Motifs
Pourvoi N° 2019-22
Hors Session TT
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 24 JUIN 2019
En la cause de :
- Monsieur s. N., né le 29 août 1951 à Beyrouth (Liban), de nationalité française et libanaise, demeurant X1 à 98000 Monaco ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant comme avocat plaidant la SCP PIWNICA & MOLINIÉ, avocat aux Conseils ;
DEMANDEUR EN RÉVISION,
d'une part,
Contre :
- La société JULIUS BAER WEALTH MANAGEMENT (MONACO) SAM, société anonyme monégasque, dont le siège est situé 1, avenue des Citronniers à 98000 Monaco, venant aux droits de la société MERRILL LYNCH SAM, prise en la personne de son Président délégué, y domicilié en cette qualité ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco ;
DÉFENDERESSE EN RÉVISION,
d'autre part,
LA COUR DE RÉVISION,
Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions des articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile et l'article 14 de la loi n° 1.375 du 16 décembre 2010 modifiant la loi n° 446 du 16 mai 1946, portant création d'un tribunal du travail ;
VU :
- l'arrêt rendu par la Cour d'appel, statuant sur appel du tribunal du travail, en date du 15 janvier 2019 ;
- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 4 mars 2019, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de s. N.;
- la requête en révision déposée le 23 mars 2018 au greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de M. f P. accompagnée 12 pièces, signifiée le même jour ;
- la contre-requête déposée le 19 avril 2019 au greffe général, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de la société JULIUS BAER WEALTH MANAGEMENT (MONACO) SAM, accompagnée de 59 pièces, signifiée le même jour ;
- les conclusions de Madame le Procureur Général en date du 23 avril 2019 ;
- la réplique déposée le 26 avril 2019 au greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de s. N. signifiée le même jour ;
- la duplique déposée le 2 mai 2019 au greffe général, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de la société JULIUS BAER WEALTH MANAGEMENT (MONACO) SAM, signifiée le même jour ;
- le certificat de clôture établi le 8 mai 2018 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 13 juin 2019, sur le rapport de Monsieur s. PETIT, Conseiller,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. s. N. embauché le 4 février 1991 par la SAM MERRILL LYNCH (devenue la SAM JULIUS BAER WEALTH MANAGEMENT, société anonyme monégasque) en qualité de conseiller financier a été licencié par courrier du 5 novembre 2009 ; que la société MERRYL LYNCH ayant procédé à un signalement auprès de l'autorité américaine de régulation des marchés financiers, la FINRA (FINANCIAL INDUSTRY REGULATORY AUTHORITY), pour manquement aux règles de compliance et de lutte contre le blanchiment, la procédure ouverte à la suite de ce signalement a été classée sans suite ; que le 11 février 2011, M. s. N. a saisi la FINRA afin de soumettre le litige l'opposant à son employeur à son arbitrage ; que par décision du 15 août 2013, celle-ci l'a débouté de toutes ses demandes indemnitaires ; que la Cour Suprême de l'État de New-York a confirmé la sentence arbitrale de la FINRA le 19 mars 2014 ; que le Tribunal du travail de Monaco a jugé irrecevable la demande formée par M. N. aux fins de déclarer abusif son licenciement et aux fins de paiement d'indemnités et de dommages et intérêts, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée ; que par arrêt du 15 janvier 2019, la Cour d'appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions ; que M. s. N. a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt ;
Sur le premier moyen
Attendu que M. N. fait grief à l'arrêt attaqué de statuer ainsi, alors, selon le moyen, « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché par un jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même et que la demande soit fondée sur la même cause ; que pour juger que les demandes devant le tribunal du travail avaient la même cause que celles portées devant la FINRA, la Cour d'appel a retenu qu'elles avaient le même fondement »puisque fondées sur les mêmes faits et la même argumentation juridique« » ; qu'en ne précisant pas « quelle argumentation juridique M. N. avait développée devant la FINRA, organisme de régulation du marché américain, dont la mission est de s'assurer que les courtiers intervenant sur les marchés en respectent les règles, ce en quoi elle était identique à celle développée devant le tribunal du travail, juge des relations entre le salarié et l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1.198 du Code civil » ;
Mais attendu que par motifs propres et adoptés, la Cour d'appel a constaté que les demandes indemnitaires qui ont été rejetées par la sentence arbitrale de la FINRA, sentence confirmée en appel par la cour suprême de l'État de New York, étaient fondées sur la rupture abusive du contrat de travail de M. N. avec la société MERRYL LYNCH et que ces demandes formées devant elle portaient sur les mêmes faits et sur la même argumentation juridique ; que sans encourir les griefs du moyen, elle a fait ressortir qu'étaient ainsi caractérisée l'identité de cause et d'objet des demandes formées devant elle et en a exactement déduit que celles-ci étaient irrecevables comme étant revêtues de l'autorité de la chose jugée ; que par ces seuls motifs la cCour d'appel a légalement justifié sa décision;
Sur le second moyen
Attendu que M. N. fait aussi grief à l'arrêt attaqué de juger ses demandes irrecevables, alors, selon le moyen, « que les jugements rendus par les tribunaux étrangers et passés en force de chose jugée sont reconnus de plein droit dans la Principauté s'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'article 15 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 ; qu'il appartient au juge devant lequel est invoquée une décision étrangère de s'assurer de l'absence de motif de refus ; qu'il lui appartient ainsi de contrôler la régularité internationale de la décision étrangère dès lors qu'une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée est invoquée devant lui ; qu'en retenant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 13 et suivants de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 » ;
Mais attendu que la Cour d'appel, qui a relevé d'une part que M. N. était à l'origine de la saisine de la FINRA, que d'autre part dans le cadre des débats devant les arbitres, son attention n'avait pas manqué d'être attirée sur la règle de compétence d'attribution et que nonobstant, il avait marqué sa volonté de poursuivre la procédure arbitrale, renonçant volontairement à la compétence d'attribution du Tribunal du travail monégasque, a fait une exacte application des articles visés au moyen, d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société JULIUS BAERT WEALTH MANAGEMENT
Attendu que la société JULIUS BAER WEALTH MANAGEMENT sollicite la condamnation de M. s. N. au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 459-4 du Code de procédure civile pour pourvoi abusif ;
Mais attendu que compte tenu des circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi ;
Rejette la demande formée par la société JULIUS BAER WEALTH MANAGEMENT sur le fondement de l'article 459-4 du Code de procédure civile ;
Condamne M. s. N. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Sarah FILIPPI, sous sa due affirmation.
Composition
Ainsi jugé et rendu le vingt-quatre juin deux mille dix-neuf, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs François CACHELOT, Conseiller et s. PETIT, Conseiller, rapporteur.
Et Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier-Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, Le Premier Président.
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