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09/08/2022 | MONACO | N°20768

Monaco | Cour d'appel, 9 août 2022, M.P. c/ A.


Motifs

Cour d'appel correctionnelle

Dossier PG n° 2022/000316

R.5700

ARRÊT DU 9 AOÛT 2022

En la cause du :

MINISTÈRE PUBLIC ;

APPELANT

Contre :

1/ A., né le 7 janvier 1993 à NICE (Alpes-Maritimes), d a.et de b B. de nationalité française, gérant de commerce, demeurant X1 à NICE (06200) ;

PRÉSENT aux débats, DÉTENU, assisté de Maître Thomas BREZZO, avocat près la Cour d'appel de Monaco, commis d'office, plaidant par ledit avocat ;

2/ C., né le 4 octobre 1994 à ANNABA (Algérie), de c. et de d. D. de n

ationalité française, sans emploi, demeurant X2 à NICE (06200) ;

PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Thomas BREZZO, avocat près l...

Motifs

Cour d'appel correctionnelle

Dossier PG n° 2022/000316

R.5700

ARRÊT DU 9 AOÛT 2022

En la cause du :

MINISTÈRE PUBLIC ;

APPELANT

Contre :

1/ A., né le 7 janvier 1993 à NICE (Alpes-Maritimes), d a.et de b B. de nationalité française, gérant de commerce, demeurant X1 à NICE (06200) ;

PRÉSENT aux débats, DÉTENU, assisté de Maître Thomas BREZZO, avocat près la Cour d'appel de Monaco, commis d'office, plaidant par ledit avocat ;

2/ C., né le 4 octobre 1994 à ANNABA (Algérie), de c. et de d. D. de nationalité française, sans emploi, demeurant X2 à NICE (06200) ;

PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Thomas BREZZO, avocat près la Cour d'appel de Monaco, commis d'office, plaidant par ledit avocat ;

Prévenus de :

BLANCHIMENT DU PRODUIT D'UNE INFRACTION

INTIMÉS / APPELANTS

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 27 juin 2022 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 4 avril 2022 ;

Vu les appels interjetés le 7 avril 2022, par le Ministère public, à titre principal, uniquement en ce que le Tribunal correctionnel a prononcé la relaxe à l'encontre d C. et la relaxe partielle à l'encontre de A. et le 25 avril 2022 par Maître Thomas BREZZO, avocat, tant pour le compte d C. prévenu, qu'en sa qualité d'avocat substituant Maître Maeva ZAMPORI, avocat-stagiaire, et celui de A. ;

Vu l'ordonnance présidentielle en date du 27 avril 2022 ;

Vu les citations à prévenu, suivant exploits, enregistrés, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 5 mai 2022 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas BREZZO, avocat, pour A.et C. en date du 24 juin 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Magali GHENASSIA, Conseiller, en son rapport ;

Ouï A. prévenu, détenu, en ses réponses ;

Ouï C. prévenu, en ses réponses ;

Ouï Maître Thomas BREZZO, avocat, pour A. prévenu, en ses moyens de nullité, exception qui a été jointe au fond ;

Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Thomas BREZZO, avocat, pour A.et C. prévenus, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;

Ouï A. prévenu, détenu, en dernier, en ses observations ;

Ouï C. prévenu, en dernier, en ses observations ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire en date du 4 avril 2022, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :

A.

« D'avoir à MONACO, le 25 mars 2022, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, commis des faits de blanchiment, notamment sciemment acquis ou détenu des biens ou capitaux dont il sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont des biens ou capitaux d'origine illicite, sans préjudice des dispositions relatives au recel, en l'espèce en étant notamment pourvu de 9.950 euros en espèces et d'une montre ROLEX modèle » Oyster Perpetual « d'une valeur de 17.000 euros sans pouvoir en justifier l'origine, et ce en inadéquation avec ses revenus officiels »,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 218, 218-1, 218-3, 218-4, 218-5 et 219 du Code pénal,

C.

« D'avoir à MONACO, le 25 mars 2022, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, commis des faits de blanchiment, notamment sciemment acquis ou détenu des biens ou capitaux dont il sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont des biens ou capitaux d'origine illicite, sans préjudice des dispositions relatives au recel, en l'espèce notamment en étant pourvu de 9.000 euros en espèces, sans pouvoir en justifier l'origine, et ce en inadéquation avec ses revenus officiels »,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 218, 218-1, 218-3, 218-4, 218-5 et 219 du Code pénal,

* rejeté l'ensemble des exceptions de nullités soulevées,

* relaxé A. des faits de blanchiment relatifs à la montre ROLEX modèle « Oyster Perpetual » d'une valeur de 17.000 euros et l'a déclaré coupable du surplus,

En répression, faisant application des articles visés par la prévention,

* l'a condamné à la peine de CINQ MOIS D'EMPRISONNEMENT,

* ordonné la restitution au profit de A.de la montre de marque ROLEX modèle « Oyster Perpetual » constituant la fiche n° A.DEUX du scellé n° 2022/260 placé au Greffe général (procès-verbal de la Direction de la Sûreté publique n° 22/0388),

* ordonné la confiscation de la somme de 9.950 euros en numéraires et du téléphone portable de marque APPLE constituant les fiches n° A.UN et A.QUATRE du scellé n° 2022/260 placé au greffe général (procès-verbal de la Direction de la Sûreté publique n° 22/0388),

* relaxé C. des fins de la poursuite sans peine ni dépens,

* ordonné la restitution au profit d C. de la somme de 9.260 euros en numéraires ainsi que du téléphone portable APPLE constituant les fichiers n° C.UN et C.DEUX du scellé n° 2022/260 placé au Greffe général (procès-verbal de la Direction de la Sûreté publique n° 22/0388),

* condamné, enfin, A. aux frais.

Le Ministère public a interjeté appel à titre principal de ladite décision le 7 avril 2022 uniquement en ce que le Tribunal correctionnel a prononcé la relaxe à l'encontre d C. et la relaxe partielle à l'encontre de A.

Maître Thomas BREZZO, avocat, a interjeté appel le 25 avril 2022 pour le compte de son client, C. prévenu, et pour le compte de A. prévenu, en substituant Maître Maeva ZAMPORI, avocat-stagiaire.

Considérant les faits suivants :

Le 25 mars 2022, vers 12 heures 30, les services de police procédaient à un contrôle d'un véhicule de marque Z. modèle Z2 immatriculé Z1 (F).

À son bord, son conducteur, C. apparaissait défavorablement noté à la documentation policière monégasque pour être l'objet d'une diffusion de recherche dans le cadre d'une procédure de vol à l'étalage d'une paire de lunettes de soleil commis le 15 mai 2021 au préjudice du commerce E. Il était également défavorablement connu des services de police français (notamment pour des faits d'acquisition, détention et usage de stupéfiants, meurtres, vol avec violence, violences, conduite sans permis, recel de vol), tout comme son passager, A. (fausse déclaration sur l'état civil d'une personne pouvant entraîner des poursuites pénales contre un tiers, conduite sans permis, transport non autorisé de stupéfiants, vente frauduleuse au détail de tabac manufacturé et travail dissimulé).

Questionnés sur les raisons de leur présence en Principauté, ils déclaraient y être venus pour acheter une montre au sein du commerce Monaco Watch Company et indiquaient être porteurs de 9.000 euros en espèces pour le conducteur et 10.000 euros en espèces pour le passager.

Ils étaient interpellés et placés en garde à vue à 12 heures 30 pour des faits de « blanchiment », A. ayant en outre été trouvé porteur d'une montre ROLEX modèle Oyster Perpetual d'une valeur de 17.000 euros.

Les numéraires et la montre étaient saisis et placés sous scellés.

Au cours de ses auditions, C. expliquait s'être rendu à Monaco pour l'achat d'une montre rare DATEJUST d'une valeur actuelle de 17.500 euros mais susceptible d'évoluer rapidement. Il justifiait la provenance des 9.260 euros, dont il avait été trouvé porteur, par un prêt consenti par son frère, Anis C. conducteur de bus touristique en Principauté.

Il refusait par la suite de donner plus de détails et de répondre aux questions entourant la provenance des espèces, ainsi que de communiquer le code de déverrouillage de son téléphone portable, lequel ne pouvait ainsi être exploité, consentant toutefois à montrer, sous sa manipulation, des messages ou recherches en rapport avec ses déclarations. Il évoquait des revenus passés de 900 euros par mois environ.

Contacté téléphoniquement le 27 mars 2022, Anis C. confirmait avoir prêté, la semaine précédente, la somme de 20.000 euros à son frère afin qu'il puisse acheter un véhicule en vue de le revendre et soulignait avoir retiré cette somme en petites coupures de 50 et 100 euros sur son livret A de la Banque Postale, en l'état de la requête d'espèces par le vendeur, et l'avoir remise à leur père qui devait les faire parvenir à C. Une impression écran d'une connexion internet concernant le livret A à la banque postale d'Anis C. visant un retrait en espèces de 15.000 euros et un virement au débit de 5.000 euros à son profit, était communiquée.

Sa garde à vue était interrompue pour des motifs d'ordre médical.

De son côté, A. indiquait avoir voulu s'associer à l'achat et revente d'une montre avec C. afin d'en tirer un bénéfice. Les espèces, dont il avait été trouvé porteur, à concurrence de 9.950 euros en coupures de 50 euros provenaient d'« argent de poche » et d'un prêt de 8.000 euros réclamé en février 2022, sous le prétexte de son activité à Dubaï mais pour investir dans l'achat d'une montre, à son cousin, F.(ayant ouvert une société de nettoyage et chauffeur de bus), lequel contacté téléphoniquement confirmait l'existence d'un prêt sans pouvoir en fournir la date ou le montant exact (4.000 ou 10.000 euros).

Un relevé de compte de F. transmis par ce dernier visait des retraits en espèces pour un montant total de 12.000 euros au mois de février 2022, le solde créditeur de 10.123,35 euros au 31 janvier 2022 correspondant, selon ses dires, au remboursement d'une assurance et l'encaissement d'un chèque lié à une prestation de conciergerie réalisée en sa qualité d'auto entrepreneur.

A. qui déclarait des revenus de l'ordre de 900 euros mensuels, des allocations familiales de 350 euros mensuels et des charges mensuelles de 850 euros pour son foyer composé de son épouse et ses deux enfants, n'était pas clairement en mesure de préciser les raisons de l'intérêt d'un prêt en espèces se limitant à évoquer la possibilité de réaliser une « bonne affaire », alors qu'à Monaco, les paiements en numéraires étaient plus aisés.

Il précisait que la montre, dont il avait été trouvé porteur, lui avait été offerte pour son anniversaire par son frère, f. A. et achetée dans une boutique niçoise Luxury Watch l'année précédente.

Les investigations menées confirmaient que la facture d'achat d'avril 2021 de la montre portée par A. avait bien été établie à son nom, et le règlement effectué par virement bancaire, lequel émanerait, selon justificatif produit lors de l'audience correctionnelle du 4 avril 2022, d'une société F. CONSULTING.

Il ne pouvait fournir aucun élément comptable précis ou des indications sur le chiffre d'affaires ou le bénéfice de la seule société de téléphonie I. dont il disait avoir conservé la gestion parmi celles, dont il était officiellement le gérant (toutes domiciliées à l'adresse d'une société H. ayant un lien avec un contributeur dénommé f. A.

Il indiquait n'accepter que des paiements en espèces, régler le loyer du local commercial en espèces et ne disposer d'aucun compte bancaire, en dehors d'un compte en ligne Qonto ouvert récemment suite à la fermeture de son compte courant à la Caisse d'Epargne de Nice et d'un compte professionnel à Dubaï. Il soulignait que les aspects administratifs et financiers de ses activités étaient gérés par un certain e. G. comptable, qui demeurait injoignable téléphoniquement.

L'avis d'imposition de l'année 2021 du foyer, transmis par l'épouse de A. faisait état de salaires déclarés de 3.778 euros pour l'impôt sur les revenus 2020.

L'exploitation du téléphone portable de A. démontrait l'existence de conversations Whastapp et messages vocaux avec ses frères, g.et f. notamment, portant :

* sur le transport d'espèces ou la conversion d'espèces en virements bancaires, au moyen notamment d'un compte « Achraf » à Dubaï, du compte d'une société niçoise exploitant une pizzeria ou encore par l'intermédiaire d'un dénommé F.

* sur l'établissement de fausses factures de justification,

* sur les risques encourus en cas de blanchiment.

A. expliquait les messages par des arrangements en famille, par ses voyages à Dubaï qui lui avaient permis de récupérer des fonds dus à son frère sans passer par un virement ou lui auraient permis de donner des billets de 500 euros à un ami qui le lui avait demandé, et relevait que beaucoup des opérations visées n'avaient jamais été réalisées.

Les deux gardés à vue apparaissaient dans le fichier clients du magasin E.de Monaco pour des achats en espèces de 1.000 et 2.530 euros ainsi que diverses autres acquisitions avec des moyens de paiement inconnus.

Les intéressés ont fait l'objet d'un mandat d'arrêt du Procureur Général du 29 mars 2022, dans le cadre de la procédure de flagrant délit initiée, et ont été prévenus pour :

A.

« D'avoir à MONACO, le 25 mars 2022, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, commis des faits de blanchiment, notamment sciemment acquis ou détenu des biens ou capitaux dont il sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont des biens ou capitaux d'origine illicite, sans préjudice des dispositions relatives au recel, en l'espèce en étant notamment pourvu de 9.950 euros en espèces et d'une montre ROLEX modèle » Oyster Perpetual « d'une valeur de 17.000 euros sans pouvoir en justifier l'origine, et ce en inadéquation avec ses revenus officiels »,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 218, 218-1, 218-3, 218-4, 218-5 et 219 du Code pénal,

C.

« D'avoir à MONACO, le 25 mars 2022, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, commis des faits de blanchiment, notamment sciemment acquis ou détenu des biens ou capitaux dont il sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont des biens ou capitaux d'origine illicite, sans préjudice des dispositions relatives au recel, en l'espèce notamment en étant pourvu de 9.000 euros en espèces, sans pouvoir en justifier l'origine, et ce en inadéquation avec ses revenus officiels »,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 218, 218-1, 218-3, 218-4, 218-5 et 219 du Code pénal.

Par jugement contradictoire du 1er avril 2022, le Tribunal correctionnel a renvoyé l'affaire à l'audience du 4 avril 2022 à 14 heures en maintenant les effets des mandats d'arrêt décernés.

Selon jugement contradictoire du 4 avril 2022, le Tribunal correctionnelle a :

* rejeté l'ensemble des exceptions de nullités soulevées,

* relaxé A. des faits de blanchiment relatifs à la montre ROLEX modèle « Oyster Perpetual » d'une valeur de 17.000 euros et l'a déclaré coupable du surplus,

En répression, faisant application des articles visés par la prévention,

* l'a condamné à la peine de CINQ MOIS D'EMPRISONNEMENT,

* ordonné la restitution au profit de A.de la montre de marque ROLEX modèle « Oyster Perpetual » constituant la fiche n° A.DEUX du scellé n° 2022/260 placé au Greffe général (procès-verbal de la Direction de la Sûreté publique n° 22/0388),

* ordonné la confiscation de la somme de 9.950 euros en numéraires et du téléphone portable de marque APPLE constituant les fiches n° A.UN et A.QUATRE du scellé n° 2022/260 placé au greffe général (procès-verbal de la Direction de la Sûreté publique n° 22/0388),

* relaxé C. des fins de la poursuite sans peine ni dépens,

* ordonné la restitution au profit d C. de la somme de 9.260 euros en numéraires ainsi que du téléphone portable APPLE constituant les fichiers n° C.UN et C.DEUX du scellé n° 2022/260 placé au Greffe général (procès-verbal de la Direction de la Sûreté publique n° 22/0388),

* condamné, enfin, A. aux frais.

Les premiers juges ont estimé pour l'essentiel que :

* les prévenus ont fait l'objet d'un contrôle de leur véhicule et de leur personne à l'entrée de la Principauté,

* outre que ce type de contrôle est expressément prévu par la législation actuelle qui permet aux agents de la sûreté publique de procéder à tout contrôle de véhicule et de la population « flottante », il est de notoriété publique que les services de police procèdent quotidiennement à des contrôles de ce type sur un nombre important de véhicules et de personnes,

* en dehors de tout autre élément, il n'est nullement démontré que le contrôle aurait été arbitraire ou uniquement justifié par le facies ou l'ethnie des prévenus, si bien qu'aucune nullité n'est encourue de ce chef,

* C. après qu'il ait décliné son identité, a été noté comme recherché dans le cadre d'une procédure de vol, justifiant son interpellation,

* il résulte du procès-verbal d'interpellation que A. a verbalement déclaré détenir 10.000 euros à une étape de la procédure où les agents interpellateurs n'avaient pas encore vérifié le montant exact des sommes détenues,

* les deux prévenus ont ensuite été placés en garde à vue pour des faits de blanchiment et non pour des faits de non-déclaration de détention de sommes égales ou supérieures à 10.000 euros,

* en conséquence, il n'y a eu ni abus dans l'interpellation des prévenus ou de caractère discriminatoire de celle-ci, ni mauvaise interprétation par les polices des textes de prévention,

* en outre, il est résulté immédiatement, dès les premières constatations, que les prévenus sont défavorablement connus des services de police français pour des infractions pouvant être génératrice de revenus, de sorte qu'il existait des raisons de soupçonner un possible blanchiment dès leur présentation aux officiers de police judiciaire, si bien que toutes les exceptions de nullité devaient être rejetées,

* A. a été déclaré coupable des faits reprochés dès lors qu'il ressort des éléments versés aux débats et de l'exploitation exhaustive de son téléphone portable que celui-ci ne dispose pas de revenus ou de capitaux officiels lui permettant de détenir la somme de 9.000 euros en espèces, que l'ensemble du fonctionnement de ses sociétés démontre des fraudes, l'établissement et l'utilisation de fausses factures, l'usage de transferts financiers transnationaux via plusieurs opérations dans le but manifeste de dissimuler leur origine, ou encore le rachat de billets de jeux gagnants qui ne peuvent avoir d'autre but que de blanchir les sommes détenues,

* les explications du prévenu sur l'origine directe des fonds en sa possession ne résistent pas à l'analyse car celui-ci déclare qu'il s'agirait d'un prêt d'un de ses cousins, financé par le remboursement d'une assurance, qui ne couvre nullement l'intégralité des 8.000 euros, tandis que les opérations de retrait d'espèces remontent à plusieurs mois,

* concernant la montre dont il a été trouvé porteur, l'enquête n'a pas permis d'identifier ni d'apporter le moindre élément sur la société F. CONSULTING qui a effectué le virement au profit du vendeur, même si la facture est au nom de A.

* il n'est dès lors pas possible en l'état de considérer que les fonds ayant servi à financer ce bien ne peuvent manifestement avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou la possession du bien par A. qui s'est toujours comporté comme le propriétaire de cette montre, n'a pas cherché à la revendre malgré la prise de sa valeur et a expliqué aux enquêteurs et à l'audience qu'il s'agissait d'un cadeau de son frère, de sorte que la relaxe s'impose de ce chef,

* la gravité des faits et les précédents judiciaires commandent de faire une stricte application de la loi pénale par le prononcé d'une peine d'emprisonnement de 5 mois,

* C. a été constant dans ses déclarations, alors qu'il est versé une preuve de retrait en espèces d'un montant de 15.000 euros effectué par son frère, Anis, le 11 mars 2022, et d'un virement vers un autre compte bancaire au même nom en date du 24 mars 2022, ainsi que d'une attestation de ce dernier faisant état d'un prêt de 20.000 euros consenti au prévenu grâce à ses économies détenues sur un compte livret A à la Banque postale,

* le fait qu'Anis C. soit chauffeur de bus n'exclut pas qu'il puisse avoir les moyens de mettre de l'agent de côté et le prêter à son frère,

* une justification à la possession de la somme de 9.260 euros est établie sans qu'il puisse être considéré que les autres membres de sa famille mentiraient ou qu'il ait été établi qu'Anis C. aurait des ressources cachées ou des antécédents judiciaires, si bien que la relaxe sera prononcée à son égard.

Le Ministère public a interjeté appel le 7 avril 2022 sur les relaxes et les conseils des prévenus le 25 avril 2022.

Le casier judiciaire français de A. comporte six condamnations pour conduite sans permis, fausse déclaration sur l'état civil, usage illicite de stupéfiants, exécution d'un travail dissimulé, ayant conduit au prononcé de peines d'amende et d'emprisonnement avec sursis.

Celui de C. comporte trois condamnations pour complicité d'acquisition, offre ou cession non autorisée de stupéfiants, vol avec violences avec ITT de moins de 8 jours aggravé par une circonstance (18 mois d'emprisonnement), refus d'obtempérer et conduite sous l'emprise de stupéfiants (peine de 3 mois d'emprisonnement convertie en jours-amende).

Ils n'ont jamais été condamnés par les Tribunaux monégasques.

Par conclusions du 24 juin 2022, A. sollicite l'infirmation de la décision de première instance, en soulevant à titre principal, la nullité du procès-verbal d'interpellation et de mise à disposition du 25 mars 2022 ainsi que du contrôle d'identité, du placement en garde à vue, de ses prolongations ainsi que de tous les actes subséquents, et à titre subsidiaire, sa relaxe.

Sur les nullités, il soutient pour l'essentiel, qu'il n'était débiteur d'aucune obligation de justification ou de déclaration d'espèces puisqu'elles étaient inférieures à la somme de 10.000 euros, bien que l'infraction de non-déclaration, sanctionnée par une simple peine d'amende, soit visée dans la notification de placement en garde à vue ; que les enquêteurs ont également dénaturé l'obligation de déclaration des fonds en visant l'incapacité à justifier leur provenance ; qu'au stade du contrôle d'identité, il a déclaré spontanément et de bonne foi détenir une somme inférieure à 10.000 euros (en réalité 9.950 euros), en sorte que sa conduite à la Sûreté Publique et son placement en garde à vue n'étaient pas justifiés ; que ces éléments confirment le caractère discriminatoire du contrôle qui a été opéré, tandis que le procès-verbal d'interpellation vise ses antécédents français en portant une atteinte disproportionnée à la présomption d'innocence, étant souligné que la fouille à corps et celle du véhicule n'ont pas permis la découverte d'objets pouvant supposer la commission d'une infraction ; qu'au stade du contrôle d'identité, il n'a pas été questionné sur l'origine des fonds dont il était trouvé porteur, sur la nature de son activité professionnelle, sur le montant de ses revenus et sur ses éléments de fortune ; qu'il n'existe aucune obligation légale imposant de détenir des justificatifs de l'origine des espèces dont on est trouvé porteur ; qu'en conséquence, aucune preuve de l'origine illicite des fonds n'était constatée, en sorte qu'il n'existait aucune raison sérieuse de soupçonner la tentative ou la commission du délit de blanchiment.

Sur le fond, il relève que ses déclarations ont été constantes, vérifiées et corroborées, alors que c'est sur la base de la seule exploitation de son téléphone portable que les enquêteurs ont retenu un mécanisme de blanchiment complexe ; que la présomption d'illicéité des fonds, voulue par le législateur pour les situations les plus complexes, est inopérante en l'espèce, tandis que les « opérations » auxquelles elles s'appliquent ne concernent pas la simple acquisition-détention ou utilisation des biens et que les ajouts opérés dans le texte (« produit direct », « manifestement » et « aux fins de blanchiment ») visaient à en limiter son recours ; que la démonstration d'une infraction principale ayant généré les fonds n'est pas réalisée ; que la relaxe s'impose.

Aux termes de ses écritures judiciaires du 24 juin 2022, C. sollicite la confirmation de sa relaxe et de la restitution ordonnée par le Tribunal Correctionnel. Il précise que la véracité de ses propos a été vérifiée et confirmée.

À l'audience du 27 juin 2022, les prévenus, qui ont accepté de s'expliquer sur les faits, objets de la poursuite, ont réitéré leurs déclarations.

Le Ministère public a requis l'infirmation des relaxes prononcées et le prononcé d'une peine d'emprisonnement d'une année à l'égard des deux prévenus ainsi que la confiscation de la montre, des espèces et des téléphones portables.

Le conseil des prévenus a développé oralement le contenu de ses écrits.

Les prévenus ont eu la parole en dernier.

SUR CE,

Attendu que l'appel du Ministère public ainsi que celui des prévenus, formés à l'encontre du jugement dans les formes et délais prescrits par le Code de procédure pénale, sont recevables ;

Sur les nullités

Attendu qu'aucun élément de la procédure ou de preuve produit par A.ne permet de considérer qu'une quelconque discrimination aurait été opérée lors du contrôle d'identité réalisé à l'entrée de la Principauté, au niveau du Jardin Exotique, des occupants du véhicule dont s'agit ;

Attendu que le procès-verbal d'interpellation et de mise à disposition relate que lors dudit contrôle, il était constaté que :

* C. ressortait comme recherché dans le cadre d'une procédure de vol à MONACO et était défavorablement connu des services de police français,

* A. était également défavorablement noté pour ses antécédents français,

* questionnés, ils déclaraient spontanément respectivement détenir en espèces 9.000 euros pour le premier et 10.000 euros pour le second ;

Que la simple mention, sans précision, d'antécédents français ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence, alors que les fonctionnaires de police se sont contentés de reprendre la déclaration faite par A. sur la détention de la somme de 10.000 euros en espèces, quand bien même elle s'est avérée inférieure, ultérieurement, après comptage ;

Attendu que le procès-verbal de notification de garde à vue de l'intéressé concerne des faits de « blanchiment », alors que la qualification plus développée des faits par les enquêteurs est rédigée de la manière suivante « En l'espèce, de s'être trouvé porteur d'une somme en numéraire de 10.000 euros en Principauté au cours de la journée du 25/03/2022 sans pouvoir en justifier de l'origine et sans avoir satisfait à l'obligation de déclaration de transport transfrontalier d'espèces » ; que la circonstance que l'infraction de non-déclaration ait été visée comme un des éléments constitutifs de celle de blanchiment ou comme un délit connexe, n'a aucune incidence sur la validité du placement en garde à vue, même s'il a ensuite été dénombré un montant inférieur d'espèces ;

Attendu en outre, qu'il existait des raisons sérieuses de soupçonner la tentative ou la commission du délit de blanchiment ayant justifié l'interpellation et le placement en garde à vue, en l'état du passé délinquant des deux individus (dont l'un était déjà recherché en Principauté) à bord d'un même véhicule, pour des infractions habituellement en rapport avec le blanchiment de capitaux, ainsi de la déclaration de détention d'un nombre important d'espèces, proche ou équivalent au seuil légal, pouvant faire soupçonner un contournement de la loi ou une dissimulation ; que si les fonctionnaires de police n'ont pas sollicité des justificatifs de l'origine des fonds, les investigations, qui se sont amorcées avec l'interpellation et les gardes à vue, visaient à procéder à toutes vérifications utiles sur ce point, au vu des déclarations qui seraient développées auprès des enquêteurs et non des agents interpellateurs ;

Attendu en conséquence, qu'il convient de confirmer le jugement du Tribunal Correctionnel en ce qu'il a rejeté l'intégralité des moyens de nullité soulevés, seul A. ayant au demeurant critiqué la décision de première instance à cet égard ;

Sur la culpabilité

Attendu que l'article 218,1° du Code pénal incrimine quiconque aura sciemment acquis, détenu ou utilisé des capitaux dont il sait, au moment où il les reçoit qu'ils sont d'origine illicite, et ce, sans préjudice des dispositions relatives au recel ;

Que l'article 218-3 du même code précise qu'est qualifié de biens et de capitaux d'origine illicite le produit des infractions punies dans la Principauté d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an ;

Qu'en tant qu'infraction de conséquence, la caractérisation du délit de blanchiment implique celle de l'infraction principale dont le produit a été l'objet du délit ;

Qu'aux termes de l'article 218-4 du Code pénal, « Pour l'application de la présente section, les biens, capitaux ou revenus, sont présumés être le produit direct d'un crime ou d'un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières des opérations visées aux précédents articles ne peuvent manifestement avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens, capitaux ou revenus aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme » ;

Que ce texte n'opère aucune distinction entre les opérations plus ou moins complexes, alors que l'emploi du pluriel pour les « opérations visées aux précédents articles » ne permet pas de considérer que seraient seules visées les opérations de l'article 218-2 alinéa 2 du Code pénal en ce qu'elles sont complexes et ne reposent pas sur une action unique ;

Qu'il appartient aux juges d'apprécier les circonstances permettant de mettre en œuvre la présomption d'origine illicite des fonds, dans les conditions fixées par l'article 218-4 ;

Attendu qu'en l'espèce, il ressort de l'enquête que :

* C. a justifié l'origine des espèces détenues par un prêt consenti par son frère, par l'intermédiaire de son père,

* les vérifications réalisées établissent qu'Anis C. frère de l'intéressé, a indiqué avoir octroyé un prêt de 20.000 euros et a effectué un retrait d'espèces le 11 mars 2022 sur son compte livret A à la BANQUE POSTALE à concurrence de la somme de 15.000 euros et un virement au profit d'un autre de ses comptes à hauteur de 5.000 euros le 24 mars 2022,

* ce dernier exerce la profession de chauffeur de bus en Principauté de Monaco, lui permettant de réaliser des économies de cet ordre,

* Anis C. n'est pas défavorablement connu des services de police ou de justice ;

Que le transport transfrontalier d'espèces, légèrement en-deçà du seuil légal de déclaration, et l'absence d'accord d C. en vue d'un accès complet à son téléphone portable, ne suffisent pas à mettre en œuvre la présomption d'illicéité de l'article 218-4 du Code pénal ;

Que la proximité dans le temps entre les retrait/virement précités émanant d'Anis C.et l'interpellation permet de caractériser le lien avec la détention des espèces litigieuses, tandis que la circonstance que lors de la remise de ces espèces, C. n'aurait pas pu avoir de projet précis sur la montre vendue à MONACO, ne peut conduire à considérer que ces fonds seraient d'origine illicite et ce d'autant qu'aucune infraction principale n'est caractérisée ;

Qu'en conséquence, le jugement du Tribunal Correctionnel doit être confirmé en ce qu'il a relaxé C. des fins de la poursuite sans peine ni dépens et a ordonné la restitution de la somme de 9.260 euros ainsi que du téléphone portable ;

Attendu par ailleurs, que A. a déclaré que les 9.950 euros dont il a été trouvé porteur provenaient d'un prêt octroyé par son cousin, F. à hauteur de 8.000 euros et d'« argent de proche » à concurrence de 1.950 euros ;

Attendu que ce dernier, qui n'a pas été clairement en mesure de fournir l'indication du montant du prêt consenti, a communiqué un relevé de son compte LCL du mois de février 2012 visant 9 retraits en espèces pour un montant total de 12.000 euros du 1er au 22 février 2022, ainsi qu'une alimentation essentielle préalable par deux virements de 1.950 euros du 4 février 2022 (syndicat les ALLEES VICT) et 4.095,46 euros du (EURODOMMAGES), ajoutée à un ancien solde de 10.123,25 euros (au 31 janvier 2022) ; que F. est chauffeur de bus et auto entrepreneur ;

Attendu que les investigations et les éléments communiqués en audience ont démontré que la montre, dont A. a été porteur, qui serait un cadeau de la part de son frère, a fait l'objet d'une facture à son nom mais que le paiement a été effectué par la société par actions simplifiée à associé unique F. CONSULTING, laquelle est gérée par son frère, f. A.; qu'aucune justification économique à cette opération réalisée par une personne morale n'a été fournie ;

Attendu qu'il résulte de l'exploitation du téléphone portable de A. que celui-ci a échangé des messages avec son cousin, F. ainsi que ses frères, g.et f. A. dans les conditions suivantes :

4 mars 2022, message de F. à A.

« C'est simple : f. m'a fait un chèque de 10.060 euros, ok...j'ai donné 8.000 à g.de ce que j'ai pu retirer...le problème que j'ai avec la banque c'est qu'ils me demandent des justificatifs réels de prestations sous peine de clôture définitive et style signalement à l'URSSAF ; Zerm blanchiment d'argent t'as capté ! Du coup la somme correspondant à la TVA je dois pas la toucher. Il m'aurait fait un chèque de 9.000 par exemple, il n'y aurait eu aucune suspicion, c'est ce que m'a dit la conseillère mais dès que ça dépasse 10.000 c'est cash rouge à l'ordinateur »,

A. ayant confirmé pendant sa garde à vue qu'il s'agissait du prêt invoqué ;

Message audio du 31 décembre 2021 de A. à g. : « II a appelé F., normalement F. il a dit ouais il connait un mec qui veut de l'espèce, il me fait un virement de 10 et nous on lui donne de l'espèce. Là il attend là sa réponse. Il a dit attend j'te rappelle et il attend. Comme ça il parlera au mec »

Conversation du 1 er janvier 2022 A.à g.

SM (message audio) : « Ah en fait j'ai réfléchi pour les virements et tout, tu peux pas donner des sous à h. pour euh, pour qu'il me les ramène directement, c'est plus facile hein. I1 voudra non ? En plus lui il fait pas d'escale genre euh.., c'est un vol direct y a rien. »

D (message audio) : « Ouais A.si tu veux je lui donne direct à h. comme ça hein c'est comme tu veux, dis-moi ».

SM (message audio) : « Ouais ben c'est bon dis-lui hein, tu lui donnes les 5 et i. il va te donner 7, ça fait 12 s'il peut. »

SM: «il me ramène 8»

SM : « Et il me passe 4 en plusieurs fois ? »

D : « Ouais c'est ça voilà et là-bas il te les donne en deux fois, ou trois fois, comme ça ça fera les 12 que tu veux c'est bon ? Dis-moi oui ou non. Et appelle i. j'ai déjà dit à i. comme ça demain matin à 07h30, 08h00 je suis chez i. »

SM: « Non c bon passe lui que 8 et le reste je vais voir comment les ramener prck il va me fair galérer »

D (message audio) : « Alors et moi je lui dis comment alors, que moi alors ce qui me doit à moi il me les envoie sur mon compte à moi alors et après je te les redonne c'est ça ? »

SM : « Et j'en et besoin on c jamais si il mais du temps »

SM: «Oui»

D (message audio) : « Ouais A. ben je sais pas comment faire, là il va me donner quoi ? Il va donner à i. 7, je rajoute 1 et pourquoi tu veux pas les pendre, et s'il te les donne h. ? »

D (message audio) : « Ouais A. alors dis-moi je fais comment ? -

SM : » Pk lui il peux pas prendre 12 ? «

SM : » 8 ou 12 c pareille «

D (message audio) : » C'est pas question il peut pas prendre 8 ou 12, c'est que lui moi je lui donne les 8 et là-bas il me donne les 1 et les 5 qui me doit ça fait toi tu donnes 7 plus les 1 que vais rajouter ça fait 8 et les 4 c'est lui qui me les doit qui me rend, les 5, tu comprends ou tu comprends pas ? Et comme ça, ça fait là-bas 12. Les 4 il va te donner peut-être là 1000 ou 2000 et après la semaine d'après 1000 et après encore 1000. Parce que là il attend la semaine prochaine un virement de 100.000 euros il m'a dit «

SM : » Bin donne lui 8 après il te fait un virement à toi des autres sous qui te doit «.

Conversations entre A.et f.

29 septembre 2021

SM : » Pour l'argent tu peux faire un virement en France ? «

F : » Une société «

SM : Transmission d'un Relevé d'Identité Bancaire du compte IBAN J. ouvert au nom de SAS K. dans les livres de la Banque Populaire Méditerranée, Nice Californie.

F : » C'est un snack «

SM : » C une pizzeria «

F : » 10K de pizza «

SM:»MDR«

F : » Je réfléchis «

14 octobre 2021

F : » J'ai l'argent c bon juste faut que je trouve «

F : » Structure ? «

SM : » Tu les as en espèces ? «

F : » Non A. tout en banque «

SM : » Un compte privé c bon «

F : » Tu as à Dubaï ? «

F : » Compte pro ? «

SM : » Oui, mais j'ai besoin ici c'est pour sa je doit les passer à un collègue «

20 novembre 2021

SM: » Je part à Dubaï vendredi c'est possible de me fair un virement directement là-bas ? «

F : » Une société ? «

SM: » Oui «

SM : » Ma société de N.«

F : » J'ai jamais fait mes je pense oui «

F : » Tu m'envoie «

F : »Le RIB«

F : » Je t'enregistre «

SM: » OK c bon je t'envoie le RIB «

SM : » Account Holder Name : L.«

» Bank Name : Mashreq Bank «

» Account Number : 019100768604 « »IBAN : M.«

F : » Tu me fait une facture avec le nom de ta structure «

SM: » Oui «

SM : » Comment je fait ? «

F : » Tu fait une facture «

F : » Et dans ta facture tu marque le montant «

F : » Et tu mes apporteur d'affaires camera télé surveillance «

SM : » J'ai di à Achraf il m'a dit OK mardi elle prêt «

24 novembre 2021 à propos d'un fichier PDF intitulé » facture 21 H. SECURITE « s'agissant d'une facture n° 021 du 22/11/2021, portant entête » N._fbcstx&CAFE « à Dubaï, éditée à l'attention de l H. SECURITE, SIRET : 80319641900029, X3 à Nice (06200), dont l'objet est » apporteur d'affaires en caméra de télé surveillance « pour un montant hors taxe de 10.000 euros à régler au profit du compte IBAN : M.-précédemment envoyé par le nommé A A.- ouvert au nom de L. dans les livres de la Mashreq Bank

F (message audio) : » Tu peux enlever le truc I LOVE N. me faire une facture avec le nom de ta société, d'accord ?[ ...] Mets juste N. c'est tout, avec l'adresse BOX DUBAÏ et tout, mais I LOVE N. enlève-le parce qu'il n'y a pas de lien avec les caméras. Ou sinon tu sais ce que tu fais, tu fais installation de caméras, d'accord, tu marques installation de caméras

SM : «OK C bon »

SM : « Installation de caméras »

F (message audio) : « Rajoute la TVA aussi. Dis-lui qu'il rajoute la T VA. Il faut que ça fasse 10.000€ tout rond. Et qu'il rajoute la TVA. [...] Comme ça moi je profite de la TVA, je l'enlève »

F (message audio) : « A. je t'ai fait l'envoi maintenant, il faut attendre 24 heures ou deux jours [...] tu as 10.000€ tout rond, mais par contre obligé tu m'envoie la facture. J'ai besoin de ta facture pour alléger ma TVA. Tu me l'envois hors taxes la facture, il doit connaitre Achraf c'est facile. 20% hors taxes. Que ça fasse 10.000E TTC. Et sur le montage je te dis c'est installation de caméras de télé surveillance »

SM : transmission d'une nouvelle facture, format PDF « Facture 21 H.SECURITE » d'un montant de 10.000€ TTC, tenant compte des modifications sollicitées par le dénommé f.

F : « Je v t'envoyer de l'argent, tu me l'ai sort »

SM : « Oui si tu veux je vais voir là-bas déjà comment sa ce passe pour les sortir et tout et je te dit »,

le prévenu ayant expliqué pour la première fois en cause d'appel sur ce point qu'il s'agissait de l'installation de caméras de surveillance pour son commerce de N. qui était imposée par les autorités à DUBAÏ ;

Attendu que A. est gérant de trois sociétés de téléphonie, toutes domiciliées à la même adresse, dont une seule serait encore active, alors que ce dernier ne justifie d'aucune comptabilité en ce sens et admet même que toutes les opérations sont effectuées en espèces sans pouvoir donner plus de précisions sur les contours économiques de son activité, évoquant simplement le fait que son comptable, qui ne peut être joint, pourrait donner plus d'explications ;

Attendu qu'il admet des revenus de 900 euros mensuels, incompatibles au demeurant avec sa déclaration d'imposition, qui lui permettraient à peine de prendre en charge les dépenses de sa famille (épouse et deux enfants) ; qu'il évoque toutefois de l'argent de poche recueilli depuis plusieurs années grâce à son ancienne activité de location de véhicules pour investir dans l'achat d'une montre ;

Attendu que les conditions matérielles, juridiques et financières de la détention de la somme importante de

1. 950 euros, à l'occasion d'un transport transfrontalier d'espèces, laquelle n'a été mentionnée, qu'en raison d'un contrôle d'identité inopiné, par le prévenu qui entretient des conversations régulières avec son cousin et ses frères à propos du transport à l'étranger d'espèces, de la conversion d'espèces en virements bancaires, ou inversement, au moyen de l'établissements de fausses factures et de l'utilisation d'un compte bancaire situé à l'étranger ou de celui d'une pizzeria, ne peuvent manifestement avoir d'autre justification que la dissimulation de l'origine des fonds aux fins de blanchiment et justifient la mise en œuvre de la présomption de l'article 218-4 du Code pénal ;

Attendu, s'agissant de cette origine, que A.ne parvient pas à renverser ladite présomption, dès lors :

* qu'il résulte des éléments de téléphonie précités que la remise de la somme de 8.000 en espèces par F. résulte du dépôt préalable d'un chèque de 10.060 euros établi par f. A. et ce, en dehors de tout prêt, alors que F.et f.A.se prêtent également à d'autres agissements concernant la conversion d'espèces,

* que A.ne peut disposer d'aucune économie notable au regard de sa situation professionnelle et personnelle actuelle, alors que la conservation d'une épargne de près de 2.000 euros des suites d'une activité professionnelle largement passée est peu crédible en l'état des manipulations très fréquentes d'espèces opérées ;

Attendu de même, que A.ne peut manifestement pas ignorer l'origine illicite des fonds qu'il a contribué à dissimuler, malgré ses dénégations, au regard des éléments précités ; que la défense consistant à affirmer qu'aucune des opérations multiples évoquées dans la téléphonie n'aurait jamais eu lieu ne pourrait pas être concrètement étayée, s'agissant d'une preuve négative ;

Attendu s'agissant de la montre ROLEX, que si les conditions de sa détention peuvent également permettre de mettre en œuvre la présomption d'illicéité, au regard de son paiement par l'entremise d'une personne morale gérée par f. A. largement mis en cause par la téléphonie, la procédure de flagrant délit diligentée n'a pas permis d'effectuer les vérifications auprès de ce dernier pour déterminer si les fonds pourraient, en particulier dans cette hypothèse de l'achat d'une montre en avril 2021, avoir une origine licite établie ;

Attendu en conséquence, que le jugement du Tribunal correctionnel sera confirmé sur la culpabilité et la relaxe partielle de A. avec les confiscation et restitution qui en découlent ;

Attendu, s'agissant de la peine, que la gravité des faits, les circonstances de la commission de l'infraction, les antécédents judiciaires de l'intéressé ainsi que le montant des espèces en cause justifient une application stricte de la loi pénale par le prononcé d'une peine de HUIT MOIS d'EMPRISONNEMENT, en sorte que la décision des premiers juges sera réformée sur ce seul point ;

Attendu que les dépens d'appel incombent au condamné ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Confirme le jugement du Tribunal Correctionnel du 4 avril 2022 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a prononcé une peine de CINQ MOIS d'EMPRISONNEMENT à l'encontre de A.

Statuant à nouveau,

Prononce une peine de HUIT MOIS d'EMPRISONNEMENT à l'encontre de A.

Le condamne aux frais d'appel ;

Composition

Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-sept juin deux mille vingt-deux, qui se sont tenus devant Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Magali GHENASSIA, Conseiller, Monsieur Adrian CANDAU, Juge au Tribunal de Première Instance, complétant la Cour en vertu de l'article 22 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, en présence de Madame Emmanuelle CARNIELLO, Substitut du Procureur général, assistés de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier ;

Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé seulement par Madame Magali GHENASSIA, Conseiller, en l'état de l'empêchement de Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, et de Monsieur Adrian CANDAU, Juge au Tribunal de Première Instance, complétant la Cour en vertu de l'article 22 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, et ce en application des articles 60 et 62 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires ;

Lecture étant donnée à l'audience publique du neuf août deux mille vingt-deux par Madame Magali GHENASSIA, Conseiller, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier, en présence de Madame Emmanuelle CARNIELLO, Substitut du Procureur général, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de ladite Loi.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20768
Date de la décision : 09/08/2022

Analyses

La simple mention, sans précision, d'antécédents français ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence, alors que les fonctionnaires de police se sont contentés de reprendre la déclaration faite par A. sur la détention de la somme de 10.000 euros en espèces, quand bien même elle s'est avérée inférieure, ultérieurement, après comptage.Le procès-verbal de notification de garde à vue de l'intéressé concerne des faits de « blanchiment », alors que la qualification plus développée des faits par les enquêteurs est rédigée de la manière suivante « En l'espèce, de s'être trouvé porteur d'une somme en numéraire de 10.000 euros en Principauté au cours de la journée du 25/03/2022 sans pouvoir en justifier de l'origine et sans avoir satisfait à l'obligation de déclaration de transport transfrontalier d'espèces ». La circonstance que l'infraction de non-déclaration ait été visée comme un des éléments constitutifs de celle de blanchiment ou comme un délit connexe, n'a aucune incidence sur la validité du placement en garde à vue, même s'il a ensuite été dénombré un montant inférieur d'espèces.En tant qu'infraction de conséquence, la caractérisation du délit de blanchiment implique celle de l'infraction principale dont le produit a été l'objet du délit. L'article 218-4 du Code pénal n'opère aucune distinction entre les opérations plus ou moins complexes, alors que l'emploi du pluriel pour les « opérations visées aux précédents articles » ne permet pas de considérer que seraient seules visées les opérations de l'article 218-2 alinéa 2 du Code pénal en ce qu'elles sont complexes et ne reposent pas sur une action unique. Il appartient aux juges d'apprécier les circonstances permettant de mettre en œuvre la présomption d'origine illicite des fonds, dans les conditions fixées par l'article 218-4.

Procédure pénale - Général  - Lutte contre le financement du terrorisme - la corruption et le blanchiment.

Procédure pénale - Mention d'antécédents français - Atteinte à la présomption d'innocence (non) - Qualification des faits dans le PV de notification de garde à vue - Validité du placement en garde à vue (oui)Blanchiment d'argent - Caractérisation du délit.


Parties
Demandeurs : M.P.
Défendeurs : A.

Références :

Code de procédure pénale
articles 60 et 62 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013
articles 218, 218-1, 218-3, 218-4, 218-5 et 219 du Code pénal
article 218-4 du Code pénal
article 218,1° du Code pénal
article 218-2 alinéa 2 du Code pénal
article 22 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2022-08-09;20768 ?

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