Motifs
Pourvoi N° 2020-07
en session civile
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 15 MAI 2020
En la cause de :
- 1/ Monsieur m. T., né le 15 janvier 1954 à Monaco, de nationalité monégasque, Administrateur de société, demeurant X1 à Monaco ;
2/ Monsieur g. T., né le 3 octobre 1943 à Monaco, de nationalité monégasque, Administrateur de société, demeurant X2 à Monaco ;
Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Cathy LELLOUCHE HANNOUNE, avocat au barreau de Nice ;
DEMANDEURS EN RÉVISION,
d'une part,
Contre :
- 1/ Monsieur a. S., né le 15 janvier 1949 à Montpellier (34), retraité, demeurant « X3 » - X3- Ordino (Principauté d'Andorre) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître g. BAUDOUX, avocat au barreau de Nice ;
2/ Monsieur s. D., né le 24 avril 1961 à Lille (59), de nationalité française, demeurant X4-62840 Fleurbaix (Pas de Calais - France), assisté de Monsieur g. D. ès-qualités de curateur renforcé, nommé à cette fonction suivant jugement de placement sous curatelle renforcée du 22 septembre 2014, rendu par le Tribunal d'instance de Tourcoing ;
3/ La société anonyme monégasque dénommée SYNOPTIC INTERNATIONAL SAM, ayant pour sigle « SYNINTER », dont le siège social était 13, avenue des Papalins, le Donatello, Bloc A1 à Monaco, et actuellement 9, avenue d'Ostende à Monaco, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
DÉFENDEURS EN RÉVISION,
d'autre part,
LA COUR DE RÉVISION,
VU :
- l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la Cour d'appel, signifié le 27 septembre 2019 ;
- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 25 octobre 2019, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur m. T. et de Monsieur g. T.;
- la requête déposée le 25 novembre 2019 au Greffe général, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur m. T. et de Monsieur g. T. accompagnée de 15 pièces, signifiée le même jour ;
- la contre-requête déposée le 19 décembre 2019 au Greffe général, par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de Monsieur s. D. assisté de Monsieur g. D. ès-qualités de curateur renforcé, signifiée le même jour ;
- la contre-requête déposée le 20 décembre 2019 au Greffe général, par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. S. accompagnée de 33 pièces, signifiée le même jour ;
- les conclusions du Ministère public en date du 23 décembre 2019 ;
- le certificat de clôture établi le 7 janvier 2020 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 11 mars 2020 sur le rapport de Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller,
Après avoir entendu les conseils des parties ;
Ouï Madame le Procureur général ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par jugement du 7 octobre 2010, le tribunal de première instance a notamment dit que les actions de la SAM SYNOPTIC INTERNATIONAL ont été acquises par m. et g. T. pour le compte d'a. S. dans le cadre d'une convention de prête-nom, dit que ces porteurs d'actions ont outrepassé leurs pouvoirs en cédant ces actions à s. D. par acte du 2 mai 2001 et jugé que cet acte était inopposable à M. S. ; que, par jugement en date du 19 mai 2016, le tribunal de première instance a constaté qu'a. S. est propriétaire de l'intégralité des actions de la société SYNOPTIC INTERNATIONAL, ordonné aux consorts T. et r. G. de lui transférer l'intégralité de ces actions, dit que l'action en responsabilité engagée par M. S. n'est pas prescrite, dit que les consorts T. ainsi que M. D. ont eu un comportement fautif ayant causé à M. S. un préjudice, constaté que la SAM SYNOPTIC INTERNATIONAL n'a commis aucune faute, a, avant-dire droit sur l'évaluation des préjudices subis par M. S. ordonné la production de différents documents, sursis à statuer et renvoyé l'affaire à l'audience du 5 octobre 2016 ; que les consorts T. ayant interjeté appel de ce jugement, par arrêt du 4 juin 2019, la cour d'appel a notamment constaté que, nonobstant l'absence de mise en cause des héritiers de r. G. décédé le 24 juin 2016, les parties d'un commun accord ont entendu reprendre l'instance, déclaré irrecevables les demandes de M. S. et de M. D. assisté de son curateur g. D. en ce qu'elles sont dirigées contre r. G. dont les héritiers n'ont pas été appelés à la cause et confirmé la décision déférée en toutes ses dispositions ; que les consorts T.se sont pourvus en révision ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense
Attendu que M. S. soutient dans sa contre-requête que l'arrêt attaqué, qui confirme le jugement ordonnant une expertise et prononçant le sursis à statuer, n'a pas mis fin à l'instance et ne pourra faire l'objet d'un pourvoi qu'après le jugement définitif et conjointement avec le recours dirigé contre ce jugement ; qu'il en déduit que le pourvoi est, en l'état, irrecevable ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué ayant tranché au fond la question du transfert des actions litigieuses et celle de la responsabilité contractuelle des consorts T. et de la responsabilité délictuelle de M. D. il peut dès lors faire l'objet d'un pourvoi en révision ; D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
Sur les premier et deuxième moyens réunis
Attendu que les consorts T. font grief à l'arrêt de constater que, nonobstant l'absence de mise en cause des héritiers de r. G. décédé le 24 juin 2016, les parties, d'un commun accord, ont entendu reprendre l'instance et de déclarer irrecevables les demandes de M. S. et de M. D. assisté de son curateur g. D. en ce qu'elles sont dirigées contre r. G. décédé le 24 juin 2016, dont les héritiers n'ont pas été appelés en cause, alors, selon le moyen, d'une part, « que l'instance est interrompue par le décès de l'une des parties et qu'elle ne peut être reprise que par un exploit d'assignation si elle ne l'est pas par les parties d'un commun accord ; qu'au cas d'espèce, alors que le décès de Monsieur r. G. avait été notifié par la notification de l'acte de décès le 5 février 2019 et que l'ensemble des parties a demandé à ce que soit constatée l'interruption de l'instance sans, à aucun moment, manifester sa volonté de reprendre l'instance ; qu'en constatant que les parties, d'un commun accord, ont entendu reprendre l'instance nonobstant l'absence de mise en cause des héritiers de Monsieur G. la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les règles relatives à l'interruption de l'instance et à sa reprise », et alors, d'autre part, « qu'en décidant, pour dire que les parties ont d'un commun accord entendu reprendre l'instance, que Monsieur a. S. sollicite aux termes de ses dernières écritures la confirmation du jugement déféré, qu'il n'a pas appelé en la cause les héritiers de Monsieur G. et qu'il s'en rapporte à la décision de la cour sur la question de l'interruption de l'instance ; que Monsieur D. assisté de son curateur demande à la Cour à titre subsidiaire de condamner m. T. et r. G. à relever et garantir ainsi que la SAM SYNOPTIC INTERNATIONAL de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre et n'a pas non plus appelé en cause les héritiers de Monsieur G. les juges d'appel ont méconnu et dénaturé les termes du litige et ont violé les dispositions des articles 389 et 392 du Code de procédure civile » ; et alors, enfin, « que la Cour ne pouvait se fonder sur le défaut de capacité juridique de Monsieur r. G. du fait de son décès pour déclarer irrecevables les demandes formées à son encontre sans avoir préalablement constaté l'interruption de l'instance et exigé la mise en cause de ses héritiers ; les juges du fond ont violé les dispositions des articles 389 et 392 du CPC » ;
Mais attendu qu'ayant relevé d'une part que M. S. sollicitait la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a notamment ordonné à m. T. et r. G. de transférer l'intégralité des actions de la société SYNOPTIC INTERNATIONAL en leur possession à a. S. dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et ce sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l'issue de ce délai, d'autre part que s. D. avec son curateur g. D. demande à la cour, à titre subsidiaire, de condamner m. T. et r. G. à le relever et garantir ainsi que la SAM SYNOPTIC INTERNATIONAL de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre et enfin que ni a. S.ni s. D. avec son curateur g. D. n'ont régulièrement mis en cause les héritiers de r. G. l'arrêt en a exactement déduit, sans modifier les termes du litige, que l'instance a été reprise par les parties d'un commun accord mais sans appeler à la cause les héritiers de r. G. de sorte que les demandes dirigées contre ce dernier sont irrecevables dès lors que ce défendeur se trouve dépourvu de capacité juridique du fait de son décès ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
Attendu que les consorts T. font grief à l'arrêt de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions sauf à préciser que seul m. T. est tenu de transférer l'intégralité des actions de la société SYNOPTIC INTERNATIONAL en sa possession à a. S. dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision sous astreinte, alors, selon le moyen, d'une part, « qu'en décidant que la perte de la qualité d'associé de Monsieur S. ne pouvait être déduite de la perte de l'affectio societatis en matière de sociétés de capitaux à actionnaire unique, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 1670 et suivant du Code civil en matière de contrat de société », et alors, d'autre part, « qu'en estimant que les aveux judiciaires exprimés à plusieurs reprises par Monsieur S. devant plusieurs juridictions ne pouvaient valoir renonciation à sa qualité d'associé, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de ces constatations et ont violé les règles des articles 1201 et 1203 du Code civil » ;
Mais attendu que, sous le couvert d'une prétendue violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des faits et des preuves par la cour d'appel, dont elle a déduit qu'il n'était pas démontré que M. S. avait renoncé à sa qualité d'associé de la SAM SYNOPTIC INTERNATIONAL et se trouverait des lors privé de tout droit à restitution sur les actions dont il a été dépossédé ni que les manquements allégués de l'associé réel, qui est leur mandant, aient pu opérer un transfert des actions de ce mandant à leur profit et leur conférer la qualité d'associés et/ou de propriétaires des actions ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen
Attendu que les consorts T. font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à faire juger qu a. S. n'aurait aucun droit de restitution sur les actions nouvelles de la SAM SYNOPTIC INTERNATIONAL liées à l'augmentation de capital intervenue en 1998, alors, selon le moyen, d'une part, « que premièrement le droit de propriété s'acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire et par l'effet des obligations et aussi par accession, par incorporation et par prescription (articles 595 et 596 du Code civil) ; en décidant que Monsieur S. détenait un droit de propriété sur des actions qui ont été créées sans qu'il y souscrive et qui ne lui ont jamais appartenu, les juges du fond ont enfreint les dispositions qui précèdent » et, alors, d'autre part, « qu'en vertu des dispositions de l'article 439 du Code civil »nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité« ; qu'en déboutant Messieurs T.de leur demande tendant à faire juger que a. S. n'aurait aucun droit de restitution sur les actions nouvelles de la SAM SYNOPTIC INTERNATIONAL liées à l'augmentation de capital intervenue en 1998, les juges du fond ont violé ces dispositions relatives au droit de propriété » ;
Mais attendu qu'ayant admis, par motifs propres et adoptés, que la violation de la convention de prête-nom du fait de la souscription par les consorts T. à l'augmentation de capital de la société SYNOPTIC INTERNATIONAL sans l'accord de leur mandant, M. S. est constitutif d'une faute contractuelle ayant causé à ce dernier un préjudice, la cour d'appel, appréciant souverainement les modalités de réparation de ce préjudice, a ordonné le transfert à M. S. des actions créées lors de l'augmentation de capital ; que le moyen n'est pas fondé ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Déclare recevable le pourvoi formé par m. et g. T. Le rejette,
Les condamne aux entiers dépens, en fait masse et dit qu'ils seront partagés par moitié avec distraction au profit de Maître Sophie LAVAGNA et Maître Yann LAJOUX, avocats-défenseurs, chacun en ce qui le concerne.
Composition
Ainsi jugé et prononcé le quinze mai deux mille vingt, après prorogation du délibéré dont les avocats-défenseurs ont été avisés le seize mars deux mille vingt, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs François-Xavier LUCAS, faisant fonction de Président, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, François CACHELOT, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Laurent LE MESLE, Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, Le Président.
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