Abstract
Testament
Testament olographe - Partie dactylographiée - uvre du testateur - Expression de sa volonté - Validité (oui)
Résumé
Est valable, au sens de l'article 836 du Code civil, un testament qui, contenant dans le corps de l'acte une partie dactylographiée, est, d'un bout à l'autre, l'œuvre du testateur et l'expression de sa volonté.
En effet, la liaison des idées et la continuité de leur expression font de l'acte, intellectuellement et matériellement, par l'ensemble, cohérent et logique, de ses dispositions, une unité manifeste excluant toute participation étrangère.
Motifs
LA COUR DE RÉVISION,
Statuant au fond, après cassation, le 8 mai 1974, de l'arrêt infirmatif, rendu par la Cour d'Appel, le 18 juin 1973, sur l'appel régulièrement interjeté par les consorts D., du jugement rendu le 15 juin 1972, ayant déclaré valable le testament rédigé, le 17 octobre 1968, par R.-L. D., instituant dame G., épouse D., légataire universelle de ses biens, et autorisé celle-ci à requérir l'envoi en possession ;
Attendu que les appelants reprochent au jugement entrepris d'avoir admis la validité dudit testament, alors qu'en violation des dispositions de l'article 836 du Code civil, il n'avait pas été rédigé entièrement de la main du testateur, lequel se serait borné, par une mention manuscrite, contenue dans l'acte, datée et signée, à attester qu'il en était l'auteur ; qu'ils assurent que, contrairement aux affirmations du Tribunal, ils n'ont jamais reconnu que le défunt était bien l'auteur du document litigieux ; qu'ils protestent contre l'utilisation d'une lettre, adressée par dame L. à son avocat et dont dame G. a produit une photocopie, qu'elle ne pourrait détenir régulièrement ; qu'ils soutiennent qu'on ne saurait arguer des lettres du de cujus, versées aux débats par l'intimée, pour prétendre justifier son intention d'exhéréder ses frère et sœurs ;
Attendu que dame G.-D. conclut, de son côté, pour les motifs retenus par le Tribunal, à la confirmation du jugement ;
Attendu, d'une part, que si les premiers juges ont pu déduire du silence des conclusions prises devant eux et d'une note, remise, après plaidoiries, au nom des hoirs D., que ceux-ci n'entendaient point contester que le défunt était l'auteur exclusif du document querellé, il n'est plus possible, à ce stade de la procédure, d'admettre le défaut de contestation à ce sujet, les consorts D. ayant, dans leurs conclusions d'appel, précisé leur position en déclarant « qu'ils ne pouvaient ni reconnaître ni contester que la partie dactylographiée du testament était l'œuvre du défunt » ; qu'il demeure, cependant qu'il n'a point été soutenu que l'acte n'ait pas été établi, dans sa partie dactylographiée, à l'aide de la machine à écrire dont se servait habituellement le défunt, et entreposée à son domicile placé sous scellés après le décès ; que l'on doit observer, en outre, qu'aucune fraude n'a été alléguée ;
Attendu, d'autre part, qu'il n'est fait état, dans aucun motif du jugement, de la lettre adressée par dame Veuve L. à son avocat, dont la détention par dame G. est discutée ; qu'en ce qui concerne les lettres du de cujus, il s'agit d'éléments extrinsèques, insusceptibles de fournir la preuve requise, lesquels n'ont été retenus par le Tribunal que pour corroborer les éléments intrinsèques qui revêtent, dès lors, un caractère surabondant ;
Attendu, sur la prétendue violation de l'article 836 du Code civil, que l'arrêt de cassation du 8 mai 1974 a jugé valable, au sens de ce texte, un testament qui, contenant dans le corps de l'acte une partie dactylographiée, est, d'un bout à l'autre, l'œuvre du testateur et l'expression de sa volonté ;
Qu'en effet, en édictant cette prescription, le législateur a eu pour but de garantir la sincérité de l'acte et de prévenir, autant que possible, tout risque de fraude résultant d'une intervention étrangère ; qu'en cette matière, le respect de la volonté du testateur doit prévaloir sur le formalisme et qu'il serait contraire à l'esprit de la loi de ne point respecter cette volonté, lorsqu'elle ressort, avec certitude, d'un acte dont il ne saurait faire de doute qu'il a été, en son entier, rédigé par le défunt ;
Attendu qu'en l'espèce, ainsi que le constate le jugement, le testament commence par cette phrase, de l'écriture non contestée du testateur : les dispositions qui suivent révoquent tous testaments antérieurs « : puis, sans aucun blanc ni intervalle, figurent les dispositions dactylographiées suivantes : » Ceci est mon testament. Je lègue à ma filleule, M. G., épouse D., née... à... et demeurant à... l'universalité de mes biens existant à mon décès (immeubles, meubles, valeurs, argent etc.) Je demande à M., sur les biens qui lui reviendront, de donner à sa sœur S. G., une somme de 5 000 F, en souvenir de son tonton R. « ; puis de nouveau, sans solution de continuité, suivent la mention écrite à la main : » Lu et approuvé et fait par moi, R.-L. D., actuellement Juge au Tribunal de première instance de Monaco et sain de corps et d'esprit, en Principauté de Monaco, le 17 octobre 1968 ", et la signature ;
Attendu que la liaison des idées et la continuité de leur expression font de l'acte, intellectuellement et matériellement, par l'ensemble, cohérent et logique, de ses dispositions, une unité manifeste, excluant toute participation étrangère ;
Que de tels éléments, le Tribunal a déduit, à bon droit, que le document, fait, daté et signé par le de cujus était bien, pour le tout, son œuvre propre et constituait ainsi un testament valable, au sens du texte précité ;
Attendu, cependant, que, selon les appelants, une question de droit international risquerait de se poser, - la succession comprenant des immeubles situés en France - pour l'exécution, dans ce pays, d'une décision qui pourrait y apparaître alors comme contraire à l'ordre public interne ;
Mais attendu que la considération d'une telle éventualité échappe à la connaissance des juridictions monégasques ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
et ceux non contraires des premiers juges, Révisant la cause au fond.
Déclare les consorts D. recevables, mais mal fondés en leur appel ; les en déboute ;
Confirme en son dispositif le jugement entrepris ; dit qu'il sortira son plein effet ;
Composition
MM. Camboulives prem. pr., Constant rapp., Roman pr. gén., MMe Boéri, Boisson av. déf. et Loison (du barreau d'Angers) av.
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