Abstract
Contrats et obligations
Commune intention des parties - Appréciation souveraine des juges du fond
Résumé
Les juges du fond apprécient souverainement la commune intention des parties.
Motifs
La Cour de Révision,
Vu :
1° L'arrêt contradictoirement rendu par la Cour d'appel de Monaco, le 18 décembre 1979, enregistré ;
2° Le pourvoi en révision formé le 7 novembre 1980, par Maître Boisson, avocat-défenseur, au nom du sieur A. P., à l'encontre de l'arrêt susvisé ;
Sur les quatre premiers moyens réunis :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que, par actes sous seings privés en date du 13 juin 1972, les époux P. ont promis de céder à R. et à dame V. les actions dont ils étaient propriétaires de la S.A.M. Parfumerie Gilbert ; qu'il était stipulé que chacune des deux parties déposerait entre les mains de C., conseil juridique, désigné comme séquestre, une somme de 600 000 francs, représentant l'indemnité que la partie défaillante serait tenue de payer à l'autre, au cas où l'opération ne serait pas réalisée par sa faute ; que la cession d'actions a été réalisée et constatée par un acte du 8 janvier 1973, qui déclare que le prix convenu (1.664.992 frs 80) a été payé aux époux P., qui en donnent quittance, à l'exception toutefois de la somme de 550 000 francs correspondant à celle déjà versée par les cessionnaires entre les mains du séquestre ; que sollicité par les époux P. de régler cette somme, C. a remis en paiement deux chèques sans provision ;
Que par exploit du 30 juillet 1973, les époux P. ont alors assigné, en paiement de la somme en litige et en dommages-intérêts, R. et dame V. d'une part, C. d'autre part, et ont appelé la Société de caution mutuelle des conseils juridiques (CO.JU.RA.) en garantie des condamnations éventuellement prononcées contre C. ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté les époux P. de leur demande en paiement de 531 000 francs, formée, à titre principal, contre R. et dame V., et d'avoir condamné les demandeurs a des dommages-intérêts alors, selon le pourvoi, que les fonds remis à C. ne constituaient pas un acompte sur le prix de vente des actions, mais un dédit pour le cas où la cession ne serait pas réalisée par le fait du cocontractant ; que C. n'étant point le mandataire des époux P., mais séquestre des fonds déposés par R. et dame V., ceux-ci ne pouvaient, sans l'autorisation des époux P., se libérer valablement d'une partie du prix entre les mains de C. ; qu'ainsi les cessionnaires seraient demeurés propriétaires du dédit remis par eux au séquestre et devraient supporter les conséquences de l'insolvabilité de ce dernier ;
Mais attendu qu'après avoir observé que le débat était circonscrit au dédit, versé, sous forme de valeurs négociables équivalentes à des espèces, par R. et dame V. entre les mains de C., l'arrêt énonce qu'à défaut de manifestation expresse de volonté des parties à ce sujet dans la convention, il y avait lieu de rechercher si elles avaient convenu que le dédit serait ou non, compris dans le prix de cession ; que dans l'affirmative, les fonds demeureraient la propriété des époux P., et dans la négative, celle de R. et de dame V. ;
Attendu qu'ayant relevé que le reçu délivré par C. à R. et dame V., portait sous la rubrique « qualification », la mention : « dédit - arrhes » l'arrêt en déduit que cette circonstance était révélatrice de l'intention des parties de faire une cession avec dépôt d'arrhes comme moyen de dédit ; que dans ces conditions il fallait admettre qu'une fois la cession réalisée et le dédit devenu sans objet, la somme remise à ce titre par les acquéreurs constituait des arrhes venant nécessairement en déduction du prix ;
Attendu que l'arrêt ajoute que les circonstances de la cause et l'attitude des parties confirmaient cette analyse, puisque R. et dame V. n'avaient point réclamé le remboursement du dédit après régularisation de la cession et que les époux P. avaient considéré le montant du dédit comme devenu sa propriété, puisqu'ils en avaient réclamé directement le paiement à C. et en avaient accepté le règlement par les deux chèques qu'ils croyaient approvisionnés ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, les juges du fond ont pu, hors de toute dénaturation et sans violer aucun des textes visés au pourvoi, décider, par une appréciation souveraine tant des faits de la cause, que de la commune intention des parties à la convention, que celles-ci avaient bien entendu voir inclure dans le prix de cession, la somme consignée par R. et dame V. entre les mains du séquestre ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir débouté les époux P. de la demande en garantie formée par eux contre CO.JU.RA. alors que, selon le pourvoi, en refusant d'ordonner le sursis à statuer demandé par les époux P. pour permettre de rechercher les obligations légales de la société de caution à l'égard de son affilié C., la Cour d'appel aurait méconnu les droits de la défense ;
Mais attendu, qu'en déclarant que rien ne justifie le sursis à statuer sollicité par les époux P. dans un but dilatoire, la Cour d'appel n'a fait qu'user du pouvoir dont elle dispose pour refuser de recourir à une mesure d'instruction qu'elle n'estime pas nécessaire, qu'elle n'a donc pas violé les droits de la défense et que le moyen ne saurait être accueilli ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi,
Composition
MM. Combaldieu, prem. prés. ; Constant, Vice-prés, et rapp. ; MMe Boisson, Lorenzi J.E., Marquilly, Sanita et Bruno Odent, av.
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