Motifs
Pourvoi N° 2019-21
en session civile
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 7 OCTOBRE 2019
En la cause de :
- Monsieur p. f. S., né le 12 novembre 1937 à Monaco, de nationalité française, retraité, demeurant et domicilié X1 à Monaco ;
Ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en celle de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la même Cour et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
DEMANDEUR EN RÉVISION,
d'une part,
Contre :
- La société à responsabilité limitée « MOLIPOR », immatriculée au RCI sous le n° 89 S 02559, ayant son siège social au 8 rue Notre Dame de Lorète à Monaco ;
- Monsieur p. S., né le 12 février 1964 à Monaco, de nationalité française, gérant de société, domicilié X2 à Monaco ;
Ayant tous deux élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
DÉFENDEURS EN RÉVISION,
d'autre part,
LA COUR DE RÉVISION,
VU :
- l'arrêt rendu le 18 décembre 2018 par la Cour d'appel, signifié le 23 janvier 2019 ;
- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 21 février 2019, par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de p. S.;
- la requête déposée le 18 mars 2019 au Greffe général, par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de p. S. accompagnée de 9 pièces, signifiée le même jour ;
- la contre-requête déposée le 12 avril 2019 au Greffe général, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SARL MOLIPOR et de p. S. accompagnée de 2 pièces, signifiée le même jour ;
- les conclusions du Ministère public en date du 25 avril 2019 ;
- le certificat de clôture établi le 30 avril 2019 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 2 octobre 2019 sur le rapport de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président,
Après avoir entendu les conseils des parties ;
Ouï Madame le Procureur général ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 1er février 1989, M. p. S. a constitué la société en commandite simple SCS S. et Cie, dénommée MOLIPOR, avec ses 2 fils, g. et p. M. p. S. et son fils g. étant les associés commanditaires tandis que p. S. était l'associé commandité et le gérant ; que M. p. S. était titulaire de 1 520 parts sociales, ses 2 fils disposant chacun de 40 parts sociales ; que le 3 décembre 1999, M. g. S. a cédé ses 40 parts sociales à son frère p. S. et, suivant acte notarié en date du 30 novembre 2005, p. S. a transmis à p. S. dans le cadre d'une donation irrévocable entre vifs, 498 parts sociales, évaluées forfaitairement à la somme de 75 920,10 euros ; que le 4 novembre 2008 la société en commandite simple a été transformée en société à responsabilité limitée, la SARL MOLIPOR, la répartition des parts sociales entre p. et p. S. n'étant pas modifiée et que le 16 juin 2009, aux termes de trois cessions de parts, M. p. S. est devenu titulaire de la totalité du capital social de la SARL MOLIPOR ; que M. p. S. a déposé le 7 décembre 2010 une plainte avec constitution de partie civile contre X des chefs d'escroqueries et abus de confiance entre les mains du juge d'instruction qui a rendu une ordonnance de non-lieu le 3 février 2014 ; qu'il a alors fait assigner p. S. et la SARL MOLIPOR devant le tribunal de première instance aux fins d'annulation pour dol des trois cessions de parts sociales de la société et, subsidiairement, absence de cause en raison de la vileté du prix et résolution de ces trois cessions pour défaut de paiement du prix par le cessionnaire ; que par jugement en date du 23 mars 2017, le tribunal a, notamment, prononcé la nullité des trois actes de cession estimant que le consentement de M. p. S. avait été surpris par dol ; que sur appel de M. p. S. et de la SARL MOLIPOR, la Cour d'appel, réformant le jugement, a débouté M. p. S. de ses demandes de nullité et de résolution de la vente des trois actes de cession de parts sociales, en date du 16 juin 2009 ;
Sur le premier moyen
Attendu que M. p. S. fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité concernant les cessions de parts alors, selon le moyen, « que les dates de cession auxquelles le transfert de propriété devait se produire ayant été laissées en blanc, les juges du fond devaient rechercher, sachant que le transfert de propriété des parts sociales privaient M. p. S. des dividendes engendrés par les parts sociales en cause, s'il y avait eu accord de M. p. S. pour céder aux dates apposées ultérieurement par le comptable de M. p. S. et si l'application des dates, dans les circonstances qui viennent d'être rappelées, ne révélait pas une manœuvre constitutive d'un dol destiné à surprendre la volonté de M. p. S. à tout le moins quant à la date de la cession ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point comme il le leur était demandé, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 964 et 971 du Code civil » ;
Mais attendu qu'après avoir analysé les trois actes de cession des parts sociales, la Cour d'appel a souverainement retenu qu'il apparaissait de la commune intention des parties que, lors de l'établissement en blanc de ces actes, M. p. S. avait librement consenti à la cession de ses parts sociales puisque le nombre de parts ainsi que leur prix y étaient précisés et, qu'en y ajoutant la mention « bon pour quittance », il avait accepté par avance le principe de la vente de ses droits, seul le moment de la prise d'effet de la cession étant différé ;
Qu'en l'état de ces constatations, la Cour d'appel qui s'est expliquée sur les griefs du moyen, a pu en déduire que M. p. S. n'établissait pas la réalité du dol au moment de la formation du contrat ni du défaut de cause dès lors que les parties étaient d'accord sur la chose objet de la cession et sur son prix et a par ces motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen pris en ses 4 branches
Attendu que M. p. S. fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité de cessions de parts alors, selon le moyen, de première part, « que le point de savoir s'il y a vileté du prix s'apprécie à la date à laquelle l'accord s'est formé ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que les trois cessions ont été signées dans le courant du premier semestre 2009 (p. 8 dernier 5) et fixe la date de cession au 16 juin 2009 (p. 11 5 1) ; qu'en faisant état d'une valeur fixée en 1994 (p. 10 5 2 et p. 10, dernier 5), quand ils devaient se placer à la date retenue pour la cession, soit en 2009, les juges du fond ont violé l'article 986 du Code civil » ; alors, de deuxième part, « qu'en mettant en avant que le prix avait été fixé par le cédant, ou encore que le prix coïncidait avec la valeur nominale des parts, quand ils devaient déterminer si le prix, à la date de la conclusion de l'accord, était en rapport avec la valeur des parts, les juges du fond, qui se sont fondés sur des motifs inopérants, ont violé l'article 986 du Code civil » ; alors, de troisième part, « que la même façon, en énonçant que M. p. S. avait encaissé une somme de 3 000 000 de francs, soit 457 388 €, quand ils devaient déterminer si le prix convenu à la date de l'accord était en rapport avec la cession des parts cédées, les juges du fond qui se sont de nouveau fondés sur un motif inopérant, ont violé l'article 986 du Code civil » ; et, alors enfin « que dans ses conclusions d'appel, M. p. S. montrait, sur la base d'un rapport d'expert, que les parts valaient non pas 80 € comme le soutenait M. p. S. mais entre 1 364 € et 2 134 € ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces éléments pour déterminer si, à la date de la conclusion de l'accord, le prix pouvait être considéré comme dérisoire, les juges du second degré ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 986 du Code civil » ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que, concernant la vileté du prix des parts sociales, M. p. S. avait lui-même fixé le prix unitaire à la somme de 80 € qui correspondait à la valeur nominale des parts sociales alors que le prix qui était inférieur au prix du marché ne constituait pas en soi un prix dérisoire et qu'il ne démontrait pas en quoi ce prix aurait été dérisoire alors que cette cession, qui s'inscrivait dans le cadre de l'accord de 1994, lui aura rapporté au total une somme de 3 millions de francs, la Cour d'appel a, par ces seuls motifs et sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi ;
Condamne M. p. S. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, sous sa due affirmation.
Composition
Ainsi jugé et prononcé le sept octobre deux mille dix-neuf, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Guy JOLY, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Monsieur f. CACHELOT, Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, Le Premier Président,
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