Motifs
Pourvoi N° 2017-80 en session
Après cassation
COUR DE REVISION
ARRET DU 19 FÉVRIER 2018
En la cause de :
- LLOYD'S DE FRANCE SAS, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 422 066 613, dont le siège social est sis 8/10 rue Lamennais - 75008 PARIS, agissant poursuites et diligences de son Président en exercice b. RE. et des souscripteurs du Lloyd's, T. A. B. H. GLOVER & OTHERS, COF, LIBERTY SYNDICATES, ASPEN, MLM, MIT, BROADGATE, AEGIS, ACE GLOBAL MARKETS, ATRUM, BRIT INSURANCE, AMLIN et CHAUCER MARINE, en tant que régulièrement subrogés dans les droits de M. m. SA., gérant de la GALERIE SAINT GERMAIN selon acte en date du 23 avril 2013 ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Helen McLEAN, avocat au barreau de Marseille ;
APPELANTE,
d'une part,
Contre :
- La société anonyme AXA FRANCE IARD (Sinistres Entreprises), immatriculée au RCS de Nanterre sous le n°722 057 460, dont le siège est 313 Terrasses de l'Arche, 92727 Nanterre cedex, prise en la personne de son Président du Conseil d'administration et Directeur général en exercice, demeurant en cette qualité audit siège (police n°2321113104), représentée en Principauté de Monaco par la SAM ASCOMA JUTHEAU HUSSON, immatriculée au RCI de Monaco sous le n°56S00160, dont le siège social est sis à Monaco, 24 boulevard Princesse Charlotte, elle-même prise en la personne de son Président délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près le même Cour ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR DE REVISION,
VU :
- l'arrêt de la Cour de révision du 16 octobre 2017, cassant l'arrêt de la Cour d'appel, statuant en matière civile, rendu le 28 février 2017 et renvoyant l'affaire à la prochaine session de la Cour de révision, autrement composée ;
- les conclusions additionnelles déposées le 12 décembre 2017 au greffe général, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la LLOYD'S DE FRANCE SAS, signifiées le même jour ;
- les conclusions additionnelles déposées le 12 janvier 2018 au greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SA AXA FRANCE IARD, signifiées le même jour ;
- le certificat de clôture établi le 18 janvier 2018, par le Greffier en Chef, attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
- les conclusions après cassation de Monsieur le Procureur général en date du 19 janvier 2018 ;
Ensemble le dossier de la procédure,
A l'audience du 12 février 2018, sur le rapport de M. François CACHELOT, Conseiller,
Après avoir entendu les conseils des parties ;
Ouï le Ministère Public ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu que par acte du 30 mars 2015, la SAS LLOYD'S DE FRANCE (la société LLOYD'S) a assigné la SA AXA FRANCE IARD (sinistres entreprises) (la société AXA) devant le tribunal de première instance en paiement de la somme principale de 80.000 euros, de celle de 19.732,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2013 ainsi que la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts ; que la société LLOYD'S exposait à l'appui de ses demandes que M. m. SA. exploitait des locaux qu'il avait pris à bail dans la galerie marchande du Métropole à Monte Carlo, sous l'enseigne « GALERIE SAINT GERMAIN » ; qu'elle assurait les marchandises et objets d'art qui s'y trouvaient contenus ; que, dans la nuit du 11 au 12 avril 2012, un dégât des eaux s'est produit à l'intérieur de ces locaux, sinistre à la suite duquel, après plusieurs expertises, elle a versé à M. SA. son assuré la somme de 80.000 euros ; qu'elle a alors présenté un recours auprès de la société ASCOMA JUTHEAU HUSSON (la société ASCOMA), laquelle a confirmé représenter la société AXA, assureur des agencements de la GALERIE SAINT GERMAIN, et de la galerie du Métropole METROPOLE ADMINISTRATION SAM, mais qu'aucune suite n'a été donnée à sa demande ; que, le 13 mars 2014, la société ASCOMA lui a indiqué que la société AXA rejetait tout recours, s'agissant d'un sinistre prévisible et soutenant n'avoir reçu aucune réclamation ; que la société AXA a soulevé l'incompétence du tribunal de première instance au profit du tribunal de grande instance de Paris, a soutenu subsidiairement que la société LLOYD'S était irrecevable en ses demandes et a formé une demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Attendu que la société AXA a notamment fait valoir devant les premiers juges :
Sur la compétence territoriale
* que l'instance engagée par la société LLOYD'S devait être qualifiée d'action directe d'un assureur subrogé dans les droits de son assuré à l'encontre de l'assureur du tiers responsable ;
* qu'elle n'était pas domiciliée dans la Principauté ;
* qu'il n'y avait qu'en matière d'accident du travail que les sociétés d'assurances françaises sont représentées à Monaco par leur courtier ou leur agent d'assurance ;
* que le fondement du recours, non mentionné dans l'assignation, serait l'article L.124-3 du Code des assurances français ;
* qu'au regard des règles de compétence territoriale monégasques, l'action directe de la victime ou de son assureur subrogé dans les droits de celle-ci relève de la compétence du tribunal de grande instance de Paris, lieu de la signature du contrat d'assurance entre la SAM METROPOLE ADMINISTRATION et la société AXA ;
* qu'il ne s'agissait pas d'une action réelle immobilière ni d'une action fondée sur les obligations nées dans la Principauté ;
Sur le fond
* que le bail produit mentionne que le preneur est M. a. SA. alors que la société LLOYD'S indiquait avoir indemnisé M. m. SA. et que ce dernier ne justifiant pas avoir contracté un nouveau bail ou avoir fait un avenant, le contrat s'était poursuivi au nom du défunt ;
* qu'il n'était pas versé de quittance subrogative mais seulement un acte de quittance définitive à hauteur de 80.000 euros ;
* que s'agissant des frais d'expertise, la société LLOYD'S ayant directement missionné un expert qu'elle avait par la suite réglé, elle ne pouvait être subrogée dans les droits de son assuré et que ces frais devaient rester à sa charge ;
* que l'action était également irrecevable en raison d'une clause de renonciation à recours insérée dans le bail et dont l'assureur pouvait se prévaloir ;
* que le recours était effectué dans les conditions et limites du contrat de bail et du contrat d'assurance ;
* que l'action était en outre mal fondée pour absence d'aléa ;
* qu'il résultait d'un rapport « SARETEC » du 7 septembre 2012 que le sinistre était consécutif à des infiltrations d'eaux pluviales au travers d'un joint de dilatation du bâtiment, problème récurrent depuis huit ans ;
* qu'Axa en avait informé son assuré par courrier du 30 novembre 2012 ;
* que la société LLOYD'S n'avait jamais adressé de mise en cause à la Galerie du Métropole ou à la société AXA ; qu'à défaut, cette absence de mise en cause corrobore le fait que la quittance émise par la société LLOYD'S n'est pas subrogative ;
Attendu que la société LLOYD'S a répliqué notamment :
Sur la compétence territoriale
* que l'avenant 4 de la déclaration à la police collective AXA prévoit la compétence des tribunaux monégasques lorsque le risque est domicilié à Monaco et que la localisation du risque ne pouvait être plus précise, sauf à démontrer le contraire ;
* que c'est la société ASCOMA qui a géré le sinistre localement en sa qualité de mandataire et qui a accepté la signification de l'acte d'assignation dirigé à l'encontre d'Axa ;
Sur la recevabilité de ses demandes
* qu'elle justifiait :
* de l'acceptation par l'assuré d'un versement indemnitaire de 80.000 euros,
* de la régularisation d'une quittance subrogative au profit de la société LLOYD'S à hauteur du même montant dont il résulte la manifestation expresse de sa volonté de subroger son assureur dans sa créance à l'encontre d'AXA ;
* du paiement effectif de la somme précitée via THE ROYAL BANK OF SCOTLAND ;
* qu'elle justifiait également du règlement des frais d'expertise de l'expert KESSEL SECURITY à hauteur de 19.732,20 euros ;
* qu'elle n'avait pas à justifier d'une subrogation de la part de son assuré pour les frais d'expertise dès lors qu'elle les avait elle-même réglés ; qu'elle avait un droit propre pour ces frais ;
* que le bail initial avait été signé le 19 février 1988 entre M. n. BO. pour le compte de M. AL AM. et M. a. SA. pour le compte de toute personne physique ou morale ; que M. a. SA. était décédé en 1992 et que l'exploitation de la galerie avait été reprise par M. m. SA. son fils, ce que la société AXA ne pouvait ignorer puisqu'elle était l'assureur de METROPOLE, mais aussi de la GALERIE SAINT GERMAIN pour les agencements ;
* que dans le cadre d'une renonciation à recours dans le bail en faveur des contractants uniquement, il est reconnu à l'assureur de la victime ayant renoncé à toute action contre le bailleur, la faculté d'agir contre l'assureur de ce dernier ;
* que la clause est inopposable à la société LLOYD'S ; qu'elle n'était applicable qu'aux seuls rapports bailleur/locataire ;
Sur le fond
* que le rapport « SARETEC », succinct ne donne aucune indication détaillée sur les investigations et leur résultat de sorte qu'il ne peut permettre de fonder le rejet des demandes présentées ;
Sur la mise en cause du bailleur et de son assureur
* que la société LLOYD'S a présenté un recours auprès de la société ASCOMA représentant la société AXA, qui est demeuré infructueux ;
Attendu que le Procureur général a déposé des conclusions dans lesquelles il s'en est rapporté à l'appréciation du tribunal ;
Attendu que, par jugement contradictoire du 3 mars 2016, le tribunal de première instance :
* a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société AXA ;
* s'est déclaré compétent pour connaître du présent litige en application des dispositions de l'article 3-2 du Code de procédure civile ;
* a débouté la société LLOYD'S de ses demandes ;
* a débouté la société AXA de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
* a condamné la société LLOYD'S aux dépens ;
Attendu que, sur appel principal partiel de la société LLOYD'S et appel incident de la société AXA, la cour d'appel, recevant ces appels, a, par arrêt du 28 février 2017, confirmé le jugement du tribunal de première instance en ce qu'il s'est déclaré compétent et a débouté les parties de leurs demandes respectives de dommages-intérêts, le réformant pour le surplus, et, statuant à nouveau, a déclaré la société LLOYD'S irrecevable en ses demandes et l'a condamnée aux dépens d'appel ;
Attendu que la société LLOYD'S ayant formé un pourvoi en révision, la Cour de révision, par arrêt du 16 octobre 2017 a, sur le moyen unique de cette société, pris en ses cinquième et sixième branches et « sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen », cassé l'arrêt frappé de pourvoi dans les termes suivants :
« Attendu que pour dire l'action subrogatoire de la société LLOYD'S de France irrecevable, la cour d'appel énonce que celle-ci ne justifie pas que son paiement est intervenu en vertu d'une garantie régulièrement souscrite ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société LLOYD'S de France, qui invoquait la subrogation conventionnelle dans les droits de son assuré, fondée sur la quittance subrogative délivrée par celui-ci et sur le paiement de l'indemnité d'assurance, la cour d'appel qui n'a pas recherché si les conditions de la subrogation conventionnelle étaient réunies, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1104 et 1105 du Code civil » ;
Attendu que la cause et les parties ayant été renvoyées à la prochaine session utile de la Cour de révision autrement composée, la société LLOYD'S a, le 12 décembre 2017, conformément aux dispositions de l'article 459-3 du Code de procédure civile, déposé au greffe général des conclusions additionnelles auxquelles la société AXA a répliqué par conclusions additionnelles régulièrement déposées au greffe général le 12 janvier 2018 ;
Attendu que la Société LLOYD'S, réitérant pour l'essentiel, dans ses conclusions additionnelles prises devant la Cour de renvoi les prétentions présentées devant les premiers juges et devant la cour d'appel, demande à la Cour de renvoi de la recevoir en son action et de :
* confirmer le jugement du 3 mars 2016 en ce que les premiers juges se sont déclarés compétents pour statuer sur le litige opposant la société LLOYD'S à la société AXA ;
* l'infirmer en ce qu'il a déclaré l'action de la société LLOYD'S contre la société AXA irrecevable et l'a condamnée aux dépens ;
* dire et juger la société LLOYD'S recevable en vertu tant de la subrogation légale que conventionnelle et bien fondées à agir contre la société AXA ;
En conséquence, statuant à nouveau,
* condamner la société AXA à lui payer la somme principale de 80.000 euros ainsi que celle de 19.732,20 euros au titre des frais d'expertise outre intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2013 avec bénéfice de capitalisation ;
* la condamner à une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance manifestement abusive ;
* la condamner également aux entiers dépens en ce compris tous frais et accessoires tant en première instance - cour d'appel - Cour de révision, dont distraction au profit de maître Didier ESCAUT, avocat défenseur, sous sa due affirmation ;
Attendu que la société AXA reprenant dans ses conclusions additionnelles les prétentions émises devant le tribunal de première instance et devant la cour d'appel, demande à la Cour de renvoi :
À titre principal
* de la recevoir en son appel incident : Par voie de conséquence de :
* réformer le jugement en ce qu'il a rejeté son exception d'incompétence,
* dire que les juridictions monégasques sont incompétentes pour connaître du litige l'opposant à la société LLOYD'S ;
Renvoyer cette société à mieux se pourvoir ;
À titre subsidiaire
* déclarer la société LLOYD'S irrecevable en ses demandes ;
À titre infiniment subsidiaire
* confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société LLOYD'S de ses demandes ;
À titre plus infiniment subsidiaire encore :
* constater l'absence d'aléa,
En conséquence, statuant à nouveau
* condamner la société LLOYD'S à payer à la société AXA la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
* confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société LLOYD'S aux dépens, avec distraction au profit de maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Y ajoutant :
* condamner la société LLOYD'S aux entiers dépens en ce compris tous frais et accessoires tant en première instance - cour d'appel - Cour de révision, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat défenseur, sous sa due affirmation ;
SUR CE
Sur la portée de la cassation
Attendu que la Cour de révision ayant par arrêt du 28 février 2017, cassé la décision de la cour d'appel sans limiter la portée de la cassation, celle-ci est totale et la juridiction de renvoi est investie de l'entier litige, dans tous ses éléments de fait et de droit ;
Sur la compétence territoriale
Attendu que la société LLOYD'S soutenant être subrogée dans les droits et actions de son assuré qu'elle a indemnisé, prétend exercer l'action directe dont dispose celui-ci contre l'assureur du responsable du dommage ;
Attendu que l'action subrogatoire doit être portée par le subrogé devant la juridiction compétente pour statuer sur l'action engagée par le subrogeant ;
Attendu qu'ayant constaté que la société LLOYD'S ne produisait pas le contrat conclu avec son assuré, le tribunal de première instance a exactement retenu sa compétence sur le fondement de l'article 3, 2 du Code de procédure civile, étant précisé que le dommage cause de l'obligation à paiement s'est produit à Monaco, qui est, en outre le lieu du domicile de l'assuré ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur l'existence d'une subrogation légale
Attendu qu' il résulte des dispositions de l'article L.121-12 du Code des assurances français invoqué par les parties, que l'assureur qui prétend être légalement subrogé dans les droits et actions de son assuré indemnisé à l'encontre du tiers responsable ou de l'assureur de celui-ci (en vertu de l'action directe) doit produire la police d'assurance justifiant que son paiement est intervenu en vertu d'une garantie régulièrement souscrite pouvant seule lui conférer la qualité d'indemnité d'assurance visée par ce texte ;
Attendu qu'à l'appui de sa demande en paiement de la somme de 80.000 euros versée par elle à son assurée, la société LLOYD'S déclare, tant dans ses conclusions prises devant la cour d'appel que dans ses conclusions additionnelles, produire aux débats le contrat d'assurance à effet du 31 décembre 2011 jusqu'au 30 décembre 2012, lequel identifie expressément la GALERIE SAINT GERMAIN comme son assurée, définit l'objet de la garantie et la limite de l'indemnisation ; qu'elle soutient que toutes les conditions usuelles d'une police d'assurance sont réunies et que le paiement de l'indemnité a été effectué en exécution de ce contrat ;
Mais attendu, ainsi que le fait justement valoir la société AXA, que la pièce produite par la société LLOYD'S (pièce n29) en annexe à ses conclusions additionnelles n'est pas un contrat d'assurance mais un avenant, du reste non signé par les parties ; que la police d'assurance n'étant pas versée aux débats, la Cour de renvoi ne peut déterminer si le paiement de 80.000 euros a bien été effectué par la société LLOYD'S à son assurée en exécution de ce contrat et dans les limites de sa garantie ; que cette société d'assurance ne justifiant pas être légalement subrogée dans les droits de son assurée, sa demande en ce qu'elle est fondée sur la subrogation légale est irrecevable ;
Sur l'existence d'une subrogation conventionnelle
Attendu que la société LLOYD'S soutient, dans ses conclusions additionnelles, qu'elle a été conventionnellement subrogée dans les droits de son assurée la GALERIE SAINT GERMAIN ; qu'elle produit un formulaire d'acceptation par celle-ci en date du 23 avril 2013 de la somme de 80.000 euros en règlement total et définitif de toutes réclamations résultant du sinistre « dégât des eaux » du 10 avril 2012 ainsi qu'un « acte de quittance définitif » du même montant, signé le même jour par son assurée, acte qu'elle qualifie de quittance subrogative ; qu'elle prétend qu'il résulte incontestablement de cette quittance la manifestation expresse de la volonté de son assurée de la subroger dans sa créance à l'encontre de la société AXA ; que la société LLOYD'S verse encore aux débats un avis de débit de la ROYAL BANK OF SCOTLAND justifiant du paiement effectif de la somme précitée ;
Mais attendu que l'article 1105 du Code civil dispose que la subrogation est conventionnelle :
« 1 Lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur.
Cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement » ;
Attendu que si la société Lloyd's justifie du paiement à son assurée de la somme de 80.000 euros, il ne résulte pas des termes de « l'acte de quittance définitive » précité que le signataire du contrat d'assurance ou son ayant droit, ait expressément et en même temps subrogé la société LLOYD'S dans ses droits et actions à l'encontre de la société AXA, assureur de l'auteur du dommage, ainsi que le relève justement cette société ; que cet acte ne se réfère nullement à une quelconque subrogation qui n'est pas caractérisée en l'espèce ; que dès lors, la demande de la société LLOYD'S est irrecevable en ce qu'elle est fondée sur une subrogation conventionnelle ;
Attendu par suite que la société LLOYD'S ne pouvant se prévaloir dans les droits et actions de son assuré ni d'une subrogation légale, ni d'une subrogation conventionnelle, sa demande de condamnation de la société AXA à lui payer la somme de 80.000 euros sera déclarée irrecevable sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens invoqués à titre subsidiaire par cette société ;
Sur les frais d'expertise
Attendu que la société LLOYD'S demande la condamnation de la société AXA à lui payer la somme de 19.732,20 euros au titre des frais d'expertise consécutifs au dommage ; qu'elle soutient exercer une action personnelle ; que ces frais ont été nécessaires pour parvenir au chiffrage du préjudice à indemniser et à la solution du litige ; que la société AXA devra en conséquence être condamnée en tant que succombante à les lui régler ;
Mais attendu que la société LLOYDS, qui a pris l'initiative de faire procéder à une expertise pour évaluer le préjudice subi par son assurée, ayant été déclarée irrecevable en sa demande en paiement de la somme de
80.000 euros, ne peut demander la condamnation de la société AXA, dont la demande a été accueillie, à payer les frais d'expertise ;
Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive
Attendu que la société LLOYD'S qui succombe sera déboutée de cette demande ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu, compte tenu des circonstances de la cause et notamment de la cassation intervenue sur le pourvoi formé la société LLOYD'S d'accueillir la demande de la société AXA ;
Sur les dépens
Attendu que la société LLOYD'S qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance, d'appel ainsi qu'à ceux exposés devant la Cour de révision ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement du tribunal de première instance du 3 mars 2016 en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SA AXA FRANCE IARD (sinistres entreprises) et s'est déclaré compétent pour connaître du présent litige en application des dispositions de l'article 3,2 du Code de procédure civile, a débouté la SAS LLOYD'S DE FRANCE de sa demande en paiement de la somme de 19.732,20 euros au titre des frais d'expertise et a débouté les parties de leurs demandes de dommages- intérêts ;
L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau :
Déclare la SAS LLOYD'S DE FRANCE irrecevable en sa demande de condamnation de la société AXA FRANCE IARD (sinistres entreprises) à lui payer la somme de 80.000 euros ;
Déboute les parties de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Condamne la SAS LLOYD'S DE FRANCE aux entiers dépens de première instance, d'appel ainsi qu'à ceux exposés devant la Cour de révision, dont distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Composition
Ainsi jugé et prononcé le dix-neuf février deux mille dix-huit, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean-Pierre GRIDEL, faisant fonction de président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, François CACHELOT, rapporteur et Jacques RAYBAUD, Conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef adjoint, le Président,
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