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13/07/2021 | MONACO | N°19925

Monaco | Cour d'appel, 13 juillet 2021, a. M. épouse S. c/ Messieurs a. M. et j-m. M.


Motifs

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Madame a. M. épouse S. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 11 juillet 2019.

Considérant les faits suivants :

a. M. décédait en Belgique le 19 février 1963, laissant, pour lui succéder, son conjoint survivant, h. MO. avec laquelle il était marié sous le régime légal belge, ainsi que les trois enfants communs du couple :

* a. M.

* j-m. M.

* a. M.

a. M. renonçait à la succession de son

père par déclaration faite au greffe du Tribunal civil de première instance de DINANT (Belgique) le 4 mars 1963.

h. MO. dé...

Motifs

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Madame a. M. épouse S. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 11 juillet 2019.

Considérant les faits suivants :

a. M. décédait en Belgique le 19 février 1963, laissant, pour lui succéder, son conjoint survivant, h. MO. avec laquelle il était marié sous le régime légal belge, ainsi que les trois enfants communs du couple :

* a. M.

* j-m. M.

* a. M.

a. M. renonçait à la succession de son père par déclaration faite au greffe du Tribunal civil de première instance de DINANT (Belgique) le 4 mars 1963.

h. MO. décédait en Belgique le 13 août 1986, laissant pour lui succéder les trois enfants du couple.

En sus de biens meubles et immeubles se situant en Belgique et en France, les époux M. étaient également propriétaires d'un appartement sis au Winter Palace, X3 à Monaco.

Par exploit du 1er décembre 2006, a. M. faisait assigner ses frères devant le Tribunal de première instance aux fins de :

* constater qu'elle n'avait pas renoncé à la succession de son auteur à Monaco mais l'a au contraire acceptée, et qu'elle avait de ce fait la qualité d'héritière d'a. M. relativement au patrimoine successoral situé en Principauté,

* dire qu'elle participera donc aux opérations de partage à intervenir sur l'immeuble sis à Monaco,

* ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

Par jugement en date du 11 juillet 2019, le Tribunal de première instance :

* rejetait la demande de sursis à statuer formée par a. M.

* constatait qu'a. M. a renoncé à la succession de son père a. M. et n'a donc pas la qualité d'héritière à son égard s'agissant de la masse successorale monégasque,

* disait qu'a. M. ne pourra donc participer qu'au partage de la succession monégasque de feue h. MO. et sera en revanche exclue du partage de la succession de feu a. M. ouverte à Monaco,

* ordonnait l'ouverture des opérations de compte liquidation partage des successions des époux a. M.-h. MO. veuve M. relativement à la masse successorale monégasque,

* commettait pour procéder aux opérations de partage, Maître Henry REY, Notaire,

* désignait Adrian CANDAU ou à défaut tout autre Juge du tribunal, pour faire rapport au cas où il s'élèverait des contestations,

* rejetait les demandes d'expertise et de licitation du bien immobilier sis X3 à Monaco, comme étant prématurées,

* désignait Christian BOISSON en qualité d'administrateur provisoire des biens de la succession des époux a. M. et h. MO. épouse M. en Principauté de Monaco, avec pour mission de :

* pourvoir à la gestion de l'actif et du passif de l'indivision en payant toutes les dettes, frais et charges relatifs aux divers biens inclus dans l'indivision successorale des époux M.

* rechercher un locataire pour le bien immobilier et percevoir les loyers pour le compte de l'indivision,

* prendre toutes mesures utiles à la gestion des biens desdites successions,

* disait que les frais relatifs à l'administration provisoire desdites successions seront supportés par les successions des défunts a. M. et de son épouse h. MO. épouse M.

* déboutait les parties du surplus de leurs demandes,

* disait n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

* ordonnait la compensation des dépens.

Les premiers juges rejetaient la demande de sursis à statuer formée par a. M. en l'absence de réunion des conditions posées par l'article 12 du Code de droit international privé monégasque.

Sur le fond, ils retenaient en substance que :

* le droit applicable à la succession était le droit belge en vertu de l'article 56 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017,

* tout renvoi d'une loi étrangère vers la loi monégasque était exclu en vertu de l'article 24 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 de sorte que seules les règles successorales belges étaient applicables à l'ensemble de la succession,

* qu'en renonçant à la succession de son père en Belgique le 4 mars 1963, a. M. avait exercé son option héréditaire et renoncé à sa qualité d'héritière sur l'ensemble de la succession d'a. M. et ne pourra donc pas participer aux opérations de liquidation-partage de l'indivision successorale de feu a. M. sur le territoire monégasque,

* il y avait lieu d'ordonner le partage des deux indivisions successorales, retenant la qualité d'héritiers de j-m. et a. M. en écartant le moyen soulevé par a. M. sur l'absence de preuve rapportée par ses frères de leur acceptation des successions de leurs parents au vu des pièces produites et notamment de l'attestation établie par Jacques CASTERMANS, Notaire à GEDINNE en Belgique, datée du 14 mai 2007,

* les demandes d'expertise et de licitation des biens immobiliers sis à Monaco étaient prématurées dans la mesure où le notaire n'ayant pas débuté ses opérations et la masse successorale monégasque n'étant pas déterminée,

* la désignation d'un administrateur provisoire des successions dans la mesure où les parties s'accordaient sur l'existence d'un litige successoral majeur les opposant, rendant toute prise de décision commune impossible et entraînant de fait un blocage complet ne permettant pas de prendre les mesures urgentes nécessaires au maintien en état des biens compris dans l'actif de l'indivision successorale des époux M MO.

Par acte d'huissier en date du 7 octobre 2019, j-m. M. et a. M. faisaient signifier à a. M. le jugement du 11 juillet 2019 du Tribunal de première instance.

Par acte d'huissier du 6 novembre 2019, a. M. interjetait appel du jugement et demandait à la Cour de :

* réformer le jugement du 11 juillet 2019 en ce qu'il a :

constaté qu'elle a renoncé à la succession de son père a. M. et n'a donc pas la qualité d'héritière à son égard s'agissant de la masse successorale monégasque,

* dit qu'elle ne pourra donc participer qu'au partage de la succession monégasque de feue h. MO. et sera en revanche exclue du partage de la succession de feu a. M. ouverte à Monaco,

Et statuant de nouveau,

* dire et juger qu'elle a la qualité d'héritière d'a. M. relativement au patrimoine successoral situé en Principauté de Monaco,

* dire et juger en conséquence qu'elle participera aux opérations de partage à intervenir sur l'immeuble sis à Monaco désigné sous la lettre B3 situé au 4ème étage de l'immeuble « le winter palace » X3 ainsi que sur les fruits issus de cet immeuble tant par la succession de son père que par sa mère,

* confirmer le jugement pour le surplus,

* condamner j-m. M. et a. M. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Aux termes de ses conclusions en date des 13 juillet 2020 et 16 février 2021, a. M. demandait à la Cour de :

* la recevoir en son appel et le déclarer bien-fondé,

* constater que le Code de droit international privé issu de la loi n° 1.448 du 26 juin 2017 (sic) ne s'applique pas à la succession d'a. M. ouverte en 1963 ni à celle d'h. MO.

* constater que par application du principe scissionniste alors applicable selon les règles de droit international privé, l'immeuble situé à Monaco sis X3 est soumis au droit monégasque,

* constater qu'en toute hypothèse, elle a accepté la succession dans le délai de 30 ans, avant toute acceptation même tacite de ses cohéritiers,

* constater que j-m. M. et a. M. n'ont pas accepté la succession de leur père dans le délai de 30 ans imposé par la loi,

* constater que j-m. M. et a. M. n'ont pas accepté la succession de leur mère dans le délai trentenaire,

* constater que les intimés ont expressément reconnu depuis 2009 sa qualité d'héritière d'a. M.

* constater que n'ayant pas été tranchée expressément dans le dispositif, la question de l'acceptation de la succession paternelle et maternelle n'a aucune autorité de la chose jugée,

En conséquence,

* réformer le jugement du 11 juillet 2019 en ce qu'il a constaté qu'a. M. a renoncé à la succession de son père a. M. et n'a donc pas la qualité d'héritière à son égard s'agissant de la masse successorale monégasque et dit qu'a. M. ne pourra donc participer qu'au partage de la succession monégasque de feue h. MO. et sera en revanche exclue du partage de la succession de feu a. M. ouverte à Monaco,

Et statuant de nouveau,

* dire et juger qu'elle a la qualité d'héritière d'a. M. relativement au patrimoine successoral situé en Principauté de Monaco,

* dire et juger en conséquence qu'elle participera aux opérations de partage à intervenir sur l'immeuble sis à Monaco désigné sous la lettre B3 situé au 4ème étage de l'immeuble « le winter palace » X3 ainsi que sur les fruits issus de cet immeuble tant par la succession de son père que par sa mère,

* dire et juger que j-m. M. et a. M. n'ont pas accepté la succession de leur père dans le délai légal de sorte qu'ils n'ont pas qualité d'héritiers à la succession de leur père à Monaco et en tirer toutes conséquences de droit,

* dire et juger que j-m. M. et a. M. n'ont pas accepté la succession d'h. MO. dans le délai légal de sorte qu'ils n'ont pas qualité d'héritiers et en tirer toutes conséquences de droit,

* débouter les intimés de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

* confirmer le jugement pour le surplus,

* condamner j-m. M. et a. M. au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

* condamner j-m. M. et a. M. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

À l'appui de ses demandes, affirmant que les premiers juges avaient d'office appliqué le Code de droit international privé issu de de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 en dehors de tout débat contradictoire et alors même qu'aucune des parties n'avait envisagé son application, les intimés ayant également conclu à l'application de la loi monégasque, faisant ainsi rétroagir une loi nouvelle à la succession de son père ouverte le 19 février 1963, jour de son décès, a. M. soutenait qu'en raison de l'ouverture de la succession de son père en Belgique en 1963, date à laquelle le principe de scission de la succession en plusieurs masses distinctes était applicable tant en Belgique qu'à Monaco, la succession était par conséquent régie par le droit belge qui prévoyait l'application de la loi du lieu de la situation pour les biens immeubles et l'application du lieu du domicile du défunt pour les biens meubles.

Elle ajoutait qu'en application des règles de conflit en vigueur à Monaco avant le Code de droit international privé, seul le droit monégasque était applicable aux immeubles situés sur le territoire de la Principauté de Monaco à l'exclusion de toute autre disposition.

Elle en déduisait que sa renonciation à la succession de son père faite en Belgique était par conséquent limitée aux seuls biens se trouvant sur le territoire belge à l'exclusion de ceux se situant à l'étranger, soutenant n'avoir jamais eu l'intention de renoncer à la succession de son père comprenant ses biens immobiliers à Monaco.

Elle soulignait à ce propos la position contradictoire de ses frères qui avaient reconnu dès 1975 sa qualité d'héritière de leur père pour les biens immobiliers se trouvant sur le territoire français, et notamment celui de Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Elle demandait ainsi de participer à la liquidation partage des successions de ses parents.

Si la Cour d'appel confirmait l'application du Code de droit international privé, a. M. soutenait avoir en tout état de cause accepté la succession de son père sur le territoire monégasque dès 1976, ayant fait valoir sa qualité d'héritière sur le bien immobilier sis à Monaco auprès de Maître CROVETTO, notaire monégasque en charge de la succession.

Elle soulignait à ce propos que la renonciation à une succession devait être expresse en vertu de l'article 665 du Code civil ; or elle n'avait jamais renoncé à la succession monégasque par déclaration au greffe du Tribunal de première instance et n'avait donné aucun pouvoir au notaire pour le faire en son nom.

Si la Cour d'appel retenait des effets sur le bien immobilier monégasque de sa renonciation à la succession en Belgique, a. M. affirmait que cette renonciation avait été anéantie par son acceptation de la succession monégasque avant l'acceptation de ses cohéritiers en vertu de l'article 671 du Code civil eu égard à son courrier adressé à Maître CROVETTO le 24 août 1976 et son acceptation de la succession de son père en France en 1975.

a. M. soulignait que ses frères ne rapportaient pas la preuve d'avoir accepté la succession de leur père avant qu'elle ne l'accepte, contestant le caractère probatoire de l'attestation de Jacques CASTERMANS, Notaire à GEDINNE en Belgique, datée du 14 mai 2007 eu égard à l'application erronée par ce dernier du principe d'universalité de la succession et à la généralité de son témoignage notamment sur la nature des actes accomplis par les intimés, soulignant au demeurant que ces derniers n'avaient jamais fait aucun acte en Principauté de Monaco et ne produisaient aucun élément de preuve de ces actes.

Elle soutenait ainsi avoir valablement remis en cause à Monaco conformément à l'article 671 du Code civil la renonciation régularisée en Belgique, privant cette dernière de tout effet en Principauté de Monaco.

a. M. affirmait par ailleurs que les intimés n'avaient pas accepté les successions de leurs parents à Monaco dans le délai de 30 ans de sorte qu'ils avaient perdu la qualité d'héritiers et qu'ils en étaient privés à son profit, déniant à l'encaissement par ses frères des loyers du bien immobilier monégasque et à leurs actes de gestion toute volonté de ces derniers d'accepter les successions.

Elle soutenait que sa demande de constater ce défaut d'acceptation des successions monégasques par les intimés était recevable dans la mesure où :

* cette question avait été abordée devant le Tribunal de première instance qui l'avait écartée,

* en faisant appel de la dévolution successorale relative aux actifs monégasques de son père, elle avait porté devant la Cour la question relative aux droits de chacun dans la succession,

* l'objet du litige était indivisible au sens de l'article 429 du Code de procédure civile dès lors que le litige devait être jugé au regard de l'application du droit monégasque.

Par conclusions en date du 10 décembre 2019, j-m. M. et a. M. demandaient à la Cour de :

* confirmer le jugement du Tribunal de première instance du 11 juillet 2019 en toutes ses dispositions,

* condamner a. M. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Ils estimaient que les premiers juges avaient à bon droit fait application de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 qui l'était aux conflits en cours et n'avait aucun effet rétroactif en vertu de l'article 2 du Code civil.

Ils soutenaient ainsi qu'en vertu de l'article 24 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, la règle de conflit de loi belge de 1963 n'était pas applicable. Dans la mesure où a. M. avait renoncé à la succession de son père en Belgique le 4 mars 1963 sans préciser que cette renonciation s'appliquait uniquement à la part belge de la succession, sa renonciation s'appliquait à l'intégralité de la succession.

Par conclusions des 30 octobre 2020 et 29 mars 2021, j-m. M. et a. M. demandaient à la Cour de :

* déclarer irrecevable toutes demandes d'infirmation formulées par a. M. et non contenues dans son acte d'appel et en particulier celle visant à faire constater qu'ils n'auraient pas accepté la succession,

* la débouter en tant que de besoin,

* confirmer le jugement du Tribunal de première instance du 11 juillet 2019 en toutes ses dispositions et débouter a. M. du surplus de ses demandes,

Y ajoutant,

* condamner a. M. à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, En tout état de cause,

* condamner a. M. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

À l'appui de leurs prétentions, j-m. M. et a. M. soutenaient en substance que :

* la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 était applicable aux faits de l'espèce, s'agissant d'une procédure pendante au moment du vote de cette loi,

* la règle de conflit des lois belge de 1963 en matière successorale ne s'appliquait pas en vertu de l'article 24 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, seules les règles matérielles pouvant l'être afin qu'une seule loi soit applicable à l'ensemble de la succession,

* a. M. ayant renoncé à la succession de leur père sans préciser qu'elle se limitait à sa part belge, sa renonciation s'appliquait à l'intégralité de la succession de sorte qu'elle devait être exclue du partage de la succession ouverte à Monaco.

Ils soutenaient par ailleurs que la Cour n'était pas saisie de la question de leur acceptation de la succession de leur père et de leur mère en vertu de l'article 429 alinéa 1er du Code de procédure civile, a. M. n'ayant pas interjeté appel du rejet de sa demande de les voir écarter de la succession pour y avoir prétendument renoncé.

Ils soulignaient qu'aux termes de son acte d'appel, a. M. avait demandé à participer aux opérations de partage de la succession de leur père avec ses frères pour finalement demander toute la succession dans des conclusions ultérieures et que la renonciation ou non de leur sœur à la succession de leur père n'avait pas pour conséquence leur exclusion de la succession parentale. Ils contestaient le caractère indivisible de la question de la renonciation ou non à la succession d'a. M. et de leur acceptation ou leur renonciation à la succession parentale.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel interjeté dans les formes et délais prescrits est régulier et recevable ;

Sur l'application de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé au présent litige

Attendu qu'a. M. demande d'écarter l'application de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé au présent litige eu égard à la date d'ouverture de la succession d'a. M. en 1963 ;

Qu'elle prétend ainsi que l'application des dispositions du nouveau Code de droit international privé à une situation qui s'est cristallisée en 1963, date de l'ouverture de la succession, reviendrait à faire rétroagir la loi nouvelle au détriment du principe essentiel de sécurité juridique ;

Attendu toutefois que les lois de compétence sont d'application immédiate dès lors que le Tribunal de première instance n'a pas statué au fond avant l'intervention de la loi nouvelle ;

Attendu par ailleurs qu'à défaut de toutes dispositions transitoires applicables concernant les instances en cours figurant dans ce nouveau dispositif normatif, la loi n° 1.448 précitée est d'application immédiate et doit s'appliquer à l'instance qui lui était soumise ;

Que c'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont fait application des dispositions issues de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé au cas présent ;

Attendu qu'au chapitre IV traitant des conflits de lois de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, l'article 22 dispose que les tribunaux de la Principauté appliquent d'office la règle de conflit de lois résultant du présent code, sauf si les parties, lorsqu'elle ont la disponibilité des droits, conviennent de l'application de la loi monégasque ;

Qu'au chapitre V traitant des successions de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 l'article 56 dispose que la succession est régie par le droit de l'État sur le territoire duquel le défunt était domicilié au moment de son décès ;

Attendu qu'aux termes de la déclaration de mutation par décès établie le 5 septembre 1963 par l'étude de Maître CROVETTO, notaire à Monaco, il est expressément mentionné qu'a. M. était domicilié à Gedinne-Station (Namur) en Belgique, au moment de son décès, ce que ne conteste au demeurant aucune des parties ;

Que la succession d'a. M. est régie par conséquent par le droit de l'État belge en vertu de l'article 56 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 ;

Attendu que les premiers juges ont retenu que la règle ancienne de conflits de lois belge en matière successorale (applicable au présent litige compte tenu de la date d'ouverture de la succession d'a. M. largement antérieure au 17 août 2015, date d'entrée en vigueur du règlement européen n° 650/2012 du 4 juillet 2012) prévoit l'application de la loi du lieu de situation pour les biens immeubles et de la loi du lieu du domicile du défunt pour les biens meubles ;

Que les parties s'accordent sur la teneur du droit belge en matière successorale en 1963 telle que reprise par les premiers juges ;

Que j-m. M .et a. M. soutiennent néanmoins qu'en vertu de l'article 24 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, la règle de conflit belge ne doit pas être appliquée au cas d'espèce, seules les règles matérielles étant applicables, ainsi que l'ont jugé les premiers juges ;

Attendu qu'au chapitre IV traitant des conflits de lois de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, l'article 24 dispose : « Au sens du présent code, le droit d'un État s'entend des règles matérielles du droit de cet État, à l'exclusion de ses règles de droit international privé » ;

Que c'est par de justes motifs que les premiers juges ont retenu qu'en vertu de cet article 24, tout renvoi d'une loi étrangère vers la loi monégasque était exclu ;

Que l'article 24 du Code de droit international privé exclut en effet expressément le système du renvoi, quel qu'en soit le degré, lequel existe si l'utilisation de la règle de conflit étrangère entraîne, de par l'existence d'un rattachement différent, la désignation d'une autre loi que la sienne ;

Qu'il résulte par conséquent de l'article 24 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, que la règle de conflit étrangère belge qui renvoie à la loi monégasque en cas de succession sur un immeuble situé à l'étranger n'est pas applicable ;

Que seules les règles matérielles du droit belge en matière de succession doivent recevoir application, et notamment celles régissant la renonciation aux successions ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment de l'acte notarié en date du 8 juillet 1975 de Maître THALAMY, notaire en France, qu'a. M. a renoncé purement et simplement à la succession de son père par déclaration au greffe du Tribunal civil de Dinant (Belgique) le 4 mars 1963 ;

Attendu qu'a. M. soutient que sa renonciation à la succession de son père qu'elle a faite en Belgique n'a qu'un effet limité aux biens se situant sur le territoire belge, ce que contestent les intimés ;

Qu'elle ajoute dans le même temps avoir remis en cause sa renonciation faite en Belgique le 4 mars 1963 en devenant propriétaire indivis d'un tiers du bien immobilier situé en France et appartenant à son père, avec l'agrément de sa mère et de ses frères ;

Qu'elle verse à l'appui de ses dires la copie de l'acte notarié du 8 juillet 1975 de Maître THALAMY, notaire en France, aux termes duquel a. M. a hérité d'un tiers des immeubles de son père se situant sur le territoire français en présence de sa mère et de ses deux frères, j-m. M. et a. M. en l'absence de réitération de sa renonciation en France ;

Attendu toutefois que seul le droit successoral belge est applicable pour apprécier l'existence ou non d'une révocation par a. M. de sa renonciation à la succession de son père ;

Qu'aucune des parties, qui sont toutes de nationalité belge et sont domiciliées en Belgique, ne verse aux débats le droit belge applicable en matière de renonciation en matière successorale ;

Attendu toutefois que l'article 23 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 dispose : « les tribunaux de la Principauté établissent avec le concours des parties le contenu du droit étranger applicable en vertu du présent code. Ils ordonnent à cet effet toutes mesures d'instruction utiles. Le droit monégasque est applicable lorsque le contenu du droit étranger ne peut être établi » ;

Qu'il convient par conséquent d'inviter les parties à produire la copie de la déclaration de renonciation d'a. M. à la succession de son père en date du 4 mars 1963, les dispositions légales du droit belge en vigueur le 4 mars 1963 en matière de renonciation à une succession, sur ses conséquences, sur l'existence ou non de cas dans lesquels un héritier peut revenir sur sa renonciation à la succession et dans l'affirmative les conditions à remplir pour pouvoir revenir sur une telle renonciation ainsi que toutes dispositions légales ultérieures ayant modifié le droit applicable à la renonciation à une succession ;

Qu'au vu de ces éléments, il y a lieu d'ordonner le renvoi de la présente instance à une audience ultérieure ;

Sur la qualité d'héritiers de j-m. M. et a. M. des successions de leurs parents

Attendu que l'article 429 du Code de procédure civile dispose : « L'appel ne défère à la juridiction que la connaissance des chefs de jugements qu'il critique et de ceux qui en sont la conséquence nécessaire.

La dévolution s'opère par le tout lorsque l'objet du litige est indivisible » ;

Que l'article 431 du même code dispose : « Les parties peuvent, pour justifier les demandes qui avaient été soumises au premier juge, invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

Elles ne peuvent former aucune demande nouvelle, à moins qu'il ne s'agisse de compensations ou que la demande nouvelle ne soit la défense à l'action principale.

Elles peuvent toutefois demander des intérêts, arrérages, loyers et autres accessoires échus depuis le jugement de première instance, et des dommages-intérêts pour le préjudice subi depuis celui-ci » ;

Attendu qu'aux termes du jugement déféré, j-m. M. et a. M. ont demandé à titre reconventionnel d'ordonner le partage judiciaire des successions de leurs deux parents ;

Qu'a. M. s'est opposée à cette demande, demandant d'y surseoir à statuer eu égard à son caractère prématurée ou d'en débouter j-m. M. et a. M. si besoin, en soulevant comme moyen l'absence de preuve rapportée par ses frères de leur acceptation de la succession de leur père dans les délais légaux et les conditions de l'article 659 du Code civil monégasque ;

Que les premiers juges ont écarté ce moyen et ont ainsi ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage des successions des époux a. M.- h. MO. veuve M. relativement à la masse successorale monégasque ;

Qu'aux termes de son acte d'appel du 6 novembre 2019, a. M. a demandé à la Cour de réformer deux chefs du jugement du 11 juillet 2019, à savoir : en ce qu'il a constaté qu'elle a renoncé à la succession de son père a. M. et n'a donc pas la qualité d'héritière à son égard s'agissant de la masse successorale monégasque et a dit qu'elle ne pourra donc participer qu'au partage de la succession monégasque de feue h. MO. et sera en revanche exclue du partage de la succession de feu a. M. ouverte à Monaco ;

Qu'elle a sollicité la confirmation du surplus du jugement, lequel ordonnait notamment l'ouverture des opérations de liquidation et de partage des successions de leurs parents et nommait un administrateur provisoire des successions ;

Qu'elle n'a pas critiqué dans son acte d'appel la décision en ce qu'elle avait écarté son moyen sur le défaut de qualité d'héritiers de ses frères dans la succession de leur père pour ordonner le partage des successions des époux a. M.- h. MO. veuve M. relativement à la masse successorale monégasque ;

Que ce n'est qu'aux termes de ses conclusions postérieures des 13 juillet 2020 et 16 février 2021 qu'a. M. demande de :

* dire et juger que j-m. M. et a. M. n'ont pas accepté la succession de leur père dans le délai légal de sorte qu'ils n'ont pas qualité d'héritiers à la succession de leur père à Monaco et en tirer toutes conséquences de droit,

* dire et juger que j-m. M. et a. M. n'ont pas accepté la succession d'h. MO. dans le délai légal de sorte qu'ils n'ont pas qualité d'héritiers et en tirer toutes conséquences de droit ;

Que si a. M. ne précise pas dans le dispositif de ses conclusions les conséquences qu'elle demande à la Cour de tirer du défaut d'acceptation par ses frères des successions de leurs parents et de leur absence de qualité d'héritiers, elle indique néanmoins dans les motifs qu'elle est la seule héritière de son père et que ses frères sont prescrits pour accepter les deux successions ;

Qu'elle ajoute que la question de l'acceptation de la succession ne se pose qu'au moment où intervient le partage ;

Qu'a. M. remet ainsi en cause le chef de jugement ayant ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et de partage des deux successions qui en est nécessairement la conséquence et dont elle avait sollicité le rejet en première instance ;

Attendu que j-m. M. et a. M. soulèvent l'irrecevabilité de ces deux demandes d'a. M. aux motifs que :

* la Cour n'est pas régulièrement saisie de la question de leur acceptation ou non de la succession de leur père en vertu de l'article 429 du Code de procédure civile, ce à quoi s'oppose a. M. qui fait état de l'indivisibilité du litige,

* la deuxième demande portant sur leur défaut d'acceptation de la succession de leur mère et de leur absence de qualité d'héritiers de leur mère n'a jamais été discutée en première instance ;

Attendu toutefois que le litige, dont dépend l'étendue des droits respectifs des héritiers sur une même masse à partager, est indivisible ;

Que les chefs de jugement appelés par a. M. portant sur sa renonciation à la succession de son père et sur son exclusion des opérations de liquidation et de partage de la succession de ce dernier sont indivisibles du chef de jugement ordonnant l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession de son père en vertu de l'article 429 du Code de procédure civile ;

Que la dévolution s'opère par conséquent pour le tout en vertu de l'article 429 alinéa 2 du Code de procédure civile en raison de l'indivisibilité de l'objet du litige ;

Attendu par ailleurs qu'en matière de partage de succession, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement des masses successorales, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse ;

Attendu qu'en première instance, a. M. a sollicité le rejet de la demande reconventionnelle de ses frères d'ordonner les opérations de liquidation et de partage de ses deux parents, en soulevant le défaut d'acceptation de j-m. M. et a. M. de la succession de leur père ;

Que les parties peuvent dès lors s'opposer en cause d'appel des prétentions nouvelles destinées à écarter les prétentions alléguées par l'un ou l'autre ;

Qu'en demandant ainsi pour la première fois en appel de dire et juger que ses frères n'ont pas accepté la succession de leur mère et n'ont pas la qualité d'héritiers de cette dernière, cette prétention nouvelle est recevable en appel en vertu de l'article 431 alinéa 2 du Code de procédure civile qui dispose que la demande nouvelle qui est une défense à l'action principale est recevable en appel ;

Qu'il convient par conséquent de déclarer recevables les demandes d'a. M.; Qu'il y a lieu de réserver les dépens en fin de cause ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevable l'appel principal d'a. M.

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a appliqué au présent litige la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé,

Constate par conséquent que le droit successoral belge est applicable à la succession des biens meubles et immeubles d'a. M. se situant sur le territoire de la Principauté de Monaco,

Renvoie la cause et les parties à l'audience de mise en état du MARDI 19 octobre 2021,

Invite les parties à produire :

* la copie de la déclaration de renonciation d'a. M. à la succession de son père en date du 4 mars 1963,

* les dispositions légales du droit belge en vigueur le 4 mars 1963 en matière de renonciation à une succession, sur ses conséquences, sur l'existence ou non de cas dans lesquels un héritier peut revenir sur sa renonciation à la succession et dans l'affirmative les conditions à remplir pour pouvoir revenir sur une telle renonciation ainsi que toutes dispositions légales ultérieures ayant modifié le droit applicable à la renonciation à une succession,

Déclare recevables les demandes d'a. M. aux fins de :

* dire et juger que j-m. M. et a. M. n'ont pas accepté la succession de leur père dans le délai légal de sorte qu'ils n'ont pas qualité d'héritiers à la succession de leur père à Monaco et en tirer toutes conséquences de droit,

* dire et juger que j-m. M. et a. M. n'ont pas accepté la succession d'h. MO. dans le délai légal de sorte qu'ils n'ont pas qualité d'héritiers et en tirer toutes conséquences de droit,

Réserve les dépens en fin de cause.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19925
Date de la décision : 13/07/2021

Analyses

Les lois de compétence sont d'application immédiate dès lors que le Tribunal de première instance n'a pas statué au fond avant l'intervention de la loi nouvelle. Par ailleurs, à défaut de toutes dispositions transitoires applicables concernant les instances en cours figurant dans ce nouveau dispositif normatif, la loi n° 1.448 précitée est d'application immédiate et doit s'appliquer à l'instance qui lui était soumise. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont fait application des dispositions issues de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé au cas présent.

International - Général  - Organisation des pouvoirs publics - Général  - Loi et actes administratifs unilatéraux.

Droit international privé - Lois de compétence - Application dans le temps - Succession ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi - Application immédiate de la loi.


Parties
Demandeurs : a. M. épouse S.
Défendeurs : Messieurs a. M. et j-m. M.

Références :

article 12 du Code de droit international privé
article 429 du Code de procédure civile
article 2 du Code civil
article 659 du Code civil
loi n° 1.448 du 28 juin 2017
article 23 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017
Code de procédure civile
Code de droit international privé
loi n° 1.448 du 26 juin 2017
article 671 du Code civil
article 665 du Code civil
article 431 alinéa 2 du Code de procédure civile
article 24 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017
article 56 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017
article 24 du Code de droit international privé


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2021-07-13;19925 ?

Source

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