Abstract
Chose jugée
Autorité du pénal - Abus de confiance - Vente immobilière - Action en nullité de la vente
Résumé
L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil n'est attachée qu'à ce qui a été certainement et nécessairement décidé par le juge répressif.
Spécialement le non-lieu sur une plainte en abus de confiance contre un prétendu mandataire, intervenu au motif que les immeubles ne figurent pas au nombre des biens dont le détournement constitue ce délit, ne rend pas irrecevable l'acte en nullité de la vente d'un immeuble consentie par ce mandataire.
Motifs
La Cour de Révision,
Vu :
1° L'arrêt contradictoirement rendu par la Cour d'appel de Monaco, le 1er décembre 1981 ;
2° Le pourvoi en révision formé le 12 mars 1982 par Maître Boeri, avocat-défenseur, au nom des sieur et dame C. et de la Société Laury ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que A. B., épouse C. et la Société Laury ont été assignés par la S.C.I. Sardanapale en annulation des ventes d'immeubles consenties le 10 mai 1974 par C. à son épouse et à la Société Laury, le mandat de vente qui lui avait été confié étant alors révoqué ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir, en violation des articles 3 et 11 du Code de procédure pénale, rejeté le moyen par lequel les défendeurs soulevaient l'irrecevabilité de la demande en invoquant l'autorité de la chose jugée attachée, selon eux, à l'arrêt de la Chambre du Conseil de la Cour d'appel du 16 mai 1977 ayant dit n'y avoir lieu à suivre contre C. du chef d'abus de confiance, sur la plainte avec constitution de partie civile de la Société Sardanapale ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'à l'exclusion de tous autres motifs contenus dans l'ordonnance du juge d'instruction qui a été confirmée, l'arrêt précité de la Chambre du conseil s'est fondé uniquement pour prononcer non lieu sur le motif pris de ce que les immeubles ne figurent pas au nombre des biens limitativement énumérés par l'article 337 du Code pénal dont le détournement est susceptible de constituer le délit d'abus de confiance ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil n'est attachée qu'à ce qui a été certainement et nécessairement décidé par le juge répressif et qu'en conséquence, la circonstance qu'en l'espèce, le délit reproché à C. manquait de son élément légal ne pouvait interdire au juge civil d'apprécier les conditions dans lesquelles, au regard des pouvoirs du mandataire, les immeubles litigieux avaient été vendus, la Cour d'appel, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait, au contraire, l'exacte application ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le moyen pris de la prescription prétendue de l'action en nullité en application des dispositions de l'article 1152 du Code civil, prescription qui n'est pas d'ordre public, n'a pas été soulevé devant les juges du fond et que, mélangé de fait et de droit, il ne saurait être proposé pour la première fois devant la Cour de Révision ;
Déclare le moyen irrecevable ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir, en violation des articles 1185 et 1837 du Code civil, décidé que les ventes consenties le 10 mai 1974 par C. à son épouse et à la société Laury n'avaient pas été ratifiées par la société Sardanapale alors que, selon le moyen, cette ratification découlait, au moins tacitement, des termes de l'acte notarié du 17 mai suivant, lequel, révoquant le mandat confié à C. le 1er mars 1974, précisait que seuls seraient « considérés comme nuls et de nul effet les actes qu'il ferait à l'avenir » ;
Mais attendu qu'en confirmant sur ce point les motifs du jugement, lequel avait énoncé que par ses télégrammes des 5 et 9 avril 1974, G., alors gérant de la S.C.I. Sardanapale, avait fait connaître à C. la volonté manifeste de ladite société de ne plus donner suite à la procuration qui lui avait été consentie et que l'acte de révocation du mandat intervenu le 17 mai 1974 n'avait fait que confirmer cette volonté sans que l'on puisse déduire que la ratification de certaines des ventes passées antérieurement avec des acquéreurs considérés par la société comme ayant été de bonne foi, impliquait nécessairement celle des deux ventes litigieuses, les juges du fond qui, hors de toute dénaturation, ont répondu aux conclusions des défendeurs, n'ont qu'user de leur pouvoir souverain d'apprécier les faits et circonstances de la cause ;
Que dès lors le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir admis, en violation des dispositions de l'article 989 alinéa 2 du Code civil, que le mandat conféré à C. avait été valablement révoqué par la seule volonté de la S.C.I. Sardanapale alors que s'agissant d'un mandat d'intérêt commun présentant pour le mandataire comme pour le mandant l'intérêt de l'essor de l'entreprise, ce mandat ne pouvait être résilié que par la commune volonté des parties ;
Mais attendu qu'en énonçant que même à admettre par hypothèse que C. ait, comme il le soutient, été investi depuis 1972 d'un mandat d'intérêt commun, il n'en demeure pas moins qu'un tel mandat ne lui donnait pas pouvoir de vendre les logements et locaux annexes de l'immeuble Sardanapale, puisqu'à la date du 1er mars 1974, une procuration notariée a dû être établie à cet effet et, qu'en conséquence, ce mandat qui ne comportait aucune clause d'irrévocabilité avait pu être résilié comme il l'a été, la Cour d'appel n'a fait qu'exercer son pouvoir souverain d'apprécier les limites des pouvoirs conférés au mandataire ;
Qu'il suit de là que le moyen doit être rejeté ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné les époux C. et la société Laury in solidum à réparer le préjudice subi par la S.C.I. Sardanapale, sans avoir, en violation de l'article 1229 du Code civil, précisé les fautes commises par les susnommés ni le préjudice subi ;
Mais attendu que le jugement, dont les motifs ont été expressément adoptés par l'arrêt, énonce que C., en usant d'un mandat qu'il savait révoqué pour passer, au profit de son épouse et de la société Laury dont celle-ci était la gérante, deux ventes à des prix des plus avantageux au regard des éléments de la cause afférente au marché immobilier, avait commis une faute intentionnelle ; que dame B.-C., tant à titre personnel qu'es-qualités, avait concouru à la commission de cette faute par son intervention intéressée dans ces opérations ; que la société Sardanapale a été, depuis le 10 mai 1974, privée de l'usage des biens immobiliers ayant fait l'objet des ventes litigieuses et qu'elle est fondée à réclamer une indemnité correspondant à l'occupation des locaux depuis six ans ; qu'enfin, il y a lieu de prendre en considération les frais de procédure irrépétibles qu'elle a dû engager pour aboutir à la réparation de son préjudice ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, le moyen, qui manque par le fait sur lequel il prétend se fonder, doit être écarté ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi,
Composition
MM. Combaldieu, prem. prés. ; J. Pucheus, rapp. ; J.P. Gilbert, proc. gén. ; MMe Boeri, Champsaur, Lorenzi et Bore, av.
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