Abstract
Saisie immobilière
Obligations créées en représentation d'un prêt simulé - Saisissant - Mauvaise foi - Nullité de la saisie
Résumé
Après avoir constaté la fictivité du prêt et la mauvaise foi du saisissant, les juges du fond, qui n'étaient pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ont pu déduire, sans se contredire que le défaut de cause du prêt pouvait être valablement opposé aux héritiers du saisissant et ont pu, en conséquence, prononcer la nullité de la procédure de vente sur saisie immobilière.
Motifs
LA COUR DE RÉVISION,
Vu :
1° le pourvoi en révision formé au Greffe Général, le 28 janvier 1974, par Maître Marquilly, avocat-défenseur des hoirs A., contre un arrêt contradictoirement rendu par la Cour d'Appel de Monaco, le 15 janvier 1974,
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Sur les trois premiers moyens réunis :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'A. et G. ont vendu, par acte du 1er décembre 1967, un ensemble immobilier à la Société Civile Immobilière Monte-Carlo Résidence Palace, pour un prix déclaré de six millions de francs, avec une dissimulation de trois millions de francs, suivant contre-lettre du 17 février précédent ; que le 2 décembre suivant, la Société constituait sur ses immeubles une inscription hypothécaire de 2 500 000 francs, au profit du prêteur O., lequel était déclaré porteur de 250 grosses de 10 000 francs chacune ;
Qu'A., se prétendant porteur desdites grosses, ayant engagé une procédure de saisie immobilière contre la S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace, G., autre créancier de la Société, a assigné aux fins de nullité de la saisie, motif pris de la nullité du prêt pour défaut de cause, et en conséquence de l'inscription hypothécaire, les grosses concrétisant une dissimulation de prix qui leur était inopposable ; qu'il a été fait droit à la demande de G. ;
Attendu qu'il est fait grief à la décision d'avoir, en violation des articles 1138 et 1139 du Code Civil, déclaré que le défaut de cause de l'acte du 2 décembre 1967 pouvait être opposé aux hoirs A. et en conséquence d'avoir prononcé la nullité de la procédure de saisie immobilière, alors, d'une part, que la créance d'A. n'a jamais été contestée par la S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace, qu'elle est opposable à G. dans la mesure où elle a été exécutée deux ans avant la naissance des droits de ce dernier et que celui-ci en avait eu connaissance ; d'autre part, que, même si la créance n'avait qu'un caractère chirographaire, la procédure de saisie immobilière ne pouvait être déclarée nulle sans violer l'article 542 du Code de Commerce, les poursuites tendant à la saisie ayant été commencées avant que la Société fut déclarée en faillite ;
Attendu qu'il est encore reproché à la Cour d'Appel d'avoir, en violant l'article 1988 du Code Civil, omis de répondre à un moyen et de s'être contredite, en ce que, d'une part, cet article ne fait aucune obligation d'indiquer dans l'inscription hypothécaire, la cause de l'obligation garantie, en ce que, d'autre part, la Cour d'Appel a admis le défaut de cause, sans rechercher quelle était l'intention des parties, si l'acte litigieux ne trouvait pas sa contrepartie dans la valeur des biens cédés et si les grosses litigieuses n'avaient pas été émises en exécution d'une obligation licite de la Société, antérieure à l'acte ;
Attendu, enfin, qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir admis la mauvaise foi d'A., alors que la Société débitrice n'a jamais contesté la créance ; que, d'autre part, la mauvaise foi ne peut s'apprécier qu'en fonction des éléments particuliers de l'espèce ;
Mais attendu que la Cour d'Appel relève, d'une part, qu'il résulte des écritures concordantes des parties que l'acte de vente du 1er décembre 1967 portait dissimulation d'une partie du prix, l'acte du 17 février 1967 constituant une contre-lettre, et que le prêt O. était fictif ; que, d'autre part, elle constate souverainement par les motifs qu'elle énonce la mauvaise foi d'A. ;
Attendu qu'ainsi, répondant aux conclusions, la Cour d'Appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a justement déduit, sans se contredire ni violer l'article 1988 du Code Civil, inopérant en l'espèce, que le défaut de cause du prêt pouvait être valablement opposé aux hoirs A. par G., et, en conséquence, a prononcé la nullité de la procédure de vente sur saisie immobilière ; que, d'autre part, la violation invoquée des articles 1138 et 1139 du Code Civil, qui visent la compensation des dettes, est étrangère aux moyens explicités ; qu'enfin le moyen pris de la violation de l'article 542 du Code de commerce est nouveau, mélangé de fait et droit, et comme tel irrecevable ;
Que les moyens ne sauraient donc être accueillis ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu, selon le pourvoi, que l'arrêt aurait, à tort, fait application à la contre-lettre du 17 février 1967 de l'article 38 de l'Ordonnance du 29 avril 1828 sur l'Enregistrement, alors que ce texte fiscal créant une nullité est d'interprétation stricte et que sa rédaction même démontre qu'une augmentation de prix n'est contestable qu'à la condition qu'elle s'oppose à un prix antérieurement fixé, d'un montant inférieur ; qu'en l'espèce, la promesse de vente antérieure de 10 mois à l'acte de vente authentique n'a pu augmenter le prix porté dans ce dernier acte ;
Mais attendu que la Cour d'Appel, relevant que le caractère de contre-lettre de l'acte du 17 février 1967 n'est pas contesté, a décidé, à bon droit, que ledit article s'appliquait aux contre-lettres antérieures à l'acte public, les termes « précédemment enregistrés » ne visant que les actes sous signature privée ;
Qu'ainsi ce moyen n'est pas fondé ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Rejette la requête,
Composition
MM. Constant v. pr., Roman proc. gén., MMe Marquilly, Boisson, Clérissi, Marquet av. déf., Champsaur (du barreau de Nice) av.
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