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LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 3 février 2022 (R. 2112) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 15 mars 2022 (enrôlé sous le numéro 2022/000069) ;
Vu les conclusions déposées les 6 mai 2022, 25 octobre 2022 et 31 janvier 2023 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée E. (MONACO) SAM ;
Vu les conclusions déposées les 11 juillet 2022 et 13 décembre 2022 par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de Monsieur e. A. et de Madame c. A. née D. ;
Vu l'ordonnance de clôture du 14 février 2023 ;
À l'audience du 21 mars 2023, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Motifs
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur e. A. et Madame c. A. née D. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 3 février 2022.
Considérant les faits suivants :
e. et c. A. ont conclu avec la SAM E. (MONACO) deux conventions de prêts hypothécaires portant sur un montant respectif de 3.500.000 euros et 1.000.000 euros les 15 janvier 2010 et 25 octobre 2011, en vue de procéder à des rachats de créance, financement de travaux sur une villa au Cannet et « trésorerie personnelle ».
Ces deux contrats d'une durée de dix années stipulaient des intérêts « au taux variable EURIBOR 1 (une) semaine à EURIBOR 12 (douze) mois selon durée du tirage plus une marge de 1.50 % (…) l'an » pour la première et « au taux variable EURIBOR 3 (trois) à 12 (douze) mois ou EUROSWAP 2 (deux) à EUROSWAP 5 (cinq) ans plus une marge de 1,50 % l'an » au choix exclusif de l'emprunteur.
Selon exploit du 11 février 2021, les époux A. ont fait assigner la SAM E. (Monaco) aux fins de remboursement de la somme indûment versée d'un montant de 84.021,99 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020, date de leur réclamation, outre la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
La défenderesse s'est prévalue de la prescription de l'action menée à son encontre.
Par jugement du 3 février 2022, le Tribunal de première instance a :
* fait droit partiellement à la fin de non-recevoir invoquée par E. (MONACO) tirée de la prescription de l'action,
* dit que l'action en paiement d'e. et c. A. à l'encontre de la SAM E. (MONACO) est prescrite pour les demandes relatives aux intérêts payés antérieurement au 11 février 2016,
* dit que la SAM E. (MONACO) en fixant le taux EURIBOR au minimum à zéro a fait une exacte application des dispositions contractuelles la liant à e. et c. A. au titre des prêts des 15 janvier 2010 et 25 octobre 2011,
* débouté e. et c. A. de leur action,
* condamné e. et c. A. aux dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Les premiers juges ont estimé en substance que :
* la prescription quinquennale court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d'exercer son action,
* la circonstance que les époux A. ne soient pas des professionnels est sans effet sur l'application de la prescription, l'article 2044 du Code civil ne prévoyant aucune exonération pour les particuliers,
* à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ces fractions à compter de son échéance, de sorte que l'action en paiement des intérêts échus se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives,
* la SAM E. (MONACO) ayant calculé les intérêts dus en fonction du taux EURIBOR du mois de référence, l'application faite de cette clause à chaque variation du taux rend la prescription de l'action en contestation glissante,
* les époux A. ayant introduit leur action par assignation du 11 février 2021 sont fondés à agir en paiement à l'encontre de la société E. (MONACO) pour toutes les créances nées postérieurement au 11 février 2016, l'action en paiement étant toutefois prescrite pour les demandes relatives aux intérêts payés antérieurement au 11 février 2016,
* les deux prêts immobiliers accordés sont des prêts à intérêts, l'équilibre général du contrat impliquant que les emprunteurs soient redevables à la banque d'intérêts sur le capital qui constitue la rémunération de l'activité de prêt de la banque,
* ces contrats supposent que chaque échéance de remboursement comprenne une part en capital pour amortir celui-ci et une part d'intérêts en rémunération du service proposé par la banque, seules conditions permettant le respect de l'équilibre du prêt passé entre les parties,
* la prise en compte d'un taux EURIBOR négatif peut conduire la banque à devoir verser à l'emprunteur une somme d'argent découlant de ce taux, venant en déduction du capital dû,
* ce résultat est totalement impossible dans un prêt immobilier au risque de rompre toute l'économie du contrat, le capital remboursé n'étant plus celui prévu et la banque étant privée de sa rémunération,
* si les demandeurs invoquent en pure opportunité le fait que la banque devait prendre en compte le taux négatif, il est évident qu'à aucun moment, cette éventualité n'est entrée dans le champ contractuel des parties lors de la signature des contrats de prêt,
* au sens de l'article 1011 du Code civil, la réelle intention des parties était incontestablement qu'en contrepartie de la mise à disposition du capital, les époux A. supportent des intérêts,
* c'est dans cette logique contractuelle que la banque a considéré à juste titre, pour respecter l'économie du contrat, qu'en cas de taux EURIBOR négatif, celui-ci devait être fixé au minimum à zéro,
* il s'ensuit que la SAM E. (MONACO) n'a commis aucune faute dans l'exécution des contrats de prêts la liant aux demandeurs qui devront être déboutés de leur action et condamnés aux dépens.
Selon exploit en date du 15 mars 2022, e. et c. A. ont interjeté appel de ladite décision en sollicitant son infirmation en toutes ses dispositions et demandent à la Cour, statuant à nouveau,
* de condamner la SAM E. (MONACO) à leur restituer la somme indûment versée de 84.021,99 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020,
* à titre subsidiaire, de condamner la SAM E. (MONACO) à leur restituer la somme indûment versée de 78.715,80 euros, s'agissant des créances nées postérieurement au 11 février 2016, outre intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020,
* de condamner la SAM E. (MONACO) à leur payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
* de condamner la SAM E. (MONACO) à leur payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 238-1 du Code de procédure civile,
* de condamner la SAM E. (MONACO) aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Aux termes de conclusions récapitulatives du 13 décembre 2022, les appelants ont modifié le montant de la condamnation principale en la ramenant à la somme de 59.684,49 euros et la condamnation subsidiaire à 59.684,42 euros, en maintenant le surplus de leurs demandes. Ils font valoir pour l'essentiel que :
* si à la signature des conventions, le taux EURIBOR 1 (Une) semaine à EURIBOR 12 (Douze) mois étaient positifs, compris entre 0,369 % et 1,25 %, les taux EURIBOR ont connu par la suite un taux négatif, et ce, pour la première fois à la fin de l'année 2014 puis les années suivantes,
* l'établissement bancaire a continué à appliquer sa marge de 1,5 % sans tenir compte des taux d'intérêts négatifs et en appliquant, de manière tout à fait fictive, un taux EURIBOR à 0 %, sans qu'aucune disposition contractuelle ne le prévoit expressément,
* c'est ainsi qu'ils sollicitaient par la voie de leur conseil le 23 septembre 2020 à la banque la restitution de la somme indûment prélevée,
* la qualité de professionnel de la banque se conjugue mal avec la mauvaise foi dont elle a fait montre, en substituant un index différent de celui qui avait été fixé contractuellement (modification unilatérale des clauses des conventions), en sorte que la Cour réformera la décision entreprise en rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription,
* ils sont en tout état de cause fondés à réclamer la somme de 78.715,80 euros pour les créances nées postérieurement au 11 février 2016,
* la motivation des premiers juges est critiquable à plusieurs titres,
* ils n'ont pas sollicité le paiement d'une rémunération mais le remboursement du trop perçu,
* en dépit du fait que le taux variable EURIBOR soit devenu négatif, il subsiste, qu'ajouté à la marge de 1,5 %, le taux effectif global est demeuré positif,
* une lecture attentive du décompte produit permet de constater que l'ajout du taux variable au taux de marge, tel que stipulé dans les deux contrats de prêt, aboutit toujours à un taux effectif global positif compris entre 1 et 1,5 % et donc au paiement des intérêts au profit de la banque, soit environ 3.000 à 5.000 euros par mois,
* la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêt du 25 mars 2020) est inopérante en l'espèce,
* depuis cette décision, les juges du fond admettent constamment l'application d'un taux variable négatif au taux d'intérêt sous réserve que le taux d'intérêt ne devienne pas lui-même mensuellement négatif,
* ce n'est que dans l'hypothèse d'un taux effectif global négatif que le prêteur sera tenu de verser à l'emprunteur une rémunération,
* tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le taux d'intérêt global n'est jamais devenu négatif et ils n'ont jamais revendiqué le paiement d'une rémunération ou d'une dette de la part de la SAM E. (MONACO),
* l'analyse des premiers juges est également erronée dès lors que les parties, en prévoyant à l'article 8 des conventions, que la rémunération sera calculée à partir de l'indice EURIBOR, augmenté d'une marge de 1,5 %, ont expressément souhaité appliquer ce taux, peu importe ses variations, même si l'indice de référence devenait négatif,
* dès lors en appliquant la marge de 1,5 % sans pour autant tenir compte du taux EURIBOR négatif, et en lui substituant d'autorité un taux fixé au minimum à zéro, la banque a manifestement modifié unilatéralement la clause des contrats de prêts,
* or, il a été démontré qu'en application de l'indice EURIBOR négatif au taux de marge, le taux d'intérêt global restait positif si bien qu'il a été méconnu une stipulation simple et précise du contrat,
* la banque, en tant que professionnel, était parfaitement informée du risque que le taux EURIBOR égal à la moyenne des taux offerts sur le marché bancaire européen devienne négatif, raison pour laquelle elle a ajouté un taux de marge fixe de 1,5 %,
* les premiers juges ne pouvant faire fi des dispositions de l'article 1011 du Code civil en opérant une interprétation en leur défaveur, alors et surtout que l'absence de taux plancher ou plafond résultait de l'intention commune des parties,
* il est manifeste que la banque a failli à son devoir d'information et leur a caché que le taux variable EURIBOR, choisi d'un commun accord, ne pouvait descendre en dessous de la marge de 1,5 %,
* l'application d'office d'un taux fixé à zéro, dès que le taux EURIBOR est négatif, est d'autant plus surprenante qu'elle n'a pas été contractuellement stipulée, encore moins prévue par un texte ou même un usage quelconque,
* les premiers juges ne pouvaient dès lors retenir que le taux EURIBOR négatif ne pouvait avoir d'incidence sur la marge convenue, cette incidence n'étant à aucun moment entrée dans le champ contractuel,
* ils ont réglé au titre des intérêts pour la période de février 2015 à juillet 2020 la somme totale de 343.488,99 euros, alors qu'ils n'auraient dû régler que la somme de 283.804,50 euros, soit un trop perçu de 59.684,49 euros,
* le refus de la banque de procéder au remboursement demeure infondé et abusif, si bien que leurs demandes en paiement de dommages et intérêts et des frais doivent être accueillies, tandis que la demande adverse devra être rejetée.
Par des conclusions récapitulatives du 31 janvier 2023, la SAM E. (MONACO) demande de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant, de condamner solidairement les appelants à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile, en les condamnant solidairement aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Elle soutient que :
* les appelants invoquent des notions de bonne ou mauvaise foi, de modification unilatérale des clauses du contrat, qui ne peuvent influer sur l'application au cas d'espèce des règles relatives à la prescription, tandis que les premiers juges ont appliqué la prescription « glissante » de l'action invoquée par les demandeurs,
* l'arrêt de la Cour de cassation du 25 mars 2020 qui se fonde sur les règles du Code civil, également existantes en droit monégasque, relatives à la force obligatoire des contrats, a retenu que « la nature juridique du prêt à intérêts s'oppose, à ce que même temporairement, le prêteur soit débiteur d'intérêts à l'égard de l'emprunteur »,
* le principe ainsi reconnu concerne toutes les composantes du taux d'intérêts, y compris, bien entendu, la marge appliquée par la banque, en l'occurrence 1,50 %,
* en décider autrement reviendrait à porter atteinte au taux d'intérêts convenu dont cette marge fait partie intégrante,
* elle n'a en aucune manière entendu déroger aux règles du Code civil lesquelles doivent s'appliquer de sorte que la marge convenue (1,50 %) ne peut être affectée par un EURIBOR qui serait négatif, cette marge étant définie comme l'intérêt minimum devant être réglé par les emprunteurs,
* elle n'a pas davantage appliqué un « autre index », l'intérêt appliqué étant égal à la marge convenue et à rien d'autre,
* c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le taux EURIBOR négatif ne peut avoir d'incidence sur la marge convenue, cette incidence n'étant à aucun moment entrée dans le champ contractuel des parties lors de la signature des contrats de prêt,
* contrairement à ce que soutiennent les appelants, les notions de « logique contractuelle » et « économie du contrat » ne sont en rien en contradiction avec les règles régissant le droit des contrats,
* il était impossible de prévoir au moment de la conclusion des contrats que le taux EURIBOR deviendrait négatif, si bien que cet élément n'a pas pu entrer dans le champ contractuel,
* l'économie des contrats était fondée sur un EURIBOR positif et une marge,
* cet équilibre ne peut être respecté que si, dans la pire des hypothèses, l'EURIBOR reste fixé au minimum à zéro,
* prétendre appliquer une « décote » sur un taux d'intérêts reviendrait effectivement à remettre en cause l'économie du contrat,
* ceci est d'autant plus vrai que lorsqu'elle consent un prêt, la banque se doit de se refinancer au taux du marché monétaire en vigueur au jour du déblocage, c'est-à-dire au taux EURIBOR 3 mois, taux qui s'élevait à 1,236 % au 15 janvier 2010 et à 2,37 % au 25 octobre 2011,
* la banque est donc d'ores et déjà pénalisée en appliquant un taux zéro et ne saurait l'être davantage,
* pour ce qui est de la marge de 1,50 %, elle correspond aux risques que prend la banque, à la gestion du prêt, des provisions à prévoir si bien que l'amputer du taux négatif d'EURIBOR 3 mois reviendrait, de ce fait, à rendre le contrat de prêt totalement déséquilibré, ce qui n'était pas l'intention des parties,
* il apparaît inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en première instance et en cause d'appel par suite de l'action infondée engagée par les époux A., si bien qu'ils devront être condamnés solidairement à lui payer la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel formé par e. et c. A., qui est conforme aux conditions de délai et de forme édictées par le Code de procédure civile, apparaît recevable ;
Attendu que l'article 12 des deux conventions litigieuses désigne la loi monégasque comme leur étant applicable et donne compétence aux Tribunaux monégasques en ce qui concerne leur interprétation et exécution ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2044 du Code civil, « Sauf disposition légale contraire, les actions réelles mobilières et les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de les exercer » ;
Qu'en vertu de l'article 2062 du même code, la demande en justice interrompt le délai de prescription ;
Que le point de départ de la prescription de l'action en répétition de l'indu est fixé au jour du paiement indu, soit en l'espèce, à chaque échéance mensuelle du paiement des intérêts ; que les appelants ne démontrent pas la réalité de faits justifiant de retarder le point de départ de la prescription au jour de la découverte ultérieure du caractère indu du paiement ;
Que la notion de « mauvaise foi » de l'établissement bancaire, professionnel de surcroît, ou de modification unilatérale des conventions est également sans incidence sur le délai de prescription ou son point de départ ;
Qu'ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, les demandes relatives aux intérêts payés antérieurement au 11 février 2016 (assignation du 11 février 2021) apparaissent prescrites, en sorte que la décision de première instance sera confirmée sur ce point ;
Attendu que l'article 989 du Code civil dispose que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi » ;
Que l'article 1011 du même code précise qu'« On doit rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes » ;
Qu'en matière de simple prêt, l'article 1740 dudit code souligne que « L'emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées, en mêmes quantité et qualité, et au terme convenu » ; que les articles 1743 et 1745 du même code ajoutent qu'il est permis de stipuler des intérêts pour un simple prêt d'argent et que l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit ;
Attendu comme en l'espèce, s'agissant de contrats de prêt à intérêts, l'emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité, les intérêts conventionnellement prévus étant versés à titre de rémunération de ces fonds et, dès lors que les parties n'ont pas entendu déroger aux règles du Code civil, le prêteur ne peut être tenu, même temporairement, au paiement d'une quelconque rémunération à l'emprunteur ;
Que les deux conventions litigieuses ne fixent pas de taux d'intérêt plancher et ne distinguent pas selon que le taux EURIBOR serait positif ou négatif ;
Que la formulation « plus une marge de 1,5 % l'an » ne permet pas de considérer que les parties auraient en réalité convenu dès l'origine que la rémunération minimale du prêteur, quelles que soient les variations du taux EURIBOR, a été fixée au montant de cette « marge », laquelle n'a en réalité vocation qu'à majorer le taux EURIBOR, qu'il soit positif ou négatif, mais bien évidemment sous la réserve que le prêteur ne soit pas tenu mensuellement au paiement d'une quelconque rémunération, c'est-à-dire, dans la limite d'un taux d'intérêt négatif de 1,5 % ;
Qu'au regard des calculs opérés par les appelants à travers leur pièce n° 7 qui n'a donné lieu à aucune observation de la part de l'établissement bancaire ainsi que de la prescription partielle susvisée, les époux A. sont fondés à obtenir la répétition des intérêts payés indument entre février 2016 (échéance des 22 et 29 février 2016 comprise) et le 27 juillet 2020, soit la somme totale de 10.781,12 euros (année 2016 sauf janvier) + 13.749,19 (année 2017) +12.624,86 (année 2018) + 15.316,25 (année 2019) + 7.213 (janvier au 27 juillet 2020) = 59.684,42 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020, date de la mise en demeure (faute de démonstration de la mauvaise foi de la banque au sens de l'article 1225 du Code civil) ;
Que la décision de première instance sera ainsi réformée à cet égard y compris en ce qui concerne les dépens qui seront à la charge de la SAM E. (MONACO), tout comme les dépens d'appel, avec une distraction distincte au profit des avocats-défenseurs qui se sont succédé ;
Attendu toutefois, qu'il n'est pas établi que la banque aurait fait preuve d'une quelconque résistance abusive, en l'état de l'interprétation qu'il convenait de donner judiciairement aux contrats, de sorte que la Cour, statuant à nouveau, rejette la demande en paiement de dommages et intérêts formulée par les appelants en première instance ;
Attendu qu'il apparaît par ailleurs équitable que la SAM E. (MONACO) soit condamnée à payer aux époux A. les frais d'appel non compris à concurrence de la somme de 3.000 euros, et ce, sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ; que la demande formée sur le même fondement par la SAM E. (MONACO) doit être rejetée en l'état de sa succombance aux dépens ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
par mise à disposition au greffe,
Déclare l'appel de e. et c. A. recevable,
Infirme le jugement du Tribunal de première instance du 3 février 2022 en ce qu'il a :
* dit que la SAM E. (MONACO) en fixant le taux EURIBOR au minimum à zéro a fait une exacte application des dispositions contractuelles la liant à e. et c. A. au titre des prêts des 15 janvier 2010 et 25 octobre 2011,
* débouté e. et c. A. de leur action,
* condamné e. et c. A. aux dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit,
mais le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la SAM E. à payer à e. et c. A. la somme de 59.684,42 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020,
Déboute e. et c. A. de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Y ajoutant,
Condamne la SAM E. à payer à e. et c. A. la somme de 3.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens,
Déboute la SAM E. de sa demande fondée sur l'article 238-1 du Code de procédure civile,
Condamne la SAM E. (MONACO) aux dépens de première instance, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO et aux dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation chacun pour ce qui le concerne,
Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 28 SEPTEMBRE 2023, par Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Conseiller, Madame Magali GHENASSIA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Morgan RAYMOND, Procureur général adjoint.
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