du Travail, Déboute les parties de l'ensemble de leurs prétentions,
Condamne Monsieur r. PI. aux dépens d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat- défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 19 JUIN 2018, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.
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