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04/06/2019 | MONACO | N°18203

Monaco | Cour d'appel, 4 juin 2019, La société dénommée BARCLAYS BANK PLC c/ La société des Îles Vierges britanniques dénommée CRESTA OVERSEAS LIMITED


Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 4 JUIN 2019

En la cause de :

- La société dénommée BARCLAYS BANK PLC, société de droit anglais, dont le siège social est 1, Churchill Place à Londres E14 5 HP (Angleterre), inscrite au « register of companies » sous le n° 1026167, au capital autorisé de trois milliards quarante millions mille livres sterling, avec succursale à Monte-Carlo - 31, avenue de la Costa, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le n° 68S01191, agissant poursuites et diligences de Monsieur f. G. Directeur Général et

représentant légal de la succursale de la BARCLAYS BANK PLC dans la Principauté de Monaco,...

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 4 JUIN 2019

En la cause de :

- La société dénommée BARCLAYS BANK PLC, société de droit anglais, dont le siège social est 1, Churchill Place à Londres E14 5 HP (Angleterre), inscrite au « register of companies » sous le n° 1026167, au capital autorisé de trois milliards quarante millions mille livres sterling, avec succursale à Monte-Carlo - 31, avenue de la Costa, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le n° 68S01191, agissant poursuites et diligences de Monsieur f. G. Directeur Général et représentant légal de la succursale de la BARCLAYS BANK PLC dans la Principauté de Monaco, domicilié en cette qualité à ladite adresse ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- La société des Iles Vierges Britanniques dénommée CRESTA OVERSEAS LIMITED, au capital de cinquante mille dollars des Etats-Unis d'Amérique, dont le siège social est Portculis TrustNet Chambers, PO Box 3444, Road Town à Tortola (Iles Vierges Britanniques), prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la même Cour, substituant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

EN PRÉSENCE DE :

Madame le Procureur Général près la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, séant en son Parquet Général, Palais de Justice, rue Colonel Bellando de Castro audit Monaco ;

COMPARAISSANT EN PERSONNE

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 1er mars 2018 (R. 3470) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 19 avril 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000130) ;

Vu les conclusions déposées les 6 novembre 2018 et 26 mars 2019 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la société des Iles Vierges Britanniques dénommée CRESTA OVERSEAS LIMITED ;

Vu les conclusions déposées le 4 janvier 2019 par le ministère public ;

Vu les conclusions déposées le 10 janvier 2019 par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société dénommée BARCLAYS BANK PLC ;

À l'audience du 23 avril 2019, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Ouï le ministère public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la société dénommée BARCLAYS BANK PLC à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 1er mars 2018.

Considérant les faits suivants :

Le 30 janvier 2015, la société de droit britannique BARCLAYS BANK PLC (la banque BARCLAYS), société de droit anglais, a fait signifier à la société CRESTA OVERSEAS LIMITED (la société CRESTA), société de droit des Iles Vierges Britanniques, un commandement de payer valant saisie immobilière pour la somme de 33.085.599,29 euros, en l'absence du remboursement à échéance de quatre prêts consentis par la première à la seconde (les 22 décembre 2010 et 5 juillet 2012).

Par jugement en date du 21 octobre 2015, le Tribunal de première instance a adjugé le bien immobilier appartenant à la société CRESTA, situé n° 5, boulevard Princesse Charlotte à MONACO, à la SCP VILLA CHARLOTTE pour le prix de 65.100.000 euros.

Le 6 novembre 2015, la Caisse des Dépôts et Consignations a reçu de l'adjudicataire la somme de 51.325.000 euros, ainsi que la somme de 13.775.000 euros qui avait été déposée par celui-ci au Greffe Général de la Cour d'Appel préalablement à la vente, le tout à titre de consignation représentant le prix d'adjudication.

Le 17 décembre 2015, la banque BARCLAYS a requis l'ouverture d'une procédure d'Ordre.

Par ordonnance en date du 30 mai 2016, le juge commissaire a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'issue des pourvois formés par la société CRESTA dont la Cour de révision était saisie, et dit qu'il incombait à la partie la plus diligente de le ressaisir dès le prononcé des arrêts précités, ou en cas d'accord entre les parties sur les modalités d'une distribution amiable.

La Cour de Révision s'est prononcée par trois arrêts en date du 20 octobre 2016, rejetant deux des pourvois intentés par la société CRESTA et déclarant irrecevable le troisième et rejetant les demandes de dommages et intérêts pour procédures abusives formulées par la banque BARCLAYS.

Suivant procès-verbal d'ordre amiable partiel en date du 1er février 2017, le juge commissaire a :

1) Constaté l'accord partiel des créanciers sur le règlement amiable de la somme à distribuer et ordonné le paiement aux créanciers colloqués, sur les fonds consignés à la Caisse des Dépôts et Consignations, des sommes suivantes :

- 34.691.373,70 euros à la banque BARCLAYS,

- 334.642,28 euros à l'avocat-défenseur du créancier poursuivant correspondant aux états de frais de la procédure d'ordre,

- 353.919,16 euros à l'avocat-défenseur du créancier poursuivant correspondant aux frais engagés antérieurement à la procédure d'ordre,

- 177.205,68 euros au titre des frais de greffe et du droit proportionnel.

2) Sur les intérêts de retard dus à compter du 6 novembre 2015, ordonné la disjonction de cette difficulté et dit qu'un ordre judiciaire devait être ouvert.

3) Dit que le reliquat, soit 27.127.855,01 euros, devait être restitué à la société CRESTA.

4) Constaté l'accord des parties aux termes duquel elles renoncent à tout recours sur l'ordre partiel amiable et sur la restitution du reliquat.

Suivant procès-verbal d'ouverture d'ordre judiciaire en date du 1er février 2017, le juge commissaire a :

- constaté que restait consignée la somme de 3.000.000 euros,

- ordonné l'ouverture d'une procédure d'ordre judiciaire pour la réclamation restant en discussion : les intérêts de retard à compter du 6 novembre 2015.

Le 22 mars 2017, le juge commissaire a provisoirement colloqué la banque BARCLAYS à la somme de 2.211.830, 85 euros au titre des intérêts dus pour la période du 6 novembre 2015 au 1er février 2017.

Par ordonnance en date du 18 avril 2017, à la suite du contredit formé par la société CRESTA à l'encontre de cet état de collocation, le juge commissaire a renvoyé les parties devant le Tribunal de première instance pour qu'il soit statué sur les contestations.

Par acte d'huissier en date du 10 mai 2017, la société CRESTA a fait assigner la banque BARCLAYS devant le Tribunal de première instance s'opposant à l'allocation à celle-ci d'intérêts conventionnels à compter du 6 novembre 2015.

Par jugement contradictoire en date du 1er mars 2018, le Tribunal de première instance a statué ainsi qu'il suit :

«- dit que la société de droit britannique BARCLAYS BANK PLC a commis une faute en initiant une procédure d'ordre, laquelle a exclusivement contribué au retard dans le recouvrement de sa créance à compter du 6 novembre 2015,

En conséquence,

- déboute la société de droit britannique BARCLAYS BANK PLC de sa demande en paiement de la somme de 2.211.830,85 euros au titre des intérêts de retard dû pour la période du 6 novembre 2015 au 1er février 2017,

- la condamne aux dépens distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ».

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu, après avoir transposé au cas d'espèce le droit positif français, qu'il n'y avait pas lieu à procédure d'ordre lorsqu'il n'existait qu'un seul créancier, que la phase amiable de procédure d'ordre n'était nullement un préalable nécessaire à la distribution du prix d'adjudication en présence d'un seul créancier, que dès lors, il appartenait à la BARCLAYS BANK d'intenter une procédure en paiement selon les règles du droit commun et que le retard dans le recouvrement de la créance à compter du 6 novembre 2015 était exclusivement imputable à la banque.

Par exploit d'appel et assignation délivré le 19 avril 2018, la société de droit anglais BARCLAYS BANK PLC a relevé appel de cette décision.

Au terme de cet exploit et des conclusions qu'elle a déposées le 10 janvier 2019, la société de droit anglais BARCLAYS BANK PLC demande à la Cour de :

«- recevoir la société BARCLAYS BANK PLC en son appel,

- l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- débouter la société des îles Vierges Britanniques dénommée CRESTA OVERSEAS LIMITED de l'ensemble de ses demandes,

- voir colloquer la BARCLAYS BANK PLC à hauteur de la somme de 2.211. 830,85 euros au titre des intérêts dus pour la période du 6 novembre 2015 au 1er février 2017,

- condamner la société des îles Vierges Britanniques dénommée CRESTA OVERSEAS LIMITED aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, distraits au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».

Après avoir rappelé que l'adjudicataire ne réglait pas la créance de la banque mais payait un prix correspondant à la vente, la banque BARCLAYS fait observer que le prix d'adjudication reste la propriété du débiteur saisi et ajoute qu'elle n'aurait pu être réglée de sa créance qu'avec l'accord de la société CRESTA OVERSEAS LIMITED.

Elle considère qu'une demande amiable de règlement aurait nécessairement été rejetée par le débiteur saisi, ce dernier ayant multiplié les procédures pour retarder la distribution du prix, en formant, en particulier, trois pourvois en révision respectivement contre le jugement de surenchère du 21 octobre 2015, l'arrêt de la Cour d'appel du 16 février 2016 ayant déclaré irrecevable son appel contre le jugement du 28 mai 2015 qui avait rejeté sa demande de nullité du commandement de payer et contre le second arrêt de la Cour d'appel du 16 février 2016.

Sur le choix de la procédure d'ordre, la banque appelante affirme qu'en l'état des procédures initiées par la société CRESTA, qui entendait poursuivre soit la nullité de l'ensemble de la procédure de saisie immobilière, soit la nullité des deux jugements d'adjudication successifs, il était inutile de solliciter son accord en vue d'un paiement amiable.

Elle en conclut qu'il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir sollicité un paiement amiable, alors même que la procédure d'ordre débute par une phase amiable et qu'un accord restait possible à tout moment. Elle estime que cette procédure présentait l'avantage de permettre la convocation des parties devant le juge commissaire pour une phase amiable, sans attendre l'issue des pourvois.

La banque BARCLAYS fait observer que le choix de la procédure d'ordre a été validé une première fois par le Président du Tribunal de première instance qui a rendu une ordonnance de désignation du juge commissaire, et une seconde fois par le juge commissaire lui-même, qui ne s'est pas opposé à sa désignation, étant précisé que la société CRESTA ne s'est jamais opposée à cette procédure.

Elle souligne que c'est exclusivement au regard des procédures poursuivies par le débiteur qu'une ordonnance de sursis à statuer est intervenue le 30 mai 2016, procédure immédiatement reprise à la demande de la banque dès le prononcé des arrêts rendus le 20 octobre 2016 par la Cour de révision.

Par conclusions déposées les 6 novembre 2018 et 26 mars 2019, la société de droit des Iles Vierges Britanniques dénommée CRESTA OVERSEAS LIMITED demande à la Cour, sur le fondement des articles 1091 du Code civil, 692, 702, 715 et 719 du Code de procédure civile, 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de :

«- débouter la BARCLAYS BANK de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

À titre principal,

- constater que le droit positif applicable à la saisie immobilière française, et en particulier à la procédure d'ordre, est pleinement applicable en Principauté,

- constater que la BARCLAYS BANK PLC était créancière poursuivante unique,

- constater qu'elle a initié une procédure d'ordre, par lettre du 17 décembre 2015, après avoir délivré quittance à l'adjudicataire du paiement du prix de vente,

dire et juger que conformément à la jurisprudence et à l'article 715 du Code de procédure civile, aucune procédure d'ordre ne pouvait être requise,

- constater que l'écoulement des délais entre le 6 novembre 2015 et le 1er mars 2017, au cours de la procédure d'ordre, est la conséquence exclusive de l'initiation fautive par la BARCLAYS BANK PLC de ladite procédure d'ordre,

- constater que la BARCLAYS BANK PLC a placé la concluante dans la croyance que le paiement du prix de vente avait été versé entre ses mains le 6 novembre 2015,

- constater que la BARCLAYS BANK PLC a perçu la somme de 1.584.054,58 euros à titre d'indemnité conventionnelle pour procédure d'ordre,

En conséquence,

- confirmer le jugement n° R.3470 rendu par le Tribunal de première instance le 1er mars 2018 en toutes ses dispositions,

Subsidiairement,

- constater que l'écoulement des délais entre le 6 novembre 2015 et le 1er mars 2017 est la conséquence de l'exercice par la concluante de son droit d'accès à un Tribunal,

- dire et juger que la condamnation de la concluante au paiement des intérêts conventionnels pour cette même période à hauteur de 2.211.830,85 euros constituerait une violation dudit droit,

En conséquence,

- débouter la BARCLAYS BANK PLC de ses demandes de ce chef,

- en tout état de cause, condamner la BARCLAYS BANK PLC aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».

La société CRESTA fait valoir que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a admis la transposition du droit positif français et en particulier de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle aucune procédure d'ordre n'est requise en présence d'un créancier unique et que dès lors, un tel créancier est mal fondé à réclamer le paiement des intérêts ayant couru après la consignation.

Elle souligne qu'au cas d'espèce, la procédure d'ordre initiée par la banque BARCLAYS était dépourvue d'objet à un double titre, d'une part, parce qu'une telle procédure n'était pas requise en présence d'un créancier poursuivant unique et qu'il appartenait à la banque de poursuivre le paiement de sa créance selon les modes de droit commun, d'autre part, parce qu'en vertu du pouvoir qui lui avait été donné par l'adjudicataire et de la quittance qui lui avait été donnée, la banque aurait dû solliciter l'autorisation de la société débitrice pour que la Caisse des Dépôts et Consignations libère la somme correspondant à sa créance.

Par ailleurs, la société intimée fait valoir que la banque ne saurait justifier son choix procédural par de simples présomptions puisqu'elle n'a jamais sollicité l'accord du débiteur pour le règlement de sa créance, que le cahier des charges rédigé par elle disposait qu'une procédure d'ordre serait « éventuellement rendue nécessaire du fait de l'inscription de plusieurs créanciers » et qu'elle savait, en outre, que l'écoulement de délais supplémentaires pendant le cours de cette procédure d'ordre inutile augmenterait de façon substantielle sa créance.

La société CRESTA estime que le fait qu'elle ne se soit pas expressément opposée à la procédure d'ordre ne saurait exempter la banque de sa faute.

Elle considère qu'en initiant une procédure d'ordre sans objet, la banque a commis une faute incontestable et que la demande de celle-ci ne résulte que de la seule introduction fautive de cette action dépourvue d'objet.

Elle ajoute que la banque a également commis une faute en la plaçant dans la croyance légitime que le prix d'adjudication, supérieur à la dette, avait été réglé directement entre les mains de sa créancière.

La société CRESTA rappelle que la banque a perçu une indemnité pour procédure d'ordre d'un montant de 1.584.054,58 euros, au titre de la pénalité contractuelle de 5 % des sommes dues à la date d'échéance, et estime que cette somme a largement couvert les délais et les conséquences liés à la procédure d'ordre, fautivement engagée.

En réponse aux moyens soulevés par la BARCLAYS BANK PLC selon lesquels d'une part, aucun règlement amiable n'aurait pu intervenir par les voies de droit commun dans un délai raisonnable, d'autre part, l'écoulement du délai de la procédure d'ordre ne serait dû qu'aux seuls recours de la société intimée pendants devant la Cour de révision, cette dernière oppose que :

- avant toute procédure judiciaire, il appartenait à la banque, au moment où elle est devenue détentrice du prix de vente, de solliciter l'accord de la société CRESTA pour le règlement des montants devant lui revenir,

- le simple fait d'initier une procédure d'ordre dépourvue d'objet caractérise la faute.

Subsidiairement, la société CRESTA soutient que la demande d'allocation de dommages-intérêts caractérise une atteinte au droit d'accès à un Tribunal, garanti par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

Aux termes de conclusions déposées le 4 janvier 2019, le Procureur général a requis que l'appel soit déclaré recevable et a déclaré s'en rapporter à justice.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions ci-dessus auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

1-Attendu que l'appel, relevé dans les conditions et délais prescrits par le Code de procédure civile, est régulier et recevable ;

2-Attendu que la mission du juge consiste à trancher le litige conformément à la règle de droit ;

Que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, c'est-à-dire par le résultat qu'elles recherchent ;

Que les prétentions se distinguent des moyens, éléments de fait et de droit allégués au soutien de celles-ci ;

Attendu qu'il s'en déduit que les « demandes » figurant sous la forme suivante au dispositif des conclusions de la société CRESTA, savoir :

«- constater que le droit positif applicable à la saisie immobilière française, et en particulier à la procédure d'ordre, est pleinement applicable en Principauté,

- constater que la BARCLAYS BANK PLC était créancière poursuivante unique,

- constater qu'elle a initié une procédure d'ordre, par lettre du 17 décembre 2015, après avoir délivré quittance à l'adjudicataire du paiement du prix de vente,

- constater que l'écoulement des délais entre le 6 novembre 2015 et le 1er mars 2017, au cours de la procédure d'ordre, est la conséquence exclusive de l'initiation fautive par la BARCLAYS BANK PLC de ladite procédure d'ordre,

- constater que la BARCLAYS BANK PLC a placé la concluante dans la croyance que le paiement du prix de vente avait été versé entre ses mains le 6 novembre 2015,

- constater que la BARCLAYS BANK PLC a perçu la somme de 1.584.054,58 euros à titre d'indemnité conventionnelle pour procédure d'ordre,

- constater que l'écoulement des délais entre le 6 novembre 2015 et le 1er mars 2017 est la conséquence de l'exercice par la concluante de son droit d'accès à un Tribunal »

ne constituent pas des prétentions mais des moyens auxquels il sera répondu dans le corps de l'arrêt ;

3-Attendu que pour juger que la société de droit britannique BARCLAYS BANK PLC a commis une faute en initiant une procédure d'ordre, laquelle avait exclusivement contribué au retard dans le recouvrement de sa créance à compter du 6 novembre 2015, le Tribunal de première instance, faisant application à la cause de la jurisprudence française, a rappelé qu'il n'y avait pas lieu à ouvrir un ordre en présence d'un seul créancier, que pour obtenir l'attribution du prix d'adjudication, le créancier poursuivant unique devait demander l'accord du débiteur saisi et à défaut, engager une procédure en paiement de droit commun devant le Tribunal, qu'au cas d'espèce, la banque poursuivante avait engagé une « procédure inutile et notoirement chronophage », présumant un refus de la société CRESTA de donner son accord au règlement de sa créance, en sorte que la banque avait seule contribué au retard dans le recouvrement de sa créance ;

Attendu que l'article 685 du Code de procédure civile énonce que le saisissant, dans la huitaine de la transcription du jugement d'adjudication, et à son défaut, après ce délai, le créancier le plus diligent, la partie saisie ou l'adjudicataire, déposera au greffe l'état des inscriptions, requerra l'ouverture d'un procès-verbal d'ordre et la nomination d'un juge commissaire ;

Que l'article 686 du même Code énonce que le juge commissaire, dans les cinq jours de sa nomination, convoquera les créanciers inscrits, afin de régler amiablement sur la distribution du prix ;

Attendu que l'article 685 précité est la réplique de l'ancien article 750 alinéa 2 du Code de procédure civile français ;

Qu'il en est de même des articles 686 précité et 751 alinéa 1 de l'ancien Code de procédure civile français, à l'exception seulement du délai imparti au juge commissaire pour convoquer les créanciers inscrits ;

Que, dès lors, la similitude de ces textes autorise la transposition, en droit monégasque, de la jurisprudence constante française en matière d'ordre ;

Qu'il s'ensuit qu'il doit être considéré, comme en droit français, que l'ordre implique une relation de rang entre les créanciers et qu'en l'absence de concours entre créanciers, il n'y a pas lieu d'ouvrir un ordre ;

Qu'au cas d'espèce, la banque BARCLAYS était la seule créancière ;

Que dès lors, la procédure d'ordre engagée par celle-ci n'apparaissait pas nécessaire ;

Attendu que la Cour doit désormais rechercher si, ainsi que le prétend la société intimée, la banque a commis une faute en initiant une procédure d'ordre qui ne s'imposait pas et si, ayant seule contribué au retard dans le recouvrement de sa créance, elle doit être déboutée du paiement des intérêts contractuels pour la période du 6 novembre 2015 au 1er février 2017 ;

Qu'en préambule, la Cour relève que la référence à un arrêt rendu le 5 novembre 1986 par la Cour de cassation n'apparaît pas pertinente à la solution du présent litige, dans la mesure où dans cette décision, la Cour de cassation a également retenu que la débitrice avait été tenue dans l'ignorance de la procédure suivie après l'adjudication et qu'elle pouvait se croire légitimement libérée de sa dette, inférieure au montant de la consignation ;

Qu'au cas d'espèce, la procédure d'ordre requise, certes à tort, l'a été au contradictoire de la société débitrice ;

Que, pour le surplus, il ressort des débats et des pièces produites, la chronologie suivante :

- selon jugement en date du 28 mai 2015 n° R.5769, le Tribunal de première instance a déclaré recevable la société CRESTA en son opposition à commandement et l'a déboutée de ses demandes tendant à la nullité du commandement délivré le 30 janvier 2015 ainsi qu'à l'octroi de délais de paiement,

- par jugement en date du 28 mai 2015 n° R.5770, le Tribunal de première instance a, notamment, débouté la société CRESTA, de ses demandes tendant à la nullité du commandement et du cahier des charges, ainsi qu'à la mainlevée de la saisie, et a fixé au 8 juillet 2015 à 14 heures la vente aux enchères publiques de l'immeuble sur la mise à prix de 33.450.000 euros,

- le 8 juin 2015, la société CRESTA a fait délivrer à la banque BARCLAYS un exploit d'appel parte in qua et assignation contre le jugement n° R.5770,

- le 2 juillet 2015, le Tribunal de première instance a déclaré nulle la demande de cantonnement formée par la société CRESTA,

- le 3 juillet 2015 la société CRESTA a formé appel parte in qua contre le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 28 mai 2015 n° R.5769,

- par jugement du 8 juillet 2015, le Tribunal de première instance a adjugé le bien immobilier au prix de 47.200.000 euros,

ce jugement a fait l'objet d'un pourvoi en révision,

- le 16 juillet 2015, une déclaration de surenchère a été effectuée au greffe général,

- par jugement du 29 septembre 2015, le Tribunal de première instance a validé la surenchère et fixé la date d'adjudication sur surenchère au 21 octobre 2015, sur la mise à prix de 55.100.000 euros,

- selon jugement en date du 21 octobre 2015, le Tribunal de première instance a adjugé à la SCP VILLA CHARLOTTE le bien immobilier objet de la saisie immobilière, pour le prix de 65.100.000 euros,

- le 6 novembre 2015, l'adjudicataire a justifié avoir payé le prix de l'adjudication ainsi que les états de frais taxés de l'avocat-défenseur ayant poursuivi la vente,

- le 6 novembre 2015, l'avocat-défenseur du créancier poursuivant a délivré quittance du paiement de ses frais et émoluments,

- le 9 novembre 2015, cette quittance a été déposée au greffe par l'avocat-défenseur de l'adjudicataire,

- le même jour, l'avocat-défenseur de l'adjudicataire s'est fait délivrer par le Greffier en chef l'acte de dépôt de cette quittance,

- le 11 novembre 2015, le représentant de la SCP VILLA CHARLOTTE a donné pouvoir à l'avocat-défenseur du créancier poursuivant, auquel il a remis le récépissé de la Caisse des Dépôts et Consignations, reçu la consignation représentant le solde du prix d'adjudication du 21 octobre 2015, soit la somme de 51.325.000 euros, d'affecter ladite somme au compte ouvert dans les livres de la Caisse des Dépôts et Consignations destiné à recevoir le montant du prix d'adjudication au profit de la banque BARCLAYS,

- le 18 novembre 2015, la société CRESTA a formé un pourvoi en révision contre le jugement d'adjudication du 21 octobre 2015,

- le 20 novembre 2015, la Caisse des Dépôts et Consignations de Monaco a établi un récépissé pour un montant de 65.100.000 euros, à titre de consignation représentant le prix d'adjudication,

- le même jour, l'avocat-défenseur du créancier poursuivant a donné quittance à l'adjudicataire, attestant qu'il a été satisfait aux dispositions du cahier des charges relatives au paiement du prix d'adjudication,

- le 1er décembre 2015, le jugement d'adjudication du 21 octobre 2015 a été transcrit au Bureau des hypothèques de Monaco à la demande de l'adjudicataire,

- le 17 décembre 2015, l'avocat-défenseur de la banque BARCLAYS a requis l'ouverture d'une procédure d'ordre, sur le fondement de l'article 685 du Code de procédure civile, joignant à sa requête le jugement d'adjudication, les actes attestant du dépôt au greffe général des quittances délivrées à l'adjudicataire, la justification de la transcription du jugement d'adjudication au Bureau des hypothèques, un état des inscriptions hypothécaires prises sur le bien vendu, un décompte actualisé de la créance de sa cliente arrêtée provisoirement au 18 décembre 2015 à la somme de 34.912.867,80 euros, le récépissé du 20 novembre 2015 attestant que la somme de 65.100.000 euros, montant de l'adjudication, a été versée à la Caisse des Dépôts et Consignations de la Principauté de Monaco, ainsi que la liste des parties à convoquer à la procédure d'ordre,

- le 4 janvier 2016, le Président du Tribunal de première instance a désigné un magistrat à l'effet de procéder, aux formes de droit, au règlement de l'ordre,

- les parties ont été convoquées par le juge commissaire à l'audience du 21 janvier 2016, en vue de procéder à un règlement amiable sur la distribution de la somme de 65.100.000 euros,

- la cause et les parties ont été renvoyées à l'audience du 7 mars 2016 dans l'attente, d'une part des arrêts de la Cour d'appel devant statuer sur les recours formés par le débiteur saisi à l'encontre des deux jugements rendus le 28 mai 2015 par le Tribunal de première instance, d'autre part de l'arrêt de la Cour de révision devant statuer sur le pourvoi formé par le débiteur saisi à l'encontre du premier jugement d'adjudication du 8 juillet 2015,

- le 22 janvier 2016, l'avocat-défenseur du débiteur saisi a écrit un courrier à l'avocat-défenseur du créancier poursuivant, l'invitant, pour vérifier la créance de la banque, à justifier de l'emploi des sommes gagées au profit de celle-ci,

- le 5 février 2016, faisant suite à ce courrier, l'avocat-défenseur du créancier poursuivant a adressé à son confrère le détail, pour chacun des prêts, du décompte de sa créance du 18 décembre 2015,

- le 10 février 2016, l'avocat-défenseur du créancier poursuivant a complété son précédent courrier, en y ajoutant des précisions,

- le 7 mars 2016, une audience s'est tenue devant le juge commissaire,

- par arrêt du 24 mars 2016, la Cour de révision a donné acte à la société CRESTA du désistement du pourvoi formé par elle contre le jugement rendu le 8 juillet 2015 par le Tribunal de première instance,

- par un courrier du 8 avril 2016, le conseil de la société CRESTA a fait part à son confrère adverse des remarques de sa cliente sur le décompte des sommes dues établi par la banque, estimant que cette dernière était mal fondée à solliciter le paiement des intérêts courus depuis le règlement opéré par l'adjudicataire, et a précisé que les instances en cours devaient « naturellement conduire à surseoir à la distribution du prix »,

- le 11 avril 2016, une audience s'est tenue devant le juge commissaire,

- par ordonnance du 30 mai 2016, le juge commissaire a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du prononcé des arrêts sur pourvoi dont la Cour de révision était saisie, disant qu'il incombait à la partie la plus diligente de le saisir à nouveau dès le prononcé des arrêts précités ou, en cas d'accord entre les parties, sur les modalités d'une distribution amiable,

- par arrêts du 20 octobre 2016, la Cour de révision a rejeté les pourvois formés par la société CRESTA contre les deux arrêts rendus par la Cour d'appel le 16 février 2016,

- par un arrêt du 20 octobre 2016, la Cour de révision a déclaré irrecevable le pourvoi formé par la société CRESTA contre le jugement d'adjudication du 21 octobre 2015,

- le 26 octobre 2016, l'avocat-défenseur de la banque BARCLAYS a transmis au juge commissaire les trois arrêts rendus par la Cour de révision sollicitant, en raison du sursis à statuer ordonné dans l'attente de ces arrêts, que la procédure de distribution puisse reprendre son cours,

- le 8 novembre 2016, le juge commissaire a convoqué les parties à l'audience du 24 novembre 2016, pour la reprise de la procédure d'ordre,

- d'autres audiences se sont tenues les 13 décembre 2016, 9 janvier 2017 et 17 janvier 2017,

- le 1er février 2017, le juge commissaire a rendu un procès-verbal d'ordre partiel du prix par règlement amiable,

- le même jour, il a établi un procès-verbal d'ouverture d'ordre, sur le fondement de l'article 693 du Code de procédure civile, pour la réclamation restant en discussion, relativement aux intérêts dus à compter du 6 novembre 2015 ;

Attendu qu'en premier lieu, il ressort des articles 685 et suivants du Code de procédure civile que le législateur a entendu soumettre la procédure d'ordre à des délais contraints ;

Qu'en outre, il n'est pas démontré, au regard de la chronologie ci-dessus rappelée, en quoi le recours à une procédure en paiement de droit commun aurait été plus rapide que la procédure d'ordre et aurait, en particulier, permis d'éviter qu'un sursis à statuer soit ordonné, bien que demandé par la société CRESTA, ainsi qu'en atteste son courrier du 8 avril 2016 ci-après évoqué ;

Qu'en effet, il ressort des termes de l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 30 mai 2016, que le sursis à statuer a été prononcé, pour une bonne administration de la justice, en considération des recours pendants devant la Cour de révision ;

Que la Cour relève également que la banque BARCLAYS n'a fait preuve, dans l'introduction de la procédure d'ordre, ainsi que dans son déroulement, d'aucun retard, et n'a, à aucun moment, cherché à en ralentir le cours ;

Attendu qu'en second lieu, l'article 686 du Code de procédure civile impartit au juge commissaire la mission de « régler amiablement sur la distribution du prix » ;

Mais attendu que si la banque BARCLAYS n'a pas spontanément réclamé le paiement de sa créance à la société CRESTA, si elle a, en outre, déduit des nombreux recours intentés par le débiteur sa volonté de s'opposer à tout paiement et a ainsi requis l'ouverture d'une procédure d'ordre, il ressort néanmoins de l'article 686 précité, qu'il incombe au juge commissaire une mission de règlement amiable ;

Qu'au cas d'espèce, il n'est pas établi que les parties se soient rapprochées en vue d'un règlement amiable ;

Qu'en effet, le juge commissaire a tenu la première audience le 21 janvier 2016 et, dès le lendemain de cette audience, l'avocat-défenseur de la société CRESTA a sollicité de son confrère adverse des explications sur les sommes affectées en gage ;

Qu'au surplus, par un courrier du 8 avril 2016, établi un mois après l'audience tenue par le juge commissaire le 7 mars, l'avocat-défenseur de la société CRESTA a indiqué à son confrère adverse que les instances en cours devaient « naturellement conduire à surseoir à la distribution du prix » et a formulé, en outre, diverses observations sur le décompte des sommes dues établi par la banque BARCLAYS, dont il résultait que le décompte des intérêts était contesté aux motifs, principal selon lequel le règlement du prix intervenu le 6 novembre 2015 avait éteint l'obligation de la société CRESTA, conformément à l'article 1089 du Code civil, subsidiaire, selon lequel la consignation effectuée à la Caisse des Dépôts et Consignations opérée par la banque avait un effet libératoire conformément à l'article 746 du Code de procédure civile ;

Que du reste, l'ordonnance de sursis rendue le 30 mai 2016 par le juge commissaire dans l'attente du prononcé des arrêts sur pourvoi dont la Cour de révision était saisie, a invité les parties à saisir à nouveau ce magistrat « dès le prononcé des arrêts précités ou, en cas d'accord entre les parties sur les modalités d'une distribution amiable », preuve qu'à cette date, aucun accord n'avait été exprimé sur ce point ;

Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les conditions en vue d'un accord amiable sur le paiement de la créance n'étaient pas réunies ;

Attendu qu'en troisième lieu, il n'est pas contesté que l'état hypothécaire, joint par l'avocat-défenseur du créancier poursuivant à sa requête en ouverture de l'ordre, ne faisait apparaître qu'un seul créancier hypothécaire, la banque BARCLAYS ;

Qu'il n'est pas davantage contesté qu'à la date du 21 janvier 2016, première audience à laquelle les parties ont été convoquées par le juge commissaire, l'avocat-défenseur du débiteur saisi n'a formulé aucune contestation sur la voie procédurale choisie, ni sur la compétence du juge commissaire ;

Attendu qu'en quatrième lieu, le paiement du prix de vente par l'adjudicataire ne libère pas le débiteur de sa dette ;

Que dès lors, la confusion qui a pu être commise par la société CRESTA entre paiement du prix de l'adjudication et règlement de la créance lui est exclusivement imputable, alors au surplus, qu'il est de l'intérêt du débiteur de veiller à ce que la créance n'augmente pas ;

Que la société intimée allègue qu'elle « avait légitimement été placée dans la croyance que la totalité du prix d'adjudication avait été réglé le 6 novembre 2015 entre les mains de la BARCLAYS BANK », et précise que cette « croyance » « relative à l'extinction de sa dette provenait des seules écritures de la Banque des 23 mai 2016... et 24 novembre 2016... communiquées devant le juge commissaire » ;

Que pourtant, le conseil de la société CRESTA a reconnu, dans le courrier qu'il a écrit à son confrère le 8 avril 2016 que le règlement du prix était intervenu le 6 novembre 2015 et qu'il considérait que ce règlement avait éteint l'obligation de sa cliente à l'égard de la banque conformément à l'article 1089 du Code civil ;

Que la preuve est donc rapportée que la société CRESTA était informée du paiement du prix d'adjudication, et ce bien avant les conclusions de la banque des 23 mai 2016 et 24 novembre 2016, contrairement à ce qu'elle soutient ;

Que par ailleurs, la société intimée, qui ne prétend pas que l'accès aux pièces figurant dans le dossier du juge commissaire lui était interdit, ni qu'au cours de cette procédure, le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté, aurait pu se convaincre, par une simple consultation de ce dossier, ou un échange avec son confrère adverse, que depuis l'introduction de la procédure d'ordre le 17 décembre 2015, le récépissé n° 46498 du 20 novembre 2015 attestant du versement de la somme de 65.100.000 euros figurait aux débats ;

Attendu qu'enfin, le versement entre les mains de la banque BARCLAYS de la somme de 1.584.054,58 euros, incluse dans le paiement en sa faveur de la somme de 34.691.373,70 euros, ordonné par le procès-verbal d'ordre partiel du 1er octobre 2017, correspond au paiement d'une pénalité contractuelle de 5 % des sommes dues à la date d'échéance pour procédure d'ordre et ne saurait se confondre avec les intérêts contractuels ;

Qu'en conséquence, le choix procédural opéré par la banque BARCLAYS ne peut lui être imputé à faute, pas plus qu'il ne peut être considéré que l'écoulement des délais entre le 6 novembre 2015 et le 1er février 2017, au cours de la procédure d'ordre, serait la conséquence exclusive de ce choix, ni encore que la banque aurait été très largement dédommagée, par le versement de la pénalité contractuelle, sans pouvoir prétendre au paiement des intérêts ;

Attendu qu'il est soutenu à titre subsidiaire que la demande d'allocation d'intérêts caractériserait une atteinte au droit d'accès à un Tribunal, garanti par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

Mais attendu que la Cour, se référant en outre à la motivation qui précède, relève que les intérêts dont la banque sollicite le paiement ont pour fondement les stipulations des contrats de prêt, et non les recours intentés par la société CRESTA, en sorte que celle-ci ne démontre pas en quoi cette dernière aurait été entravée dans son droit d'accès à un Tribunal, par violation de l'article 6 précité ;

Attendu qu'enfin, la somme de 2.211.830,85 euros réclamée par la banque BARCLAYS au titre des intérêts dus pour la période du 6 novembre 2015 au 1er février 2017 ne fait l'objet, dans son quantum, d'aucune contestation dans les conclusions de la société CRESTA ;

Qu'il y a lieu dès lors de faire droit à la demande de la banque, par voie d'infirmation du jugement entrepris ;

4-Attendu que succombant en cause d'appel, la société CRESTA supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit l'appel formé par la société de droit anglais dénommée BARCLAYS BANK PLC contre le jugement rendu le 1er mars 2018 par le Tribunal de première instance,

Infirme ce jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la société des Iles Vierges Britanniques dénommée CRESTA OVERSEAS LIMITED à payer à la société de droit anglais BARCLAYS BANK PLC la somme de 2.211.830,85 euros au titre des intérêts dus pour la période du 6 novembre 2015 au 1er février 2017,

Déboute la société des Iles Vierges Britanniques dénommée CRESTA OVERSEAS LIMITED de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la société des Iles Vierges Britanniques dénommée CRESTA OVERSEAS LIMITED aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 4 JUIN 2019, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18203
Date de la décision : 04/06/2019

Analyses

La mission du juge consiste à trancher le litige conformément à la règle de droit. L'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, c'est-à-dire par le résultat qu'elles recherchent. Les prétentions se distinguent des moyens, éléments de fait et de droit allégués au soutien de celles-ci.L'article 685 du Code de procédure civile est la réplique de l'ancien article 750, alinéa 2 du Code de procédure civile français. Il en est de même des articles 686 du Code de procédure civile et 751, alinéa 1 de l'ancien Code de procédure civile français, à l'exception seulement du délai imparti au juge commissaire pour convoquer les créanciers inscrits. Dès lors, la similitude de ces textes autorise la transposition, en droit monégasque, de la jurisprudence constante française en matière d'ordre. Il s'ensuit qu'il doit être considéré, comme en droit français, que l'ordre implique une relation de rang entre les créanciers et qu'en l'absence de concours entre créanciers, il n'y a pas lieu d'ouvrir un ordre.

Procédure civile.

Procédure civile - Mission du juge - Objet du litige - Différence entre moyens et prétentions - Similitude avec le droit français (oui) - Jurisprudence française transposable (oui).


Parties
Demandeurs : La société dénommée BARCLAYS BANK PLC
Défendeurs : La société des Îles Vierges britanniques dénommée CRESTA OVERSEAS LIMITED

Références :

article 1089 du Code civil
articles 1091 du Code civil
articles 686 du Code de procédure civile
article 693 du Code de procédure civile
articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
article 715 du Code de procédure civile
article 746 du Code de procédure civile
Code de procédure civile
article 685 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2019-06-04;18203 ?

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