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24/03/2017 | MONACO | N°16067

Monaco | Cour de révision, 24 mars 2017, La Société HSBC PRIVATE BANK (MONACO) SA c/ Mademoiselle a. HE. et Monsieur s. HE.


Motifs

Pourvoi N° 2016-17 en session

Après cassation

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 24 MARS 2017

En la cause de :

- La Société HSBC PRIVATE BANK (MONACO) SA, Société Anonyme Monégasque au capital de 151.001.000 euros, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 97 S 03269, dont le siège social est 17 avenue d'Ostende à Monaco, agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué en exercice, demeurant et domiciliée en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQU

ET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'un...

Motifs

Pourvoi N° 2016-17 en session

Après cassation

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 24 MARS 2017

En la cause de :

- La Société HSBC PRIVATE BANK (MONACO) SA, Société Anonyme Monégasque au capital de 151.001.000 euros, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 97 S 03269, dont le siège social est 17 avenue d'Ostende à Monaco, agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué en exercice, demeurant et domiciliée en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

Contre :

- Mademoiselle a. HE., née le 17 juin 1982, demeurant et domiciliée X1 à Vandœuvres (1253 Suisse) ;

- Monsieur s. HE., né le 21 août 1985, demeurant et domicilié X1 à Vandœuvres (1253 Suisse) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉS,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 20 octobre 2016 par la Cour de révision, ayant cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel du 29 septembre 2015 et renvoyant l'affaire à la prochaine session de la Cour de révision autrement composée ;

- les conclusions additionnelles déposées le 25 novembre 2016 au greffe général, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société HSBC PRIVATE BANK MONACO, signifiées le même jour ;

- les conclusions additionnelles déposées le 19 décembre 2016 au greffe général, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de Melle a. HE. et de M. s. HE., signifiées le même jour ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 20 mars 2017, sur le rapport de M. François-Xavier LUCAS, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère Public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu qu'à la suite du décès, le 3 mars 2013, de p. HE., a. et s. HE., ses deux enfants et seuls héritiers (les consorts HE.), ont obtenu, le 2 mai 2014, une ordonnance du président du Tribunal de première instance les autorisant à se faire délivrer par la société HSBC Private Bank Monaco (la banque) les relevés des opérations intervenues du 3 mars 2003 jusqu'au 3 mars 2013 sur les comptes dont sont titulaires dans ses livres les entités juridiques Orbican Capital SA (et notamment ceux ouverts sous les numéros précisés M58113488000010612510011650, MC581348800001006125103202), Zebulon United Ldt, Zébulon Yacht

Management, Zebulon Ldt, Zebras 13, sous la réserve toutefois que p. HE. en ait été, au jour de son décès, l'unique bénéficiaire économique, et à se faire communiquer également différents documents afférents à l'ouverture des comptes susvisés ainsi que, le cas échéant, les pièces justificatives de la clôture de ces comptes et éventuellement du transfert, en direction d'autres comptes, des fonds qui s'y trouvaient déposés ; que la banque ayant, par voie d'assignation, saisi le président du Tribunal de première instance statuant en référé pour demander la rétractation de l'ordonnance autorisant la délivrance des documents litigieux, une seconde ordonnance du 4 février 2015 a refusé de faire droit à cette demande de rétractation ; que la Cour d'appel ayant le 29 septembre 2015 confirmé cette décision, son arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de révision en date du 20 octobre 2016, la cause et les parties étant renvoyées devant la Cour de révision autrement composée ;

Attendu que par conclusions additionnelles du 25 novembre 2016, la banque reprend son argumentation selon laquelle le secret professionnel auquel sont soumis les établissements de crédit de la Principauté de Monaco leur interdit de délivrer des informations relatives aux comptes d'une société sauf à ce que ces informations soient demandées par ses représentants légaux ; que, concernant les sociétés, la banque fait valoir que c'est uniquement le représentant légal de la société qui peut obtenir la communication des documents bancaires et que le bénéficiaire économique ne peut pas les obtenir sauf le cas où il a une procuration sur les comptes, donnée en bonne et due forme par le représentant légal de la société ;

Attendu que la banque fait valoir qu'elle est l'objet d'un empêchement légitime de nature à justifier la rétractation de l'ordonnance de compulsoire, dès lors qu'une société est une entité juridique distincte de ses actionnaires/associés ou bien encore de son « bénéficiaire économique ultime », que seuls les représentants légaux des sociétés peuvent valablement obtenir la communication des documents bancaires desdites sociétés, que le bénéficiaire économique ne peut accéder aux comptes des sociétés qu'en vertu des pouvoirs donnés par les représentants légaux des sociétés, que les héritiers ne succèdent en rien aux éventuelles fonctions de gestion ou de liquidation du de cujus, qu'aucun des quatre cas permettant la levée du secret bancaire n'est ici constitué, que l'ordonnance sollicitant la communication par la banque d'informations bancaires des sociétés - entités juridiques distinctes du de cujus - couvertes par le secret professionnel, risque d'imposer à la banque de violer le secret bancaire et d'exposer son personnel à des poursuites et sanctions pénales ; qu'en conséquence, elle demande à la Cour de révision d'infirmer l'ordonnance du 4 février 2015, de rétracter l'ordonnance du 2 mai 2014, de débouter les consorts HE. de toutes demandes, fins et conclusions à cet égard et de les condamner aux entiers dépens ;

Attendu que, par conclusions additionnelles du 19 décembre 2016, les consorts HE. font valoir que, afin de déterminer les actifs détenus par leur père, p. HE., à travers des sociétés offshores dont il était de son vivant le seul ayant droit économique, ils n'ont pas d'autre alternative que de solliciter de la cour la confirmation de l'ordonnance du président du Tribunal de première instance du 2 mai 2014, devant être acté que leur demande n'a pour but pour eux que d'obtenir de la banque la confirmation que leur père était bien l'ayant droit économique desdites sociétés et, dans l'affirmative, d'obtenir de sa part les relevés de comptes mais qu'en aucun cas il ne pouvait s'agir pour eux d'exercer une quelconque activité de gestion ou de liquidation ; qu'en conséquence, ils demandent à la Cour de révision statuant comme juridiction de renvoi de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du président du Tribunal de première instance du 2 mai 2014, de débouter la HSBC Private Bank Monaco de toutes ses demandes, fins et conclusions, de la condamner à la bonne exécution de l'ordonnance du 2 mai 2014 dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte définitive non comminatoire d'un montant de 10.000 euros par jour de retard, de la condamner au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'aux dépens ;

SUR CE :

Attendu que le secret professionnel prévu par l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier français, rendu applicable aux banques monégasques par la convention franco-monégasque sur le contrôle des changes du 14 avril 1945 et par les accords subséquents sous forme d'échange de lettres, fait défense à une banque de délivrer à toute personne des informations relatives au compte d'un de ses clients sauf accord exprès de celui-ci ou sauf à se trouver dans l'un des cas de dérogation limitativement énumérés par ce texte ; que lorsque le client est une personne morale, seuls ses représentants légaux en exercice peuvent avoir accès aux informations bancaires couvertes par le secret intéressant ce client ;

Attendu que, pour faire droit à la demande des consorts HE. de communication des documents bancaires relatifs aux entités Orbican Capital SA, Zebulon United Ldt, Zébulon Yacht Management, Zebulon Ldt, Zebras 13 et ordonner les communications litigieuses, l'ordonnance du président du Tribunal de première instance du 2 mai 2014 retient que, aux termes de l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier, le secret bancaire n'est pas absolu, qu'il admet certaines dérogations au nom de la préservation de l'intérêt public mais également de certains intérêts privés et que les héritiers réservataires bénéficient de la levée du secret bancaire afin de prendre connaissance de leur « héritage » et ainsi s'assurer qu'aucune atteinte n'y a été portée ;

Attendu toutefois que l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier ne prévoit que quatre exceptions au secret professionnel auquel se trouve assujetti le banquier, l'une bénéficiant au client, qui doit pouvoir accéder aux informations relatives à ses comptes bancaires, les autres étant prévues au bénéfice du juge pénal, de la Banque de France et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; que contrairement à ce qu'a retenu l'ordonnance critiquée, aucune exception au secret bancaire n'a été prévue par la loi au bénéfice des héritiers de l'ayant droit économique d'une société pour leur permettre d'accéder aux comptes bancaires de la société et ainsi « de prendre connaissance de leur héritage » ; que c'est à tort que le président du Tribunal de première instance a jugé que la préservation de l'intérêt public et des intérêts privés des consorts HE. justifiait qu'il soit dérogé au secret bancaire dû aux sociétés dont leur père aurait été l'ayant droit économique et que ces derniers, en leur qualité d'héritiers réservataires, pouvaient bénéficier de la levée de ce secret ;

Attendu que les consorts HE. ne contestent pas que les entités dont ils entendent se faire communiquer les extraits de comptes et différents documents couvert par le secret bancaire sont des sociétés ; qu'ils les qualifient comme telles à plusieurs reprises dans leurs écritures et précisément de sociétés offshore dont leur père aurait été l'ayant droit économique ; que loin de prétendre avoir la qualité de représentant légal de ces sociétés, les consorts HE. demandent qu'il soit « acté » qu'il « ne pouvait s'agir pour eux d'exercer une quelconque activité de gestion ou de liquidation » des sociétés offshores dont leur père aurait été de son vivant le seul ayant droit économique ; qu'ainsi, n'ayant pas qualité à agir au nom de ces sociétés, ils ne peuvent solliciter à ce titre des documents les concernant couverts par le secret bancaire ;

Attendu que leur demande visant à se faire communiquer les documents litigieux couverts par le secret bancaire se heurte à l'empêchement légitime que constitue pour la banque l'invocation de ce secret ; qu'en conséquence il y a lieu d'infirmer l'ordonnance du 4 février 2015 et de rétracter l'ordonnance du 2 mai 2014 ;

Attendu que les consorts HE. qui succombent seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que de toutes leurs autres demandes ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du 4 février 2015,

Rétracte l'ordonnance du 2 mai 2014 ;

Déboute les consorts HE. de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que de toutes leurs autres demandes ;

Les condamne aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Composition

Ainsi jugé et prononcé le vingt-quatre mars deux mille dix-sept, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, présidente, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Messieurs François-Xavier LUCAS, rapporteur et Guy JOLY, conseillers, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Adjoint, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, la Présidente,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16067
Date de la décision : 24/03/2017

Analyses

Le secret professionnel prévu par l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier français, rendu applicable aux banques monégasques par la convention franco-monégasque sur le contrôle des changes du 14 avril 1945 et par les accords subséquents sous forme d'échange de lettres, fait défense à une banque de délivrer à toute personne des informations relatives au compte d'un de ses clients sauf accord exprès de celui-ci ou sauf à se trouver dans l'un des cas de dérogation limitativement énumérés par ce texte. Lorsque le client est une personne morale, seuls ses représentants légaux en exercice peuvent avoir accès aux informations bancaires couvertes par le secret intéressant ce client.Pour faire droit à la demande des consorts HE. de communication des documents bancaires relatifs aux entités Orbican Capital SA, Zebulon United Ldt, Zébulon Yacht Management, Zebulon Ldt, Zebras 13 et ordonner les communications litigieuses, l'ordonnance du président du Tribunal de première instance du 2 mai 2014 retient que, aux termes de l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier, le secret bancaire n'est pas absolu, qu'il admet certaines dérogations au nom de la préservation de l'intérêt public mais également de certains intérêts privés et que les héritiers réservataires bénéficient de la levée du secret bancaire afin de prendre connaissance de leur « héritage » et ainsi s'assurer qu'aucune atteinte n'y a été portée.Toutefois l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier ne prévoit que quatre exceptions au secret professionnel auquel se trouve assujetti le banquier, l'une bénéficiant au client, qui doit pouvoir accéder aux informations relatives à ses comptes bancaires, les autres étant prévues au bénéfice du juge pénal, de la Banque de France et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Contrairement à ce qu'a retenu l'ordonnance critiquée, aucune exception au secret bancaire n'a été prévue par la loi au bénéfice des héritiers de l'ayant droit économique d'une société pour leur permettre d'accéder aux comptes bancaires de la société et ainsi « de prendre connaissance de leur héritage » ; que c'est à tort que le président du Tribunal de première instance a jugé que la préservation de l'intérêt public et des intérêts privés des consorts HE. justifiait qu'il soit dérogé au secret bancaire dû aux sociétés dont leur père aurait été l'ayant droit économique et que ces derniers, en leur qualité d'héritiers réservataires, pouvaient bénéficier de la levée de ce secret.Les consorts HE. ne contestent pas que les entités dont ils entendent se faire communiquer les extraits de comptes et différents documents couvert par le secret bancaire sont des sociétés ; qu'ils les qualifient comme telles à plusieurs reprises dans leurs écritures et précisément de sociétés offshore dont leur père aurait été l'ayant droit économique. Loin de prétendre avoir la qualité de représentant légal de ces sociétés, les consorts HE. demandent qu'il soit « acté » qu'il « ne pouvait s'agir pour eux d'exercer une quelconque activité de gestion ou de liquidation » des sociétés offshores dont leur père aurait été de son vivant le seul ayant droit économique. Ainsi, n'ayant pas qualité à agir au nom de ces sociétés, ils ne peuvent solliciter à ce titre des documents les concernant couverts par le secret bancaire.Leur demande visant à se faire communiquer les documents litigieux couverts par le secret bancaire se heurte à l'empêchement légitime que constitue pour la banque l'invocation de ce secret.

Autres professions réglementées  - Traités bilatéraux avec la France  - Comptes bancaires  - Infractions économiques - fiscales et financières.

Secret bancaire - Ayant droit économique - Héritiers réservataires - Dérogation (non).


Parties
Demandeurs : La Société HSBC PRIVATE BANK (MONACO) SA
Défendeurs : Mademoiselle a. HE. et Monsieur s. HE.

Références :

ordonnance du 4 février 2015
ordonnance du 2 mai 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2017-03-24;16067 ?

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