Principauté de Monaco Dossier PG n° 2021/000318
Cour d'appel correctionnelle
R.3950
En la cause de :
A., né le 25 mai 1998 à BEYROUTH (Liban), d a. et de b B. de nationalité monégasque, sans profession, demeurant X1à MONACO (98000),
PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, commis d'office, chez lequel il a élu domicile, plaidant par ledit avocat-défenseur ;
Prévenu de :
- OUTRAGES À UN OFFICIER MINISTÉRIEL, UN COMMANDANT OU AGENT DE LA FORCE PUBLIQUE, PERSONNE CHARGÉE D ' UN SERVICE PUBLIC EN ÉTAT DE RÉCIDIVE LÉGALE
- MENACES VERBALES DE MORT SANS ORDRE NI CONDITION EN ÉTAT DE RÉCIDIVE LÉGALE
APPELANT / INTIMÉ
Contre :
le MINISTÈRE PUBLIC
INTIME / APPELANT
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 28 mars 2022 ;
Visa
Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal de première instance, jugeant correctionnellement, le 8 juin 2021 ayant ajourné le prononcé de la peine à l'audience du 7 décembre 2021 ;
Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal de première instance, jugeant correctionnellement, le 7 décembre 2021 ;
Vu les appels interjetés le 12 janvier 2022 tant par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur et celui de A. prévenu, que par le Ministère public, à titre incident, à l'encontre du jugement susvisé en date du 7 décembre 2021 ;
Vu l'ordonnance présidentielle en date du 13 janvier 2022 ;
Vu la citation à prévenu signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, Huissier, en date du 28 janvier 2022 ;
Vu les conclusions de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, pour A. prévenu, en date du 24 mars 2022 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï Magali GHENASSIA, Conseiller, en son rapport ;
Ouï le prévenu en ses réponses ;
Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, pour A. prévenu, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;
Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;
Après réouverture des débats le 28 mars 2022 concernant la demande de travail d'intérêt général formulée par le prévenu aux termes de ses écritures judiciaires ;
Ouï le prévenu en ses réponses ;
Ouï Corinne MEKIES-IROLA, curateur de A. en ses réponses ;
Ouï le Ministère public ;
Ouï Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, pour A. prévenu ;
Ouï le prévenu, en dernier ;
Motifs
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement contradictoire en date du 8 juin 2021, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :
« D'avoir, à MONACO, le 24 mars 2021, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,
- outragé par écrit ou dessin non rendus publics, par paroles, gestes, menaces ou par l'envoi, dans la même intention, d'un objet quelconque C. agent de police, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'espèce en lui disant : » fils de pute «, » je vais le niquer lui et sa famille «, » je vais l'enculer «, » tu ne me touches pas, sale monégasque de merde «, et ce, en état de récidive légale, pour avoir été définitivement condamné pour des faits de même nature par le Tribunal correctionnel le 19 mars 2019 »,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 40, 164 et 165 du Code pénal,
« Dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, menacé verbalement C. C. d'assassinat, d'empoisonnement ou de meurtre ainsi que tout attentat emportant une peine criminelle, sans ordre ni condition, en l'espèce en lui disant » je vais te retrouver demain matin « » je sais où tu habites, aux X2«, » je vais niquer ta mère, ta femme, ton fils «, » je viendrais te chercher « et encore, en s'adressant au chef de salle » demain matin, à la première heure quand je sors, je débarque chez C. C.C.et je m'occupe de lui «, et ce, en état de récidive légale, pour avoir été définitivement condamné pour des faits de mêmes nature par le Tribunal correctionnel le 19 mars 2019 »,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 40, 230, 233 et 235 du Code pénal,
sur l'action publique,
- déclaré A. coupable des délits qui lui sont reprochés, en répression, faisant application des articles visés par la prévention ainsi que des articles 414-1 et 414-2 du Code pénal,
- ajourné le prononcé de la peine à l'audience du mardi 7 décembre 2021 à 9 heures,
sur l'action civile,
- reçu C C. en sa constitution de partie civile,
- condamné A. à lui payer la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts.
Par jugement contradictoire en date du 7 décembre 2021, le Tribunal correctionnel a, sous ladite prévention, faisant application des articles visés par la prévention :
- condamné A. à la peine de DEUX MOIS D'EMPRISONNEMENT,
- condamné, enfin, A. aux frais.
Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, pour A. prévenu, a interjeté appel de cette décision, en date du 7 décembre 2021, par acte de greffe en date du 12 janvier 2022.
Le Ministère public a interjeté appel incident le 12 janvier 2022.
Considérant les faits suivants :
Le 24 mars 2021, vers 18 heures 30, les fonctionnaires de police en tenue d'uniforme en point fixe au niveau du rond-point du Wurtemberg intervenaient pour séparer A. visiblement alcoolisé, de sa compagne, D. afin que leur dispute ne se transforme pas en une altercation physique.
A. ne supportant pas cette intervention extérieure, insultait l'agent C C.C. en sa présence ou celle de ses collègues, dans les termes suivants « fils de pute », « tu ne me touches pas sale monégasque de merde » ou « je vais le niquer lui et sa famille », « je vais l'enculer » et proférait également des menaces à l'égard du même fonctionnaire de police : « je vais te retrouver », « je sais où tu habites aux X2 », « je vais niquer ta mère, ta femme et ton fils ».
A. était placé en garde à vue à 18 heures 40 et son taux d'alcoolémie relevé à 19 heures 07 était de 1,23 mg/litre d'air expiré.
Par la suite, à son retour de l'hôpital, en cellule, il poursuivait ses menaces à l'encontre du même agent en indiquant « demain matin quand je sors à la première heure, je débarque chez C.et je m'occupe de lui ».
Aux termes d'un rapport d'examen psychiatrique, le docteur E. a conclu que l'intéressé présente des traits d'une personnalité psychopathique (impulsivité, difficultés à supporter l'autorité, à respecter les limites, comportement addictif, privilégie le passage à l'acte à la mentalisation ou à la réflexion) mais aucune pathologie psychiatrique y compris au moment des faits, que la consommation d'alcool, qui relève d'un comportement conscient et volontaire, facilite le passage à l'acte par son effet désinhibiteur parfaitement connu par A. en sorte que celui-ci est pénalement responsable de ses actes et accessible à une sanction pénale.
Entendu sur les faits, après complet dégrisement et examen médical, A. indiquait ne pas se souvenir des faits en dehors, vaguement, d'insultes à l'encontre d'un policier puis reconnaissait certains propos. Il expliquait qu'il n'avait pas été dans son état normal, en raison d'une forte alcoolisation due à son addiction, et exprimait des regrets et excuses à l'endroit de C C.C. qu'il connaissait et appréciait par ailleurs. Il émettait le souhait de faire une cure de désintoxication qui lui avait été précédemment proposée.
Aux termes d'un procès-verbal de comparution sur notification du 25 mars 2021, A. était poursuivi pour des faits d'outrages à agent de la force publique, en état de récidive légale, et menaces verbales de mort sans ordre ni condition, également en état de récidive légale, pour avoir été définitivement condamné pour des faits de même nature par jugement du Tribunal correctionnel du 19 mars 2019.
Par jugement du 8 juin 2021, A. a été déclaré coupable des infractions qui lui étaient reprochées, tandis que le prononcé de la peine a été ajourné à l'audience du 7 décembre 2021 afin de vérifier sa réelle implication dans la mise en place, l'accomplissement et le suivi de la cure de désintoxication envisagée et de toutes démarches thérapeutiques nécessaires pour combattre ses addictions et son mal être concernant ses origines, et de permettre au Tribunal de connaître la réalité de la situation au jour où il statuera sur la peine afin qu'elle soit adaptée.
Suivant jugement contradictoire du 7 décembre 2021, le Tribunal correctionnel a condamné A. à la peine de deux mois d'emprisonnement, en considérant pour l'essentiel que :
* - l'hospitalisation dans un centre de soins n'est intervenu que fin novembre 2021, alors qu'il n'est pas justifié des raisons de cette tardivité,
* - s'il est produit les résultats d'examens sanguins permettant de constater une réduction de la consommation alcoolique, il n'est nullement établi une absence de consommation de stupéfiants,
* - trois mois après l'ajournement de la peine, l'intéressé s'est trouvé impliqué dans une affaire de violences sur conjoint pour laquelle il devra comparaître devant les juridictions françaises en début d'année 2022,
* - A. a été condamné à de multiples reprises, notamment pour des faits similaires, et a d'ores et déjà bénéficié d'aménagements de peines, sans effet réel sur son parcours délinquant.
A. et le Ministère Public ont interjeté appel de ladite décision le 7 décembre 2021.
Le casier judiciaire monégasque de A. comporte sept condamnations du Tribunal correctionnel :
- du 12 juillet 2013, à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis et placement sous le régime de la liberté d'épreuve pendant trois années pour des faits d'infraction à la législation sur les stupéfiants, commis courant novembre 2012 et courant 2012,
- du 10 octobre 2016, à la peine de huit cents euros d'amende pour des faits de détention de stupéfiants aux fins d'usage personnel commis le 28 mai 2015,
- du 19 décembre 2016, à la peine de deux mois d'emprisonnement avec le bénéfice de l'exécution fractionnée, avec astreinte de suivre un traitement médical, pour des faits de détention de produits stupéfiants aux fins d'usage personnel et usage, commis dans la soirée du 16 au 17 décembre 2016,
- du 29 septembre 2017, à la peine d'un mois d'emprisonnement pour des faits de rébellion, menaces verbales de mort sans ordre ou condition, outrages à agent de la force publique, commis le 17 juin 2017,
- du 3 avril 2018, à la peine de trois mois d'emprisonnement avec le bénéfice de l'exécution fractionnée pour des faits de violences ou voies de fait ayant entraîné une ITT de moins de 8 jours, commis le 25 mai 2017,
- du 19 mars 2019, à la peine de deux mois d'emprisonnement pour des faits d'outrages à un officier ministériel, un commandement ou agent de la force publique, une personne chargée d'un service public, menaces verbales de mort sans ordre ou condition, commis le 19 décembre 2018,
- du 16 mars 2021, à la peine de quinze jours d'emprisonnement pour des faits d'outrages à un officier ministériel, un commandant ou agent de la force publique, une personne chargée d'une mission de service public, commis le 5 novembre 2019.
Son casier judiciaire français ne porte mention d'aucune condamnation.
Aux termes de conclusions du 24 mars 2022, A. a sollicité que son appel soit déclaré recevable, que le jugement du 7 décembre 2021 soit infirmé uniquement en ce qu'il l'a condamné à la peine de deux mois d'emprisonnement, et a demandé à la Cour, statuant à nouveau, de constater qu'il s'est soumis à des soins, y compris sous le régime de l'hospitalisation, et par le suivi d'une cure de désintoxication, qu'il justifie d'une abstinence à l'alcool et aux stupéfiants et en conséquence, de le condamner à une peine de travail d'intérêt général à laquelle il consent expressément. Il fait valoir que :
* - lors de l'audience du 7 décembre 2021, il a été autorisé à se faire représenter au visa de l'article 377 du Code de procédure pénale, dans la mesure où il était hospitalisé,
* - l'article 374 alinéa 5 de ce même code est inapplicable en l'espèce dès lors qu'il vise la comparution sur notification, à la seule initiative du Procureur Général, et non le renvoi après ajournement ordonné par une juridiction, si bien que c'est à tort que la décision de première instance a été rendue sur ce fondement,
* - qu'à supposer qu'il soit considéré qu'en cas d'ajournement de la peine, le cadre de la comparution sur notification demeure applicable, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut exclure les dispositions de l'article 377 du code de procédure pénale,
* - lors de l'audience du 7 décembre 2021 qui n'était pas une audience de comparution sur notification, il a été régulièrement représenté au sens de l'article 377 lequel ne connaît pas de régime dérogatoire, de sorte que la décision devait lui être signifiée pour faire courir le délai d'appel,
* - une autre interprétation des textes supposerait la violation des principes généraux du droit pénal, ce qui a été confirmé par la Cour de céans par un arrêt du 16 février 2015,
* - le jugement d'ajournement du prononcé de la peine du 8 juin 2021 a considéré, malgré la gravité des faits et la réitération de comportements délinquants, qu'il convenait de ne pas le placer dans une situation d'échec et de vérifier sa « réelle implication dans la mise en place, l'accomplissement et le suivi de la cure de désintoxication envisagée et de toutes autres démarches thérapeutiques nécessaires pour combattre ses addictions et son mal être »,
* - il avait entamé une thérapie dès le 20 avril 2020 avec le docteur F. au sein de l'unité de psychiatrie et de psychologie médicale, et a poursuivi ses soins avec le docteur G. spécialiste en addictologie au CHPG, lequel a préconisé une cure de désintoxication qu'il a acceptée,
* - au lendemain de l'audience du 8 juin 2021, il ne pouvait prétendre à une hospitalisation, en l'état d'une très forte demande et d'une liste d'attente,
* - si son addiction protéiforme l'a conduit à commettre de nouveaux faits délictuels, il n'a pour autant pas renoncé à sa réinsertion, mettant tout en œuvre pour éviter toute réitération,
* - il a été hospitalisé au CHU de NICE en unité psychiatrique du 4 au 13 septembre 2021 puis a subi un traitement médicamenteux visant à le sevrer de toute addiction,
* - ses analyses sanguines démontrent de façon évidente une réduction sensible de sa consommation d'alcool,
* - il a finalement pu intégrer le centre médical CHANTOURS à BRIANÇON le 23 novembre 2021 et a ainsi démontré sa détermination pour combattre ses addictions, malgré une rechute qui fait partie intégrante de sa maladie et pour laquelle il sera condamné par les juridictions idoines
* - il serait parfaitement inadapté de le condamner à une nouvelle peine d'emprisonnement ferme qui aurait pour conséquence de mettre en échec le travail thérapeutique entrepris,
* - à l'instar des demandes formulées en première instance, il sollicite la mise en place d'un travail d'intérêt général.
À l'audience du 28 mars 2022, le Ministère public a relevé que l'appel principal et donc incident seraient irrecevables dès lors que le rendez-vous judiciaire a été donné contradictoirement ; si la Cour estimait l'appel recevable, il a sollicité, à titre principal, la confirmation de la peine d'emprisonnement et à titre subsidiaire, le placement sous le régime de la liberté d'épreuve.
Le conseil de A. a réitéré oralement le contenu de ses écritures judiciaires s'agissant de la recevabilité de l'appel, en précisant qu'il importait que le prévenu ait une connaissance effective de la décision qui devait être prononcée, alors qu'il n'a pu concrètement le faire qu'à la fin de son hospitalisation.
Il a ajouté que A. démontre être abstinent depuis sept mois en dépit d'une rechute ayant conduit à des violences sur sa compagne qui l'est toujours. S'il avait été proposé un travail d'intérêt général, le régime de la liberté d'épreuve qui le contraindrait à se faire suivre et à travailler serait une bonne solution.
A. a eu la parole en dernier en sollicitant la clémence.
La réouverture des débats a été ordonnée le même jour en l'état de la demande formulée par le prévenu aux termes de ses écritures judiciaires concernant le prononcé d'une peine de travail d'intérêt général.
A. a confirmé consentir à réaliser un travail d'intérêt général.
Sa curatrice, entendue, a estimé que cette mesure serait appropriée à la situation du majeur protégé qui faisait preuve de beaucoup de volonté.
Le Ministère public n'a formulé aucune réquisition.
Le conseil de A. a souligné que cette peine avait été sollicitée en première instance sans que la demande ait été clairement confirmée lors des premiers débats d'appel.
A. qui a eu la parole en dernier, a indiqué que son souhait premier était de reprendre le travail.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu qu'en vertu de l'article 414-1 du Code pénal, « En matière correctionnelle, lorsque le prévenu, personne physique, est présent à l'audience, la juridiction peut, après avoir déclaré le prévenu coupable et statué, s'il y a lieu, sur la confiscation des objets dangereux ou nuisibles :
1° soit le dispenser de toute autre peine, lorsqu'il apparaît que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l'infraction a cessé ;
2° soit ajourner, pour une durée d'un maximum de six mois, le prononcé de celle-ci, lorsqu'il apparaît que le reclassement du coupable est en voie d'être acquis, que le dommage causé est en voie d'être réparé et que le trouble résultant de l'infraction va cesser.
En même temps qu'elle se prononce sur la culpabilité du prévenu, la juridiction statue, s'il y a lieu, sur l'action civile. Lorsque la juridiction ajourne le prononcé de la peine, elle peut octroyer immédiatement à la victime constituée partie civile des dommages et intérêts soit à titre provisionnel, soit à titre définitif.
La juridiction peut ajourner le prononcé de la peine à l'égard d'une personne en la soumettant à l'obligation de consigner une somme d'argent en vue de garantir le paiement d'une éventuelle peine d'amende et des dommages et intérêts qui pourraient être alloués. Elle détermine le montant de cette consignation et le délai dans lequel celle-ci doit être déposée au greffe, qui ne saurait être supérieur à trois mois ».
Attendu que l'article 414-2 de ce même code prévoit que « La juridiction qui décide de l'ajournement du prononcé de la peine à l'égard d'une personne conformément à l'article 414-1, peut soumettre cette personne au respect de l'une des mesures de surveillance et d'assistance prévues à l'article 3 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.960 du 12 février 1968 sur le reclassement social des délinquants ou de l'une des obligations énoncées aux articles 5 et 6 de ladite Ordonnance.
À l'audience de renvoi, la juridiction peut par décision contradictoire, même en l'absence du prévenu dûment informé de la date de renvoi, soit dispenser le prévenu de peine, soit prononcer la peine prévue par la loi » ;
Attendu qu'aux termes de l'article 377 du code de procédure pénale, « Dans les affaires relatives à des délits qui n'entraînent pas la peine d'emprisonnement, le prévenu peut se faire représenter par un avocat-défenseur ou un avocat ; néanmoins, le tribunal peut ordonner sa comparution en personne. Dans ce cas, le prévenu qui ne comparaît pas est jugé par défaut.
Lorsque le prévenu qui encourt une peine d'emprisonnement se trouve empêché, il peut, sur sa demande, être dispensé par le tribunal de comparaître en personne, sous condition de se faire représenter par un avocat-défenseur ou un avocat chez lequel il devra faire élection de domicile, s'il n'est pas domicilié dans la Principauté.
Il sera jugé contradictoirement, mais les délais d'appel ne courront qu'à compter de la signification du jugement.
Les parties civiles et les personnes civilement responsables peuvent, dans tous les cas, se faire représenter par un avocat-défenseur ou un avocat » ;
Attendu en l'espèce, que par jugement contradictoire du 8 juin 2021, le Tribunal correctionnel a, en faisant application de l'article 414-1 du code pénal précité, déclaré A.- qui était présent à l'audience du même jour - coupable des infractions qui lui étaient reprochées, et ajourné le prononcé de la peine à l'audience du 7 décembre 2021 ;
Attendu que lors de l'audience du 7 décembre 2021, Maître Sarah FILIPPI, conseil de A. a sollicité le renvoi de l'affaire, en produisant un certificat médical du médecin de ce dernier, aux motifs que son client était absent en raison de son hospitalisation à BRIANÇON pour une cure de désintoxication ; que le renvoi de l'affaire n'a pas été octroyé par le Tribunal Correctionnel, alors qu'il résulte de la feuille d'audience que A. est mentionné comme « absent représenté » par Maître Sarah FILIPPI ; qu'une photographie du mandat de représentation établi le 30 novembre 2021 par A. figure à la procédure ;
Attendu que si l'article 414-2 alinéa 2 du Code pénal qualifie de contradictoire la décision qui sera rendue à l'issue de l'audience de renvoi fixée par la décision d'ajournement du prononcé de la peine, « même en l'absence du prévenu », ce texte n'exclut pas que le prévenu, qui se trouverait absent mais « empêché », puisse bénéficier des dispositions de l'article 377 alinéa 2 du Code de procédure pénale, lui permettant de se faire représenter par un avocat-défenseur ou un avocat, et de voir les délais d'appel courir à compter de la signification du jugement contradictoire ainsi rendu ;
Attendu que A. était bien empêché du fait de son hospitalisation à BRIANÇON, alors que le Tribunal Correctionnel a admis qu'il puisse être représenté par Maître Sarah FILIPPI, si bien que cette juridiction a visé tort les dispositions de l'article 374-1 alinéa 5 du Code procédure pénale (relatives à la comparution sur notification) au lieu de celles de l'article 377 alinéa 2 de ce même code qui obligeaient à signifier le jugement du 7 décembre 2021, dont appel ;
Qu'en conséquence, l'appel interjeté le 12 janvier 2022 par A. à l'encontre d'une décision qui devait être signifiée mais ne l'a pas été, doit être déclaré recevable, tout comme l'appel du Ministère public du même jour ;
Sur la peine
Attendu qu'il convient en premier lieu de relever que A. n'est pas accessible au prononcé d'une peine d'emprisonnement assortie du bénéfice du sursis et au placement sous le régime de la liberté d'épreuve, dès lors que les dispositions nouvelles de l'article 396-1 du code pénal précisent que « Le bénéfice de la liberté d'épreuve ne peut être octroyé qu'à la condition que le condamné n'ait pas fait l'objet, au cours des cinq années précédant les faits d'une condamnation à une peine d'emprisonnement ferme, en tout ou partie, pour des faits de même nature (...) » et que l'intéressé a été condamné le 19 mars 2019, à la peine de deux mois d'emprisonnement pour des faits d'outrages à un officier ministériel, un commandant ou agent de la force publique, une personne chargée d'un service public, menaces verbales de mort sans ordre ou condition, tandis que les faits, objets de la présente procédure, ont été commis le 24 mars 2021 ;
Attendu que le prévenu sollicite le bénéfice des dispositions relatives au travail d'intérêt général, aux termes desquelles :
Article 26-3. Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prescrire, à la place de l'emprisonnement ou de l'amende, que le condamné accomplira un travail d'intérêt général, non rémunéré, au profit d'une personne morale de droit public, d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association.
Les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public et les associations sont habilitées, dans les conditions prévues par ordonnance souveraine, pour accueillir des personnes condamnées à un travail d'intérêt général
Article 26-4. La peine de travail d'intérêt général est applicable pour tout prévenu âgé de seize ans au moins.
Lorsque la peine est prononcée à l'égard d'un mineur, les travaux d'intérêt général doivent être adaptés et présenter un caractère formateur ou être de nature à favoriser son insertion sociale.
Article 26-5. Le travail d'intérêt général prévu aux articles 26-3, 29 bis et 37-2 ne peut pas être prononcé si le prévenu a déjà fait l'objet d'une condamnation au travail d'intérêt général au cours des trois années qui précèdent s'il s'agit d'une contravention et cinq années qui précédent s'il s'agit d'un délit.
Par dérogation à l'alinéa qui précède, lorsque le prévenu a fait l'objet d'une condamnation antérieure au travail d'intérêt général alors qu'il était mineur, le travail d'intérêt général peut être prononcé sans délai s'il s'agissait d'une contravention et à l'issue d'un délai de deux ans s'il s'agissait d'un délit.
Le travail d'intérêt général prononcé antérieurement doit, en outre, avoir été réalisé en totalité, sans que la peine prévue en cas d'inexécution n'ait été mise à exécution.
Article 26-6. Le travail d'intérêt général ne peut pas être prononcé par la juridiction sans le consentement du prévenu. Avant de recueillir son consentement, la juridiction informe ce dernier de son droit de refuser le travail d'intérêt général et des conséquences d'un tel refus.
Lorsque le prévenu est un mineur ou un majeur soumis à l'un des régimes de protection prévus au chapitre II du Titre X du Livre Ier du Code civil, l'avis du représentant légal du mineur et du tuteur, du curateur ou du mandataire du majeur est, en outre, recueilli. Cet avis ne lie pas la juridiction.
Article 26-7. Le travail d'intérêt général ne peut pas être prononcé lorsque le prévenu est absent à l'audience.
Par dérogation à l'alinéa qui précède, la peine de travail d'intérêt général peut être prononcée lorsque le prévenu, absent à l'audience en raison d'un motif légitime, est régulièrement représenté et a manifesté son accord par écrit.
Article 26-8. Le travail d'intérêt général ne peut pas être prononcé cumulativement avec une peine d'emprisonnement.
Le travail d'intérêt général peut se cumuler avec les peines d'amende et les peines prévues aux articles 30 à 37-1 et 40-1 à 40-3.
La juridiction peut en outre astreindre le condamné à une ou plusieurs des obligations prévues à l'article 182 du Code de procédure pénale, pour une durée qui ne peut excéder trente-six mois. L'accomplissement du travail d'intérêt général avant la fin de ce délai ne met pas fin à ces obligations.
La juridiction peut également prononcer un travail d'intérêt général dans le cadre d'un sursis dans les conditions prévues aux articles 393 et suivants du Code pénal, ainsi que dans le cadre d'un sursis avec liberté d'épreuve dans les conditions prévues aux articles 396 et suivants du Code pénal.
Article 26-9. La durée du travail d'intérêt général ne peut excéder 240 heures.
Article 26-10. Le travail d'intérêt général doit être réalisé dans un délai de dix-huit mois, sauf détermination d'un délai inférieur par la juridiction.
Ce délai peut être prorogé jusqu'à vingt-quatre mois, sur requête du juge de l'application des peines, en cas de difficultés relatives à la mise en œuvre du travail d'intérêt général.
Le délai d'exécution du travail d'intérêt général commence à courir au jour où la condamnation devient définitive.
Ce délai prend fin dès l'accomplissement de la totalité du travail d'intérêt général.
(...)
Article 26-12. La juridiction qui prononce un travail d'intérêt général statue également sur la peine qui pourra être mise à exécution en cas d'inexécution du travail d'intérêt général dans le délai imparti par la juridiction ou de violation des obligations de travail d'intérêt général. La juridiction statue également sur la peine mise à exécution en cas d'inaptitude du condamné à tout travail d'intérêt général. Les peines ainsi prononcées peuvent être des peines d'emprisonnement ferme, d'amende ou toutes peines alternatives à l'emprisonnement ou l'amende.
L'emprisonnement ou l'amende que fixe la juridiction ne peuvent excéder le maximum des peines encourues pour le délit ou la contravention pour lesquels la condamnation est prononcée.
Article 26-13. L'exécution du travail d'intérêt général et des obligations prononcées en application du dernier alinéa de l'article 26-8 est placée sous le contrôle du juge de l'application des peines pour un condamné majeur et le juge tutélaire en présence d'un condamné mineur « ;
Attendu que A. âgé de plus de 16 ans, est accessible à une telle peine qui n'a jamais été prononcée à son encontre, alors que sa curatrice a donné son avis sur ce point ;
Attendu qu'il est établi que A. a mené une cure de désintoxication à compter du 23 novembre 2021 au Centre Médical Chantours à BRIANÇON après avoir été hospitalisé en psychiatrie à l'hôpital Pasteur puis au Centre Hospitalier Sainte-Marie à NICE au mois de septembre 2021 ;
Que le docteur F. chef de service adjoint de l'unité de psychiatrie et de psychologie médicale » La Roseraie ", a régulièrement suivi A. depuis le mois d'octobre 2019 ;
Que si l'intéressé évoque lui-même qu'il sera prochainement jugé à NICE pour des faits de violences sur sa compagne, pour lesquels il est présumé innocent, et admet cette seule rechute en termes d'alcoolisation, aucun nouvel agissement délictuel n'a été commis en Principauté de Monaco depuis les faits du 24 mars 2021 ;
Que les analyses sanguines du 15 octobre 2021 versées aux débats démontrent des résultats normaux au niveau des transaminases et GGT, et par là-même, une amélioration de la situation en termes de consommation d'alcool, qui constitue actuellement le problème majeur de l'intéressé ;
Que A. a effectué en mars 2022 des missions d'intérim et souhaite reprendre une activité professionnelle, y compris à travers un travail d'intérêt général ;
Attendu que les efforts ainsi entrepris par A. en particulier à travers la cure de désintoxication, laquelle a pu être retardée notamment en raison d'une forte demande, ainsi que sa volonté de stabilisation justifient une infirmation de la décision de première instance (sauf en ce qui concerne les frais) et que la Cour, statuant à nouveau, prononce la peine alternative à l'emprisonnement de travail d'intérêt général, à l'effet de lui permettre de poursuivre dans cette attitude de normalisation qui sera ainsi encadrée judiciairement ;
Que les précédents judiciaires ci-dessus rappelés et la réitération des faits en cause doivent conduire à fixer la durée de la peine à 100 heures sur une période de 18 mois ;
Qu'en application de l'article 26-12 du Code pénal, la peine qui pourra être mise à exécution en cas d'inexécution du travail d'intérêt général dans le délai imparti ou de violation des obligations du travail d'intérêt général est fixée à 3 mois d'emprisonnement pour tenir compte de la gravité des faits ; qu'en cas d'inaptitude à tout travail d'intérêt général, la peine mise à exécution sera de 5.000 euros d'amende ;
Qu'enfin, afin de s'assurer que A. soit régulièrement suivi médicalement pour ses problèmes d'addiction et son mal être en rapport à ses origines, la Cour décide également, conformément aux articles 26-8 du code pénal et 182 du code de procédure pénale, d'astreindre celui-ci pendant une période de dix-huit mois à se soumettre à des mesures d'examen, de traitement ou de soins, sous le contrôle du juge d'application des peines ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement,
Déclare recevables les appels formés par A.et le Ministère Public ;
Infirme le jugement du Tribunal Correctionnel du 7 décembre 2021, sauf en ce qui concerne la condamnation aux frais ;
Statuant à nouveau,
Condamne A. à accomplir un travail d'intérêt général, non rémunéré, au profit d'une personne morale de droit public, d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association ;
Fixe à 100 heures (CENT HEURES) la durée de cette peine et à 18 mois (DIX-HUIT MOIS) le délai pour l'accomplir sous le contrôle du juge d'application des peines dans les conditions prévues par les articles 26-14 à 26-20 du code pénal et par l'ordonnance souveraine n° 8.926 du 23 novembre 2021 ;
Dit qu'en cas d'inexécution du travail d'intérêt général dans le délai imparti ou de violation des obligations du travail d'intérêt général, la peine qui pourra être mise à exécution sera de TROIS MOIS d'EMPRISONNEMENT ;
Dit qu'en cas d'inaptitude à tout travail d'intérêt général, la peine qui pourra être mise à exécution sera de CINQ MILLE EUROS d'AMENDE ;
Astreint également A. pendant un délai de 18 mois (DIX-HUIT MOIS) à se soumettre à des mesures d'examen, de traitement ou de soins, sous le contrôle du juge d'application des peines ;
Condamne A. aux frais d'appel ;
Composition
Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-huit mars deux mille vingt-deux, qui se sont tenus devant Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, Madame Magali GHENASSIA, Conseiller, en présence de Madame Valérie SAGNÉ, Premier Substitut du Procureur général, assistées de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier ;
Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, Madame Magali GHENASSIA, Conseiller, magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires ;
Lecture étant donnée à l'audience publique du seize mai deux mille vingt-deux par Magali GHENASSIA, Conseiller, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur général adjoint, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de ladite Loi.
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